LA BATAILLE DE LA MARNE VUE PAR LE GENERAL PALAT

CHAPITRE XVIII

CHAPITRE XVIII

LE 9 SEPTEMBRE AU CENTRE

L'armée britannique. - La 5e armée. - Le corps Conneau. - Le 18e corps. - Le 3e corps. - Les 1er et 10e corps. - L'ordre du général d''Espérey. - La 9e armée. - Le mouvement de la 42e division. - Le 9e corps. - Prise de Mondement. - Le 11e corps. - Repli de la 52e division. - Prise de Fère-Champenoise et de Morains Par le 9e corps. - Le combat au 11e corps et à la 18e division.

I

 

L'ordre du maréchal French pour la journée du 9 (8 septembre, 19 h. 30) peut se résumer ainsi. L'ennemi continuant sa retraite vers le nord, l'armée britannique reprendra sa marche en direction du nord le 9 à 3 heures attaquant les arrière-gardes ennemies partout où elle les rencontrera. La division de cavalerie agira en union étroite avec le 1er corps et assurera la liaison avec la 5e armée française, à droite. Le général Gough, avec les 3e et 5e brigades de cavalerie, agira en union étroite avec le 2e corps et assurera la liaison avec la 6e armée française, à gauche... ".

Le 1er corps opérera entre la route de Sablonnières, Hondevilliers, Nogent-l'Artaud, Saulchery, est de Charly et celle de La Trétoire, Boitron, Pavant, ouest de Charly, Domptin, Coupru, ces deux derniers points exclus; le 2e corps entre cette dernière route et celle de Saint-Ouen, Saacy, Méry, Montreuil; le 3e corps entre la précédente et la route de La Ferté-sous-Jouarre, Dhuisy.

La marche reprit avant l'aube. " Dans tous les villages si hâtivement occupés, puis évacués par l'ennemi, on ne voyait que dégâts et pillages. A La Ferté-sous-Jouarre, à Doué, à Rebais, nous vîmes des signes de désordre, d'un grave relâchement de la discipline. .. " .

Avec sa division de cavalerie, le général Allenby mettait la main sur les ponts de Charly-sur-Marne et de Saulchery, puis se portait sur le plateau au nord, de façon à couvrir le passage du 1er corps. " Nettoyant le terrain d'ennemis, faisant des prisonniers en grand nombre ", ce corps d'armée atteignait Domptin, précédé vers le nord de la cavalerie, sur les hauteurs de Montgivrault (D'après G. Babin, p. 275, vers midi on signalait au maréchal l'ennemi en force sur la ligne Marigny-en-Oxois, Château-Thierry. Il demandait au général d'Espérey de faire appuyer sa droite par le 18e corps vers Château-Thierry. Les Mémoires French sont muets sur ce fait que signale également le général Canonge (p. 59).) .

A gauche la 3e division (2e corps) s'emparait du pont de Nanteuil et le franchissait dans les premières heures de la matinée. La 5e division passa la Marne à Méry, mais fut arrêtée un certain temps par de l'artillerie allemande qui paraissait être vers La Sablonnière, au nord. D'ailleurs, le maréchal French croyait devoir ralentir le mouvement du 2e corps : il fallait, pour la réussite de son " plan général ", que ce corps d'armée n'avançât pas trop tant que les 1er et 3e corps ne seraient pas complètement établis au nord de la Marne. Or le 3e corps, à La Ferté-sous-Jouarre, et notre 8e division, à Changis, éprouvaient des difficultés à passer cette rivière. En contradiction avec ses instructions précédentes, le maréchal French prescrivit au 2e corps d'envoyer une division vers Dhuizy pour menacer la retraite des Allemands attardés devant le 3e. La 5e division prit cette direction, mais la résistance ennemie l'empêcha de dépasser Montreuil-au-Lions, fort tard dans la nuit (Le colonel Bujac fait remarquer que le général Canonge et M. G. Babin mentionnent un engagement de von der Marwitz à Montreuil-aux-Lions vers 16 heures, mais qu'il n'y a aucune trace de ce combat dans Nelson's History of the War, II, dans The Marne-Campaign, du major E. E. Whitton, etc.) .

De grand matin, le général Pulteney engageait le 3e corps au sud de La Ferté, dont les ponts avaient été coupés, contrairement aux autres que la précipitation de la retraite avait sans doute empêché de détruire. Cette ville est située au nord de la Marne, presque au sommet d'un coude qui dessine un angle droit. Dans cette région, la vallée est fortement encaissée entre des hauteurs dominantes, dont les pentes sont souvent rapides et boisées. La Ferté est bâtie à mi-côte, en amphithéâtre au-dessus de la rivière, qu'elle commande. Les Allemands défendaient vigoureusement le passage, appuyés par une forte artillerie tirant des hauteurs nord.

