LA BATAILLE DE LA MARNE VUE PAR LE GENERAL PALAT
CHAPITRE XXIV
CHAPITRE XXIV
LE 12 SEPTEMBRE SUR LE FRONT ALLIE
La 6e armée. - La ligne de l'Aisne. - L'armée britannique. La 5e armée. - La 9e armée. - La 4e armée. - La 3e armée. - Retraite allemande. - Les ordres du G. Q. G.
I
L'ordre d'opérations n° 78 de la 6e armée pour le 12 septembre, parvenu aux troupes après 3 h. 30 du matin, faisait connaître que les Allemands continuaient leur retraite vers le nord (D'après L. Madelin, p. 805, le général Maunoury demandait le 12 un jour de repos pour ses troupes, en raison de leur extrême fatigue. Il proposait de se désaxer vers l'ouest, de manière à déborder franchement la droite allemande qui lui paraissait (tout à fait à tort) être à Saint-Just.). Le soir du 11, Missy-aux-Bois (sud-ouest de Soissons) était occupé par eux; ils y creusaient des tranchées. Un combat avait eu lieu à Chaudun, dans la même région, entre eux et la 45e division. Les troupes britanniques avaient atteint Saint-Remy, à la droite de la 6e armée; elles reprendraient l'offensive le 12 à 4 heures.
Quant à la 6e armée, elle borderait l'Aisne entre Lamotte et Soissons, de manière à prendre pied sur le plateau nord entre Nampcel et Terny, face au nord.
Si l'ennemi avait conservé des positions au sud de l'Aisne, nos avant-gardes attaqueraient énergiquement pour l'y jeter; si ta résistance se manifestait au nord, elles opéreraient sous la protection de l'artillerie pour franchir rapidement la rivière (Général de Dartein, p. 147/148.).
Ainsi la 6e armée et avec elle les forces britanniques allaient border la ligne de l'Aisne. Cette rivière, sortie de l'Argonne et dirigée d'abord du sud-est au nord-ouest, coule ensuite de l'est à l'ouest en coupant les mornes étendues de la Champagne. Puis, au nord de Reims, elle s'engage dans les plateaux du Soissonais, y creusant un ravin profondément encaissé, entre des pentes raides qui se prolongent jusqu'à la forêt de Compiègne. La vallée s'élargit alors en une conque boisée jusqu'au confluent, dans l'Oise. Le courant de l'Aisne est peu sensible mais sa profondeur, qui atteint souvent cinq mètres, la rend non guéable. Elle ne mesure guère que 50 à 60 mètres de largeur moyenne. Le chemin de fer de Paris à Laon la coupe à Soissons; puis, à Vailly, une ligne à voie étroite venant également de Soissons et continuant par la rive sud vers l'est. Enfin, la ligne de Laon à Reims la traverse dans la région de Berry-au-Bac. Une autre voie ferrée, celle de Compiègne à Soissons, la longe au sud, se prolongeant jusqu'à Sermoise par, la ligne qui remonte ensuite la vallée de la Vesle vers Bazoches. Il existe, un grand nombre de ponts sur l'Aisne, indépendamment de passerelles de plusieurs écluses.
Les positions que les Allemands avaient occuper au nord de ce fossé naturel étaient très fortes, le sommet du plateau échappant presque absolument aux vues, en raison des bois qui couvrent les crêtes et les pentes sur les deux rives. De plus, tous les ponts sont exposés au tir de l'artillerie, qui trouve dans les ravins très nombreux des emplacements défilés et des moyens de communication sûre. Au nord et au sud, les pentes descendant vers l'Aisne, ainsi que celles bordant les ravins secondaires, sont souvent creusées de profondes carrières, d'où l'on a tiré le calcaire coquillier qui a servi à construire les lieux d'habitation. Ces villages et ces fermes, pourvus de caves profondes, peuvent être utilisés comme points d'appui. Quant aux plateaux mêmes, au nord et au sud de l'Aisne, ainsi que les fonds de ravins, ils sont couverts d'un limon fertile. Le froment et la betterave y garnissent de larges espaces. C'est surtout un pays de grande culture.
Au nord de Paris, on était le 12 dans toute la joie d'une victoire inespérée. Le chemin de fer du Nord prévoyait déjà la reprise du service sur Compiègne et Soissons. On défendait de détruire les ouvrages d'art dans ces directions. " Sur la route de Chantilly, ce matin, c'était un défilé continu de gens, qui en auto, qui en carriole, qui à bicyclette ou à pied, marchant vers le nord pour rentrer dans leurs pénates ou aller simplement les revoir. Un vent de confiance souffle évidemment ". Combien s'exagéraient déjà l'importance de nos succès et voyaient déjà l'ennemi refoulé sur la frontière!
