LA BATAILLE DE LA MARNE VUE PAR CHARLES LE GOFFIC
CHAPITRE VI
LA JOURNEE DU 9 SEPTEMBRE
Le jour se leva dans un ciel où rougeoyaient encore des incendies. Toute la nuit, sous la lune, on avait entendu hurler dans les marais, autour de leurs bivouacs, les " chiens sauvages de Poméranie " (G.K. Chesterton : les crimes de l'Angleterre, traduction Charles Grolleau). Il était tombé la veille quelques ondées assez fortes : la lune avait mangé l'orage et, bien qu'au matin le ciel se fût couvert (" 9 septembre. Couvert, la pluie n'a pas duré., Carnet de campagne du général Moussy), il ne devait pleuvoir à nouveau que vers quatre heures de l'après-midi, un peu avant que sonnât la retraite allemande. Encore n'était-ce point là cette averse diluvienne qui, selon quelques historiens, aurait rempli brusquement les marais desséchés par la canicule.
Les marais de Saint-Gond, sans doute, ne sont plus ce qu'ils ont été; ce n'est plus le grand lac des temps quaternaires, l'immense émeraude enchâssée dans le cercle d'argent des collines champenoises et dont la vie profonde s'atteste encore aux restes de cités lacustres qu'on aperçoit sous ses eaux. Tels quels, et si réduits qu'on les imagine, il n'est pas de canicule capable d'assécher la partie des marais que n'a pas entamée la culture riveraine. Sous leur flore inextricable de roseaux, qui atteint en septembre 2 m. 50 de haut, ils tendent à toute époque de l'année le plus sournois et le plus impitoyable des pièges. En outre, ils bordent étroitement les chaussées sur une grande partie de leur parcours. La poussière, les fumées de la bataille les couvraient d'un voile opaque depuis la veille (" La fumée devient si dense que, par moments, elle cache le paysage, empêche d'apercevoir les mouvements de l'adversaire. " Henri Libermann, op. cit., à la date du 9). Mais ces ténèbres diurnes, mortelles peut-être pour d'autres troupes, servaient au contraire les plans d'un ennemi sur qui pèsent encore les ombres de la forêt Hercynienne et qui semble avoir fait alliance avec toutes les forces obscures de l'atmosphère. Tandis qu'au lever du jour, Blondlat essayait de se mettre en liaison avec le groupement Fellert, toute une brigade allemande, qui avait pris position à notre insu au-dessus d'Oyes (Cf . Asker, op. cit. : " Mais voici quelque chose de très grave : une brigade allemande tout entière débouche de Reuves vers Mondement... " Il faut lire plutôt d'Oyes. V. à l'Appendice : le 77e à Mondement : " Une brigade débouchant d'Oyes, au petit matin du 9, s'empare du château, etc. "), sortait de ses lignes, bousculait les tirailleurs des bataillons Jacquot et Toulet et se jetait " au pas gymnastique " sur Mondement. Impossible de tenir devant de telles forces. La 6e batterie du 49e, qui vient de s'installer sur l'esplanade, n'a que le temps d'atteler dans le mouvement du groupe, le colonel Barthal est tué par un obus ( Le journal de marche du lieutenant Alouis rapporte ainsi cet épisode. " Nos pièces [la 6e batterie] sont à peine installées que les balles sifflent; en même temps quelques rafales de 150 s'écrasent aux environs. C'est l'ennemi qui attaque Mondement : ses colonnes d'assaut, au pas gymnastique, paraissent à 500 mètres de nous. Il surprend nos avant-postes, quelques tirailleurs harassés par ces combats ininterrompus, les bouscule et prend pied dans le château et le village au nord. A la hâte les avant-trains sont amenés. Malgré les pertes en conducteurs et en attelages, provoquées par le tir de l'artillerie ennemie, je puis emmener tout le matériel et je quitte la position, accompagnant le dernier caisson, attelé par un maréchal des logis et un trompette! Nous rejoignons le reste du groupe qui occupe toujours la même position. J'apprends à ce moment (8 heures environ) que le colonel Barthal vient d'être atteint. Je me rends aussitôt prés de lui. Le colonel était sur la route Broyes-Mondement, à cheval, cherchant sans doute de nouvelles positions : un obus de 150 a éclaté sous son cheval et lui a fracassé la cuisse. Il est étendu dans le fossé, noir de poudre. Le commandant Chaigné (faisant fonction de lieutenant-colonel), le capitaine de Bony de Lavergne, le médecin A.-M. Isay, sont auprès de lui. Il a toute sa connaissance et ne semble pas souffrir. Une voiture à blessés est amenée en hâte nous l'y plaçons, tandis qu'un nouvel obus éclate non loin de là, sans atteindre personne. Le colonel est transporté vers Broyes "). Mondement, livré à lui-même, tombe après un simulacre de résistance.
Aussitôt maître du château, qui lui assure enfin la clef des marais, l'ennemi l'organise supérieurement, matelasse toutes les ouvertures, braque des mitrailleuses à tous les étages et jusque dans les greniers. En même temps, par Saint-Gond et Reuves, dégagés, ses batteries légères accourent. Dans les beaux salons du pavillon principal, ornés de délicieux panneaux Louis XV, un état-major s'est installé, dit-on, avec un grand personnage qu'on croit être le prince Eitel.
Mais le prince Eitel a été signalé en bien des endroits au cours de la bataille de la Marne : on a cru le reconnaître à Baye, à Coulommiers, au château de Mareuil-sur-Ay, à Chauffry ( Cependant M. Roland me dit que l'abbé Favret a vu le couvercle d'une petite boîte en carton trouvée au bord des marais et portant l'adresse du prince Eitel. " Je tiens la chose, me dit-il, du capitaine Bérard, qui la tenait de l'abbé Favret ", [V. à l'Appendice la confirmation du fait] Il semble avéré, tout au moins, qu'un état-major s'installa à Mondement (mais ce n'a dû être qu'un état-major de bataillon, puisque, de l'interrogatoire des prisonniers, il résulte qu'un bataillon seulement, avec son état-major, occupait le château) et que, pendant les courtes heures qui séparèrent la chute du château de sa reprise par nos troupes, cet état-major mit à mal un assez joli nombre de bouteilles. Un journaliste qui visitait Mondement quelques semaines après la bataille de la Marne, M. Magne, du Petit Parisien, évaluait à 300 le nombre des bouteilles de champagne vides jonchant la seule cour d'honneur. " 300 ? Dites 800 ", renforçait devant nous le garde Félix qui les compta, preuve que les journalistes savent quelquefois rester en deçà de la vérité. Au témoignage d'un autre habitant de la Marne, dont l'automobile fut réquisitionnée le soir même pour le transport des blessés, M. Quinet, de Sézanne, " il y avait, dans toutes les pièces du château, des matelas couverts de sang, sur les tables des coupes pleines de champagne. On marchait partout sur des débris de bouteilles ". Enfin l'on vend à Fère et dans toute la région champenoise des cartes postales représentant le kiosque du château avec cette légende " Kiosque où se trouvaient le kronprinz (?) et l'état-major allemand buvant le champagne quand arrivèrent les premiers obus de l'artillerie Française. Après la fuite des Allemands, on retrouva les coupes à moitié pleines "). Cette ubiquité du nouvel Attila laisse planer un léger doute sur sa présence à Mondement. Et Humbert, d'ailleurs, a d'autres soucis pour l'instant que ces recherches d'identification. Il veut reprendre le château : il ne peut se résigner à le laisser aux mains de l'ennemi, - qui l'eût peut-être abandonné de lui-même quelques heures plus tard. Mais avec quoi le reprendre? Il a jeté au feu ses dernières réserves. En attendant que Dubois puisse venir à son aide, il demande à la 42e division de lui prêter ses chasseurs à pied et il les lance (Le 16e [commandant Cheneble] direction Mondement ; le 19e [commandant Ducornet] direction Montgivroux) avec ce qui lui reste de troupes sur le château. La contre-attaque échoue. Eh bien, on la recommencera !
