LA BATAILLE DE LA MARNE VUE PAR LE GENERAL PALAT

CHAPITRE XXIII

CHAPITRE XXIII

LE 11 SEPTEMBRE SUR LE FRONT ALLIE

La poursuite de la 6e armée. - La division Cornulier-Lucinière. Le 4e corps. - Le 7e corps. - Le groupe Lamaze. - L'armée britannique. - La 5e armée. - La 9e armée. - Retraite de la 18e division. - La 4e armée. - La 3e armée. - Retraite des Allemands. - Ordre général du 11 septembre.

I

 

A la 6e armée, la poursuite se déclenchait lentement le 11 septembre. Un ordre " préparatoire ", parvenu aux troupes vers 4 h. 30, faisait connaître que toutes se tiendraient prêtes à partir dès " 6 heures ". L'ordre général n° 75 n'arrivait qu'un peu après cette heure. On poursuivrait l'ennemi avec énergie, de façon à ne lui laisser aucun répit. La 6e armée se porterait au nord-est, attaquant résolument tout ce qu'elle rencontrerait. Sa marche s'exécuterait, en principe, par division. Le 4e corps aurait à sa droite les 61e et 62e divisions (groupe Ebener) à partir de Crépy. A gauche, la 3e division de cavalerie surveillerait les passages de l'Oise entre Pont-Sainte-Maxence et Compiègne.

De même, le groupe Lamaze (55e et 56e divisions) marcherait encadré entre la 45e division suivant l'itinéraire La Ferté-Milon, Faverolles, Corcy, Longpont, et le 7e corps dont la colonne de droite aurait pour direction Lévignen, Vauciennes, ouest de Villers-Cotterêts, Soucy. Les avant-postes de la 6e armée devaient atteindre la ligne Pierrefonds, Coeuvres-et-Valsery, Saint-Pierre-Aigle, Chaudun; les gros celle de Rétheuil, Longpont.

Au 1er corps de cavalerie, la 5e division restait le 11 aux environs de Beauvais, comme nous l'avons dit. Quant aux 1re et 3e divisions, elles commençaient la poursuite avec un retard sensible, par suite des faux mouvements qui ont été signalés. Leur gros suivait la direction de Senlis, Rully, Bethizy-Saint-Pierre, Verberie, bourgs que les Allemands avaient quitté le matin. Le pont de l'Oise avait été détruit au moment de la retraite sur la Seine et l'on ignorait sans doute l'existence de celui de La Croix-Saint-Ouen. La 1re division jeta en une nuit un pont de circonstance au moyen de péniches (Deux péniches affrontées réunissant les deux rives au moyen d'une troisième, placée dans le sens du courant, et de deux rampes d'accès (Notes inédites d'un témoin).): On cantonnait dans la région de Verberie du 11 au 12. Le temps s'était refroidi et la pluie tombait abondamment. On signalait le passage à Chamant, le soir du 10, d'un régiment de cavalerie allemande, exténué et le moral très bas. Il repartait de suite pour Verberie. Partout on observait les traces du passage de l'ennemi. Ainsi du château d'Aramont : " Un billard est renversé les pieds en l'air; sur le parquet du grand salon gisent pêle-mêle de la paille, des draps, des glaces, des meubles recouverts de tapisseries d'Aubusson, des lambeaux de tentures, des figurines de Saxe plus ou moins cassées, des porcelaines de valeur dans lesquelles ces brutes ont mangé leur soupe ou déversé le trop-plein de leur ventre satisfait ".

Au 4e corps, la colonne de gauche (8e division, 315e et 317e) devait suivre l'itinéraire Rozières, Trumilly, Glaignes, Béthancourt, Morienval, Pierrefonds, qui la conduirait en bordure sud-est de la forêt de Compiègne. La colonne de droite (7e division et artillerie de corps) marcherait par Ormoy-Villers, Crépy-en-Valois, Feigneux, Rétheuil, Chelles. Le 14e hussards éclairerait le front; la 8e division aurait une flanc-garde vers Béthizy et de petites fractions en forêt de Compiègne, sur la transversale Saint-Sauveur, Saint-Jean-aux-Bois, Baligny.

La marche s'opérait sans difficultés, mais avec une grande lenteur. Il pleuvait. Le général de Trentinian croyait devoir déployer sa division au nord de Crépy. A deux reprises, le commandant du corps d'armée lui faisait dire qu'il n'avait rien devant lui, qu'il devait marcher en colonne de route pour hâter son mouvement de poursuite. La 7e division traversait le vaste plateau nu au nord de Crécy, en formation demi-déployée, ce qui entraînait du retard (Il y avait déjà eu un retard d'une heure lors de la mise en route (Notes inédites d'un témoin).). On signalait encore des mouvements. de Villers-Cotterêts sur Compiègne. La 3e division de cavalerie poursuivait, de Verberie vers cette dernière ville, une colonne de toutes armes qui fuyait " en panique ", dit-on.

Malgré l'invitation pressante du général Boëlle, l'avant-garde du général de Lartigue (8e division) progressait très lentement. Vers 20 heures, elle se laissait surprendre par une fusillade à Pierrefonds et, " après un certain désarroi ", reculait jusqu'à la ferme de Lessart-L'Abbesse, où elle se reconstituait au cours de la nuit. Sur les entrefaites une compagnie du 117e poussait jusque dans Saint-Jean-aux-Bois, où elle faisait des prisonniers.

