LA BATAILLE DE LA MARNE VUE PAR LE GENERAL PALAT

CHAPITRE XX

CHAPITRE XX

LE 10 SEPTEMBRE A LA GAUCHE

La 6e armée. - Craintes vers le Nord. - Ordre tardif de poursuite. - La division Cornulier-Lucinière. - Le 4e corps. - Le groupe Lamaze. - L'ordre du général Maunoury. - L'armée britannique.

I

 

L'ordre général de la 6e armée, parvenu aux troupes dans la soirée du 9 (Vers 22 heures, général de Dartein, p. 130.), prévoyait pour le 10 une offensive partielle, l'ennemi ayant évacué la rive ouest de l'Ourcq devant la droite de l'armée. Les 4e et 7e corps resteraient en place, le 7e ayant reporté sa gauche en arrière, pendant la nuit, pour ne pas être en flèche. La 45e division et le groupe Lamaze se porteraient au nord de la Thérouanne.

La 8e division romprait de Cuisy à 9 heures pour marcher par Saint-Soupplets et Saint-Pathus sur Silly-le-Long, la 3e division de cavalerie à l'ouest du 4e corps, éclairant au nord et au nord-ouest.

Evidemment, l'état-major de la 6e armée ne se rendait pas un compte exact de la situation. La retraite de l'ennemi sur son front lui paraissait problématique et il redoutait encore une attaque sur son flanc gauche, venant du nord. Il semble même qu'il admît, chose fort improbable, que l'ennemi pourrait cesser d'attaquer de front pour reporter toutes ses forces contre notre flanc.

Autour de Gallieni, l'impression était à peu près la même. L'ordre général n°7, du 9 septembre, 23 heures, le montre surabondamment. Après avoir résumé la situation de la 6e armée, " obligée d'infléchir sa gauche en arrière devant la menace d'un débordement de troupes venant de Villers-Cotterêts et Nanteuil-le-Haudouin ", Gallieni s'exprimait ainsi :

" En vue d'assurer la sûreté du C. R. et de parer à toute éventualité, toutes les troupes de la défense devront être demain à 6 (six) heures sur leurs emplacements de combat.

" La brigade de fusiliers marins et les deux bataillons et demi disponibles du 1er et du 4e zouaves formeront une réserve générale à la disposition du gouverneur.

" Cette réserve, sous le commandement de l'amiral Ronarc'h, sera rassemblée à 9 (neuf) heures, dans le ravin de la Morée, en formation articulée, face au nord; les fusiliers marins entre Dugny et la grand'route, les zouaves entre le Blanc-Mesnil et la même route.

" La brigade de spahis se portera dans la journée de Choisy-le-Roi dans la région de Bondy, Bobigny, Drancy, où elle cantonnera.."

Dans la nuit du 9 au 10, on faisait prendre les armes, par alerte, à une brigade (171e), à l'artillerie et a un escadron de la 86e division territoriale, général Mayniel, qui défendait la région nord. Des renseignements faisaient craindre qu'un corps d'armée ennemi n'attaquât au point du jour la 92e division territoriale, qui gardait l'intervalle entre la route de Senlis et les hauteurs de Vaujours. Les fractions de la 86e division allaient. s'établir à cheval sur cette route, vers la ferme-cabaret de l'Espérance, en soutien, derrière la 92e. Bien que rien n'indiquât l'approche de l'ennemi, que des voitures, des automobiles et des piétons circulassent constamment sur la route, dans les deux sens, ces troupes restaient en position jusque dans l'après-midi. Puis, de nouveaux renseignements, aussi fallacieux, faisaient croire à une attaque par la route de Chantilly. Les fractions de la 86e division se portaient dans cette direction, vers Goussainville. A 17 heures seulement on annonçait le débarquement prochain de la 37e division (Comby), venant de la 5e armée, à Goussainville, Louvres, Survilliers, ce qui montrait assez l'inutilité de pareilles dispositions.