Mais c'était le moment où Foch, son aile droite disloquée, obligé de reculer jusqu'à Corroy, Gourgançon, Semoine et de là jusqu à Salon, s'avisait, après accord avec Franchet d'Espérey, de tenter la plus audacieuse des manœuvres. En échec sur Mondement, vacillant à son centre, qui va perdre l'étai du Mont-Août (" On occupe d'abord la ligne Mont-Août-Puits; 2e Mont-Août-Sainte-Sophie, où l'on tient à peine, dix heures et demie à onze heures et demie; 3e 134-Mont-Chalmont-Linthes. Heureusement les Allemands s'arrêtent à Connantre-Nozet " Carnet de campagne du général Moussy ), et n'ayant plus de valide qu'un bout de son aile gauche, il décide de faire pivoter ce moignon ou, pour employer un langage moins figuré, d'enlever la 42e division de sa gauche et de la jeter à sa droite sur le flanc de von Hausen. On a rapproché cette belle manœuvre de celle du prince de Saxe à Saint-Privat et l'on y a vu le mouvement décisif qui avait fixé le sort de la bataille (SAINT-BRICE, Journal du 4 septembre 1915. C'est aussi le sens de la citation à l'ordre du général Foch. Cependant il convient de remarquer que les instructions de Foch [Plancy, 8 septembre, 22 heures] portaient simplement: La 42e division d'infanterie, à mesure qu'elle sera relevée de ses emplacements par le Xe corps d'armée, viendra se former par Broyes-Saint-Loup en réserve d'armée de Linthes à Pleurs ". Et ce pouvait donc n'être là qu'une manière de se couvrir contre l'attaque allemande et non une manœuvre de flanc. Mais Foch ajoutait: " Le Clou de la journée de demain va être de déboucher par Fère-Champenoise. Par conséquent, reporter dans cette direction les forces disponibles et toute l'activité ". Et il précisait, le lendemain même à 10 h. 15 du matin, en modifiant légèrement ses directives: " La 42e division arrivera sur le front Linthes-Pleurs. Quelle que soit la situation plus ou moins reculée du XIe corps d'armée, nous comptons reprendre l'offensive avec cette 42e division d'infanterie sur Connantre et Corroy, offensive à laquelle le IXe corps d'armée aura à prendre part contre la droite Morains- Fère-Champenoise ". Aucun doute ne subsiste après ces deux textes, et la manœuvre de flanc y est nettement indiquée. On peut donc, malgré certaines contestations, la tenir pour avérée, tout en reconnaissant, comme nous le faisions plus haut, que, quand elle se produisit, la retraite allemande était déjà commencée) : peut-être serait-il plus exact de dire qu'elle en précipita le dénouement, qui, dès six heures du soir, ne faisait plus de doute pour personne. Elle dégagea en outre la gauche de la 4e armée, que von Hausen, fortement retranché au sud de Vitry, ne se résignait pas à lâcher (La lutte sur ce point. [ligne Glannes-Flignicourt-Marolles] dura jusqu'au 11 septembre. De Langle n'entra à Vitry que le 12; mais, dès quatre heures du matin, le 11, l'évacuation de la ville avait commencé). Mais, à l'heure où Foch la concevait ( Le 8 septembre, à dix heures du soir), son service d'aviation n'avait pu encore le renseigner, comme on l'a dit, sur " l'existence d'un trou " entre les deux armées allemandes (" Grâce à l'aviation, le haut commandement a connu l'existence d'un trou entre les armées de von Bülow et de von Hausen, ce qui a permis au général Foch de pousser sa pointe en avant. Ce " trou " était le résultat du mouvement de retraite de Bülow ". [Interview du colonel Carlos Fernandez, attaché militaire du Chili, prise par l'agence Fournier et reproduite par M. Fabreguettes.] Foch ne connut en réalité ce trou que dans l'après-midi du 9, et il en profita aussitôt, ayant sous la main la 42e division, que son intuition de grand capitaine et le pressentiment d'une retraite imminente de l'ennemi lui avaient fait appeler dès le matin par un ordre de la nuit. M. Joseph Reinach rappelle justement que Foch avait posé le principe de cette manœuvre dans ses cours de l' Ecole de guerre). Et la manœuvre n'en était que plus audacieuse. Son unique inconvénient est qu'elle nous, dégarnissait pendant quelques heures sur Mondement, où les débris des compagnies marocaines, presque tous leurs officiers hors de combat, erraient à l'aventure dans les bois. Mais la relève de la 42e division avait commencé au petit jour; le château n'était pas encore tombé et l'on croyait le front Montgivroux-Allemant suffisamment organisé pour résister à la pression ennemie jusqu'à l'entrée en scène de la 151e division de réserve du Xe corps. L'événement ayant démenti ces prévisions, Humbert s'était retourné vers Dubois comme vers son protecteur naturel : le 77e accourait. Et, d'autre part, si nous en croyons l'officier d'état-major qui signe Asker, le repli de la 42e division nous valut " la meilleure des aubaines ", car, tandis que l'infanterie de la division exécutait ce mouvement de roquage, son artillerie devint disponible pendant deux heures et put, en passant par Broyes, concentrer son tir sur Mondement.
Formées en demi-cercle au nord du village, six batteries de la division, qu'appuient trois batteries de la division marocaine remises en action, ouvrent sur le parc, les bois, les pentes, un feu infernal et d'une extraordinaire précision. Il est vrai qu'il est dirigé par le colonel Boichut (Aujourd'hui l'un de nos plus brillants généraux. Ce tir était une idée d'Humbert, à la disposition duquel Foch avait mis l'artillerie de la 42e division, pendant le défilé de cette division derrière la division du Maroc. D'accord avec Grossetti, il la disposa entre Broyes et les bois, avec mission de préparer la contre-attaque générale sur le château et le front de Mondement), celui qu'on appelle " le virtuose du 75, le maître du tonnerre ". Au dire des témoins, c'est l'un des tirs les plus impressionnants qu'on ait vus. Non seulement, par le barrage qu'il établit devant Mondement, il empêche l'ennemi de progresser, mais il donne le temps au 77e d'arriver sur ses nouvelles positions et, sans désemparer, sans même faire le café, d'entrer en ligne et de se déployer vers le château (Un autre effet du tir semble avoir été l'évacuation immédiate du château par son état-major. La croyance générale du pays, appuyée sur les différents récits publiés à l'époque et postérieurement, est que deux généraux allemands furent tués au cours du bombardement (le curé de Reuves dit seul : dans un corps à corps) et le prince Eitel blessé, Je n'ai pu savoir sur quoi s'appuyaient ces on-dit. Aucun cadavre de général allemand ne fut trouvé à Mondement après la prise du château. Mais il est vrai que les Allemands, quand ils ne pouvaient pas brûler leurs morts au cours de la bataille, les emportaient, liés par quatre, dans des camions automobiles ou même de simples chariots vers les fours crématoires de la Belgique. Pendant toute la nuit du 9, au témoignage de l'instituteur Roland, " une longue suite de ces chariots descendit au pas vers les marais chercher très probablement les blessés. " Ils repassèrent à la même allure et M. Roland qui est Lorrain reconnaissait, à leur " cliquetis ", les chariots de ses compatriotes. Mais une auto " munie de deux puissants réflecteurs ", qui remontait à toute vitesse la route vers Congy, venant de Mondement, arrêta plus particulièrement son attention. A son avis, elle ne pouvait emporter qu'un grand personnage, peut-être ce prince Eitel qu'on disait blessé et qui aurait été dirigé sur l'arrière jusqu'à la nuit.)