La 4e division, en deux colonnes, tenta de s'avancer vers le pont nord et de s'en emparer, mais toutes ses tentatives échouèrent sous le feu ennemi. A la nuit seulement, la 11e brigade put atteindre la rive sud et y capturer bon nombre de bateaux que, par une négligence difficilement explicable, les Allemands avaient omis de ramener sur le bord opposé. On en fit usage et, à 22 heures, une tête de pont était construite, à l'abri de laquelle le génie jetait un pont, malgré un feu très violent. Un détachement passait la Marne en amont, vers Chamigny, mais le gros du 3e corps franchissait sur le pont de La Ferté dans les premières heures du 10 septembre.

Les 3e et 5e brigades de cavalerie opéraient tout le 9 entre les 3e et 2e corps, bouchant un vide marqué dans leur intervalle. L'aspect général et l'attitude des troupes britanniques étaient excellents. Elles ne demandaient qu à aller de l'avant et marchaient comme enveloppées d'un nuage de confiance et de victoire ". Leur fatigue était d'ailleurs extrême. Le maréchal French rencontrait le 9 la 5e brigade de cavalerie, pied à terre, derrière des bois. Tous, officiers et cavaliers, quelques hommes exceptés qui tenaient les chevaux, dormaient d'un profond sommeil et n'en sortaient même pas au passage de leur commandant en chef.

D'après les renseignements recueillis, la résistance des Allemands avaient fléchi depuis midi; à la nuit, ils étaient en pleine retraite, laissant à l'armée britannique de nouveaux prisonniers et beaucoup de matériel. La ligne de nos Alliés passait " en gros " par La Ferté, Bézu, Domptin, la cavalerie très en avant de ce front (Mémoires French, p. 125, Le rapport French du 17 septembre signale la capture de plusieurs centaines de prisonniers et de huit mitrailleuses.) . Comme nous l'avons déjà remarqué, leur gauche avait mené son mouvement avec une lenteur relative, voulue par le maréchal qui entendait border simultanément la Marne sur tout son front. Elle facilitait ainsi la retraite de la Ire armée et prolongeait sa résistance contre le général Maunoury.

II

Le 2e corps de cavalerie gardait le 9 septembre la mission de la veille. Il assurerait la liaison entre le 18e corps et l'armée britannique, la 4e division opérant à l'est de la route de Viels-Maisons à Chézy, la 10e à l'est. Leur objectif commun était le plateau de La Chapelle-sur-Chézy. Quant à la 8e, elle devait suivre en deuxième ligne.

D'après la découverte, une forte colonne de cavalerie avec convois, mesurant douze kilomètres de longueur, avait marché le 8, de 14 à 17 heures, entre Viels-Maisons, Nogent-l'Artaud et Charly. On signalait (7 heures) d'autre part une colonne d'infanterie britannique venant de Sablonnières et sur le point d'atteindre Nogent-l'Artaud, précédée par sa cavalerie qui avait passé la Marne dès 5 h. 30, en marche sur Charly. Ainsi nos Alliés étaient très notablement en avant du corps Conneau, qui eût dû largement devancer la 5e armée.

La 4e division put donc traverser sans difficulté la Grande Forêt. A 9 h. 45, son avant-garde arrivait à La Chapelle-sur-Chézy et rendait compte que le pont d'Azy était intact. Sur les entrefaites, la 10e division était obligée de quitter son itinéraire, en raison d'un mouvement du 18e corps vers l'ouest. Elle venait se rassembler dans la région de La Chapelle, ainsi que la 4e division, en laissant une flanc-garde vers Montfaucon.

A 10 h. 30, une reconnaissance lancée sur Le Thiolet, Bouresches faisait connaître qu'Azy-Bonneil, le Mont de Bonneil et les fermes voisines étaient libres ainsi que le plateau entre Bonneil et Domptin. On avait vu à 9 h. 15 un convoi en marche ,sur la route de Château-Thierry à Montreuil. Vers la même heure, on apprenait que l'infanterie britannique tenait le pont de Charly et les pentes au nord.