Quant à la 7e division (de Trentinian), en dépit des recommandations du général Boëlle, son avant-garde ne dépassait pas les hauteurs entre Rétheuil et Chelles. Son quartier général s'établissait à Béthancourt.

Au 7e corps, la colonne de gauche ( 14e division) marchait par Lévignen, Vaumoise, Vez, Largny, Haramont et poussait ses avant-postes aux débouchés nord de la forêt de Villers-Cotterêts, à hauteur de Vivières. L'ennemi se dérobait " en très bon ordre et à bonne vitesse; nous le suivions plutôt que nous le poursuivions " . Il se produisait quelques engagements d'avant-garde.

La 63e division, à droite, se portait à l'ouest de Villers-cotterêts. A Coyolles, sa flanc-garde de droite, dont l'utilité paraît au moins contestable, jetait l'alarme dans l'avant-garde de la 56e division et faisait perdre près d'une heure à cette unité (Général de Dartein, p. 143-144.) .

La 56e division (de Dartein) suivait l'itinéraire Cuvergnon, Ivors, Boursonne, Pisseleux, est de Villers-Cotterêts, maison forestière de Montgobert. Partie vers 7 heures seulement, elle s'arrêtait au nord-est de Villers-Cotterêts, sous une pluie battante, pendant que son avant-garde poussait jusqu'au nord de la forêt. Avant d'arriver au carrefour de la maison forestière, cette dernière troupe croisait le convoi de treize camions automobiles incendié le 9 par la 5e division de cavalerie. Des munitions, des caisses diverses couvraient la route. Celle-ci n'était remise en état que dans la nuit.

Le soir, après avoir repoussé quelques patrouilles ennemies, les éléments avancés de la 56e division occupaient la ferme de Saint-Aignan, Valsery, Dommiers; le gros, Saint-Pierre-Aigle, Montgobert, Puisieux. Les avant-postes tenaient la ligne La Grosse-Croix, La Râperie, Tilleul de la Claux. Ils cherchaient inutilement la liaison avec la 63e division à Cutry et ne l'obtenaient qu'à 3 heures, le 12, à la ferme Cravançon, avec la 55e. D'ailleurs l'ennemi, retranché, occupait encore une partie de cette ligne. L'étape avait été longue (30 à 35 kilomètres) et le départ tardif. Les troupes n'atteignaient leurs cantonnements que très tard, de 22 heures à minuit. Elles avaient ramassé quelques traînards et, à Saint-Pierre-Aigle, les chevaux d'une patrouille de uhlans qui s'était sauvée à pied (Général, de Dartein, p. 146. Au château de Montgobert, chez le duc d'Albuféra, le commandant du IIIe corps allemand avait logé la veille.) .

La 55e division marchait par Antheuil, la ferme Bourg-fontaine, Dampleux, la ferme de Chavigny, la route de Villers-Cotterêts à Soissons. Comme la 56e, elle atteignait très tard ses cantonnements.

La 45e division devait également marcher sur Soissons par Marolles, La Ferté-Milon, Corcy, Longpont, en se reliant sur la rive est de la Savières à l'armée britannique. Au dire des habitants de La Ferté-Milon, la retraite allemande y avait " revêtu le caractère d'une véritable déroute. Ce fut presque une fuite éperdue ". Les routes étaient couvertes d'épaves. Vers 14 heures, la division fit halte pour permettre le déploiement de l'avant-garde, qui débouchait sur Chaudun. Ce village était défendu par la 10e compagnie du 48e, seul reste de son bataillon. Il fut pris après une courte résistance et les défenseurs pris ou mis hors de combat (100 prisonniers sur 165 hommes).

Le départ de la 6e armée laissait le camp retranché de Paris singulièrement affaibli. Non seulement Gallieni avait disposé en faveur du général Maunoury de tous les éléments disponibles, y compris la brigade de spahis récemment débarquée, mais il avait vidé tous ses magasins pour recompléter ou accroître son matériel : " Dans ces conditions il n'y a pas de défense possible... Actuellement nous n'avons plus rien : habillement, armes, munitions, matériel d'ambulance. Et, si vous ne venez pas à notre aide, nous sommes complètement réduits à l'impuissance... " (Gallieni à M. Millerand, 11 septembre, 9h.14, Mémoires de Gallieni, p. 262-263.).

Il ne semble pas qu'aucune suite ait été donnée à ces réclamations. Au contraire, les batteries du camp retranché allaient bientôt envoyer aux armées une grande partie de leur approvisionnement en munitions, déjà trop faible. Quant au général en chef, non seulement il ne renforçait pas la défense de Paris, mais il mettait à profit l'éloignement de la 6e armée pour décider qu'elle recevrait désormais directement ses ordres. Le gouverneur continuerait " à être tenu au courant des instructions d'ensemble données " au général Maunoury (Gallieni, p. 255.) .

Devant la 6e armée, l'ennemi était partout en retraite. Von der Marwitz télégraphiait qu'épuisé, il ne pouvait plus couvrir la 1re armée et von Kluck le rappelait au nord de l'Aisne (L. Madelin, La Victoire de la Marne, loc. cit., p. 201.) .