Au 1er corps de cavalerie, la 5e division était encore au repos près de Beauvais, à Saint-Juat-des-Marais. Dans la journée, le général Bridoux la rappelait à lui et le général de Cornulier-Lucinière prévenait ses subordonnés qu'on repartirait le matin du 13 sans tenir compte des fatigues passées; on recevrait des chevaux en route. On se mettrait donc en marche, " non seulement avec les chevaux ayant le mieux résisté:.., mais avec tous les chevaux qui pourraient encore mettre un pied devant l'autre ". Quelques renforts, des chevaux de prise ou de réquisition allaient être une faibLe ressource pour combler les pertes résultant du feu et surtout de la fatigue. Une fois sur l'Yser, certains escadrons se verraient réduits à ne pouvoir mettre qu'une vingtaine de cavaliers au combat à pied.
Quant au gros du corps Bridoux, la 1re division (Buisson) passait le pont de bateaux jeté à Verberie en colonne par deux, l'artillerie attelée. Les poids lourds utilisaient le pont de La Croix-Saint-Ouen. Pendant ce passage, la 6e brigade de dragons et la brigade Léorat (3e division) faisaient face à Compiègne des lisières de la forêt vers Royallieu.
Après une journée très dure, sous une pluie torrentielle, les 1re et 3e divisions gagnaient fort tard dans la soirée leurs cantonnements autour de Saint-Martin-au-Bois, entre Estrées-Saint-Denis et Maignelay.
Au 4e corps, la marche s'effectuerait en deux colonnes, comme la veille. A gauche, la 8e division (Lartigue), les 315e et 317e passeraient par Pierrefonds, Saint-Etienne, Génancourt, Lamotte, ferme Morenval, ferme des Loges. A droite, la 7e division (Trentinian) suivrait l'itinéraire Chelles, Martimont, Croutoy, Attichy, Rue du Val, ferme Touvent, Nampcel. L'artillerie de corps marcherait avec elle. Ce mouvement serait couvert par des détachements du 117e dans la forêt de Compiègne et par une flanc-garde de deux bataillons portée à la butte des Usages; entre le mont Berny et le mont Collet, dans la partie orientale de cette forêt. Nous cherchions donc à l'éviter semble-t-il, ainsi que la forêt de Laigue et les massifs qui lui succèdent vers le nord. A 6 heures, les avant-gardes devaient dépasser Génancourt et Martimont.
L'ennemi, au contact depuis la veille, n'évacuait Chelles et Pierrefonds qu'à cette même heure. Dès le début la marche était rendue difficile par une violente canonnade d'artillerie lourde, très bien réglée, qui infligeait au 4e corps des pertes sensibles sans qu'il pût déterminer les emplacements de ces batteries. Le plateau de Croutoy était balayé au point d'en être infranchissable. La 7e division progressait très lentement avec un de ses groupes, le reste de son artillerie prenant d'abord position au sud-ouest de Chelles. Vers 15 heures, on apprenait la prise par la 14e division du pont de Vic-sur-Aisne, légèrement endommagé mais utilisable. A 18 heures environ, les deux divisions atteignaient l'Aisne où elles trouvaient les ponts de Lamotte et d'Attichy détruits. Mais, à hauteur de Couloisy, la passerelle de l'écluse était intacte. Un bataillon du 102e en prenait possession, assurant le passage de la 7e division.
Quant au bataillon de tête de la 8e (Dubost, 130e), grâce à la courageuse initiative de son chef, il passait l'Aisne sur une péniche et occupait la sucrerie de Berneuil. Sous sa protection, on jetait la nuit suivante un pont d'équipage (62e division) en aval et près du pont détruit, puis un pont de péniches à l'ouest. Le passage des deux divisions était donc assuré pour le lendemain.
Les quartiers généraux du 4e corps et de la 7e division passaient la nuit à Chelles, celui de la 8e :à Saint-Etienne.
Au 7e corps, la 14e division marchait sur Vic-sur-Aisne par Vivières et la ferme de Pouy, la 28e brigade en tête. Cette dernière s'engageait, déployée, sur le plateau à l'est de Montigny. Malgré le feu de l'artillerie allemande établie au nord de l'Aisne et la résistance des arrière-gardes devenue plus vive, elle atteignait sans trop de pertes les pentes boisées qui dominent cette rivière au sud, sous la protection de l'artillerie divisionnaire en batterie sur le plateau. Sa gauche était vers Le Châtelet, sa droite vers Ressons-le-Long, en liaison avec la 63e division marchant sur Le Port.
On reconnaissait le pont de Vic, qui avait été l'objet d'une tentative de destruction, mais où le passage restait praticable aux piétons. La 14e division pouvait donc passer l'Aisne sans trop de difficultés et pousser jusqu'à hauteur de Saint-Christophe-à-Berry. A la tombée de la nuit, les éléments de combat étaient à Vic, couverts par des avant-postes formant tête de pont.
A droite, la 63e division trouvait le pont du Port détruit; elle était obligée de jeter un pont d'équipage et ne pouvait passer l'Aisne avant le 13. A gauche, la 61e division (général Deprez) était également arrêtée à Attichy pour le même motif .
Au château de Vic, les Allemands avaient laissé beaucoup de grands blessés, mais " peu ou point de désordre ". Ils avaient méthodiquement évacué la ville.
