LA BATAILLE DE LA MARNE VUE PAR LE GÉNÉRAL PALAT

CHAPITRE VIII

CHAPITRE VIII

LE 6 SEPTEMBRE A LA GAUCHE ALLIÉE

Dispositions du général Maunoury. - Débuts du combat au groupe Lamaze. - Gallieni et le maréchal French. - La contre-offensive allemande. - Le 7e corps vers Acy. - La division Lartigue. L'armée britannique.

I

On se rappelle que le Ier corps de cavalerie cantonnait le 5 autour de Saint-Cyr-l'Ecole. Il y recevait l'ordre de se porter d'urgence à la gauche de la 6e armée et allait, la 5e division, de Versailles par voie ferrée à Dammartin; les 1re et 3e divisions par la route et en traversant tout Paris, sur Gonesse, où elles passaient la nuit. Malgré les pertes subies, après avoir reçu quelques renforts, les escadrons comptaient encore, dit-on, un effectif approché de cent chevaux. Certains régiments parcouraient plus de 60 kilomètres par une chaleur torride.

Le général Maunoury avait prescrit pour le 6 la reprise de l'offensive. Il insistait sur l'importance du rôle de la 6e armée : " ...En donnant dans le flanc droit de l'ennemi, elle peut non seulement sauver Paris, mais avoir une très grosse influence sur la suite des opérations. Devant un pareil but... toute considération de fatigue et de ménagement doit momentanément disparaître... " (Hanotaux, IX, p. 198.). L'armée passerait l'Ourcq à Lizy et au nord, en attaquant vigoureusement tout ce qu'elle rencontrerait. La direction générale serait Château-Thierry. A 4 heures, 7e corps et le groupe Lamaze franchiraient la transversale Monthyon-Ermenonville, le 7e corps opérant au nord de la ligne Saint-Soupplets, Forfry, Puisieux, Le Plessis-Placy, Vernelle, le groupe Lamaze entre cette ligne et la Marne.

La 45e division porterait derrière la droite une brigade avec un groupe, prête à l'appuyer.

Quant au général de Lamaze, il allait diriger la brigade marocaine sur Penchard et Chambry; les 55e et 56e divisions de chaque côté de la ligne ru du bois Collot, Marcilly, Etrépilly, Trocy, Beauvoir, ru des Vernelles.

Dans la nuit du 5 au 6, la division Cornulier-Lucière, alors autour de Fresnes, avait reçu l'ordre d'opérer sur le flanc droit de la 6e armée, suivant l'axe Charny - Lizy-sur-Ourcq. Elle se porta vers Charny en formations très ouvertes, trouvant aux approches de Penchard de nombreuses traces du combat de la veille, notamment quantité de tués et blessés marocains. Le manque de cartes gênait singulièrement ses mouvements. Vers Chauconin on dut détacher deux escadrons et une section de mitrailleuses, face à des tirailleurs descendant du nord-est de Penchard au sud-ouest, et l'artillerie ouvrait, le feu dans la même direction (11 heures environ). On signalait des rassemblements ennemis à Lizy-sur-Ourcq et une grosse colonne sur la route de Poincy à Chambry. Nos batteries ne tardaient pas à être sous un feu violent de 105 fusant qui les immobilisait pour le moment.

Sur les entrefaites, la droite du groupe Lamaze débouchait à gauche de la division, qui lui venait en aide par son canon et ses mitrailleuses. La canonnade continuait presque tout le jour, nous coûtant des pertes. Le général de Cornulier-Lucinière se maintenait au sud-ouest de Penchard, cherchant à continuer sa mission d'observation.

Vers 17 heures, notre ligne marquait une légère progression au nord; le centre et le sud avaient plutôt perdu un peu de terrain. Il fallut replier légèrement l'artillerie de la division provisoire. A la fin du jour, un officier apportait des ordres relatifs à un vaste mouvement offensif, auquel prendrait part la 45e division. Le général Cornulier-Lucinière y interviendrait au moyen de trois escadrons seulement. Cette offensive ne fut pas réalisée et la division regagna Fresnes.

Au groupe Lamaze, la brigade marocaine marchait à droite, la 55e division au centre.