II

 

Le 11 septembre, l'armée britannique continuait la poursuite sans incident. Sa cavalerie atteignait, la ligne de l'Aisne, les 3e et 5e brigades au sud de Soissons, la division Allenby à l'est, vers Couvrelles et Serseuil. Derrière elles, les gros dépassaient l'Ourcq, vers Oulchy-le-Château et Fère-en-Tardenois (Rapport French du 8 octobre 1914, p. 30. Les Mémoires French sont muets sur le 11 septembre.).

La 5e armée avait ordre de continuer la poursuite, les corps de droite s'échelonnant légèrement en arrière de manière à pouvoir s'engager face au nord ou à l'est.

Le 10, en fin de journée, le 18e corps avait atteint la ligne Etrépilly, Bézu-Saint-Germain, Epieds, sensiblement en retrait de l'armée britannique et de la 6e armée. On savait l'ennemi en retraite générale (Nous ne savons sur quoi se fonde M. Madelin pour écrire (p.201) que, le 11, pendant vingt-quatre heures, le 18e corps marqua le pas devant Château-Thierry, réclamant des ordres pour se ruer sur le flanc de von Kluck.) devant la 9e armée comme devant la 5e. Nos Alliés, opérant leur mouvement à l'ouest de la route incluse Rocourt, Fère-en-Tardenois, Loupeigne, Mont-Notre-Dame, Bazoches le corps Conneau allait marcher devant le front de la 5e armée au lieu d'être à sa gauche; il prendrait Fismes pour direction générale, en portant sa découverte sur l'Aisne et vers Reims.

A droite, la 8e division aurait pour axe de marche Fère-en-Tardenois, Dravegny, le moulin de Courville, Jonchery-sur-Vesle; la 10e, en arrière et à gauche de la 8e, Cramaille, Mareuil-en-Dôle, la ferme de Courlandon; la 4e Lannoy, Mont-Notre-Dame, Blanzy-lès-Fismes.

A 10 h. 30 seulement, la 4e division atteignait Branges (Le bataillon du 45e attaché normalement à la division marchait entre l'avant-garde et le gros. Le second bataillon mis la veille à la disposition du général Abonneau avait rallié la 10e division. L'avant-garde de la 4e ne sortait de Beugneux qu'à 8 heures.); mais, à l'ouest de Lhuys, l'avant-garde faisait connaître qu'une forte canonnade retentissait à l'est, entre la 8e division et une division de cavalerie ennemie en retraite sur Mont-Notre-Dame. Le général Abonneau prenait ses dispositions pour intervenir dans ce combat, lorsque sa propre avant-garde était prise à partie par de l'artillerie qui se dévoilait vers Jouaignes, et dont il fallait éteindre le feu. A 12 h. 45, le bataillon du 45e avait ordre d'attaquer Mont-Notre-Dame, où l'avant-garde signalait de l'infanterie avec des mitrailleuses et de l'artillerie à l'est et à l'ouest. Le groupe cycliste et les trois batteries appuyaient cette attaque. A 15 heures, le 45e entrait dans le village, suivi du gros de la division. Le mouvement ultérieur de cette dernière était ralenti par un faux renseignement, signalant l'ennemi vers Jouaignes. Elle ne reprenait sa marche qu'à 16 h. 30.

Peu après survenait un ordre du général Conneau, portant que la 10e division allait attaquer Fismes par le sud et prescrivant à la 4e de seconder cette offensive. Dans ce but, le général Abonneau faisait attaquer Bazoches par le bataillon du 45e, soutenu par deux pelotons cyclistes et par l'avant-garde, qui avait alors atteint Saint-Thibaut. Bazoches fut rapidement enlevé (17 h. 30). Peu après, la 4e division cantonnait autour de Mont-Notre-Dame.

Quant à la 10e division elle se heurtait à une résistance sérieuse devant Fismes. Le général Conneau songeait à faire enlever le pont de l'Ardre par une attaque de nuit, pour laquelle la 38e division ( 18e corps) mettait un bataillon de zouaves à sa disposition. Finalement le passage n'était forcé que le 12, entre 15 et 16 heures, par cette dernière division.

La 8e division marchait de Villeneuve-sur-Fère en direction de Reims, passant ainsi à la droite de 2e corps de cavalerie, sans raison apparente. Elle allait cantonner sur l'Ardre, dans la région de Crugny (Commandant, Bréant, p. 68.) , après avoir été un instant canonnée, comme nous l'avons dit.

Le 18e corps atteignait le 11 la région Mareuil-en-Dôle, Chéry, au sud de Fismes, suivant des itinéraires encombrés par les convois du corps Conneau et même de troupes britanniques. Il apprenait que notre cavalerie s'était heurtée vers Fismes à une forte résistance qu'elle n'avait pu vaincre et mettait, comme nous l'avons vu, des éléments à sa disposition. Dans l'après-midi, une pluie torrentielle rendait la marche très pénible; certaines fractions de la 36e division ne cantonnaient pas avant minuit.

A la droite du 18e corps, le groupe Valabrègue marchait en direction générale de Berry-au-Bac, Guignicourt, Juvincourt; le 3e corps vers Saint-Thierry et Thillois, avec Brimont comme objectif. La gauche de la 5e armée avait. reçu la recommandation de se tenir prête à être orientée, le cas échéant, vers le nord de l'Aisne, pour agir contre les forces allemandes signalées vers Soissons. Ainsi nous paraissions nous rendre compte des inconvénients. de la marche au nord-est.