Au groupe Lamaze, la 56e division devait marcher par Dommiers, Saconin, Breuil, Mercin, Tartiers; à droite, la 55e irait sur le pont de Bois-Roger (nord-ouest de Soissons), puis sur Chavigny et Juvigny. La 56e division attaquerait Pommiers, en liant son attaque à celle de la 63e (7e corps). A partir du Tilleul de la Claux, une flanc- garde de deux bataillons et une batterie serait détachée sur La Râperie, le château de Pernant, Pernant, pour relier les 56e et 63e divisions.
La 56e division débouchait en une seule colonne de Dommiers, puis prenait sur le plateau des formations diluées pour éviter le tir des batteries du nord de l'Aisne. Les Allemands avaient évacué la rive sud sans défendre les nombreuses tranchées qui y étaient creusées. Le groupe du 32e prenait position au nord de la ferme de Saint-Amand, tirant sur le pont de Pommiers et la cote 134 au nord-est. Des abords de Pernant, une batterie canonnait des colonnes d'infanterie entre Cuisy et Vaurezis. De même le groupe du 40e entrait en action vers la ferme de Poussemy et celui du 25e à l'est de Breuil. Un peu plus tard cette artillerie contrebattait des batteries très visibles du côté de Cuisy et leur faisait subir de grosses pertes. La cavalerie signalait un convoi de munitions ennemi qui, trouvant les ponts coupés, suivait la route de Soissons vers Vic. Il était pris par le 7e corps.
Entre temps, l'avant-garde de la 56e division atteignait Saconin-Breuil, où elle faisait quelques prisonniers. Les 65e et 69e bataillons de chasseurs avaient ordre d'attaquer Pommiers. Après avoir occupé Mercin vers 13 heures, puis le talus du chemin de fer et quelques points de la route de Soissons, ils étaient en butte à un feu violent de 77 et d'obusiers qui les arrêtait.
Grâce à une violente averse, le 35o0 atteignait sans pertes le château de Pernant, puis, vers midi, le village et les abords de l'Aisne où il trouvait un pont de bateaux ennemi, qui achevait de se consumer. I1 faisait là quelques prisonniers.
Les reconnaissances annonçaient que toute la rive nord de l'Aisne était tenue par l'ennemi, dont les 150 arrosaient de leurs projectiles la rive sud, nous infligeant des pertes. Vers 14 heures, on tentait de reconnaître le pont de Pommiers, mais un feu violent d'artillerie et de mitrailleuses blessait grièvement le capitaine du génie Doizelet et deux sapeurs. Avec des tirailleurs et des mitrailleuses, l'ennemi tenait encore des petits bois au sud de Pommiers, sur la rive gauche. On renonçait à le déloger le soir même et l'on cantonnait dans la région avoisinante, en se couvrant d'avant-postes aussi proches que possible de l'Aisne. Les équipages de pont des 55e et 56e divisions étaient rapprochés de cette rivière (Général de Dartein, p. 147-152.).
A la droite de la 6e armée, la 45e division bordait également l'Aisne à hauteur de Soissons et en amont. Elle utilisait une passerelle imparfaitement détruite pour jeter au nord des éléments de la 89e brigade (L. Madelin, p. 805 et suiv.; H. d'Estre, Correspondant 25 octobre 1916, p. 299).).
Nous avons dit que la 37e division avait débarqué le 11 dans la région de Louvres. Le soir elle recevait l'ordre, de se porter le plus tôt possible par Mortefontaine, la forêt d'Ermenonville, Fontaines-les-Corps-Nuds et Baron sur Fresnoy-le-Luat, entre Crépy et Senlis. Elle se mettait en marche le 12, vers 8 heures, en deux colonnes, l'une sur Fresnoy-le-Luat, l'autre sur Auger-Saint-Vincent. Le soir, elle cantonnait au sud du front Rully, Trumilly.
II
A l'armée britannique, le 3e corps (Pulteney) opérait au nord de Buzancy en direction de Soissons et de l'Aisne en amont. La 4e division se bornait tout d'abord à prendre position au sud-est de la ville " comme renfort éventuel " . Le maréchal French était surpris de la violence du feu vers l'ouest. " Entre Soissons et Compiègne, la rivière semblait en flammes, tant était grande l'intensité du tir d'artillerie de part et d'autre " . Vers 13 h. 30 l'artillerie allemande, très active toute la matinée sur la Montagne de Paris (sud-ouest de Soissons) et sur d'autres points importants, se replia au nord de l'Aisne. On vit de longues colonnes de troupes et de voitures en marche au nord-est. A la tombée de la nuit, le 3e corps était tout proche de la rivière, dont les ponts avaient été détruits.
Le 2e corps atteignait Braine et ses environs, la 3e division à Brenelle, la 5e au sud de Missy; la cavalerie du général Allenby (1re division) avait nettoyé Braine et la hauteur au nord de forts détachements ennemis qui s'y étaient maintenus. Elle alla bivouaquer à Dhuizel, au nord-est. Quant aux 3e et 5e brigades qui venaient d'être groupées en une 2e division sous les ordres du général Gough, elle s'arrêtait à Chermizy (Mémoires French, p. 132-133; Rapport French, 8 octobre: 1914, p. 30.). Nulle part, sauf aux environs de Braine, les colonnes britanniques n'avaient rencontré de résistance sérieuse. On l'a dit très justement, pour l'armée du maréchal French, " il n'y eut pas de bataille de la Marne. Tout se borna à une marche de 90 kilomètres contre un ennemi en retraite et à des escarmouches " (H. Bidou, loc. cit., p. 167.).