L'état-major de la 6e armée avait moins tardé à se convaincre du profond changement survenu dans la situation. Les reconnaissances envoyées dans la nuit du 9 au 10 faisaient savoir que Trocy, le Plessis-Placy, May-en-Multien étaient vides d'ennemis; que ceux-ci se retiraient vers le nord; déjà l'armée britannique atteignait le front Château-Thierry, Cocherel, Dhuizy et continuait sa poursuite. Vers midi, un ordre préparatoire avertissait l'armée qu'elle allait poursuivre l'adversaire en retraite, en attaquant résolument les arrière-gardes qui essaieraient de résister. L'ordre définitif arrivait à 13 heures seulement, prescrivant que l'on se mettrait en marche à cette heure même, pour porter le soir les avant-gardes sur la ligne générale, Vieux-Parfond, La Villeneuve, Thury Cuvergnon, Bargny, Ormoy-Villers. On marcherait dans l'ordre suivant, de la droite à la gauche : 45e, 55e, 56e divisions avec les batteries de sortie, 7e corps, 4e corps, groupe Ebener (61e et 62e divisions).

Pour faciliter l'offensive du général Maunoury, Gallieni mettait à sa disposition la 62e division et l'état-major du groupe Ebener; ainsi que la brigade de spahis (colonel de Bouillon). Cette dernière serait le 11I, à 11 heures, à Survilliers, où elle attendrait les ordres de la 6e armée.

Par contre, le général Maunoury renverrait dans le camp retranché les batteries de sortie et tous les organes automobiles, moins les auto-mitrailleuses, ainsi que la brigade de cavalerie Gillet, incapable de participer à des opérations actives de quelque durée et sur laquelle Gallieni comptait pour ses liaisons avec le groupe territorial d'Amade.

Au 1er corps de cavalerie, après son épuisante randonnée sur les derrières de von Kluck, la 5e division avait passé les dernières heures de la nuit sur le plateau de Verrines (sud de Néry). Au petit jour, elle prenait la direction de Nanteuil-le-Haudouin en faisant sonder le front Huleux, Trumilly (Et non Huleix, Trumelly, comme l'écrit J. Héthay, p.183.). Partout on était reçu à coups de fusil. On croyait d'abord à une erreur bien naturelle de nos avant-postes, mais une reconnaissance, du capitaine Perez, du 32e dragons; qui allait presque au contact, ne laissait aucun doute. Des renseignements d'habitants amenaient même à croire que l'ennemi avait prolongé jusqu'à l'Oise, au sud de Compiègne, le mouvement du 9, de Villers-cotterêts vers Crépy-en-Valois et au delà.

Dans ces conditions, le général de Cornulier-Lucinière se bornait à faire canonner vivement les points où l'on avait constaté la présence de l'ennemi. En même temps, avec beaucoup d'à-propos, il aiguillait la division dans une direction tout à fait opposée, celle du nord, de façon continuer le plus longtemps possible son opération primitive. Pointant d'abord en direction de Pierrefonds, il comptait se servir éventuellement de la forêt de Compiègne comme d'un masque, pour agir à l'est et au nord-est ou se dérober vers l'ouest, selon les circonstances. On repassa par Ormoy, où un groupe de cyclistes allemands fut bousculé (Le colonel Hennocque, du 5e chasseurs, en abattit même un d'un coup de sabre (J. Héthay, p. 185).). En montant sur le plateau au nord-ouest, l'avant-garde fut accueillie par une très violente fusillade dirigée au nord d'Ormoy par une fraction assez nombreuse d'infanterie. On se rendit bientôt compte qu'elle couvrait un gros convoi en marche de Compiègne sur Crépy. Pendant que l'avant-garde lui faisait face, l'artillerie gagnait rapidement, le plateau, se mettait en batterie à découvert et éteignait le feu de l'infanterie allemande, qui se dispersait dans les bois voisins. Puis le convoi lui-même était mis dans le plus grand désordre, tant par nos obus que par le feu de quelques escadrons à pied, portés au bord nord-est du plateau.