L'ordre du 10 septembre (23 heures) portait le reste du 1er corps au nord de la Marne, le gros de la 1re division vers Champvoisy, une avant-garde à Goussancourt, face au nord-est, un régiment à Ronchères, face au nord. La liaison avec le 3e corps se ferait vers Coulonges (La 1re division ferait usage du pont de Dormans, resté intact, et d'un pont de bateaux jeté à l'est de cette ville (Notes inédites d'un témoin).) .

Quant à la 2e division, elle aurait son gros vers Passy-Grigny, son avant-garde à la ferme Belle-Idée et un régiment à Trotte, face à l'est.

Ce mouvement terminé, tous les éléments combattants du 1er corps faisaient front vers le nord-est. Le général Deligny prescrivait un nouveau bond en avant. La 1re division allait entre Olizy et Anthenay (gros) et a Cuchery (avant-garde) . La 2e au nord de Montigny (gros) , l'avant-garde restant à la ferme Belle-Idée. A Vanteuil, le 6e chasseurs était chargé de la liaison avec le 10e corps, encore rattaché à la 9e armée.

En somme, le 1er corps avait opéré un mouvement de conversion vers l'est, en gagnant très peu de terrain vers le nord. La retraite des Allemands en était facilitée.

III

 

A la 9e armée, l'ordre du général Foch pour le 11 septembre, daté du 10, à 23 heures seulement, était ainsi conçu :

" I. La poursuite de l'ennemi sera continuée demain, en vue de se rapprocher le plus possible de la Marne. On cherchera surtout à déborder et à tourner les arrière-gardes de l'ennemi pour les faire tomber, plutôt qu'a les attaquer de front, à agir pour cela avec des formations largement déployées ou à faire appel à des colonnes voisines, avec lesquelles des liaisons étroites devront être établie.

" II. Le IIe corps disposera de la zone limitée à l'est par la route incluse Sommesous, Châlons, et à l'ouest par la ligne exclue Salon, Gourgançon, OEuvy, Connantray, Normée, Villeseneux, Germinon, Thibie, Saint-Pierre-aux-Oies. Il aura en outre à se mettre en liaison avec le 21e corps (gauche de la 4e armée) arrivé ce soir, 10 septembre, vers Soudé-Sainte-Croix et Coole, pour agir contre le flanc des forces ennemies qui lutteraient contre le 9e corps. Il disposera du corps de cavalerie ce soir à Poivres-Sainte-Suzanne et acheminera une division de Sommesous sur Dommartin, Lettrée et Cernon.

" La 42e division disposera de la zone limitée à l'est par la ligne incluse formant la limite ouest du 11e corps et à l'ouest par la ligne exclue Linthes, Ecury-le-Repos, Trécon , Chaintrix.

" Le 9e corps disposera de la zone limitée à l'est par la ligne ci-dessus incluse et à l'ouest par la ligne exclue Bergéres-les-Vertus, Mareuil-sur-Ay.

" Départ : 5 heures pour toutes les colonnes.

" III. Le mouvement sera couvert à l'ouest par le 10e corps, marchant sur Mareuil-sur-Ay et sur Epernay par la route Bergères-les-Vertus, Mareuil-sur-Ay. En outre ce corps portera une colonne sur Mareuil-le-Port, pour établir la liaison avec le 1er corps, de la 5e armée, qui a marché aujourd'hui sur Dormans.

" IV. Q. G. A. à Fère-Champenoise. "

En exécution de cet ordre, le 10e corps cantonnait au sud d'Epernay et de Mareuil-sur-Ay, après avoir rempli le rôle de flanc-garde qui lui était dévolu (Docteur Veaux, p. 144. le 41e, à la garde des convois, cantonne à Ablon-Saint-Martin à minuit. Le général Bonnier reprend le commandement de la 19e division.). La 51e division devait passer la Marne au pont de Mareuil, mais il était détruit et l'artillerie lourde allemande nous fit subir quelques pertes.

La région qui s'étendait devant la 9e armée, du moins à l'est de la route de Vertus à Reims, était un terrain de poursuite des plus favorables, la plaine champenoise partout praticable, avec ses longues ondulations et ses centaines de boqueteaux dont les pins, le plus souvent clairsemés, masquent les approches sans les ralentir.

Cette région était parfaitement connue de la cavalerie, qui l'avait parcourue en tous sens pendant ses manœuvres annuelles. Malheureusement, en dehors du corps provisoire, resté encore derrière la droite de l'armée, cette arme était très faiblement représentée. Ainsi le 9e corps ne comprenait que deux escadrons du 7e hussards (Deux escadrons restés en Lorraine marchèrent avec la 18e division et le 11e corps.) réduits à moins de 80 chevaux; les deux escadrons de réserve de la 17e division n'en comptaient plus que 70; les deux escadrons du 9e chasseurs (division marocaine) en avaient encore 200 environ.

Cette faible cavalerie (moins de 500 chevaux) eut à couvrir la marche de la division marocaine (Bergères-les-Vertus, Flavigny, Athis, Tours-sur-Marne) et de la 17e division (Chaintrix, Champigneul, Jâlons, Condé-sur-Marne) .