III
Le 12 septembre, la 5e armée avait ordre deˇcontinuer son offensive vers le nord-est. Elle marcherait entre la Vesle ~et l'Aisne, la gauche échelonnée en avant, de façon à pouvoir s'engager contre les forces ennemies en retraite vers l'est.
Le corps Conneau devait se porter dans la région de Berry-au-Bac, Guignicourt, Juvincourt et Damapy, couvrant le flanc nord du 18e corps et éclairant vers Laon. En fin de journée il aurait à tenir le débouché nord des ponts de Pontavert et de Berry-au-Bac.
La 4e division allait donc marcher par Vauxcéré et Longueval sur l'Aisne, passer aux ponts de Maizy ou de Villers-en-Prayères, puis continuer sur Pontavert et La Ville-aux-Bois, à la sortie des plateaux du Soissonnais dans la plaine de Sissonne. A sa droite la 10e division irait par Fismes et Roucy sur Berry-au-Bac, Juvincourt. La 8e marcherait sur Guignicourt, à l'est, avec mission de reconnaître la ligne ferrée de Laon à Reims.
A la 4e division, le bataillon du 45e partait isolément, dès 4 h. 30, de Bazoches. En débouchant sur la crête au nord de la Vesle peu ou point reconnue au préalable, il était accueilli par un feu très vif d'infanterie, de mitrailleuses et d'artillerie; un bataillon au moins le contre-attaquait et le rejetait sur Bazoches. Du nord-est de Mont-Notre-Dame, l'artillerie de la division Abonneau enrayait cette offensive allemande, puis la refoulait. Mais le canon ennemi continuait de battre Mont-Notre-Dame.
A 8 h. 30, les premiers éléments du 18e corps atteignaient la route de Chéry à Mont-Notre-Dame. Néanmoins, le combat se prolongeait jusqu'à 10h. 30, heure à laquelle l'ennemi se retirait au nord de Longueval. Le bataillon du 45e se reportait en avant, soutenu par un bataillon de zouaves, le tout marchant vers Perles. A 11h. 30, on signalait l'arrivée à Mont-Notre-Dame de la division de droite des Anglais qui marchait ensuite sur Bazoches; la cavalerie du général Allenby était à Braine, au nord-ouest.
A 14 heures, l'infanterie britannique s'engageait sur Perles, à gauche du 45e et sous la protection de notre artillerie renforcée par des batteries alliées. Malgré cette intervention, le combat restait stationnaire et la 4e division regagnait à 19 heures ses cantonnements du 11, sans avoir progressé d'une façon appréciable.
A l'est, la 8e division, partie de la région de Crugny, atteignait un plateau au sud de Breuil-sur-Vesle, sous la pluie, après une très courte étape. " On ne fait rien. On attend (Commandant Bréant, p. 69.). "
Le 18e corps avait ordre d'enlever le pont de Fismes, de passer l'Aisne et de pousser au nord de l'Ailette jusque vers le château de Boves, pendant que le groupe Valabrègue jetterait ses avant-gardes sur Amifontaine et Prouvais, dans la vaste plaine à l'est du plateau de Craonne. On estimait encore à la 5e armée que la résistance allemande avait uniquement pour but de gagner du temps. Le général de Maud'huy portait sur Fismes la 38e division qui s'emparait du pont (15 heures) après un court combat (L. Madelin, p. 807-808.). Le gros du corps d'armée forçait les passages de la Vesle à Courlandon et à Breuil. Le détachement cycliste du 10e hussards, qui s'était saisi de ce dernier pont à 7 h. 30, ne pouvait s'y maintenir (13 h. 30). La 36e division cantonnait au sud-ouest, autour de Magneux, Unchair, derrière des avant-postes passant par Blanzy, Merval. A sa droite la 35e division expulsait l'ennemi du Moncet (nord-est de Breuil), de 19 à 20 heures, sans toutefois pousser jusqu'à Ventelay, comme le voulait l'ordre donné. Dès cette date, un ensemble d'indices donnait à croire que la retraite allemande s'arrêterait au nord de l'Aisne (Notes communiquées par le colonel Bujac.).
Le reste de la 5e armée s'échelonnait à l'est, laissant l'ennemi la possibilité d'un repli régulier. A Ville-en-Tardenois, le maire décrivait au général Deligny " la marche en retraite des Allemands, très en ordre, avec leurs convois de voitures numérotées, chacune à sa place dans l'ordre des numéros, les sections de munitions et les autos-mitrailleuses se couvrant de la Croix-Rouge ". A Bligny et à Bouilly, ils avaient eu l'infamie de grouper et de maintenir derrière eux, en guise de boucliers, hommes, femmes et enfants chargés d'empêcher nos soldats de tirer sur eux.