L'ordre de se porter vers Mondement avait surpris le 77e près de Saint-Loup, entre Linthes et Péas, à huit heures du matin. Il ne pleuvait plus; le soleil s'était levé et, avec lui, l'espoir au cœur des hommes. Les capitaines des compagnies avaient pu se procurer des moutons qu'on commençait à détailler; les marmites de café chantaient sur le feu. Sac au dos! On part... Partir avant d'avoir goûté au " jus ", tâté du rata! On mesurera toute la grandeur du sacrifice, quand on saura que, depuis trois jours, presque depuis le commencement de la bataille, nos hommes ne se nourrissaient que de betteraves crues. Mais tel est le moral de cette troupe d'élite que pas une protestation ne s' élève.
- La situation est grave, très grave, lui ont dit ses chefs, mais nullement désespérée: Tenez jusqu'à midi, jusqu'au débarquement de la 42e division à Pleurs, et la bataille est gagnée.
Le colonel (aujourd'hui général) Lestoquoi, commandant le 77e ,avait ordre de diriger, toutes affaires cessantes, un de ses bataillons sur Allemant, où il devait se mettre à la disposition du colonel Eon, commandant la 36e brigade ; lui-même devait gagner Broyes à toutes jambes avec le reste de sa troupe. Les compagnies coupent à travers champs pour aller plus vite. A dix heures, le colonel Lestoquoi, qui a pris les devants, peut rassurer Humbert et lui garantir que ses hommes seront au rendez-vous à dix heures et demie. De fait, ils gravissent déjà l'à-pic de Broyes. Le colonel Eon et le 2e bataillon du 77e arrivent vers la même heure à Allemant. Humbert communique ses instructions aux deux chefs. On parera au plus pressé : le quadrilatère ne pouvant être abordé qu'après qu'on en aura nettoyé les accès, il suffira provisoirement que le colonel Lestoquoi s'établisse fortement avec un de ses bataillons à la lisière nord du bois de Mondement, dans l'axe du chemin qui monte à la cote 213, et qu'il porte un autre de ses bataillons dans la partie ouest du bois, au nord de l'étang de la Petite-Marelle; en même temps le colonel Eon, à la disposition duquel a été mis le bataillon du 77e détaché à Allemant, portera ce bataillon, par la Châtaigneraie, vers la lisière est du bois. L'objectif des deux chefs, pour le moment, est d'agir dans le flanc de l'ennemi qui essaye d'avancer par la clairière de Montgivroux. Ils ne doivent pas lui permettre d'en déboucher.
Dès onze heures cinquante, cet objectif étant atteint le 2e bataillon (commandant de Beaufort) occupait la lisière méridionale du bois d'Allemant; le 3e bataillon (commandant de Courson) bordait l'étang de la Petite-Marelle et y faisait sa jonction avec le 1er bataillon (commandant de Merlis) ; une batterie de la division marocaine (capitaine de Bornu de Laragne), qui n'avait pas lâché la lisière des bois, appuyait le mouvement avec une section de mitrailleuses des zouaves. Au cours de la progression, le colonel Lestoquoi, rencontrant le bataillon Enaux, du 208e, l'adjoignait en soutien au bataillon de Merlis. Tout allait bien. Les préliminaires de l'opération avaient pleinement réussi et Humbert s'en montrait fort satisfait, quand le bruit courut qu'il n'était pas besoin de pousser plus avant, que Mondement était pris et que les tirailleurs de la division marocaine s'y étaient déjà installés.
Le colonel Lestoquoi, que la nouvelle laissait un peu sceptique, voulut en avoir cœur net et partit lui-même en reconnaissance avec le commandant de Courson deux zouaves, qui s'avançaient en éclaireurs, étaient tués par des éclats d'obus; non seulement l'ennemi n'avait pas abandonné le château, mais il en avait complété l'organisation en crénelant les murs du parc et en postant de l'artillerie aux quatre angles. Le village n'était pas moins fortement organisé que le château. Enfin le colonel Lestoquoi put constater de ses yeux que notre tir avait surtout bouleversé les abords de la place, mais que les bâtiments et les murs étaient à peu près intacts : d'où nécessité de recommencer immédiatement la préparation d'artillerie.
Dans l'intervalle, en effet, ordre était arrivé d'attaquer Mondement, de s'en emparer et de pousser ensuite jusqu'à la lisière nord-ouest du bois d'Allemant, où l'on ne savait ce qu'étaient devenus les zouaves. A deux heures trente, le colonel Lestoquoi informait le colonel Eon qu'il était prêt et n'attendait que l'appui de nos 75. Il n'eut pas le temps de recevoir la réponse : le tir s'était allongé et le commandant de Beaufort, avec son bataillon et deux compagnies de zouaves et de tirailleurs ralliées dans les bois, se disposait à charger. Mais auparavant, dit un témoin militaire, " l'ardent catholique qu'est M. de Beaufort sent le besoin de se recueillir en Dieu. Il fait sortir des rangs un prêtre-soldat, le caporal Gallard, et lui demande de donner une suprême absolution aux hommes qui voudraient la recevoir (Voir à l'Appendice le récit complet de l'attaque par ce témoin : le 77e à Mondement) . C'étaient des Vendéens, des gars de Cholet. Tous ployèrent le genou.
Aujourd'hui encore les rares survivants de cette scène émouvante ne peuvent l'évoquer sans un frémissement. Les compagnies sont massées à 500 mètres du château, qu'elles doivent attaquer au sud par le jardin potager, la 5e et la 7e compagnie suivant la route de Broyes, sur laquelle s'ouvre la cour d'honneur, la 6e et la 8e défilées sous bois et les encadrant. L'artillerie ennemie nous cherchait vers les Ventes de Linthes, où elle nous croyait encore; les hommes étaient " calmes, confiants " ; certains même plaisantaient et caressaient la pointe de leurs baïonnettes. Et peu à peu " l'odeur de la poudre, le jeu de la mort les grisent ". Le commandant de Beaufort a mis ses gants blancs. Il regarde une dernière fois son bataillon, puis il lève sa canne :
- En avant! Pour la France! Chargez!
Et il part d'un bond, suivi de ses hommes.