L'ennemi avait repris un peu d'avance, mais le contact était bientôt rétabli sur tout le front. Le 7e hussards faisait dans Trécon 60 prisonniers; ailleurs on ne ramassait que des isolés et du matériel. Partout les maisons étaient affreusement pillées, les armoires éventrées, les objets mobiliers brisés quand ils n'avaient pas été emportés, le linge en lambeaux ou volé. Dans les bivouacs allemands, les abris étaient faits de portes et de volets arrachés aux . maisons voisines; ils étaient remplis de fauteuils, de mate las déchirés ou souillés. Tout autour, des cadavres de bœufs et de moutons, dont on n'avait enlevé que les meilleurs morceaux. Le maire de Vaudemange allait remettre le 12, au général Dubois, les livrets d'une soixantaine d'hommes du 64e (11e corps), attardés pendant notre retraite et que les Allemands avaient fusillés sous prétexte de pillage, parce qu'ils les avaient trouvés remplissant leurs bidons dans une cave abandonnée. Ce fut, dans tout le 9e corps, un cri de vengeance et de haine quand on connut cette nouvelle infamie.

Dans la matinée, les têtes du corps d'armée atteignaient la Marne, mais tous les Ponts étaient détruits sans qu'on pût songer à les réparer. L'équipage de ponts était resté en Lorraine lors du mouvement du 9e corps de la 2e à la 4e armée; on ne disposait plus que du demi-équipage de la 52e division. Le général Dubois prescrivit de s'en servir pour jeter un pont à l'ouest de Condé, dans la boucle de la Marne, et d'y créer une voie d'accès; on construirait en outre à Bisseuil, une passerelle pour infanterie et on en organiserait une seconde à Tours, en améliorant le barrage d'un moulin.

Pendant ces travaux, les troupes cantonnaient au sud de la Marne, la division marocaine à Plivot et au sud; la 17e division d'Athis et de Jâlons à Bury; la 52e de Champigneul à Vouzy, derrière la 17e; le Q. G. à Jâlons.

A la droite du 9e corps, la 42e division bordait également la Marne, son Q. G. à Germinon, très en arrière (Notes inédites d'un témoin. D'après Libermann, p.201, quand le 58e bataillon de chasseurs arrive à Trécon, les derniers Allemands en sont partis il y a deux heures à peine, en très grand désordre.).

Le 11e corps prolongeait vers l'est le front de la 42e division, la 21e division marchant à gauche, par Normée, Villeseneux, sur Saint-Gibrien; la 18e au centre, suivie de l'artillerie de corps, de Vassimont sur Soudron, en direction générale de Fagnières; la 22e à droite, de Sommesous sur Vatry et Châlons. La 60e division suivait la 22e, pour la déborder ensuite par Bussy-Lettrée. A l'extrême droite, le 2e chasseurs assurait la liaison avec le corps de cavalerie de l'Espée.

A Sommesous, le 11e corps trouvait quelques-uns de nos soldats liés à des arbres et massacrés sur place. Ils appartenaient aux 247e et 248e (60e division) qui avaient attaqué ce village les jours précédents.

La 22e division étant en retard, le général Eydoux faisait prendre la tête par la 60e. L'ennemi avait peu d'avance, au point qu'un officier d'état-major ayant cru pouvoir s'avancer en automobile à trois kilomètres de Sommesous, était accueilli à coups de fusil, ses chauffeurs tués et lui fait prisonnier. La cavalerie du général de l'Espée ne faisait parvenir aucun renseignement. La 60e division avait même l'impression d'être arrivée avant elle sur la Marne.

L'ordre du général Lefèvre était de faire manger les troupes par bataillon afin de gagner du temps; au contraire, la 34e brigade fit une grand'halte vers Cheniers, et la 35e à la lisière des bois entre ce village et Soudron. La marche ne reprit qu'à 11 heures.

En débouchant des bois, la tête de la 18e division était accueillie par des salves de 77, parties de la lisière sud-ouest de Châlons. Mais, apprenant par sa cavalerie (14 heures) que Fagnières, au nord-ouest de cette ville, était inoccupé; elle y jetait de l'infanterie.

L'ordre de stationnement, établi tout à fait prématurément (Reçu à 16h.30 par la 18e division.) par le 11e corps, ne prévoyait pas une avance aussi rapide. Il indiquait pour la division des cantonnements autour de Soudron. Avec grande raison, le général Lefèvre refusait de faire rétrograder ses troupes et demandait tout au moins de bivouaquer sur place. Le général Eydoux l'autorisait aussitôt (16 h. 45) à occuper Saint-Gibrien, Fagnières, le faubourg de Marne et le moulin 117, en établissant une garde solide aux " deux ponts " de Châlons (Il n'y a qu'un seul pont sur la Marne.) et en échelonnant le reste de la division sur une position choisie.