Le général Deligny avait donné au 1er corps l'ordre suivant (23 h. 30). Le corps d'armée se porterait sur Ville-Dommange et Pargny-les-Reims, le gros de la 1re division vers Clairizet et se reliant au 3e corps vers Thillois, une avant-garde à Ormes; le gros de la 2e division vers Omizy, des éléments avancés à Les Mesneux et Bezannes. Dans la journée (11 heures) un nouvel ordre (n° 58) faisant valoir la nécessité " à tous points de vue et, en particulier, au point de vue moral ", de tenir, Reims dans le plus bref délai, prescrivait que, le soir même, cette ville serait occupée par une brigade mixte, de la cavalerie poussant au delà, vers le nord-est. Des dispositions de détail étaient même arrêtées pour cette occupation, la 2e division portant son gros à Villedommange, prêt à soutenir cette brigade. Finalement tout le corps d'armée se rapprochait de Reims, la 2e division autour des Mesneux, la 1re vers Pargny-les-Reims, non sans avoir rencontré une vive résistance au débouché de la Montagne de Reims, vers Les Mesneux et La Ville-aux-Noeuds. Il fallait également déployer l'artillerie de la 1re division vers 0rmes, pour souder le 1er corps au 3e, qui marchait par Gueux et Thillois. Vers 18 heures, les lignes de tirailleurs ennemies se repliaient devant le 33e, poursuivies par les salves très régulières du 75. A la nuit nous tenions Thillois, Ormes et Bézannes, avec quelques éléments dans les faubourgs de Vesle et de Sainte-Anne, à Reims. A droite le
10e corps était à Cormontreuil et, à gauche, le 3e à Champigny (Carnet inédit d'un témoin.). Thillois avait résisté tout le jour à la 5e division, obligeant la 1re à faire intervenir son artillerie et même un bataillon porté d'Ormes sur Tinqueux où il entrait à 21 heures. La 5e division n'occupait Thillois que le matin du 13 (Notes inédites d'un témoin.). Le général d'Espérey ayant manifesté l'intention d'entrer dans la ville à la tête du 1er corps, les dispositions nécessaires, étaient prises pour la tenue des troupes et leur bon ordre. Batteries, sonneries et musiques étaient prêtes à jouer; on devait déployer les drapeaux. Mieux eût valu déborder Reims au nord et au sud pour s'assurer le plus tôt possible les positions dominantes à l'est que de préparer une entrée théâtrale appelée à de tragiques lendemains pour la malheureuse cité ( Extrait des notes inédites d'un témoin, sans commentaires : " Les ordres de l'armée prescrivaient de stationner dans les cantonnements une partie de la matinée, le général commandant l'armée ayant décidé de faire son entrée à cheval dans Reims à la tête de ses troupes. Il en résulta qu'au lieu de pousser rapidement les Allemands et d'entrer dans Reims dès les premières heures du jour, comme il était facile, la 1re division, qui s'était portée sur la route de Pargny à Reims, vit défiler devant elle les convois du Q. G. de l'armée et même de la direction de l'arrière qui entraient et s'installaient dans Reims avant les avant-gardes. Ces détails s'appliquent au 13.).
Au 10e corps, la 19e division, partie de la région d'Ablon-Saint-Martin, marchait sur Vauconnes, Damery où elle passait la Marne sur un pont d'équipage. Elle suivait ensuite la direction de Nanteuil-la-Fosse. A ce moment le 1er corps était aux prises avec un corps allemand dont l'artillerie lourde avait le dos à la Montagne de Reims. La division se déployait entre Pourcy et Sermiers puis débouchait dans la cuvette de Reims, sans que l'ennemi fît mine de résister. A droite, la 51e division passait la Marne à Epernay, dont le pont venait d'être réparé. Puis elle marchait au nord-est, sans autre incident qu'un petit engagement vers Villers-Allerand et poussait jusqu'à la Vesle, à Taissy (Notes inédites d'un témoin.).
Le gros du 10e corps passait la nuit dans la région de Champfleury (Docteur Veaux, p. 146.).
IV
A la 9e armée, le corps de gauche, le 9e, pouvait franchir la Marne dès 9 heures, après le rétablissement des passages. La division marocaine faisait passer son infanterie, partie à Bisseuil, partie au barrage de Tours. Son artillerie restait en surveillance pendant cette opération puis traversait la rivière au pont de Condé qu'utilisait la 17e division et où se produisait un immense encombrement (Libermann, p. 208. Le 58e bataillon de chasseurs ne put traverser la Marne qu'à 22 heures.). Une pluie torrentielle survenue dans la journée rendait impraticable ses abords et forçait d'interrompre le défilé des troupes pendant plusieurs heures, jusqu'à ce qu'on eût garni de fascines les plus mauvais endroits. Le soir, la division marocaine avait son avant-garde à Trépail, son gros à Ambonnay et Vaudemange; la 17e division était à Isse et aux Grandes-Loges; la 52e division, en seconde ligne, à Condé et à Aigny (Notes inédites d'un témoin.).