Puis (10 h. 45) survenait un ordre du général Conneau : " Les Anglais s'étant étendus sur leur droite et une avant-garde du 18e corps marchant de Mont-Cel-Anger sur Essises, le trou entre les deux armées se resserre de plus en plus. En conséquence, la 4e division de cavalerie doit s'arrêter au sud de La Chapelle-sur-Chézy pour laisser passer la 10e division sur Chézy. Elle mettra son bataillon à la disposition de la 10e division."

En dépit de cet ordre, la 10e division faisait savoir , à 12 heures, qu'elle se portait non sur Chézy, mais sur Château-Thierry. La 4e division reprenait donc son mouvement sur Azy où elle passait la Marne (13 heures), pour aller se rassembler de nouveau sur le plateau du Mont-de-Bonneil, couverte par son avant-garde vers la ferme La Nouette. On fouillait le bois du Loup, on reconnaissait Bouresches, que les Allemands avaient évacué dès 12 heures. A 14 h. 30 arrivait un ordre du général Conneau portant la 4e division sur les hauteurs du Thiolet, Etrépilly, afin de couvrir la droite britannique et de faciliter au 18e corps son débouché sur Château-Thierry, au cas où la 10e division éprouverait des difficultés à la traversée de cette ville.

A 15 heures on apprenait que Domptin et Coupru étaient libres; un peu d'infanterie ennemie se laissait apercevoir au nord-ouest de ce dernier village. Puis (15 h. 30) les Anglais faisaient savoir qu'un avion signalait " une force d'infanterie allemande " et une brigade de cavalerie dans la région d'Etrépilly. La division Allenby marquait l'intention d'attaquer ces escadrons, ce qui ne put avoir lieu, l'ennemi s'étant dérobé, tandis que l'infanterie britannique continuait sur Le Thiolet. A 17 heures seulement, la 4e division atteignait la ferme La Nouette, où de la cavalerie et de l'infanterie alliée étaient déjà au bivouac.

Sur les entrefaites, le 18e corps avait atteint Château-Thierry; les divisions du corps Conneau cantonnaient dans les environs, deux des bataillons du 45e tenant la ville et le troisième Vaux à l'ouest.

Dans l'ensemble, le corps Conneau marchait avec une grande lenteur le 9 septembre. La 8e division, en particulier, partie vers 15 heures seulement de la région de Fontaine-Robert, se rassemblait à Viels-Maisons, puis gagnait péniblement ses cantonnements de Chézy, Le Moncet, Les Roches, en cherchant à éviter les convois britanniques par " un chemin impossible dans des rochers ". Un témoin écrit à ce sujet " Il me tarde d'en finir avec ces journées qui ne se chiffrent que par le manque de sommeil pour nous et l'éreintement pour nos chevaux et qui ne nous offrent jamais l'occasion de combattre " (Commandant Bréant, p. 67.).

III

 

A la droite du corps Conneau, le 18e corps était orienté sur Château-Thierry; le groupe Valabrègue restant en seconde ligne, sur Artonges, au nord de Montmirail; le 3e corps sur Montigny-les-Condé, au sud-est de Château-Thierry. Quant au 1er corps, il devait coopérer, sur le plateau de Vauchamps, à l'action du 10e corps vers Bannay, c'est-à-dire vers l'est. Ce dernier corps était mis à la disposition du général Foch (G.Babin, p. 275.), dont la gauche avait été, comme on sait, fortement engagée, sinon compromise le 8, ainsi, d'ailleurs, que la droite.

Les deux colonnes du 18e corps avaient arrêté leurs têtes à hauteur d'Essises (36e division) et de Viffort (38e) (sud-est de Château-Thierry) lorsque, vers 15 heures sans doute à la suite de la démarche du maréchal French dont nous avons parlé, elles recevaient l'ordre de pousser des détachements d'infanterie jusqu'à la Marne. D'une part, le général de Maud'huy, ayant appris qu'une division de cavalerie se portait sur Château-Thierry, abandonnée par l'ennemi, la faisait soutenir par un régiment de la 38e division. D'autre part, un ordre du général d'Espérey (Montmirail, 12 h. 30) dirigeait sur Azy une brigade mixte (36e division). On comptait ainsi assurer aux gros pour le lendemain des débouchés sur la rive nord de la rivière.

Enfin de journée, la 38e division était entre Château-Thierry et Courboin la 72e brigade (36e division) à Azy la 71e entre Essises et Ville-Chamblon; la 35e division restait en seconde ligne, dans la région de Viffort, Rozoy-Belleville, la 69e brigade à l'est de la route nationale, la 70e à l'ouest.