Ce nouvel ordre parvenait à 17h.40 au général Lefèvre, qui décidait que la division cantonnerait dans la zone indiquée, en tenant avec des avant-postes la Marne, des postes très forts assurant la garde des ponts. La 35e brigade se mettait en marche à 18 h. 30. A 20 heures, le général arrivait au faubourg de Marne avec l'avant-garde de la 34e brigade. Il y apprenait que les ponts étaient minés et le faubourg de Marne presque entièrement évacué par ses habitants; d'après ceux-ci le faubourg Sainte-Memmée, le long de la route de Vitry, était encore occupé. Il y aurait un parc d'artillerie et des bivouacs au nord-est et au nord de Châlons, avec " au moins une batterie lourde " . " A partir de 20 heures, des signaux semblent avoir été échangés entre différents postes allemands " écrivait le général au commandant du 11e corps.

Sous l'impression de ces renseignements sujets à caution, le général Lefèvre, sans en référer à son chef croyait devoir ramener sa division dans les bois au sud-est, portant son Q. G. à la maison forestière, voisine du la bifurcation des routes de Châlons à Nuisement et Cheniers. Il en rendait compte à 1 h. 45 seulement.

Cette décision aboutissait à faire rétrograder de 6 à 8 kilomètres en pleine nuit, pour les mettre au bivouac, sous le vent et le froid, des troupes lancées à la poursuite d'un ennemi battu et ayant des abris à sa disposition . La 18e division évacua les bords de la Marne sans même y laisser un poste : " C'était renoncer à s'assurer le passage et permettre à l'ennemi d'en organiser la défense ou de le faire sauter. Heureusement il n'en fut rien ".

Les 21e et 22e divisions exécutèrent leur mouvement sans difficultés sérieuses. Elles s'arrêtèrent aux environs de la ligne Champigneul, Nuisement, le Q. G. du 11e corps à Breuvery.

Le soir du 10, la 9e division de cavalerie, général de l'Espée, était encore à Poivres-Sainte-Suzanne, au sud-est de Sommesous, c'est-à-dire en arrière de la droite du 11e corps, attendant l'arrivée de la 6e division (de Mitry), qui devait former avec elle un corps provisoire. Le 11, au jour, le, général de Séréville prenait, avec deux des brigades, la direction indiquée par le général Foch, la 3e brigade restant a Poivres-Sainte-Suzanne avec le divisionnaire, pour attendre la 6e division, ce qui ne se comprend guère. Dans la soirée, le général de Séréville jeta vers la Marne deux détachements qui s'emparèrent des ponts de Sogny et de Châlons (Le Goffic, P.223, 297 ~et suiv.). Les ponts voisins avaient été détruits. Du côté de l'ennemi, après avoir décidé la veille que la IIIe armée arrêterait sa retraite à Châlons, pour reprendre l'offensive " aussitôt que possible ", l'état-major de Guillaume II lui prescrivait de continuer la retraite : " L'ennemi paraît vouloir diriger son effort principal sur l'aile droite et le centre de la IIIe armée pour y percer notre front. En raison de l'étendue du front de cette armée, cette manœuvre ne paraît pas dépourvue de chances de succès... " (L. Madelin, La Victoire de la Marne, loc. cit., p. 205, 208.). Cette considération seule expliquait sa décision.

IV

A la 4e armée, la gauche se portait nettement en avant, suivant le mouvement de la 9e armée, tandis que la droite restait sur la défensive une grande partie du jour, éprouvant à peine l'impression de la victoire.

Dès le matin, les 17e et 21e corps marchaient au nord-est, menaçant d'envelopper les travaux organisés aux abords sud de Vitry et forçant l'ennemi de les évacuer à 11 heures. Au 21e corps, la 43e division atteignait la Marne dans la nuit et tenait le pont de Sogny-aux-Moulins par son avant-garde, le gros restant sur la Coole, vers Cernon et Coupetz; la 13e division, apportant dans son mouvement un excès de méthode tout à fait inopportun et gênée en outre sur son itinéraire par des unités du corps d'armée voisin (12e corps), marcha plus lentement et ne dépassa pas la Coole, qu'elle borda de Faux à Coupetz. Elle n'avait pas atteint son objectif, le pont de Saint-Germain-la-Ville qu'on signalait encore couvert par une arrière-garde allemande vers Mairy. A sa droite, la 23e division était à Pringy et a Couvrot, à cheval sur la Marne. Devant ses éclaireurs, les Allemands avaient fait sauter les ponts. Le reste du 17e corps atteignait la même hauteur vers l'est.

Le corps colonial avait, passé la Saulx et, cantonnait entre Heiltz-l'Evêque et Brusson. Quant au 2e corps, il bordait l'Ornain, d'Etrepy Sermaize, en liaison avec le 15e (3e armée) qui avait atteint dès le matin le canal de la Marne au Rhin, entre Contrisson et Neuville-sur-Ornain, poussant des patrouilles vers Revigny. Ainsi le front des 9e et 4e armées dessinait un angle rentrant dont le sommet, était au nord de Vitry, mettant dans une situation délicate les Allemands restés à l'intérieur de cet angle.

Cet aperçu ne donne pas une idée exacte de la situation à la droite de la 4e armée. Certains témoignages permettent de le compléter. Ainsi, à la 3e division (général Cordonnier), le quartier général reste tout le jour à Heiltz-le-Hutier, par un temps qui devient très pluvieux. Mais une partie de la division se porte en avant et l'on a le sentiment très vif de la victoire : " Les hommes, sur la route, ont de bonnes figures qui font plaisir à voir ".