Au 11e corps, le général Eydoux renonçant à faire usage de ses équipages de pont, sans que la raison en apparaisse, donnait l'ordre suivant pour le passage de la Marne (2h. 45) : la 60e division, partant à 4 h. 30, suivrait l'itinéraire Saint-Quentin, carrefour du Gros-Mont, sogny, Sarry, Croix-de-l'Epine, L'Epine et s'efforcerait de progresser jusqu'à Tilloy où elle serait derrière le " corps de cavalerie poussé vers l'Auve, en vue d'attendre les colonnes ennemies en retraite sur l'Argonne " (Cette phrase, textuellement extraite de l'ordre du 11e corps donne à penser que l'état-major de la 9e armée croyait les Allemands en retraite, non vers le nord, comme en réalité, mais vers la frontière lorraine, conception très fausse dont on cherche en vain l'origine.) . Elle se relierait au 21e corps.
La 18e division franchirait " le pont nord de Châlons " à 5 heures, occuperait aussitôt la ville et ses lisières nord et nord-est. Puis elle marcherait à 6 h. 30 en direction de La Belle-Croix, Dampierre, Cuperly, Arbre-Chenu.
La 22e division, débouchant de Nuisement à 4 h. 30. gagnerait par la grand'route le front sud de Châlons qu'elle contournerait au sud-est et, par le carrefour du Moulin-Picot (est du faubourg Saint-Jacques) (Sur la route de Metz.), suivrait l'itinéraire cote 143, champ de tir et route de Sedan.
La 21e division, suivant la 18e, passerait la Marne au pont nord, occuperait la lisière nord-est de Châlons et marcherait en deuxième ligne par la route de Sedan, derrière la 22e.
Le 2e régiment de chasseurs, passant la Marne à Sogny avec la 60e division, se porterait entre Châlons et Lépine, poussant des reconnaissances vers Le Tilloy, Saint-Etienne-au-Temple et Cuperly, de façon à explorer " toute la région " (Cet ordre d'opérations fut envoyé à la 18e division à 3 h. 30 par estafette et à 4 h. 30 par un peloton de dragons. Il fut confirmé à 4 h. 45, avec ordre d'exécution immédiate.) .
Cet ordre était basé sur la possession du pont de Chalons par la 18e division. Il se révélait promptement inexécutable. Dès 5 h. 45, le général Lefèvre rendait compte qu'il l'avait reçu à 5 h. 05 seulement, après son mouvement rétrograde, que ses troupes étaient " fatiguées, les chevaux d'artillerie aussi ". A 8 h. 20, il écrivait de la gare de Châlons que, d'après les habitants, il y avait un seul pont sur la Marne dans cette ville. Il croyait devoir ajouter : " ...Si vraiment il n'y a qu'un pont, à Châlons, il me semble impossible que ma division continue la poursuite à elle toute seule dans les conditions prescrites, car elle aurait alors une avance de 25 kilomètres et pourrait être compromise.
" Je continue ma marche, mais je vous demande de me faire savoir le plus tôt possible si je dois m'arrêter et à quelle hauteur. Si je n'ai pas d'ordres avant de m'engager dans la région boisée, j'arrêterai mes éléments avancés sur la croupe à hauteur du champ de tir. . . "
On voit quelle incertitude, quelles hésitations constantes ralentissaient la poursuite du 11e corps. Le passage de la Marne à Châlons en fut retardé de 2 h. 45. Dans l'intervalle, on déchargea les fourneaux de mine du pont. La cheddite qui en fut retirée devait être plus tard utilisée en Artois par le génie du 11e corps. Les troupes passaient ensuite, sur un front aussi large que possible, en serrant les rangs pour réduire la durée de cette opération.
Sur les entrefaites, le 2e régiment de chasseurs, étant parvenu à passer la Marne à Sogny, se heurtait aux arrière-gardes allemandes au sud et à l'ouest de L'Epine, subissait des pertes et atteignait néanmoins la Vesle, sur les bords de laquelle il passait la nuit.
Après avoir franchi le pont, la 18e division se rassemblait au nord de Châlons, gardant le faubourg Saint-Jacques et celui des quartiers et casernes (9 heures) . D'où une nouvelle perte de temps. La marche n'était reprise qu'à 12 heures, tandis que la 22e division, l'artillerie de corps et la 21e division traversaient à leur tour la Marne au pont de Châlons.
A 16 heures, l'avant-garde du général Lefèvre était au delà de Dampierre-au-Temple et marchait sur Cuperly (On se demande pourquoi le détour par Dampierre.). L'ennemi avait évacué des tranchées creusées sur le mont Gravonne. On avait aperçu de petites colonnes et une canonnade assez forte retentissait vers Bouy, au nord-ouest. A 18 heures, la marche était arrêtée, l'avant-garde (34e brigade) occupant Vadenay et Cuperly, ainsi que les fermes de ce nom dans le camp de Châlons. Le gros restait à Dampierre et à Saint-Hilaire.