Au 3e corps, la 37e division (Comby) recevait le 9 à 5 heures l'ordre de jeter une brigade au nord du Petit-Morin, vers Marchais et d'occuper avec l'autre le plateau de Montrobert au sud. Cette opération était exécutée dès 6heures. Après un long arrêt, vers 10 heures, ordre survenait de rassembler la 3e division et de la porter sur Esternay, où elle s'embarquerait à destination de la 6e armée (Elle était à Esternay entre 14 et 17 heures, moins trois escadrons du 6e chasseurs d'Afrique gardés par la 5e armée. Il arrivait A Esternay un renfort de 1.200 tirailleurs (Notes inédites d'un témoin).) . Cette disposition, évidemment dictée par les inquiétudes que ressentait alors le général Maunoury pour son flanc gauche et qui devaient persister une grande partie du 10 septembre, présentait le grave inconvénient d'affaiblir l'un des éléments essentiels de la 5earmée au moment où elle esquissait la poursuite. La division Comby débarquait au nord de Paris, à Goussainville, Louvres, Survilliers, du soir du 10 au 11 septembre inclus. Elle ne devait plus reparaître devant l'ennemi avant la bataille de l'Aisne.

Quant aux deux autres divisions du 3e corps, elles allaient dans la région de Montigny-les-Condé, suivant l'ordre donné. Avec le 18e corps, elles dessinaient une sorte de coin en avant de l'armée britannique et du reste de la 5e armée, dispositif peu favorable à la poursuite mais qu'avaient imposé les circonstances. La retraite des Allemands n'était pas sensiblement gênée dans cette région, non plus qu'à l'ouest, semble-t-il.

Le 1er corps avait l'ordre (8 septembre, minuit) de passer le Petit-Morin, pour se porter dans la région de Vauchamps, d'où son mouvement continuerait par La Marlière, Margny, Verdon, Le Breuil, La Grange-Gaucher. L'armée faisait connaître que l'ennemi était " en pleine retraite " .

La première partie de ce mouvement devait se faire en formation semi-déployée, à travers champs, de manière à culbuter rapidement, en les débordant, les arrière-gardes ennemies, la 1re division allant au sud-ouest de Vauchamps et la 2e au sud-est. Le 6e chasseurs les précéderait. La nuit du 8 au 9 était très agitée. Nos avant-postes parvenaient à prendre pied au nord du Petit-Morin, grâce au concours des batteries de la 19e division (colonel Haftner) . Pourtant, on se mettait en mouvement avec beaucoup de précautions. Au nord de Courbeteaux des tranchées allemandes étaient garnies de mannequins. On craignait des embuscades dans la forêt de Beaumont.

En réalité, l'ennemi s'était dérobé pendant la nuit, comme l'avant-veille. A la 1re division, la marche en avant reprenait aussitôt dans la direction de Mondant puis, s'infléchissant vers l'est, sur Vauchamps. On ramassait des traînards et du butin.

Les troupes étaient en marche et la 19e division (10e corps) arrivait au nord de Boissy-le-Repos, quand elle était arrêtée par des mitrailleuses vers La Morterie et le bois du Thoult (vers 8 heures). La 2e division recevait l'ordre de déborder ce bois, attaqué de front par la 19e Peu après, le général Deligny donnait un nouvel ordre (8 h. 30). Le 1er corps et la 19e division, qui lui était rattachée provisoirement, allaient faire un nouveau bond en avant, de manière à porter la tête de ses gros sur le Surmelin. Ce mouvement s'opérerait en trois colonnes, la 19e division, à droite, marchant par Fromentières, La Chapelle-sous-Orbais, Orbais et poussant son avant-garde jusqu'à Mareuil-en-Brie; la 2e division, au centre, par Janvilliers, Les Molinots, Fontaine-Chacun, La Ville-sur-Orbais, La Grange-Gaucher (avant-garde); la 1re à gauche, par Vauchamps, Margny, Verdon, Le Breuil, l'avant-garde vers La Chapelle-Monthodon. L'ensemble serait couvert par le 6e chasseurs et une batterie qui reconnaîtraient vers la Marne entre Damery et Verneuil.

Entre temps la situation de la 9e armée, à la droite de la 5e, devenait délicate, comme nous le verrons, et les ordres ci-dessus étaient encore modifiés (Ordre général n° 49, sans indication d'heure.). Le général d'Espérey prescrivait au 1er corps de pousser jusqu'à la ligne Fromentières, Margny, prêt à combattre face au nord ou à l'est. Ordre était donc donné à la 19e division de s'établir " dans la région de Fromentières, face à l'est, cherchant à prendre sous le feu de son artillerie, de flanc et à revers, la défense installée par l'ennemi sur la rive nord du Petit-Morin entre Bonnay et Baye ".