C'est la charge en masses profondes, opaques, dit le témoin précédemment cité. On crie, on chante. Les clairons sonnent et accélèrent la cadence du pas de gymnastique. Les balles sifflent. Des soldats tombent. Plus vite! Encore plus vite La fusillade est infernale. Il y a une brèche qu'ont faite nos 75 dans le mur du jardin potager Le commandant s'y dirige. Un instant il s'arrête au pied d'un arbre pour décider la tactique. Ah! on ne les verra donc pas, ces Boches! murmure-t-il. Une balle en plein front l'étend raide mort. Ses hommes veulent l'emporter. Mais la meilleure façon de le venger, c'est d'avancer. Le lieutenant Génois réunit quelques soldats et les entraîne vers la brèche " Par la brèche, mes enfants, par la brèche! Nous allons faire du bon boulot. " Un simple fantassin, Durand, s'apprête à la franchir, quand l'adjudant Parpaillon lui met la main à l'épaule :
" Arrête. Laisse-moi passer le premier "
" Passez, mon adjudant, répond Durand, je vous suis. "
Admirable émulation des chefs et des soldats. Parpaillon est déjà sur la brèche, le sabre à la main, poussant le cri qui résume tout, qui éclate depuis le matin sur toutes les lèvres des chefs et qui ne s'éteint dans une bouche que pour s'éveiller, plus vibrant, dans une autre: " en avant! ... ". Le cri meurt dans sa gorge : les bâtiments du château sont percés de créneaux à hauteur d'homme d'où l'ennemi nous fusille à bout portant. Le capitaine de Secondat-Montesquieu, qui est parvenu lui aussi jusqu'au mur, " l'épée au clair ", avec son sergent Atlé, s'apprête à sauter dans la cour la même balle couche l'héritier d'un des plus grands noms littéraires de la France et l'obscur gradé qui l'assiste. Le lieutenant d'Yturbide enlève au capitaine, sous le feu, son portefeuille et son chapelet, précieuses reliques qu'il fera parvenir à la famille du héros... Et l'hécatombe continue après Beaufort, Montesquieu, Parpaillon, les lieutenants Floquet, Rochier, atteint à la main et qui refusait de se laisser panser, disant : " Ce n'est rien. En avant! , les sous-lieutenants Noël, Bordin, sont fauchés; le capitaine Henrion, le lieutenant Marchand, des mitrailleurs, grièvement blessés. Plus du tiers de l'effectif est hors de combat. Cependant la charge s'obstine, les clairons sonnent toujours : des soldats qui se sont hissés sur le mur, en se faisant la courte échelle, canardent par-dessus la crête les " uniformes gris ", - et c'est une scène de Neuville; devant la cour d'honneur même, sous les tilleuls du terre-plein, un zouave est parvenu à s'embusquer derrière la grille, et froidement, l'œil sur la mire, visant longuement comme au stand, il fait mouche à chaque coup.
Rien ne sert. A trois heures et demie du soir, le colonel Eon donne l'ordre au capitaine Villers de replier les débris du 2e bataillon pris en flanc par les mitrailleuses allemandes; le colonel Lestoquoi fait transmettre le même ordre aux cinq compagnies du 1er et 3e bataillon qui appuyaient Beaufort. L'attaque a encore échoué. Mais nos hommes n'avaient pas renoncé : un élément du 1er bataillon, sourd au clairon de la retraite, s'accrochait désespérément à la crête du plateau, d'où il continuait à fusiller les défenseurs de la ferme.
Les compagnies à peine reformées, le capitaine de la Taille (de la 36e brigade) leur annonce qu'on va repartir à l'assaut après une nouvelle préparation d'artillerie. Entendu! Vers cinq heures, des volontaires " sont demandés par le colonel Eon pour porter à bras deux pièces de la batterie Naud du 49e " (Le capitaine Naud avait remplacé, on le sait, au 2e groupe du 49e d'artillerie [dont deux groupes seulement opéraient avec Humbert : les deux autres étaient en Lorraine d'où ils n'arrivèrent pour coopérer avec le XIe corps que vers le milieu de la bataille] le chef d'escadron Geiger, blessé le 7 en observant à la jumelle les positions ennemies), qu'ils poussent à la faveur du crépuscule jusqu'à 350 mètres du château dans la direction du parc (" Enfin, à 16 heures, une résolution décisive est prise : deux pièces d'artillerie seront amenées assez près du château pour le voir; après un bombardement court et violent, l'infanterie donnera un nouvel assaut. J'accompagne le capitaine Naud à la reconnaissance des emplacements de pièces. Nous marchons sur la route Broyes-Mondement jusqu'à ce que le château apparaisse à nos yeux. Nous arrivons ainsi à 300 mètres environ de la façade sud. Après entente avec le colonel [Eon] et en présence d'un officier d'état-major du général Humbert [le lieutenant Canonge], les deux pièces sont amenées au pas, le plus silencieusement possible, puis à bras, avec l'aide de l'infanterie. La nuit commence à tomber... Le capitaine Naud prend le commandement de la pièce de gauche; je prends celui de la pièce de droite. Il bombarde le château et l'enceinte à droite; je vise la tour ronde du sud-ouest et l'enceinte à gauche. Les murs sont déchirés par nos explosifs, les communs sont en feu " -Journal de marche du lieutenant Alouis- ) ; le colonel Lestoquoi réussit, de son côté, par l'intermédiaire du lieutenant d'état-major Canonge, fils du général, à faire avancer à 400 mètres de la cour d'honneur une pièce de la batterie Bonie de Lavergne (il n'est peut-être pas indifférent de préciser que le lieutenant Canonge, chargé par Humbert de porter l'ordre de recommencer l'assaut, amenait justement cette pièce au colonel Lestoquoi, devançant le désir de celui-ci, et que ce ne fut donc pas là, comme il a été dit, l'effet d'une rencontre fortuite). En moins de dix minutes, trente-six obus à la mélinite, tirés par cette seule pièce, s'abattent en rafale sur les grilles et les communs.
- Allons, mes gars, allons, mes braves, crie à ses hommes le colonel Lestoquoi. Un dernier coup de collier, et ça y est !