Derrière ce masque, le gros de la division put monter tout entier sur cette hauteur; le train de combat seul, très éprouvé dans le bas des pentes, continua sur Verberie, en direction de l'Oise. Grâce à la fermeté du docteur Petit et de l'aumônier Weber, il parvint ensuite à rejoindre la division.

Sur les entrefaites de l'artillerie ennemie se révélait, venue au secours de son infanterie et tirant à découvert, ce qui lui permit de démonter une de nos pièces. Un plus long engagement n'ayant plus d'objet, nos batteries furent très adroitement repliées par le commandant Darroque et l'on tenta de continuer sur Pierrefonds. Des éléments d'infanterie étant signalés dans cette direction, deux, puis quatre escadrons de la brigade légère mettaient pied à terre pour essayer de forcer le passage. A ce moment arrivait l'avis que le pont de la Croix-Saint-Ouen n'était peut-être pas occupé. " Les chevaux étaient très las, les vivres nuls, la fatigue grande, les projectiles presque épuisés. Seul le moral était excellent " (J. Héthay, p. 189.). Ne considérant plus " comme certaine une avance fructueuse vers le nord ", le général de Cornulier-Lucinière décidait de se porter rapidement au pont, en bousculant les petits groupes ennemis qu'il pourrait rencontrer sous bois, chose relativement facile en raison des futaies qui constituent cette partie de la forêt. On chercherait à forcer le passage de La Croix par un coup de main. Si le pont était détruit, on irait tâter la passerelle de Verberie. Enfin à défaut de cette dernière, on reviendrait derrière les lignes ennemies et l'on essaierait de les traverser, en détruisant au besoin l'artillerie (Il avait déjà fallu faire sauter les caissons lourds, en raison de l'épuisement des attelages.).

Quand on arrivait au pont, on constatait avec joie qu'il était intact et même que le détachement à sa garde venait d'en partir. Un convoi allemand était encore en vue, allant sur Verberie, par la route de Compiègne. On évita de le canonner pour ne pas donner l'éveil et la division traversa l'Oise sans encombre. Deux escadrons du 15e chasseurs, capitaines de Ravinel et Legendre, qui avaient mis pied à terre pour forcer le passage sur Pierrefonds, ne reçurent pas l'ordre de rallier la colonne vers La Croix-Saint-Ouen. Après de nombreuses vicissitudes, ils parvinrent ensuite à rallier la division, non sans avoir capturé par intimidation, en forêt de Compiègne, un détachement de 70 fantassins allemands, conduit par un officier. Un autre escadron, celui du capitaine de Boscals de Réals, resté aux abords de la forêt, vers Ormoy, put également la rejoindre dans des conditions ;qui lui faisaient honneur.

A l'ouest de l'Oise, la division prit le contact avec des patrouilles allemandes. Le capitaine Wallace sur une auto-mitrailleuse prise à l'ennemi le 8, capturait un motocycliste allemand portant de Compiègne à Beauvais l'ordre d'alerter au plus tôt un bataillon à jeter contre la cavalerie entre Compiègne et Clermont.

" A hauteur d'Estrées-Saint-Denis ", la division fut poursuivie par quinze ou vingt automobiles chargées d'infanterie et venant de Compiègne. Un accident survenu au véhicule de tête, en présence de quelques cavaliers, provoqua la disparition sous des couverts des trois officiers qu'il contenait. Les autres camions firent demi-tour. Le gros de la division put donc aller bivouaquer vers Fournival, au nord-ouest de Clermont, sans autre incident. Le général de Cornulier-Lucinière la voyait désormais en sûreté, après un raid où il avait déployé toutes les qualités d'initiative, d'entrain communicatif et de sens militaire qui font le cavalier de race (1).