Au centre, la 2e division pousserait " jusqu'à la crête 232, nord-est de Janvillers, d'où son artillerie pourrait prendre sous son feu la défense ennemie sur la rive nord du ruisseau de la Fontaine-Noire, tout en appuyant, s'il était nécessaire, l'action de la 19e division sur Fromentiéres " .

Enfin la 1re division se porterait " sur le front Margny, Fontaine-Chacun, dont elle s'emparerait sans le dépasser ", son artillerie au sud du ruisseau de Margny, prête à appuyer la progression de la droite du 3e corps, dès que l'enlèvement de Margny, Fontaine-Chacun serait chose acquise.

Un peu avant midi, le général d'Espérey arrivait, disant au commandant du 1er corps : " Foch a été battu ce matin; il contre-attaque à 16 heures; il faut l'aider; marchez sur Etoges ". Ainsi se manifestait une fois de plus la solidarité de combat entre nos armées. Il était décidé que le 1er corps pousserait une partie de ses forces dans la direction de Fromentières, Champaubert, pour dégager la gauche du général Foch, qui ne pouvait arriver à déboucher au nord du Petit-Morin, dans la région Bannay, Baye.

Le général Deligny maintenait face à l'ennemi sur le ruisseau de Margny la 1re division attaquant le front Margny, Fontaine-Chacun et la 2e division moins une brigade destinée à fixer nos adversaires à l'est.

L'action destinée à prendre de flanc et à revers l'ennemi combattant la gauche de l'armée Foch serait menée par la 19e division, une brigade de la 2e, toute l'artillerie de corps et, au besoin le régiment de marche en réserve. La 19e division s'engagerait immédiatement sur Bannay et sur Baye, avec l'appui de trois groupes de l'artillerie de corps. En arrière et à gauche, la brigade de la 2e division, soutenue par le dernier groupe, prendrait pied sur la hauteur nord-est de Fromentières, prête à se porter derrière la 19e division au sud-est oui à contenir toute offensive ennemie venant de La Chapelle-sous-Orbais et de Champaubert.

Pendant que des éléments des 2e et 19e divisions se déployaient face à l'est, la 1re se portait sur Haute-Feuille, La Noue, la Ferme Sergente et gagnait les crêtes marquées par La Marlière, Les Fourneaux où elle ,se heurtait à la vive résistance de l'ennemi, retranché dans Margny et Fontaine-Chacun.

Peu à peu, le général Deligny retirait au général Gallet l'artillerie de corps qu'il avait mise à sa disposition. A dater de 13 heures, la 1re division était seule en face de l'ennemi occupant la rive droite du ruisseau de la Fontaine-Noire et de la Verdonnelle. Néanmoins elle parvint à l'en déloger.

Au moment où l'artillerie divisionnaire allait préparer l'attaque de Fontaine-Chacun et de Margny, le général Gallet se rendait compte de la retraite des Allemands.

L'ordre de stationnement survenait peu après et la 1re division bordait le ru de Margny, tenant Fontaine-Chacun et Margny.

La double offensive des 2e et 19e divisions était fort longue à déclencher. A 16 h. 30 seulement le général Bro, commandant l'artillerie du 1er ,corps, rendait compte que les batteries qui devaient préparer l'attaque de l'est étaient en place. Le changement de front de la 19e division n'avait pu s'achever et les premiers bataillons de la 2e division trouvaient encore en avant d'eux, à Fromentières, des éléments du 10e corps. Vers 17 heures, on apprenait que la 9e armée avait repris l'offensive. Celle du 1er corps réussissait, malgré sa difficulté: A 18 h. 45, le général Deligny pouvait donner l'ordre à la 1re division de stationner dans la zone Vauchamps, Margny, Fontaine-Chacun, en organisant le front Margny, Fontaine-Chacun; à la 2e division de cantonner dans Les Molinots; Janvilliers, Fontaine-au-Brout, avec avant-postes à La Blandinerie, Bièvre: L'armée faisait connaître que la situation générale était " excellente ". La 9e armée refoulait l'ennemi vers le nord. L'armée britannique et le corps Conneau avaient passé la Marne (L'ordre de stationnement du 1er corps est muet sur la 19e division, ce qui donne à croire que, le soir du 9, elle fut rattachée au 10e corps. L'escorte du commandant de corps d'armée dut à plusieurs reprises faire le coup de feu contre des isolés, sans doute des fuyards venant du sud-est (Carnet inédit d'un témoin).) .