Trois de ses compagnies se lancent au pas de charge sur le château; quatre autres se jettent sur le village. La nuit tombe. Il est six heures et demie. A six heures quarante, le colonel Lestoquoi reçoit l'ordre de cesser l'attaque (Contesté. " Jamais cet ordre n'a été donné, nous écrit-on d'une source autorisée. Bien au contraire, un officier de l'état-major d'Humbert, le capitaine Canonge, est allé porter aux colonels Eon et Lestoquoi un pli leur prescrivant de recommencer l'assaut à la tombée de la nuit, avec l'appui d'une pièce d'artillerie amenée à courte distance du château. Le capitaine est resté sur place, afin de s'assurer de la bonne exécution des instructions d'Humbert et n'est rentré au poste de commandement que l'affaire heureusement terminée. L'enregistrement de l'ordre se trouve, bien entendu, dans les archives de la division ". Mais eût-il été étrange qu'Humbert, prévenu de la retraite allemande et sachant que Mondement serait tombé tout seul, se fût décidé à contre-mander l'attaque ? C'est ainsi, du moins, que nous avions interprété la décision qu'on lui prêtait), mais vainement tente-t-il d'arrêter l'élan victorieux de ses troupes. " Un ordre militaire, dit Napoléon, n'exige une obéissance passive que lorsqu'il est donné par un supérieur qui, se trouvant présent au moment où il le donne, a connaissance de l'état des choses ". Le colonel passe outre et, avec sa dernière compagnie (la 9e , capitaine Chausse), se lance lui-même sur les grilles de la cour d'honneur. L'église, la ferme, le parc, le château sont emportés. Le mouvement s'est exécuté de haute lutte avec un entrain et à une allure extraordinaires. Le colonel Lestoquoi, le commandant de Courson, le capitaine d'état-major Béziers-la-Fosse, pénètrent sans coup férir dans le château dont la garnison s'est enfuie (Moins une dizaine d'hommes qui y furent pris, avec deux mitrailleuses). Quelques Allemands tiennent encore dans les maisons du village : à coups de crosse, nos hommes défoncent les portes et se ruent à l'intérieur. C'est le corps à corps, la tuerie et, finalement, le sauve-qui-peut général. Les débris du bataillon de Beaufort, jaloux de venger leur vénéré commandant, bondissent à leur tour sur le plateau. Tout ce qui échappe dans la nuit aux baïonnettes du 77e vient tomber sous les feux d'enfilade des deux compagnies de tirailleurs, postées aux orées nord-ouest du bois d'Allemant, et de la compagnie de zouaves, dont les mitrailleuses balaient le chemin de Reuves. A sept heures du soir, les dernières convulsions de la lutte ont cessé; le silence, autour de Mondement, n'est plus troublé que par les râles des mourants, les gémissements des blessés. Sous le drapeau du 77e largement déployé, dans le grand salon Louis XV, où il a convoqué ses officiers pour pleurer les morts du régiment et lever son verre à la victoire, le colonel Lestoquoi rédige le compte rendu, d'un laconisme tout militaire, qu'il va faire porter au commandant de la division marocaine :
- " Je tiens le village et le château de Mondement. Je m'y installe pour la nuit."
Par une rencontre singulière, le 77e d'infanterie, qui venait d'affirmer dans cette journée de si merveilleuses qualités d'endurance et d'allant, avait devant lui, outre des éléments du 164e hanovrien, le 77e régiment d'infanterie prussienne. Et certes le carnage fut grand autour du château, - moins grand malgré tout qu'on ne l'a dit (" L'intendant au château a rapporté que des bataillons entiers furent anéantis. Dans le parc seulement on compta environ 3000 morts allemands, parmi lesquels deux généraux " FABREGUETTES, op. cit. Elie C... dit seulement que " beaucoup de cadavres allemands gisaient dans les allées, le jardin potager et le parc du château ". M. Gabriel Faure, dans ses nobles et pathétiques Paysages de guerre, parle aussi d'un salon du château, où, parait-il, deux officiers, tués par l'éclatement d'un de nos obus, restèrent dans les positions où la mort les surprit, l'un devant le piano, l'autre jouant du violon ". Le fait en lui-même est exact, mais il ne s'est pas passé à Mondement. D'après M. Triclot, mercier à Sézanne et témoin oculaire, il faut le situer au Reclus, dans le château-ferme dépendant de l'ancienne abbaye, où l'ennemi avait laissé en outre, sous la garde d'un infirmier, une vingtaine de ses blessés et cinq ou six blessés français). Déjà le mouvement de conversion de l'armée von Bülow était commencé; l'ordre de retraite était parvenu aux diverses unités vers cinq heures (Bien plus tôt même pour les unités voisines du Xe corps et de la division marocaine. Pendant toute la journée, écrit dans son Journal de marche le lieutenant Alouis, je verrai distinctement, à la jumelle. les routes au loin [vers le nord-est] noires de colonnes de toutes armes, qui s'écoulent sans interruption. Ce superbe objectif est malheureusement hors de portée [8 à 10 kilomètres]. Je ne puis atteindre que quelques isolés, cavaliers, camions automobiles). Ce n'est qu'une forte arrière-garde ennemie qui défendait à ce moment le château (La paix est descendue aujourd'hui sur Mondement. Deux printemps, deux étés ont passé, et le travail des sèves a presque effacé du paysage la trace des plaies que la guerre y avait ouvertes. Mais le cadavre du château est toujours là il dresse au-dessus des marais son tragique memento. Et, la nuit, son front s'étoile comme autrefois : dans la tour de l'est, décoiffée, aux trois quarts éventrée, le garde Félix, chaque soir, rallume le " phare " de Mondement, une simple lampe à feu fixe, visible de tous les points de l'horizon et qui, depuis un temps immémorial, jusqu'au 5 septembre 1914, s'allumait ainsi régulièrement, par la bienveillance des châtelains, pour permettre au voyageur attardé de s'orienter à travers les méandres de cette zone perfide. Mais, pareil à ces veilleuses funèbres qu'on allumait au moyen âge dans les " lanternes des morts ", le " phare " de Mondement n'éclaire plus que des tombeaux. Dans le petit cimetière du village, autour de la pauvre église trouée par les obus et dont une main pieuse, vaille que vaille, a rabouti la toiture, reposent, en des sépultures particulières, les dépouilles des grands protagonistes du drame : le commandant de Beaufort, le capitaine Jean de Secondat-Montesquieu, le médecin principal Baur, le sous-lieutenant Noël, l'adjudant Parpaillon, le sergent Atlé, d'autres encore, les adjudants Boulin du 77e et Bidache du 2e tirailleurs, le sergent Pottier du 77e , moins fameux et peut-être aussi méritants. Les tirailleurs marocains sont enterrés sous des cippes blanches, au bord du plateau; nos troupes métropolitaines face au mur du potager, dans un pré, en bordure de la route de Broyes: zouaves et fantassins y fraternisent dans la mort comme ils fraternisèrent dans l'épreuve et dans la victoire. Pas de noms. Une croix, des fleurs, les cocardes tricolores du Souvenir français et, sur un cartouche noir, en lettres d'or, ces beaux vers d'Henri de Régnier :
Mai, tandis que montait au ciel avec fureur
La sinistre, farouche et barbare clameur,
Se mêlait, en réponse à cette voix haineuse, [et -Meuse…
La chanson d'Aisne-e-Marne au chant de Sambre-)
Quoi qu'il en soit, la prise de Mondement et de sa falaise couronnait magnifiquement, à sept heures du soir, les beaux succès obtenus à notre gauche par le général Defforges et le Xe corps. Là aussi, dans toute la région Charleville-Corfélix-Le Thoult, le Xe corps, mis à la disposition du général Foch par Franchet d'Espérey pour " boucher le vide " qu'y avait ouvert le départ de la 42e division, ne progressait d'abord que lentement vers Bannay, qui lui était fixé comme objectif. Les Allemands sans doute n'étaient pas rentrés dans Soizy, qu'occupaient solidement le 162e et les chasseurs du commandant Clavel et d'où ils espéraient bien déboucher à l'aube vers le Petit-Morin. Le moral de ces vaillantes troupes n'avait jamais été si haut. Aussi s'étaient-elles quelque peu refrognées à la nouvelle de leur transfert sur un autre point du champ de bataille. L'ordre avait été apporté vers cinq heures du matin par le capitaine d'état-major Canonne.
- On nous relève quand nous les tenons! s'écriaient les hommes avec des pleurs de rage.