Dès le matin, le général Leguay faisait porter le 289e d'Iverny sur Monthyon, que l'on trouvait évacué. Les Allemands y avaient abandonné du matériel et une ambulance. On continuait ensuite sur Pringy, mais au moment où le 289e en sortait, les obus et les balles affluaient.

L'ennemi était solidement établi derrière le talus de la route de Barcy à Chambry. Il fallut refluer sur Pringy. En même temps la brigade marocaine débouchait de Penchard vers Chambry, appuyée comme la 55e division par l'artillerie de cette dernière établie, a l'est de Gesvres, vers la ferme Fescheux et vers Pringy.

A 9 heures, le général de Lamaze apprenait que deux divisions allemandes venant du sud passaient la Marne a Varreddes et à Isles-les-Meldeuses. Déjà leurs têtes atteignaient le champ de bataille. On sut ensuite qu'il s'agissait du IIe corps, ramené par von Kluck au nord de la rivière .

Gallieni était venu le matin à la 6e armée. Devant la nouvelle situation qui se dessinait, on décida de chercher à jeter l'ennemi dans la Marne. La brigade Ditte continuerait son attaque sur Chambry et la cote 177, pour atteindre les hauteurs à l'ouest de Varreddes; la 55e division attaquerait également à fond suivant l'axe Percy cote 115. Quant à la 56e, elle assurerait la liaison avec le 7e corps, tout en attaquant Etrépilly, sur les deux rives

de la Thérouanne.

A 12 heures, la 55e division opérait son offensive, les 231e et 246e se jetant à l'assaut, drapeaux déployés, clairons sonnant. Les pertes étaient cruelles. Le lieutenant Dumesnil, député, relevait le drapeau du 246e et entraînait à deux reprises les tirailleurs en avant. Blessé, il restait au feu jusqu'à la fin du combat. Le lieutenant-colonel Cholet était atteint de trois blessures, mais son énergie électrisait nos soldats qui infligeaient de grosses pertes à l'ennemi. Ailleurs, les attaques, mollement soutenues échouaient. Barcy était pris et repris trois fois; Chambry résistait à toutes nos attaques. Le lieutenant-colonel Ducrot, du 289e, était atteint de quatre balles. Finalement la brigade Strafford, de la 45e division, pénétrait dans Chambry, dont le 3e de marche de zouaves (colonel Frantz) organisait la défense (P.-L. Courrières, La bataille de l'Ourcq, Renaissance du 1er septembre 1917). Mais nous ne pouvions rester à Barcy. L'ennemi se renforçait; son bombardement devenait d'une violence extrême. Devançant l'infanterie, l'artillerie du IIe corps était arrivée rapidement sur les hauteurs de Torcy; deux de ses groupements, établis vers Trocy et Gué-à-Tresmes, ne pouvant être utilement contrebattues par le 75, nos réserves étaient atteintes, Marcilly et Barcy couverts de projectiles. Nos soldats s'accrochaient au terrain, reculaient quelque peu, tentaient des contre-attaques partielles. La situation restait délicate et Gallieni jugeait à propos d'en avertir le maréchal French : " 6e armée a entamé ce matin offensive vers l'est dans conditions convenues. A 9 heures son front arrivait à hauteur de Meaux sur ligne Chambry, Barcy, Gesvres, Forfry, Oissery. Général Maunoury rencontre sérieuse résistance et croit avoir devant lui tout le IVe corps de réserve... " Le gouverneur ajoutait que deux colonnes d'une division remontaient du sud, atteignant la Marne vers Varreddes et Lizy, à 9 heures. Néanmoins l'opération était en " bonne voie. Pour étayer encore davantage notre offensive, je donne, dès maintenant, au général Maunoury tous les moyens dont je dispose. Mais il est indispensable que l'action de la 6e armée ne reste pas isolée et que les Allemands ne puissent pas ramener contre elle des éléments qui se trouveront en face de l'armée anglaise.

" En conséquence, je prie instamment maréchal French de bien vouloir de son côté porter son armée en avant, conformément aux directives du général Joffre de manière que l'offensive générale prévue aujourd'hui soit bien générale et pour qu'il y ait entre les diverses armées une concordance qui seule peut assurer un succès décisif ".

Nous verrons quel accueil reçurent ces suggestions à l'état-major britannique.