Au 10e corps, la 19e division (Bailly) avait l'ordre d'appuyer la 42e fortement engagée sur la droite. Elle traversait Soigny, Boissy-le-Repos, pour atteindre La Fontaine-au-Bron. Dans cette dernière région, douze de nos batteries tiraient sur les convois d'un corps d'armée ennemi en retraite vers Bannay. L'effet obtenu était très grand. Les Allemands évacuaient le hameau de La Mortière (nord-est de Boissy) (D'après Le Goffic, p. 191, vers I3 h., le curé Laplaige, de La Villeneuve-lez-Charleville, allait au lieutenant-colonel de Gensac, du 50e d'artillerie (10e corps), qui traversait ce village, et lui indiquait avec une précision absolue les batteries ennemies, ainsi qu'un important nœud de routes, point de passage obligé de la retraite allemande. Une batterie de 105, la plus dangereuse, fut ainsi écrasée près de Thoult-Tromay. Cf. les photographies, ibid., p. 192.) à 17 heures et, toute la nuit, de gros convois défilaient, sans qu'on s'en doutât, à 500 mètres au plus des fermes où cantonnait un bataillon du 41e (Docteur Veaux, p. 133. Le 41e cantonnait à hauteur des fermes du Mesnil. S'agit-il du ~hameau au nord de Champaubert ? D'après G. Babin, p. 276, ,le 10e corps atteint dans la soirée Fromentières et Baye. Le P.C. de la division vient à Fromentières). Dans ce cas encore, on ne saurait dire que nous ayons fait le nécessaire pour précipiter la retraite de l'ennemi (D'après G. Babin, p. 276, le soir, au Q G. de la 5e armée on apprenait que le VIIe corps resté au nord de Montmirail avait reçu ordre de se replier sur la Marne. On supposait que c'était le début de la retraite générale. En effet, le VIIe corps croisait ou dépassait les colonnes du Xe corps de réserve, pour aller passer la Marne entre Dormans et Châtillon.) . Néanmoins le général d'Espérey adressait à la 5e armée un ordre qui mérite d'être reproduit, car il montre les idées qui animaient alors le commandement au centre de nos armées :

SOLDATS,

" Sur les mémorables champs de Montmirail, de Vauchamps et de Champaubert qui, il y a un siècle, furent témoins des victoires de nos ancêtres sur les Prussiens de Blücher, notre vigoureuse offensive a triomphé de la résistance des Allemands. Poursuivi sur ses flancs, son centre rompu, l'ennemi bat en retraite vers l'est, le nord par marches forcées. Les corps les plus redoutables de la vieille Prusse, les contingents de Westphalie, du Hanovre, du Brandebourg, se sont repliés en hâte devant vous.

" Ce premier succès n'est qu'un prélude. L'ennemi est ébranlé, mais il n'est pas battu d'une façon définitive. Vous aurez encore à supporter de rudes fatigues, à faire de longues marches, à combattre de rudes batailles.

" Que l'image de votre patrie souillée par les barbares reste toujours devant vos yeux. Jamais il n'a été plus nécessaire de lui tout sacrifier.

" En saluant les héros qui sont tombés dans le combat des derniers jours, mes pensées se tournent vers vous, les vainqueurs de la prochaine bataille. En avant, soldats! Pour la France ! (Général Canonge, p. 84; G. Babin, p. 275. D'après ces deux auteurs, l'ordre serait du soir du 9. Le docteur Veaux (p. 133) écrit qu'il fut lu aux troupes le matin de ce jour.) . "

IV

 

A la 9e armée, les renseignements reçus dans la soirée du 8 étaient satisfaisants. On apprenait que, malgré de violentes contre-attaques, la 6e armée maintenait le terrain conquis; la 5e continuait de progresser au nord-ouest des Marais de Saint-Gond; les 3e et 4e commençaient de gagner quelque terrain vers Vitry-le-François et Châlons. A 22 heures, le général Foch donnait l'ordre qui suit :

" La 9e armée étant fortement engagée par sa droite vers Sommesous et le 10e corps étant mis sous ses ordres les dispositions suivantes seront prises le 9 septembre, à la première heure :

" Le 10e corps relèvera vers 5 heures la 42e division d'infanterie dans ses attaques contre le front Bannay, Baye, en particulier sur la route de Soisy-aux-Bois à Baye, où il se reliera avec la division marocaine qui tient le bois de Saint-Gond, Montgivroux et Mondement. Il aura, en tout cas, à interdire à l'ennemi, d'une façon indiscutable, le plateau de La Villeneuve, Charleville, Montgivroux, ainsi que ses abords nord.