Mais la vérité est que de Soizy au Clos-le-Roi, pointe orientale de la forêt du Gault, le front allemand décrivait autour de la Villeneuve-lès-Charleville un arc de fer que nous n'arrivions pas à briser ; en outre, la chute de Mondement avait supprimé le saillant que nous poussions chez l'ennemi au nord de Saint-Gond et lui assurait la libre communication des marais. Peut-être la situation du Xe corps eût-elle été bien hasardée, si Franchet d'Espérey, dont on ne dira jamais assez la part brillante et décisive qu'il prit à la victoire, avisé de la résistance que rencontrait Defforges, n'avait donné l'ordre à son Ier corps, maître du plateau de Vauchamp, de s'infléchir vers le sud-est en attaquant à fond sur Baye et Villevenard, von Bülow, qui avait déjà perdu le matin Montmirail, se voyait menacé à revers par cette attaque et pensait déjà peut-être à se dérober. C'est à ce moment, vers une heure de l'après-midi, suivant une lettre du général Anthoine à l'évêque de Chalons, que le brave curé de la Villeneuve-lès-Charleville, M. l'abbé Laplaige, qui, pendant toute la bataille, était demeuré auprès de ses paroissiens, voyant une reconnaissance d'artillerie traverser le village, se porta au-devant du lieutenant-colonel (Le lieutenant-colonel de Gensac, du 50e régiment d'artillerie de Rennes, qui commandait en chef les 3e et 4e groupes de l'artillerie de corps du Xe corps, commandés respectivement par le commandant de la Hellerie et le capitaine Moynet.) et lui proposa de donner des renseignements sur les positions ennemies. L'abbé Laplaige conduisit le lieutenant-colonel à la lucarne d'un grenier et, du haut de cet observatoire, il lui situa, avec une précision absolue, les batteries ennemies et un nœud de communications important, point de passage obligé pour les troupes allemandes en retraite (Lettre du 29 février 1916. Le général Anthoine qui, avant de devenir lui-même commandant du Xe corps, commandait l'une des divisions de ce corps, ajoutait incidemment : Le lieutenant-colonel d'artillerie, qui put mettre à profit ces renseignements, terminait son compte rendu en disant qu'il lui semblait " de toute justice de signaler la conduite de ce brave curé qui, après tout, risquait d'être fusillé sans phrases, si un retour offensif avait remis les Allemands en possession de la Villeneuve ". En somme, les renseignements fournis par l'abbé ont été très utiles à notre artillerie, et j'estime que les remerciements qu'il mérite indubitablement auront pour lui plus de prix s'ils lui sont transmis par l'intermédiaire de Votre Grandeur ". Il y a cependant une petite erreur dans la lettre du général Anthoine : l'observatoire du lieutenant-colonel de Gensac était, non dans un grenier, mais sur l'échelle d'un réservoir d'eau situé à l'extrémité est du village. Ce ne fut pas tout. " Le soir, à la nuit tombante, nous écrit un des principaux acteurs de l'affaire, on tira à l'extrême portée du 75 sur le village de Baye, à 8 kilomètres au nord. Ça grouillait d'Allemands en train de manger autour des cuisines roulantes, les tables d'officiers dans les cours. L'effet constaté le lendemain dans la marche en avant et confirmé par les habitants fut effroyable). La plus dangereuse de ces batteries, -six pièces de 105, qui balayaient tout le plateau et arrêtaient la progression de nos troupes, - était défilée à droite de la route du Thoult-Trosnay à Fromentières et à 300 mètres de cette route, au lieu dit la Briqueterie (Un distingué correspondant, M. Merlin, conseiller général du canton de Montmirail, précise qu'elle se trouvait le long du chemin de traverse de la Mortière à Bannay. " Je puis vous donner cette précision avec certitude, nous écrit-il : les artilleurs qui la servaient sont enterrés à l'endroit même où la batterie a été détruite "). Prise sous le feu de nos 75 (" Cette guerre est avant tout une question de repérage : entre deux batteries en présence, l'une très puissante, mais ne connaissant pas la position de la seconde, c'est celle-ci qui, même bien plus faible, l'emportera, si elle a repéré la première. " [Charles Nordmann : Matin du 18 novembre 1915) , écrasée avec ses servants, elle se tut : la route était libre pour nos troupes qui d'un bond, enlevèrent Corfélix et se portèrent vers Talus. L'ennemi avait chancelé sous le coup. Mais il continuait d'insister à notre droite, où von Hausen, en masses profondes, s'était avancé jusqu'à Gourgançon, la Garde jusqu'à Connantre (Elle y arriva vers une heure, " quarante-quatre ans jour pour jour après l'entrée qu'elle y avait faite en 70 ", nous disait le facteur Férat. Nos troupes l'avaient quelque temps arrêtée à mi-chemin de Fère, notamment devant la ferme Saint-Georges, où la 23e compagnie du 290e soutint un furieux combat au cours duquel le lieutenant Beugnet fut tué [communication du docteur Plicot, de Fère-Champenoise, d'après M. Lucien Landréat]. - Les Saxons arrivèrent à peu près à la même heure à Gourgançon, qu'ils avaient commencé à bombarder dès dix heures [M. le curé Deniset y fut blessé dans sa cave par un éclat d'obus]. On s'était battu surtout au Mont-Martin, au nord de la Maurienne, à 1200 mètres d'ici, nous disait le garde champêtre. C'est là qu'on a trouvé le plus de cadavres. La lutte fut très vive. Un sergent, pour sa part, tua neuf Allemands à l'entrée du village : ses hommes l'avaient lâché, il s'embusqua tout seul derrière une haie et tira jusqu'à ce qu'il fût tué. Les troupes saxonnes qui occupèrent Gourgancon appartenaient principalement aux 102e , 104e , 106e ,107e , 133e régiments d'infanterie active et de réserve et au 13e chasseurs : trois ou quatre seulement des 85 Allemands inhumés sur le territoire de la commune étaient des grenadiers de la Garde; à Connantre, au contraire, les 59 Allemands enterrés appartiennent tous aux 1er , 2e , 3e , 4e régiments de la Garde et au 1er grenadiers. Dans le cimetière, tombes de trois officiers français lieutenants Gayot, du 3e génie, Riche et Lebé, du 125e d'infanterie). Et, en effet, la 21e division, vers neuf heures du matin, avait dû céder les positions si péniblement reconquises la veille et qu'elle défendit d'ailleurs avec un remarquable acharnement. Refoulé d'OEuvy, Radiguet se ramassait au sud de Corroy, sur la cote 129, et tentait de s'y accrocher, mais il n'avait plus qu'un fantôme de division (Mes régiments se sont admirablement battus, écrit-il de Corroy à 9 h. 50, mais ils sont réduits à une moyenne de quatre à cinq officiers); les troupes saxonnes manœuvraient derrière un rideau d'artillerie lourde qui déblayait le chemin devant elles, pulvérisait toute résistance : de Corroy, il lui fallut descendre sur Fresnay, puis sur Faux, et la division Moussy, refusant peu à peu sa droite pour garder le contact, se trouva contrainte d'opérer un mouvement analogue. Telle de ses unités, comme le 135e , avait fondu des deux tiers; la 103e brigade (colonel Doursoult), qui prolongeait Moussy vers Morains, et la 104e brigade de la division Battesti (lieutenant-colonel Claudon), qui garnissait avec ses chasseurs les pentes septentrionales du Mont-Août, n'avaient pas moins souffert du terrible feu plongeant que l'ennemi dirigeait de Toulon. Faible digue en vérité que ces débris d'effectifs pour contenir la marée qui déferlait de trois côtés à leur rencontre et menaçait de les bloquer sur leur îlot! La 103e brigade, plus exposée, cède la première.