Sur les entrefaites la situation s'aggravait à la droite de la 6e armée. L'ennemi se renforçait de plus en plus L'artillerie, puis l'infanterie du IIe corps, l'artillerie, puis la tête de l'infanterie du IVe s'engageaient, ainsi que la nuit suivante, des éléments du IIIe corps. De la 6e armée la supériorité numérique passait largement à von Kluck. Malgré tout, les troupes du général Maunoury ne perdaient pas la volonté de vaincre. A partir de 15 heures, elles reprenaient l'offensive aux deux ailes et faisaient quelques progrès. Mais le front très étendu occupé tout d'abord par le IVe corps de réserve seul se renforçait grandement : la 3e division se jetait entre Varreddes et Lizy-sur-Ourcq; la 4e entre Rouvres et Acy-en-Multien, aux deux ailes.

Vers I6 heures l'ennemi déclenchait une puissante contre-offensive, surtout dans la région de Chambry Barcy. Nous perdions du terrain. Le général de Lamaze avait cru devoir porter son poste de commandement à Barcy. Il donnait lui-même le signal d'une contre-attaque qui enrayait l'avance ennemie. Mais, à Chambry, la brigade Ditte était délogée et dans l'impossibilité de réagir.

Il fallait presser l'arrivée de la 45e division (Drude) qui avait été acheminée sur Pringy et Penchard en réserve d'armée. A la nuit, elle bivouaquait à l'ouest de Chambry qui restait, à l'ennemi (Hanotaux, IX, p. 199-201.).

Cependant, à gauche de la 55e division, la 56e passait à peu près par les mêmes péripéties. Au début de la journée, elle était disposée par brigades accolées, la 111e (lieutenant-colonel Bonne) au nord se reliant au 7e corps, la 112e (général Cornille) au sud, en liaison avec la 55e division.

La formation de départ était laborieuse. Enfin la 111e brigade, le 66e bataillon de chasseurs en tête, prenait la direction nord de Saint-Soupplets, sud de Forfry, La Ramée, ferme Nongloire, ferme de Poligny; la 112e, le 350e en tête, marchait sur le nord de Marcilly, le sud de la. Chaussée, le nord d'Etrépilly et de Trocy. Déjà, à la gauche de la 56e division, la 63e (7e corps) éprouvait de la résistance vers Oissery.

Les deux colonnes du général de Dartein progressaient tout d'abord assez facilement. Celle du nord atteignait La Ramée que l'ennemi venait d'évacuer, prenait la Fontaine-des-Nonnes et marchait à l'attaque de la ferme Champfleury, non sans être en butte à un feu très violent d'artillerie ennemie et même à quelques-uns de nos obus. La colonne du sud passait au nord de Marcilly et tentait d'enlever la croupe à l'est du chemin de La Chaussée à Barcy, sans y parvenir. Elle se repliait sur ce chemin et organisait une position de repli à 400 mètres en arrière.

Vers 11 h. 30 le général de Lamaze faisait connaître que la 55e division avait devant elle deux divisions débouchant de Varreddes. Pour la dégager, la 56e attaquerait vigoureusement la croupe Champfleury, Etrépilly, en appuyant un peu au sud vers Barcy.

Le groupe du 32e se mettait en batterie à la cote 115 (Tour) pour canonner Puisieux, la ferme de Poligny et Trocy. Celui lui du 40e, du nord-est de Marcilly, tirait dans les directions Champfleury, Puisieux, Manoeuvre et Trocy. Mais l'artillerie allemande l'obligeait (16 h. 30) à se reporter au nord-est de la ferme Nongloire (cote 120), d'où il battait Poligny et Manoeuvre.

Plusieurs groupes du 7e corps étaient au nord, derrière la crête de Fosse-Martin. Une attaque très forte se produisait contre ce corps d'armée, en direction de Puisieux. Au sud, le groupe du 25e s'établissait à l'est de Gesvres, puis de Marcilly, tirant avec succès sur une batterie, allemande. Mais il était bientôt soumis à un tir si violent qu'il se repliait à l'ouest du village. Trois de ses pièces trouvaient cependant l'occasion de se reporter en avant pour arrêter par leur feu de l'infanterie allemande débouchant sur la crête à l'est.