" La 42e division d'infanterie, à mesure qu'elle sera relevée de ses emplacements par le 10e corps, viendra se former par Broyes, Saint-Loup, en réserve d'armée, de Linthes à Pleurs, en prévenant de son mouvement la division marocaine.

" Le P. C. sera à Plancy. "

Le général ajoutait pour le 9e corps :, " Le clou de la journée de demain va être de déboucher par Fère-Champenoise. Par conséquent, reporter dans cette direction les forces disponibles et toute l'activité.

" Le 9e corps occupera Connantre en liaison avec le 11e corps. "

A 10 h. 15, nouvel ordre. Le commandant de la 9e armée précisait que la 42e division, arrivée sur le front Linthes, Pleurs, prendrait l'offensive sur Connantre, Corroy, le 11e corps y participant (Le Goffic, p. 165.). Enfin, à 12 heures, le général Foch adressait à tous l'ordre suivant, bien fait pour enflammer les cœurs : .

" Des renseignements recueillis au Q. G. de la 9e armée, il résulte que l'armée allemande, après avoir marché sans relâche depuis le début de la campagne, en est arrivée à l'extrême limite de la fatigue.

" Dans les différentes unités, les cadres n'existent plus, les régiments marchent mélangés les uns avec les autres; le commandement est désorienté.

" La vigoureuse offensive prise par nos troupes a jeté la surprise dans les rangs de l'ennemi, qui était persuadé que nous n'offririons désormais aucune résistance.

" Il importe au plus haut point de profiter des circonstances actuelles. A l'heure décisive où se jouent l'honneur et le salut de la Patrie française, officiers et soldats puiseront dans l'énergie de notre race la force de tenir jusqu'au moment où, épuisé, l'ennemi va reculer.

" Le désordre qui règne dans les troupes allemandes est le signe précurseur de la victoire; en continuant avec la plus grande énergie l'effort commencé, notre armée est certaine d'arrêter la marche de l'ennemi et de le rejeter hors du sol de la Patrie.

" Mais il faut bien que chacun soit convaincu que le succès appartiendra à celui qui durera le plus.

" Les nouvelles reçues du front sont d'ailleurs excellentes (On a parfois résumé cet ordre, de la .façon la plus fantaisiste : " Mon centre cède, ma droite recule; situation excellente, j'attaque " (R. Puaux, p. 75). Cf. Joseph Reinach, p. 166.

L'aviation signalait le 9 un trou entre les armées Bülow et Hausen, résultant du repli de la première se conformant au mouvement de von Kluck (Récit du colonel Carlos Fernandez, attaché militaire chilien. Fabreguettes, p. 59).). "

La 42e division était épuisée par trois jours de combats acharnés. Elle fut relevée dès l'aube par la 51e division de réserve (Boutegourd), alors rattachée au 10e corps, tandis que le gros de ce corps d'armée opérait vers Bannay et Baye, comme nous l'avons vu. Le mouvement de la 42e division s'opérait lentement, au point qu'à 13 heures seulement, le général Foch apprenait qu'elle était en marche et renouvelait ses ordres du matin. L'ennemi multipliait alors ses attaques, mais elles s'espaçaient peu à peu et semblaient perdre de leur énergie.

Partie de Soisy, la 42e division avait à parcourir un peu moins de kilomètres pour arriver à Broyes. Il en restait à peu près autant de Broyes à Linthes par Péas et Saint-Loup, soit au total cinq petites heures de marche. Elle n'atteignit le front Linthes, Linthelles que vers 16 heures (Les données que nous reproduisons sur le rôle de la 42e division le 9 sont extraites d'un document signé Grossetti, dont nous avons copie entre les mains. Les historiens de la bataille de la Marne, sauf le général Canonge, p. 108-110, ont démesurément grossi le rôle de cette division le 9 septembre. Ainsi de Quatre mois de guerre, publication officielle : " La gauche de cette armée, se portant d'ouest en est vers Fère-Champenoise, prend de flanc la Garde prussienne et les corps saxons qui attaquent au sud-est de cette localité. Cette manœuvre audacieuse décide du succès. Les Allemands se retirent précipitamment... "). A la suite d'une conférence tenue à Linthelles entre le chef d'état-major de la 9e armée, le général commandant le 9e corps, le général Grossetti et peut-être un représentant du 11e corps, la 42e division débouchait vers 18 heures de Linthes, Linthelles vers le front Pleurs, Connantre et s'arrêtait à la nuit de Pleurs à la cote 104 (1 kilomètre ouest de Connantre). Seule son artillerie était engagée et ouvrait le feu sur Fère-Champenoise.