Le général Bon, qui commande l'artillerie du 2e corps, a passé la journée ,du 10 à organiser un champ de bataille au sud de la Marne, pour le cas où nous aurions été forcés à la retraite. Quelle joie, le soir, quand il apprend que, loin de reculer, la division de gauche a fait des progrès! Nous sommes tellement habitués à nous replier, qu'on n'ose croire au succès. Le 11, il faut bien se rendre à l'évidence : il n'y a plus un Allemand devant nous. Vers 14 heures, le Q. G. du 2e corps passe l'Ornain avec ordre de cantonner à Heiltz-le-Maurupt. Mais ce village a été systématiquement incendié par les Allemands. " Impossible de trouver travail mieux fait, il ne reste debout que les cheminées. Il faut aller chercher un abri dans un village voisin, qui a eu l'honneur d'abriter le grand-duc de Hesse pendant la bataille. Mais la présence de cette Grandeur n'a pas sauvé le village du pillage. Tous les meubles sont forcés, tous les coffres-forts béants, même dans la maison qu'il occupait ( Au sujet des atrocités allemandes dans la Marne (viol de femmes de 72 et de 89 ans, d'enfant de 11 ans, etc.), lire le Rapport de la commission d'enquête (17 décembre 1914) reproduit par Le Goffic, p. 259 et suiv.) .

" Certainement chacun est satisfait, mais on ne se sent pas encore respirer librement. Ce n'est pas la fin de la guerre. C'est le premier pas sur une route qui sera encore longue.

" Quelques canons mis hors de service par notre tir et les blessés de l'ennemi, voilà nos seuls trophées (Général Bon, Causeries et souvenirs, p. 256-257.).

V .

 

A la 3e armée, le programme de la journée du 11 était simple : attendre l'offensive de la 4e armée. Dès lors, la droite allait continuer à se cramponner au terrain et la gauche à prendre l'offensive.

A 7 heures, l'ensemble des comptes rendus signalait : " Nuit calme, l'ennemi paraît avoir été très éprouvé ". Un témoin oculaire mentionne aussi : " un calme impressionnant " (Le général Sarrail, p. 568; G. Babin, p. 278.). Vers 10 heures, on annonçait que le fort de Liouville n'avait personne devant lui, que celui de Troyon continuait d'être attaqué et que Bannoncourt était bombardé (sud-ouest de Lacroix-sur-Meuse, sur la rive gauche) . De Verdun on y jetait un bataillon.

A 17 h. 40, la 2e division de cavalerie signalait de la Woëvre une colonne d'infanterie allemande marchant de Thiaucourt sur Beney. C'était la 32e division de réserve, de la défense mobile de Metz, qu'on avait déjà reconnue le 10, entre Pont-à-Mousson et Montauville.

A 18 heures, le 6e corps et les divisions de réserve à sa droite n'avaient observé aucune activité sérieuse de l'ennemi, qui ne manifestait sa présence que par son artillerie. D'ailleurs, le 6e corps ne disposait que de ses escadrons divisionnaires; ses troupes étaient affaiblies et fatiguées par des combats incessants, depuis la nuit du 5 au 6 septembre. L'un de ses régiments, près de Rosnes, Seigneulles, était commandé par un capitaine, après avoir eu deux chefs de bataillon tués, le colonel et un chef de bataillon blessés. Il faisait des travaux de défense (M. Genevois, p. 702; Notes inédites d'un témoin.). On se bornait donc à pousser des patrouilles jusqu'à Souilly. Les divisions de réserve se reformaient vers Neuville-en-Verdunois.

La 7e division de cavalerie était encore dans la région de Saint-Mihiel, face à la menace ennemie dont nous avons parlé.

A la gauche du 6e corps, le 5e avait repris Laimont et Villotte-devant-Lauppy, avec l'appui de canons du 15e corps. Cette avance paraît d'ailleurs avoir été très limitée, l'ennemi restant au contact étroit et défendant ses positions avec énergie.

A 19 h. 15, le mouvement en avant du 2e corps (4e armée) avait permis au 15e corps de gagner du terrain au nord du canal de la Marne au Rhin, entre Contrisson et Neuville-sur-Ornain. On apprenait à 21 heures qu'il occupait Alliancelles, Raucourt, Revigny et qu'il marchait sur Brabant-le-Roi, au nord de Revigny, refoulant vers le nord-ouest le XVIIIe corps de réserve, auquel il avait pris quatre canons, cinq mitrailleuses et quinze caissons. Vers l'est, le VIe corps se retirait sur Laheycourt et la forêt de Belnoue.

Ainsi la situation de la 3e armée, si délicate pendant plusieurs jours devenait favorable. Quelques jours après, le commandant en chef écrivait au général Sarrail : " En réduisant l'amplitude de votre mouvement de repli et en prenant une position enveloppante par rapport à la gauche du dispositif ennemi, vous avez parfaitement rempli la mission qui vous avait été assignée. Ce n'était que justice, car les dispositions prises par la 3e armée, en contradiction avec les ordres répétés du G. Q. C., il ne faut pas l'oublier, avaient évité le contact de l'ennemi à une région étendue, dont Bar-le-Duc, et peut-être sauvé Verdun d'un investissement ou d'une attaque brusquée.