Pour le 11e corps, l'ensemble du mouvement ne donnait lieu à aucune rencontre, l'ennemi ayant eu, grâce à notre lenteur, tout le temps d'effectuer sa retraite. La 22e division, suivie de la 21e, allait sur Saint-Etienne-au-Temple. Après avoir passé la Marne à Sarry, la 60e division marchait sur L'Epine; une arrière-garde allemande l'amenait à se déployer, mais se dérobait avant le contact. On faisait à L'Epine plusieurs centaines de prisonniers, on y ramassait quantité d'armes et de munitions.
Le 11e corps passait la nuit du 12 au 13 au nord de la Vesle, sur trois divisions de front, la I8e autour de Saint-Hilaire, la 22e autour de Saint-Etienne, la 60e vers Courtisols. La 21e restait au nord de Châlons, en deuxième ligne. On trouvait dans cette ville du matériel, dont une vingtaine d'automobiles (Notes inédites du général Eydoux.).
V
A la, 4e armée, les 21e, 12e et 17e corps passaient la Marne entre Mairy et Vitry et, décrivaient un vaste mouvement de conversion, pour se rabattre sur le front Courtisols, Poix, Somme-Yèvre, à peu près face au nord. Le 21e corps devait tout d'abord passer la Marne à Sogny et à Mairy. Il reçut de la 4e armée un nouvel ordre lui prescrivant d'utiliser seulement ce dernier pont et celui de Togny, Vésigneul. Quant au pont de Sogny, affecté à la 9e division de cavalerie, il lui fut cédé par les éléments du 149e qui s'en étaient emparés dans la nuit du 11 au 12. Ainsi, sur ce point, au cours d'une poursuite, la cavalerie se laissait devancer par l'infanterie.
L'ennemi ayant rompu les ponts sur le canal, il fallut les rétablir. A Saint-Germain, ce travail fut facilité par l'existence d'une écluse; à Vésigneul, on ne le terminait que dans la journée. Ces incidents ralentirent peu la poursuite, d'autant qu'une pluie bienfaisante avait rafraîchi l'atmosphère. Les troupes, rendues à leur ardeur première, occupèrent non seulement Courtisols et SommeVesle que leur avait assignés la 4e armée, mais atteignirent en fin de journée, sur l'ordre du général Legrand, la ligne de La Noblette à La Cheppe et à Bucy-le-Château (Notes inédites d'un témoin.). Le corps colonial et le 2e corps avaient ordre de passer la Saulx et de se porter sur Possesse et Charmont (G. Babin, p. 278.), face au nord et en échelon vers le sud.
Ces marches s'effectuaient sans difficulté, semble-t-il. Les corps de droite seuls avaient à faire de longs parcours, alors que l'ennemi avait pris moins d'avance qu'au centre et à la gauche. La 3e division (2e corps) se rassemble le 12, en pleine nuit, puis marche sur Heiltz-le-Hutier, Scrupt, Blesmes. Près d'une ferme, un témoin voit de loin au milieu de cadavres allemands un pantalon rouge. " Je m'approche. Spectacle abominable : le cadavre est consumé jusqu'à mi-corps et les jambes sont encore attachées par un fil de fer. Les Allemands ont dû brûler ce malheureux ! " (Lieutenant Deville, p. 117) .
La division traversait ensuite Etrepy, Heiltz-le-Maurupt où elle trouvait de nombreuses traces de la retraite précipitée des Allemands, Villers-le-Sec, Charmont où cantonnait le Q. G.
A la 3e armée, le 12 septembre, quoi qu'on en ait dit (F. Renauld, Un Verdun inconnu., loc. cit., p. 24. Les Ve, VIe, XIIIe, XVIe corps, et les Ve, VIe, XVIIIe corps de réserve contre les 5e, 6e 15e corps et les divisions du groupe Pol Durand.), il semble que nos troupes ne fassent qu'amorcer la poursuite. D'ailleurs la grosse supériorité numérique de l'ennemi, qui dispose de plus de sept corps d'armée contre moins de cinq, ne permet rien de plus. La tête du 15e corps atteignait Brabant-le-Roi, mais des mouvements inexplicables s'effectuaient en seconde ligne, de Vassincourt sur Bar-le-Duc, par exemple (Carnet de route d'un officier d'alpins, I p. 87.) .
Au 5e corps, vers le bois de Laimont, nos troupes passaient la journée dans l'immobilité, sous une pluie à peu près constante. Elles s'apercevaient de la retraite de l'ennemi le soir du 12, sans que, sur ce point, il y eût trace de poursuite (Galtier-Boissière, p. 180.) .
Au 6e corps, le matin, on était très surpris de ne plus entendre le canon. Des reconnaissances confirmaient ensuite la disparition des Allemands. Les ordres de poursuite étaient donnés, mais, en réalité, la 12e division ne faisait qu'esquisser un mouvement offensif assez lent. C'est à peine si, le soir, sa tête atteignait Amblaincourt sur l'Aire. La 40e division restait immobile sous la pluie.
Le 12, la 7e division de cavalerie avait reçu mission de se porter sur Verdun, en vue de se rabattre ultérieurement sur les derrières de l'ennemi. Dès Villers-sur-Meuse, elle fut arrêtée par le canon allemand. Vers 15 heures elle se remettait en marche, jusqu'à Dugny, sous Verdun. Là, le général d'Urbal apprenait du gouverneur que l'ennemi tenait la forêt de Hesse, Avocourt, Esnes et Chattancourt, barrant ainsi la route vers le nord. On cantonna la division dans Verdun et aux environs (Général Canonge, p.62).