Le général de Dartein avait établi les 65e et 69e bataillons de chasseurs (112e brigade) en réserve à l'est de Saint-Soupplets. Le 361e, envoyé en soutien du 350e, attaquait Etrépilly sans succès. Le 6e bataillon du 264e était engagé au sud-est de la ferme Champfleury où il subissait des pertes. La 55e division progressait lentement vers Barcy, laissant s'ouvrir une brèche entre elle et le 350e. Il fallait porter le 69e bataillon de chasseurs sur la Râperie, à l'est de Marcilly.

A 18 h. 30, ordre survenait de faire occuper de suite Barcy par un bataillon, qui tiendrait ce village, et assurerait la liaison avec la 55e division. Cette dernière, très éprouvée à sa gauche, pourrait ainsi se reconstituer pendant la nuit. Trois compagnies du 65e bataillon de chasseurs se portaient à Barcy. Il ne restait plus à la 56e division, en réserve, que la 4e compagnie et deux batteries du 25e. Elle occupait Barcy, la Râperie et la ferme Champfleury (Général de Dartein, p. 112.).

II

 

Le 7e corps devait également se porter vers l'est en deux colonnes; la 63e division au sud, par Saint-Pathus, Oissery, Brégy, Fosse-Martin, Acy et Rosoy-en-Multien; la 14e, au nord, par Eve, Lagny-le-Sec, le Plessis Belleville, Silly-le-Long, Ognes, Chevreville, Sennevières, Bouillancy, Réez, Acy-en-Multien, Etavigny, Rouvres, Neufchelles, où elle devait passer l'Ourcq. On ne prévoyait qu'une faible résistance. Vers Brégy, la 63e division (Lombard) dessinait dans la matinée un mouvement enveloppant qui ne tardait pas à être arrêté. Elle arrivait ainsi à Fosse-Martin, puis descendait vers la vallée de la Gergogne, non sans rencontrer une résistance de plus en plus acharnée. La ferme Nogeon était prise et reprise trois fois. De même, à 18 heures, les 298e et 305e accolés reprenaient l'attaque de la ferme Maulny, mais leur offensive était enrayée par une contre-attaque entre Puisieux et Vincy-Manoeuvre (Hanotaux, IX, p. 204.).

A la 14e division (de Villaret), la 27e brigade était en tête, sous les ordres du colonel Bourquin. Elle atteignait sans encombre Acy-en-Multien, mais se heurtait aussitôt, en débouchant, à des forces importantes. Une lutte violente s'engageait pour durer plusieurs jours, ce village passant à plusieurs reprises de nos mains à celles de l'ennemi. La 27e brigade, rapidement soutenue par l'artillerie divisionnaire, était bientôt toute entière engagée. Cependant la 28e brigade, général Faëz qui suivait la 27e, atteignait Chévreville. Elle recevait l'ordre de prolonger au nord la brigade Bourquin et de marcher sur Etavigny, le 35e, au sud, attaquant Acy par sa droite, le 42e, au nord, sa gauche, à 1200 mètres environ au sud du bois de Montrolle qui était inoccupé. Deux batteries divisionnaires se portaient sur cette croupe, les sept autreS étant en position à l'ouest de Bouillancy.

La gauche de la 14e division restait donc sans appui, mais le général de Villaret comptait pour la protéger, d'abord sur un bataillon envoyé la nuit précédente vers Betz et qui devait rejoindre la division dans la journée; puis sur le corps de cavalerie Sordet dont on annonçait prématurément l'arrivée; enfin sur des bataillons de chasseurs de réserve (groupe Serret) qui prolongèrent quelque peu au nord le 42e sans rendre de réels services, semble-t-il. Le front de combat de la division s'étendait au sud jusqu'à la ferme Nogeon, où se faisait la liaison avec la 63e.

En fin de journée, nous avions quelque peu progressé au centre, mais sans repousser nettement nulle part l'ennemi, dont l'activité tendait visiblement à s'accroître. Il fallait même replier sur le gros de l'artillerie divisionnaire les batteries depuis le matin à l'est du ravin de Bouillancy, qui avaient beaucoup souffert (Notes inédites d'un témoin).

Dans l'ensemble, la 6e armée s'échelonnait de la Marne au nord-est, la gauche en avant. La situation de la 14e division, à cette aile, était inquiétante et pouvait compromettre notre dispositif général. Le retour vers le nord du IIe corps allemand, en soutien du IVe corps de réserve, n'avait pas échappé au général de Lamaze. Gallieni télégraphiait de suite au général en chef pour attirer l'attention sur le danger qui en résultait (Général ,Bonnal, p. 5.) .