On a pu se rendre compte que, parmi certaines de nos troupes, l'idée de la victoire avait peine à s'imposer. Elles ne se portaient en avant qu'avec un évident défaut de confiance, craignant les embûches ou les retours offensifs de l'ennemi. Elles appréciaient mal le coup qui lui avait été porté, si sensible à son orgueil, si fatal à ses visées ambitieuses. Un radiogramme en clair de son IIe corps de cavalerie (11 septembre, 3 h. 45) était ainsi conçu : " Quelle est la situation ? Où allons-nous ? Je suis incapable d'agir, car, par suite de l'encombrement des routes la journée dernière a été la quatrième où je n'ai eu de vivres ni pour les hommes, ni pour les chevaux. Chez Schmettow (9e division de cavalerie) , 167 chevaux sont tombés d'épuisement. En cas de passage de la rivière, il est nécessaire de nous faire recueillir par l'infanterie " (A. Millerand, Le maréchal Joffre, Revue hebdomadaire, 15 février 1919, p. 301.).

Non seulement, les colonnes allemandes en retraite étaient soumises à toutes les influences amoindrissantes de la défaite, mais elles subissaient de lourdes fatigues, résultant parfois d'une mauvaise organisation. Un élément du XIIe corps se met en mouvement, des environs de Villeseneux, le 11, vers 3 h. 30, sur Châlons, où il arrive vers midi, après une marche très lente, huit heures et demie pour une vingtaine de kilomètres. On continue aussitôt sur Saint-Etienne-au-Temple, où l'on se retranche sur les hauteurs nord, sous une pluie torrentielle. A 18 heures, on repart pour Mourmelon, où l'on arrive vers 2 heures du matin, ayant mis huit heures pour parcourir une douzaine de kilomètres (Journal d'un officier saxon, 178e régiment, XIIe corps, de Dampierre, p. 59.).

A l'arrière, l'allure générale des Allemands avait changé; des troupes affluaient du sud dans Reims; elles laissaient deviner des nouvelles fâcheuses pour l'envahisseur.

Dans l'ensemble, notre succès devenait évident et c'est avec juste raison que le commandant en chef pouvait lancer son célèbre ordre général du 11 septembre : " La bataille qui se livre depuis cinq jours s'achève en victoire incontestable. La retraite des Ire, IIe et IIIe armées allemandes s'accentue devant notre gauche et notre centre. A son tour la IVe armée ennemie commencé à se replier au nord de Vitry et de Sermaize.

" Partout l'ennemi laisse sur place de nombreux blessés et des quantités de munitions. Partout on fait des prisonniers. En gagnant du terrain, nos troupes constatent les traces de l'intensité de la lutte et de l'importance des moyens mis en oeuvre par les Allemands pour essayer de résister à notre élan.

" La reprise vigoureuse de l'offensive a déterminé le succès. Tous, officiers et soldats, vous avez répondu à mon appel. Vous avez bien mérité de la patrie. "

A défaut de l'éloquence qui lui manquait, cet ordre aurait dû être plus exact sur les causes de la victoire. Ce n'est pas la reprise de l'offensive, si vigoureuse qu'elle eût été parfois, qui avait déterminé le succès, mais bien l'attaque imprévue de la 6e armée sur le flanc imprudemment offert par von Kluck. Nous aurons à revenir sur ce thème.

Jusqu'alors, le G. Q. G. paraît avoir envisagé surtout l'hypothèse d'une retraite de l'ennemi au nord-est. Rien n'indique de sa part qu'il ait admis la possibilité d'un arrêt sur l'Aisne, comme le croit M. Madelin (L. Madelin, p. 801-803.). A cette date du 11, une évolution semble se faire dans ses idées. Le général en chef écrit au général Maunoury : " Il faut prévoir que, l'ennemi faisant tête sur l'Aisne, il vous serait difficile d'attaquer de front, et il paraît nécessaire que vous ayez le plus tôt possible des forces remontant la rive droite de l'Oise, pour déborder l'aile droite ennemie " (L. Madelin. La note secrète du G. Q. G. (Quatre mois de guerre) . élargit beaucoup cette recommandation : " Au lendemain de la victoire de la Marne, le général en chef donna à nos armées un double objectif : 1° poursuivre le mouvement en avant de manière à ne laisser à l'ennemi aucun répit; 2° infléchir ce mouvement de façon à inquiéter et, si possible, à déborder la droite allemande ". Ailleurs elle porte : " Dès le 11 septembre, le général en chef avait prescrit au général Maunoury... d'avoir sur la rive droite de l'Oise des forces aussi importantes que possible ".). En même temps la 3e armée est invitée à couper les communications de l'ennemi, s'il est possible (Instruction particulière n°52 du 11 septembre.). Un nouveau corps d'armée, le 13e, prélevé sur la 1re armée en Lorraine, va renforcer et prolonger la 6e armée vers l'ouest. Malheureusement, ces renforts arriveront trop tard.

CHAPITRE SUIVANT DE L'OUVRAGE DU GENERAL PALAT

MENU DE LA BATAILLE DE LA MARNE VUE PAR LE GENERAL PALAT

MENU DES RESPONSABLES ET ECRIVAINS FRANÇAIS

RETOUR VERS LE MENU DES BATAILLES DANS LA BATAILLE

RETOUR VERS LA PAGE D'ACCUEIL