Sur tout le front de l'0ise à la Meuse les Allemands étaient alors en retraite. A Compiègne, un témoin les voit couvrir d'un drapeau de la Croix-Rouge, tout neuf, des fourgons où sont entassés les produits de leur pillage. A 20 heures, ils font sauter le pont de péniches qui remplace le pont de pierre, détruit par nous pendant la retraite précédente (Mourey, p. 97.). Devant notre 9e armée, le XIIe corps continue de, se replier par Mourmelon et Saint-Hilaire-le-Grand jusqu'à Vaudesincourt où il se retranche (De Dampierre, p. 62.). Ainsi l'ennemi dépasse au nord Aubérive où il reviendra bientôt et qui restera, pendant des années, l'un de ses points d'appui en Champagne.
A Reims, la peur des représailles lui faisait déjà publier une proclamation d'une violence calculée et qui vaut d'être reproduite :
" Dans le cas où un combat serait livré aujourd'hui ou très prochainement aux environ de Reims ou dans la ville même, les habitants sont avisés qu'ils devront se tenir absolument calmes et n'essayer en aucune manière de prendre part à la bataille. Ils ne doivent tenter d'attaquer ni des soldats isolés, ni des détachements de l'armée allemande. Il est formellement interdit d'élever des barricades ou de dépaver des rues, de façon à ne pas gêner les mouvements des troupes, en un mot, de n'entreprendre quoi que ce soit qui puisse être d'une façon quelconque nuisible à l'armée allemande.
" Afin d'assurer suffisamment la sécurité des troupes et afin de répondre du calme de la population de Reims, les personnes nommées ci-après ont été prises en otages par le commandement général de l'armée allemande. Ces otages seront pendus à la moindre tentative de désordre. De même La ville sera entièrement ou partiellement brûlée et les habitants pendus, si une infraction quelconque est commise aux prescriptions précédentes.
" Par contre, si la ville se tient absolument tranquille et calme, les otages et les habitants seront pris sous la sauvegarde de l'armée allemande.
" Par ordre de l'autorité allemande : " Le Maire, Dr LANGLET (Isabelle Rimbaud, p. 170-181.).
" Reims, le 12 septembre 1914. "
Ces menaces restent d'ailleurs sans effet. Dans la journée, le canon fait rage aux lisières mêmes de Reims et dans le faubourg de Paris; la retraite des Allemands se dessine dès l'après-midi et continue la nuit jusque vers 2 heures. A 18 heures, les otages sont conduits au delà du cimetière de l'est. Là, contre leur attente, ils sont libérés, la population s'étant tenue tranquille.
Des témoignages nombreux montrent que les troupes allemandes sont fort atteintes dans leur moral. D'autre part la retraite a produit chez elles son effet ordinaire en rendant les caractères plus irritables, l'entente plus malaisée. Entre von Bülow et von Kluck, entre ce dernier et Moltke, la " mésentente " a été, dit-on, " jusqu'à la fureur ".
Au G. Q. G. français, l'idée d'un enveloppement de la droite allemande se précise enfin. Le général en chef écrit au général Maunoury : " Afin de déborder l'ennemi par l'ouest, la 6e armée, laissant un fort détachement dans l'ouest du massif de Saint-Gobain pour assurer en tout état de cause la liaison avec l'armée anglaise, portera progressivement son gros sur la rive droite de l'Oise ".
Mais ces recommandations tardives seront très incomplètement suivies. Les tendances des généraux alliés sont loin d'être à l'extension des fronts. Ils attribuent la victoire de la Marne à la pratique entre eux d'une étroite solidarité. Ils en déduisent la nécessité du " coude à coude ", de l'alignement. Au cours même de la bataille, cette tendance est si marquée qu'un commandant de corps d'armée en signale les inconvénients à ses divisionnaires. Le maréchal French l'exagère encore. Il tient à ce que l'armée britannique soit toujours très fortement encadrée. La 5e armée appuyant vers l'est, d'après les instructions même du G. Q. G:, nos Alliés font de même entraînant à leur tour la 6e armée, qui est dans l'impossibilité de porter son gros à l'ouest de l'Oise (L. Madelin, p. 803-804.).
On a vu que le 11, le G. Q. G. prescrivait à la 3e armée de chercher à couper les communications de l'ennemi. Le 12 il lui ordonnait d'entamer une offensive énergique vers le Nord, par les terrains libres entre l'Argonne et la Meuse, en s'appuyant sur les Hauts-de-Meuse et la place de Verdun et en assurant la couverture de son flanc droit.
CHAPITRE SUIVANT DE L'OUVRAGE DU GENERAL PALAT
MENU DE LA BATAILLE DE LA MARNE VUE PAR LE GENERAL PALAT
MENU DES RESPONSABLES ET ECRIVAINS FRANÇAIS
RETOUR VERS LE MENU DES BATAILLES DANS LA BATAILLE