Le gros du corps Bridoux (1re et 3e divisions de cavalerie) jouait le 10 un rôle beaucoup plus effacé. Après avoir bivouaqué dans la région de Ver, il était même porté au sud-ouest, sur Vémars, où il se ravitaillait. On a peine à comprendre qu'il tournât ainsi le dos à l'ennemi, pendant qu'une bataille se terminait à l'est. Dans l'après-midi seulement, il reprenait la direction du nord, à travers la forêt d'Ermenonville et gagnait paisiblement, vers 19 heures, ses cantonnements dans la région de Senlis, Saint-Léonard qu'il avait traversée la veille et où il aurait pu rester en évitant un parcours inutile de cinquante kilomètres. De ce fait, il manquait l'unique occasion de prendre part à la poursuite.

(1) Le 11 à midi, la 5e division était à Saint-Just, près Beauvais. Elle y fit séjour le 12 et 13 (J. Héthay, p. 199). Le soir même où la 5e division rejoignait le gros du corps Bridoux, le général de Cornulier-Lucinière recevait l'ordre de remettre le commandement au général de L. qui commandait l'une des brigades sous ses ordres, avec cinq ou six mois de grade, tandis que son prédécesseur en avait près de quatre ans. Le nouveau venu fut d'ailleurs renvoyé à l'arrière au bout de trois semaines environ. Pour le remplacer à la tête de la 5e division, on fit venir de Tarbes le colonel A., auquel on donna du même coup les étoiles. C'était le quatrième chef de la division depuis trois mois. A ce moment, elle fit partie d'un nouveau corps de cavalerie, le 2e, dont le chef, général de M., était colonel à la mobilisation. Quant au général de Cornulier-Lucinière, il ne fut nommé divisionnaire qu'en avril 1915, et désigné pour commander la 89e division territoriale. On ne lui rendit une division de cavalerie qu'à l'automne de la même année. Le 17 novembre 1917, il était atteint par la limite d'âge 62 ans). Nous n'hésitons pas à dire que le traitement infligé à cet officier général par le G. Q. G. est l'un des dénis de justice les plus caractérisés d'une époque où ils abondèrent.

 

II

 

Au 4e corps, le général Boëlle avait prescrit la veille au soir, à la 7e division, de reprendre Nanteuil. D'après les instructions de la 6e armée pour le 10, il ne maintenait pas cet ordre, mais des reconnaissances opérées sur tout le front du corps d'armée signalaient que ce bourg était vide d'ennemis, ainsi que Boissy-Fresnoy, Péroy-les-Gombries; par contre un bataillon allemand marchait sur Montagny-Sainte-Félicité, au sud-ouest de Nanteuil; de l'infanterie et de la cavalerie tenaient Versigny et Rozières, au nord.

La matinée se passait dans l'attente. A 11 heures, l'artillerie de la 61e division s'établissait " en surveillance " entre le Plessis-Belleville et Silly-le-Long; la division était rassemblée par brigades accolées au sud-est du Plessis. Ce dispositif montre assez qu'à ce moment encore notre commandement prévoyait une offensive allemande venant du nord.

A 11 h. 15 seulement parvenait l'ordre général n°73, annonçant la retraite de l'ennemi. La poursuite ne commencerait qu'à 13 heures. Le 4e corps, utilisant avec ses trois divisions la zone de marche entre la ligne Chèvreville, Boissy, Rouville exclue et celle incluse Le Plessis-Belleville, Montagny, Versigny, Rozières, marcherait entre la 3e division de cavalerie et le 7e corps.

A l'heure fixée, le corps d'armée se mettait en marche, les 7e et 8e divisions en première ligne, la 61e suivant (L'artillerie de la 61e division part très tard de Saint-Pathus et va mettre en batterie à l'est de la ligne ferrée de Paris à Soissons les pièces orientées sur Montagny. Chacun y a l'impression très nette que l'on perd du temps toute la journée au lieu de coller au Boche déjà loin. On voit les 102e et 103e (division Trentinian) doubler nos pièces, s'avancer prudemment, alors qu'une division de cavalerie entière a été vue cinq ou six heures plus tôt dans le bois de Perthe et que nos dragons occupent depuis le matin Montagny (Notes inédites d'un témoin).)