On se rappelle que, sur la demande du maréchal French, une division du 4e corps devait opérer dans l'intervalle de la 6e armée et des forces britanniques pour mieux couvrir la gauche de ces dernières, déjà couverte par la vallée de la Marne. Dans la matinée du 6, la 8e division (Lartigue) se portait en deux colonnes autour de Pavillons-sous-Bois; la 7e, en débarquant; allait dans la région de Villemomble. A midi, Gallieni prescrivait que l'artillerie et une brigade de la division Lartigue seraient prêtes à rompre dés 14 heures, suivant les ordres du général Maunoury. La fatigue des troupes, après un long trajet en chemin de fer et une marche épuisante, obligea de modifier cet ordre. La 8e division ne partit qu'à 22 heures, en une colonne, pour Gournay, Champs, Lagny et Chessy, d'où elle devait se porter sur la rive droite du Grand-Morin, en liaison avec les troupes britanniques. Nous verrons que, pendant là bataille, son rôle devait être très effacé. On ne saurait trop déplorer qu'au lieu d'être disposée à la droite de la 6e armée, où son utilité était nulle, elle n'eût pas servi à étayer sa gauche, très en l'air, et dont le rôle allait être si important.

III

 

L'offensive prématurée de la 6e armée l'exposait à des dangers sérieux, surtout si le maréchal French n'intervenait pas avec l'énergie voulue pour retarder le mouvement en arrière de von Kluck.

Mais il n'avait pas encore renoncé à toute hésitation. Il télégraphiait même au général Maunoury pour lui demander d'appuyer sa propre gauche. C'est ainsi que la 8e division recevait l'ordre de se porter au sud de Meaux, comme nous l'avons vu. Cette disposition ne suffisait pas à faire disparaître les incertitudes du commandant de l'armé britannique, qui se préoccupait fort de l'intervalle existant entre sa droite et la gauche de notre 5e armée, bien qu'il fut gardé par le 2e corps de cavalerie.

A ce moment le maréchal pensait que la majeure partie de la Ire armée avait atteint le sud du Grand-Morin, son aile ouest ayant passé la Marne vers Meaux et Trilport. Avant le jour, on avait constaté l'existence de bivouacs allemands aux environs de Coulommiers, le long du Grand-Morin, au sud de Rebais, vers La Ferté-Gaucher et Dagny. Une forte colonne marchait au sud, partant de Chailly (sud de Coulommiers) et suivant la grand'route vers Saint-Just. Une autre entrait à Vaudoy par le nord-ouest (Hanotaux, IX, p. 150). Il résulta de ce qui précède une certaine lenteur pour les mouvements des troupes britanniques.

Le matin du 6, leur marche était orientée vers l'E.-N.-E. En dépit des instructions du général Joffre, le maréchal ne comptait pas atteindre le Grand-Morin le soir même, de durs combats lui semblant probables.

Vers 9 h. 30 le Ier corps était engagé sur tout son front contre des détachements ennemis que le maréchal French considérait comme des pointes d'avant-garde, appuyées par de la cavalerie et qui étaient en réalité des arrière-gardes. Suivant le procédé classique, les Allemands attaquaient pour couvrir leur retraite. L'action avait commencé vers 7 h. 30 à Rozoy, où l'ennemi fut repoussé par la 4e brigade des Guards. Avant midi on se rendit compte, que l'offensive allemande n'avait rien de vigoureux. Plus tard, la Ire division s'étant portée sur Vaudoy, vers l'est, et le reste de la 2e à Ormeaux (nord de Rozoy), on s'aperçut enfin qu'une retraite générale de l'ennemi était en cours d'exécution, sous le couvert d'arrière-gardes.

Au 2e corps, à la gauche du Ier, l'impression était la même. Le maréchal donna donc, un peu tard " l'ordre de serrer l'ennemi de près et de faire tout le possible pour atteindre la ligne du Grand-Morin avant la nuit ". Ce vœu ne put être réalisé avant le 7, alors que, d'après l'instruction générale du 4 septembre, l'armée britannique aurait dû être établie le soir du 5 sur la ligne Changis, Coulommiers, au nord du Grand-Morin.