Sur la vaste plaine qui s'étend au pied du Mont-Août, écrit un témoin militaire [Cf. Henri LIBEBMANN, op. cit.],les Français débouchent des bois, d'abord par deux, par trois, puis en masses épaisses. Tout ce monde bat en retraite vers l'ouest. Des cavaliers, emportés par un galop furieux, éperonnent leurs chevaux; des caissons volent par-dessus les ornières, tandis que les conducteurs, penchés sur leurs attelages, les pressent du fouet à coups précipités. En tirailleurs, les habits gris sortent des bois, courent, s'abattent, accompagnent les nôtres de leurs feux de salve. Au nord, à l'est, au sud, les canons allemands, braqués sur la plaine, crachent leurs obus, la couvrent des gerbes de leurs shrapnells, y creusent les noirs entonnoirs de leurs obus lourds. Une fusillade terrible prend à revers les tranchées des chasseurs...Pour éviter l'enveloppement, la 104e brigade rompt à son tour le combat et retraite en assez bon ordre vers Saint-Loup. Moussy seul s'agrippe encore au versant est du Mont-Août, mais il n'a plus là que son 135e réduit à 1200 hommes, et voici la Garde. Elle emporte les pentes, rabat sur Sainte-Sophie le 135e, qui ne cède à gauche que pour contre-attaquer à droite et, définitivement brisé dans cette charge héroïque qui lui coûte son chef de corps (lieutenant-colonel Graux), les commandants Pons et Noblet et presque tous ses officiers, s'arrête, tourbillonne et reflue en nappe vers le sud. Moussy, découvert sur ses deux flancs, ne peut même plus garder le front que Dubois lui avait rapidement improvisé avec des éléments de la 52e division ramassés sur les routes : il replie la 33e brigade, mais maintient son artillerie en action à contre-pente du Mont-Chalmont, jette le 68e dans les bois de la cote 144, le 90e dans ceux de Sainte-Sophie et, sur cette position de raccroc, fait tête une dernière fois.
Il est quatre heures et demie du soir. On attend toujours la 42e division, annoncée pour midi, puis pour deux heures, puis pour quatre, et qui n'arrive pas. Que fait-elle? Pourquoi n'est-elle pas encore rendue? A-t-elle changé d'objectif en route et s'est-elle portée au secours d'Humbert au lieu de descendre sur Pleurs? Seule elle peut sauver l'armée, qui ne se soutient plus que par un acte de foi dans son intervention, qui menace de s'effondrer à chaque effort nouveau de l'ennemi et que Foch redresse à coups de bulletins optimistes, d'appels à l'énergie de la race, de communications sur les progrès, hélas! si lents de Grossetti (Lenteur pourtant explicable, la relève ne s'étant terminée qu'à 11 heures du matin et le 151e n'ayant pu rallier que vers une heure de l'après-midi. Le 162e , plus à portée, avait commencé le mouvement et s'avançait en ordre demi déployé, direction Broyes - Péas - Saint-Loup, à l'abri de la crête d'Allemant et du Signal de Chalmont; le 154e suivait, la 83e brigade en seconde ligne, laissant le 18e bataillon de chasseurs en soutien de la division marocaine; le mouvement était précédé par le 10e régiment de chasseurs à cheval). Tout ce grand corps rompu et déjà presque gisant halète vers elle, la presse, l'implore Foch lui dépêche estafette sur estafette; Moussy détache à sa rencontre deux escadrons du 7e hussards. Une immense angoisse plane sur la scène. C'est à un instant pareil que Constantin, serré par Maxence, lève les yeux vers la nue, que Clovis invoque le Dieu de Clotilde, que Roland sonne du cor et que Napoléon, qui cherche Grouchy, entend le pas de Blucher. La fortune semble fixée : deux de nos divisions sont coupées du gros de l'armée et von Hausen les chasse comme des feuilles mortes devant lui. Déjà certains éléments ennemis ont pu filtrer par la vallée de la Vaure; ils poussent sur Pleurs, sur Salon...
Pointe heureuse pour nos adversaires, décisive même peut-être, si les autres corps de la 2e et de la 3e armée allemande avaient pu suivre le mouvement et s'étaient partout avancés d'un pas égal. Mais von Bülow, après son précaire succès de Mondement, ne bougeait plus, comme coincé dans sa conquête (L'ennemi ne manifeste plus aucune activité. Son artillerie lourde s'est tue; l'attaque sur Mondement s'est arrêtée après la prise du château. Cet arrêt, encore inexpliqué, après les attaques furieuses et les bombardements de la veille, nous procure un indicible soulagement. Pourquoi ne tirent-ils plus, n'attaquent-ils plus? C'est la suite, dit-on, des succès remportés par l'armée qui est à notre gauche. Vague explication dont il faut bien nous contenter. - Journal de marche du lieutenant Alouis -), et notre 4e armée, qui avait reculé le 8 devant les divisions saxonnes, réagissait vigoureusement le 9 vers l'Ormet les Fenus et la Folie; de l'Espée en outre restait intact, bien qu'ayant dû quitter Mailly par ordre et pour conserver l'alignement, après avoir tenu sur cette position toute la journée du 8 et la matinée du 9 avec ses cyclistes (25e bataillon de chasseurs) et le 1er dragons. La pointe que von Hausen et la Garde enfoncent dans le joint français les expose ainsi à de dangereux mouvements latéraux : mal couvert du côté d'Humbauville, von Hausen, en particulier, prête complètement le flanc sur sa droite à une attaque qui va se déclencher en foudre, dès que Foch aura en main la 42e division.