Dans la soirée, les avant-gardes atteignaient, sans avoir combattu, la ligne fixée 0rmoy-Villers (7e division), Rozières (8ea) . On cantonnait au sud, derrière des avant-postes tenant Villers, la ligne ferrée de Crépy à Senlis jusqu'à Saint-Mard et les hauteurs au nord de Rozières. Un bataillon était détaché à Baron, en soutien de la 3e division de cavalerie. La 8e division n'avait pas fait moins de 53 kilomètres pour venir des bords de la Marne, du 9 au 10. On ne saurait dire que, dans les conditions qui viennent d'être exposées, la gauche de la 6e armée ait exécuté une poursuite réelle. Il s'agissait simplement d'une marche en avant, succédant à une bataille.

Au 7e corps, le mouvement s'effectuait en deux colonnes, la 14e division à l'ouest de la 63e. Il était de courte envergure, car le Q. G. de la 14e division allait simplement à Boissy (6 kilomètres nord de Chèvreville), la 28e brigade en tête, derrière des avant-postes tenant Rouville, au nord des Bois-du-Roi et de Brais. Ils étaient au contact des arrière-gardes ennemies, ce qui entraînait de légères escarmouches.

Les Allemands avaient abandonné leurs grands blessés, mais leur retraite s'effectuait en bon ordre, nous laissant très peu de matériel, quelques formations sanitaires exceptées. Là encore, il ne saurait être question de poursuite.

Au groupe Lamaze, la 56e division marchait entre la 63e division et la 55e, de la ligne générale Puisieux, Acy Betz, Bargny à celle de Trocy, Vincy, Rosoy, Boullarre, Thury. Elle était formée en trois colonnes, la 112e brigade et un groupe à droite; la 111e et un groupe à gauche; au centre, le troisième groupe et les deux compagnies du 65e bataillon de chasseurs avec les deux groupes de sortie.

La marche s'effectuait sans incident; à une heure tardive (entre 20 et 21 heures) la 111e cantonnait à Betz et à Bargny; la 112e à Antilly et Cuvergnon. Les avant-postes faisaient face à la forêt de Villers-cotterêts, par Grand-Champ, Villers-les-Potées, Ormoy-le-Davien, se reliant à Lévignen avec ceux du 7e corps. Les arrière-gardes ennemies étaient signalées à faible distance, mais elles n'opposaient aucune résistance. Néanmoins, on ne capturait que quelques traînards. Les bois au nord restaient encore faiblement occupés, ce qui provoquait une légère fusillade pendant la nuit. L'armée faisait connaître que les Allemands avaient continué leur repli vers le nord, ne laissant au contact qu'un rideau de cavalerie. Leurs gros paraissaient être au nord de la forêt de Villers-Cotterêts, vers Rétheuil, Mortefontaine et Montgobert. Les arrière-gardes tenaient Bonneuil-en-Valois, Vez, Largny, Antheuil-en-Valois. On signalait un rassemblement entre Séry et Fresnoy-la-Rivière, vers l'ouest. L'armée britannique était près d'atteindre l'Ourcq vers Neuilly-Saint-Front et à l'ouest (Général de Dastein, p. 137-141; G. Babin, p. 277. Le général cantonne au château de Betz, ou les officiers allemands " ont laissé des traces dégoûtantes de leur passage ". Voir dans le même sens H. d'Estre, D'Oran à Arras.).

A la droite de la 6e armée, la 45e division et la brigade de cavalerie Gillet remontaient les deux rives de l'Ourcq en liaison avec les Anglais. Là encore la marche s'effectuait sans incident et n'avait que de lointains rapports avec une poursuite.

La 45e division avait ordre de suivre l'Ourcq et de le passer à Lizy pour marcher en direction de La Ferté-Milon. A partir de Lizy, elle se formait en deux colonnes, chacune suivant une des rives de l'Ourcq; le quartier général se portait de Penchard à :Neufchelles. En route, deux aviateurs rendaient compte que la route de La Ferté Milon à Villers-Cotterêts et Soissons étai noire de colonnes en retraite et que des avant-postes se voyaient au sud de la forêt de Villers-Cotterêts. Les populations libérées nous réservaient un accueil enthousiaste. A Crouy-sur-Ourcq, tous les habitants " se jettent au cou de nos soldats et les embrassent à qui mieux mieux, pleurant et riant à la fois ". A la fin du jour, la liaison est établie avec l'armée britannique; les têtes de la 45e division tiennent Mareuil (H. d'Estre, D'Oran à Arras, Correspondant du 25 octobre 1915, p.285).