Dans la soirée, ses avant-gardes atteignaient Villiers-sur-Morin, Crécy (3e corps), Coulommiers (2e corps), Choisy ( Ier corps) . La cavalerie avait délogé des escadrons ennemis de Gastins (Au nord de Nangis.). Le gros des Allemands s'était retiré vers le Nord sans se laisser accrocher, le IVe corps ayant repassé le Grand-Morin vers Coulommiers, tandis que deux colonnes du IIe corps étaient signalées marchant vers Trilport et Changis. ~Il restait des forces importantes au sud de la Marne, vers Meaux et Rebais.

L'ensemble de la journée témoignait d'une certaine hésitation parmi les troupes britanniques. On eût dit qu'elles ne croyaient pas encore au sérieux de l'offensive générale. Ainsi, au Ier corps, dans la matinée, les Coldstream Guards ont un engagement assez vif, au cours duquel un tir bien réglé d'artillerie lourde jette le désordre parmi eux. Ils ont l'ordre de reculer et de laisser agir leurs propres batteries. Au 2e corps, dit un témoin très bien renseigné, " nous pensions que l'ennemi tâchait de nous accrocher pour que nous fussions ensuite dans l'impossibilité de rompre, s'il y avait lieu ". On négligeait donc ce fait signalé par l'aviation qu'une colonne longue de 4 milles (6 km. 400) marchait de Coulommiers vers le nord. On craignait un piège (Hanotaux, IX, p. 206.), alors que les Allemands ne songeaient qu'à se tirer d'un mauvais pas.

Ces hésitations n'avaient échappé ni à Gallieni ni au général en chef. Ce dernier attachait visiblement le plus haut prix à ne pas mécontenter le maréchal. Dans la journée du 6, il télégraphiait au général Maunoury, le pressant de rester " en liaison constante " avec son voisin de droite et de déférer dans la mesure du possible aux demandes qu'il pourrait lui adresser. " Il est essentiel, écrivait-il, que vous appuyiez constamment de façon efficace la gauche... britannique ".

C'est Gallieni qui répondait à ce télégramme, faisant connaître le mouvement de la division Lartigue. Elle devait " coller étroitement à la gauche anglaise. Mais j'ai l'impression, ajoutait-il, que maréchal French s'inquiète surtout de l'intervalle qui existe entre lui et la 5e armée ".

Entre temps, une lettre du général Henry Wilson, sous-chef d'état-major général, faisait connaître au gouverneur de Paris les progrès opérés par l'armée britannique. Le soir elle tiendrait une ligne orientée du nord-ouest au sud-est et passant par Coulommiers. La 5e armée annonçait qu'elle aussi avait gagné du terrain sur toute la ligne. Dans ces conditions, Gallieni n'éprouvait plus les mêmes inquiétudes et adressait ses remerciements au maréchal, exprimant une confiance " absolue " dans le succès, si toutes les armées concouraient du même cœur au but final. La réponse du commandant en chef britannique était plus confiante encore.

Dans la soirée du 6, il regagnait son quartier général de Melun et télégraphiait au général Joffre, indiquant la ligne atteinte par l'armée et "demandant des instructions " pour le 7. Les renseignements parvenus jusqu'alors ne laissaient aucun doute sur la retraite allemande, qui s'accentuait depuis plusieurs heures. Le maréchal donnait ordre de forcer le passage du Grand-Morin aussi vite que possible le lendemain.

Sur les entrefaites arrivait la réponse du général Joffre. Il annonçait l'importante avance de la 5e armée, grandement aidée par les forces britanniques à sa gauche. Il priait le maréchal de continuer son mouvement le 7, mais en l'infléchissant vers le nord. C'était un changement de front à opérer, l'armée ayant jusqu'alors marché à peu près vers l'est.

A ce moment, toute hésitation paraît avoir abandonné le maréchal French. Il tend même à s'exagérer la portée du mouvement rétrograde de l'ennemi et ne croit pas que le général Joffre saisisse " avec la même ampleur " que lui " le changement complet de la situation et le fait que les Allemands ont si vite pris l'alarme et sont en proie à une véritable panique ". Son " désir d'en finir le plus vite possible avec l'ennemi est mitigé du fait que les deux armées françaises sur ses flancs sont aux prises avec des forces bien supérieures.

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