Elle arrive enfin; elle descend les pentes, son chef en tête, à cheval, terrible et beau, sur la pourpre du couchant, comme le dieu même des combats (Cf. LIBERMANM, op. cit. Le soleil, prêt à disparaître, rougeoie l'occident d'un immense embrasement, éclaire de ses derniers feux le général Grossetti, à cheval au milieu de son état-major. Tout plie devant lui. Immobile, statue équestre, il incarne dans le triomphe l'image même de la victoire). Un avion ennemi la survole depuis Broyes à Saint-Loup. l'oiseau pique vers ses lignes. Qu'il aille et leur dise de se replier tout de suite, qu'à ce prix seul elles éviteront un désastre Le moment est venu pour l'ancien professeur à l'Ecole de guerre d'appliquer son principe : " Si, par une vision quelconque de notre esprit, nous entrevoyons une fissure à l'édifice ou un point d'insuffisante résistance; ou si, par une combinaison particulière de forces, nous pouvons joindre à l'action régulière et méthodique du flot l'effet d'un coup de bélier capable de briser l'édifice sur un point, l'équilibre est rompu, la masse se précipite aussitôt par la brèche et emporte tout obstacle (Principes de guerre: chap.X, p. 280). " La fissure " s'est produite : pour briser le fragile échafaudage des combinaisons allemandes, Foch n'a plus qu'à porter sur le point voulu le coup de bélier de la 42e division; toute la " masse " suivra par la brèche. Déjà l'ordre d'offensive générale est donné. Les chefs battent le rappel de leurs troupes : des régiments n'ont plus de colonel ni d'officiers supérieurs ( Je trouve le 135e désemparé plus de colonel ni d'officiers supérieurs, et je l'envoie en avant! -Carnet de campagne du général Moussy-) ; des compagnies sont commandées par des sergents, mais une sorte de redressement magnétique s'est opérée sur toute la ligne; on n'en peut plus, et l'on se sent comme soulevé par une force intérieure, emporté par une irrésistible vague de fond. Merveilleux ressort de l'âme française ! Sans perdre une minute, sitôt prévenu de l'arrivée des éléments de tête de la division Grossetti, qui devait contre-attaquer sur la direction Connantre-Oeuvy, secondée par tous les éléments disponibles des IXe et XIe corps d'armée, Dubois, dès quatre heures, avait arrêté son dispositif : la 104e brigade maintiendrait solidement les hauteurs de Chalmont, où se porteraient toute l'artillerie de la 17e division et l'artillerie de la 52e " non employée face au nord "; les éléments disponibles de la 17e division attaqueraient sur la ferme Nozet et Morains-le-Petit; la 103e brigade sur la ferme Sainte-Sophie et le plateau 166, en liaison avec la division précédente et la division Grossetti... A six heures du soir, en effet, appuyée par trois groupes du 61e d'artillerie, la 42e division se lance en formation articulée du front Linthes-Linthelles dans la direction de la trouée d'Oeuvy, dont ses patrouilles du 10e chasseurs à cheval ont préalablement reconnu les abords; à huit heures, deux des autres groupes du colonel Boichut concentrent leurs feux sur les " au delà " de Connantre, où la voie ferrée bifurque vers Fère-Champenoise et qui commande l'accès de cette ville donnée pour objectif à Moussy. Le gros de la 42e division s'arrête à Pleurs et dans les bois voisins pour bivouaquer. Mais le colonel Simon, avec la 33e brigade (trois bataillons du 90e, deux bataillons du 68e et un demi-escadron du 7e hussards), continue la poursuite sur Nozet, Puits et Morains-le-Petit. Tel est l'allant de cette troupe qu'après une halte d'une demi-heure à Nozet pour faire le jus, le colonel décide de repartir en pleine nuit, sans prendre garde qu'il perd la liaison avec la 103e brigade qui n'a progressé que très lentement vers la ferme Sainte-Sophie. Moussy, informé à deux heures du matin seulement de la marche foudroyante de son brigadier (l'estafette que lui avait envoyée le colonel Simon s'était égarée dans la nuit), fait aussitôt diligence avec ses réserves (135e et un bataillon du 68e ) vers Fère-Champenoise pour soutenir la 33e brigade. Il y entre à cinq heures du matin sans coup férir. A la même heure la 42e division pénétrait dans Connantre presque sans résistance (Le château seul résista un moment et sa garnison se rendit presque aussitôt sur la promesse d'avoir la vie sauve. Mais par précaution on exigea que les hommes sortissent un à un. La manœuvre, dit le lieutenant Libermann, s'effectue dans le plus grand ordre. A intervalles irréguliers, les Prussiens défilent, jettent leur fusil. Dans une allée voisine on les groupe par deux : des chasseurs les encadrent, baïonnette au canon. L'officier avance le dernier " Voici mon pistolet dit-il. Aujourd'hui vous êtes les plus forts, nous cédons. Demain, peut-être, les nôtres vous feront subir à votre tour l'humiliation suprême. C'est mon souhait. Oberleutnant Schwartz, au 4e grenadiers de la Garde. " Tant en valides qu'en blessés, H. Libermann évalue à 500 hommes environ des 1er , 2nd , 4e grenadiers de la Garde les prisonniers que nous fîmes à Connantre.),et c'est qu'en réalité, comme à Mondement devant le 77e , comme à Gourgançon devant Eydoux, comme à Fère même devant Moussy, l'ennemi n'avait plus là qu'un rideau de troupes, une façade d'effectifs l'alarme de l'avion avait été entendue.
Dans la soirée du 8, selon M. l'abbé Néret; dans l'après-midi du 9, selon un témoin oculaire, M. Bonnemain (Mais il est possible que l'orgie ait commencé le 8 et se soit poursuivie jusqu'au 9), Fère-Champenoise " était transformée en champ de foire " : les réserves de la Garde, qui cantonnaient jusqu'alors dans les faubourgs de Connantre, s'étaient répandues en ville vers trois heures, et, pour s'entretenir la main, elles avaient pillé en route quelques maisons. Pillage méthodique et organisé d'ailleurs : on ne dévalisait que les logis sans maîtres et les boutiques sans marchands. Puis l'orgie, à son tour, " s'organisa ". Devant l'Hôtel de Paris, les soldats avaient sorti le piano dans la rue " ; en face de l'église, une musique s'était installée " sur des bancs et des caissons ". Le champagne ruisselait. Les officiers, sur le trottoir, à cheval sur des chaises ou renversés dans des fauteuils d'osier, la tunique lâche, le cigare aux lèvres, regardaient complaisamment la scène du haut de leurs monocles. Une impression de mascarade hottentote se dégageait de cette tourbe avinée, qui avait dévalisé une chapellerie voisine et s'était coiffée des couvre-chefs les plus hétéroclites : les hommes buvaient, bâfraient, dansaient, braillaient des hymnes sauvages à la gloire de la patrie allemande. Quelle fête célébraient-ils à ventre déboutonné? Un blessé français passa sur une civière : ils le huèrent (Raconté par M. Larcher, propriétaire de l'Hôtel de Paris). Les ceinturons défaits, les havresacs jetés en tas, les fusils épars contre les murs, témoignaient de l'absolue sécurité dans laquelle baignaient tous ces drôles. Brusquement, vers cinq heures, un officier monté accourt au galop, et, " d'une voix de stentor " , crie un ordre. C'est la retraite! Les hommes, aussitôt, se harnachent, reprennent leurs fusils et reforment les rangs; aux habitants stupéfaits, les officiers demandent la direction de Sommesous, de Morains, d'Écury-le-Repos. Et tous s'en vont au pas accéléré, en bon ordre, mais sans fifres. A six heures du soir, il n'y avait plus un Allemand en ville, sauf quelques pochards qui ronflaient dans les caves (Mais les routes, la glèbe, les bois, autour de Fère, étaient jonchés de cadavres allemands, appartenant pour la plupart aux régiments de la Garde Kaiserin Augusta et Kaiser Franz. Et, les blessés renforçant le nombre des pochards, on fit tout de même dans la ville et aux environs un nombre assez impressionnant de prisonniers (1500). Le lendemain seulement, à cinq heures du matin, les Français (Le colonel Simon y était entré dés 3 heures, mais il n'avait fait que toucher les hauts de la gare et poussait tout de suite sur Morains-le-Petit, où nous le retrouverons. A 5 heures, le reste de la 17e division atteignait Fère, ou Dubois avait devancé son gros et où Foch, à midi, installait son quartier général) rentraient dans Fère, et, à cette heure-là, le gros de Bülow avait depuis longtemps repassé les marais.
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