Dans la journée du 10, le général Maunoury adressait à ses troupes un ordre qui vaut d'être reproduit, tant pour la forme que pour le fond :

" La 6e armée vient de soutenir pendant cinq jours entiers, sans aucune interruption ni accalmie, la lutte contre un adversaire nombreux et dont le succès avait jusqu'à présent exalté le moral. La lutte a été dure, les pertes par le feu, les fatigues dues à la privation de sommeil et parfois de nourriture ont dépassé tout ce que l'on pouvait imaginer. Vous avez tout supporté avec une vaillance, une fermeté et une endurance que les mots sont impuissants à glorifier comme elles le méritent.

" Camarades, le général en chef nous a demandé, au nom de la patrie, d faire plus que notre devoir; vous avez répondu à son appel au delà même de ce qui paraissait possible. Grâce à vous, la victoire est venue couronner nos drapeaux. Maintenant que vous en connaissez les glorieuses satisfactions, vous ne la laisserez plus échapper.

" Quant à moi, si j'ai, fait quelque bien, j'en ai été récompensé par le plus grand honneur qui m'ait été décerné dans ma longue carrière, celui d'avoir commandé des hommes tels que vous.

" C'est avec une vive émotion que je vous remercie de ce que vous avez fait, car je vous dois ce vers quoi étaient tendus depuis quarante-quatre ans tous mes efforts et toutes mes énergies : la revanche de 1870.

" Merci donc à vous et honneur à tous les combattants de la 6e armée. ".

En même temps que cet ordre, le général Maunoury communiquait aux troupes les appréciations élogieuses, mais quelque peu banales, du général en chef (Général de Dartein, p. 132-133.). Certes Gallieni et le commandant de la 6e armée avaient rendu à la cause nationale des services inoubliables, ce qui n'empêchait pas le général Joffre, à cette même date du 10 septembre, de reprocher " très vivement " au gouverneur, dans une lettre à M. Millerand, " d'avoir été en communication directe avec le Gouvernement " (V. Margueritte, p. 116 C'est M. Messimy qui a vu dans un dossier du ministère la lettre originale, avec la mention significative " à expurger ".) . Ainsi le général en chef dévoilait l'un des côtés fâcheux de son caractère, à savoir une extrême jalousie de son autorité vis-à-vis du Gouvernement et de ses principaux lieutenants, alors qu'il laissait prendre une influence excessive auprès de lui à des subalternes irresponsables.

III

 

A l'armée britannique, l'offensive fut reprise au point du jour vers la partie supérieure de l'Ourcq. Les 1er et 2e corps, couverts à droite par la division de cavalerie, à gauche par les 3e et 5e brigades de cette arme, poursuivaient l'ennemi vers le nord. Dans la nuit, les avant-gardes atteignaient la ligne La Ferté-Milon, Neuilly-Saint-Front, Rocourt. Le 10 septembre, nos Alliés avaient pris 13 canons, 7 mitrailleuses, 2.000 prisonniers environ et quantité de voitures (Rapport French du 17 septembre 1915, p. 29; Mémoires French, p. 125.). " La cavalerie, les 1er et 2e corps avaient engagé de nombreux combats avec les arrière-gardes ennemies... Allenby, à son ordinaire, avait vigoureusement et habiLement mené sa cavalerie. A gauche, des détachements des 3e et 5e brigades, aux ordres du général Gough, n'avaient pas montré moins d'énergie (Mémoires French). " Le 3e corps, retardé par la construction d'un pont à La Ferté-sous-Jouarre, était en arrière des 1er et 2e vers l'ouest.

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