Comme nous le verrons, la manœuvre de la 42e division; sur laquelle on s'est si complaisamment étendu en mille occasions, ne fut pour rien dans la retraite des Allemands et la réoccupation de ce bourg.

On conte que l'arrivée de ce renfort était impatiemment attendue au Q. G. de la 9e armée. Il n'entra en ligne qu'après quatre heures d'angoisse, pendant lesquelles le général Foch, qui avait jeté sa dernière carte et comptait sur la victoire, montait à cheval et, accompagné du lieutenant Ferrasson, faisait une tranquille promenade, au cours de laquelle il s'intéressait à des questions de philosophie et d'économie politique. Ainsi de Napoléon 1er dormant deux heures pendant la bataille de Bautzen (Commandant Grasset, p. 284.) .

IV

Le soir du 8 septembre (23 heures) le général Dubois prescrivait à la division marocaine, renforcée de deux groupes de corps, d'organiser fortement le front Montgivroux, Allemant, de manière à interdire le débouché des marais. La 104e brigade (52e division) se maintiendrait à tout prix sur la position Allemant, Mont-Août; elle disposerait des trois groupes de la 52e division. La 17e division et la 103e brigade, sous les ordres du général Battesti, s'installeraient tout d'abord sur le terrain reconquis le 8, la 103e étendant sa droite jusqu'à la Vaure, de manière à tenir solidement le débouché de Connantre.

Le 77e et le 7e hussards resteraient en réserve de corps d'armée à Saint-Loup et à Linthes.

A ,5 h. 30, le 9, un second ordre précisait en le modifiant le dispositif à réaliser. La 52e division devrait attaquer et occuper avec la 103e brigade le mamelon 161 et la station de Fère-Champenoise, au nord-ouest de ce bourg. La 17e division tiendrait le front est du Mont-Août, lisière des bois, route de Bannes à Fère-Champenoise, un régiment restant en réserve à la ferme Hozet.

Cependant, dès l'aube, la division marocaine était fortement attaquée. Elle avait organisé la position occupée, mais le général Blondlat ne pouvait établir la liaison, à gauche, avec la brigade Cros-Fellert (Le colonel Fellert était mortellement blessé le 9 (Historique du 7e de marche de tirailleurs algériens, p.29).) que Ies dernières attaques du 8 avaient désemparée et qui n'était pas encore réorganisée. Une attaque ennemie débouchait en force d'Oyes et des bois à l'ouest, bousculait les tirailleurs des bataillons Jacquot et Toulet qui refluaient jusqu'à la lisière du bois au sud de Mondement. Les Allemands occupaient le village et le château (6 heures), balayant de leurs mitrailleuses les abords et la route de Broyes (Notes inédites d'un témoin.).

Le château de Mondement dessine un vaste quadrilatère, fermé par une grille sur cette route à laquelle il fait face. Au fond s'élèvent des bâtiments irréguliers encadrant un ensemble de deux pavillons. A gauche, des communs et une tourelle commandant la route; à droite, d'autres communs et une seconde tourelle, puis un jardin prolongeant le quadrilatère. En arrière, les frondaisons du parc.

Devant cette attaque imprévue, le général Humbert demandait un rapide appui. Bien que la situation fût encore douteuse a sa droite, le général Dubois remettait le 77e à la disposition de la division marocaine mais il fallait à ce régiment le temps de se rassembler à Saint-Loup. Pour le gagner, le général Humbert sollicitait le secours de la 42e division, dont une partie était déjà relevée par le 10e corps. Aussitôt le général Grossetti dirigeait le 19e bataillon de chasseurs sur Montgivroux et le 16e sur Mondement. Il mettait en outre à la ~disposition du général Humbert une fraction de son artillerie, mais pour vingt-quatre heures seulement.

Le moment était décisif. Si l'ennemi s'emparait de la crête d'Allemant, qui domine de cent mètres toute la plaine à l'est, la gauche de l'armée était compromise, comme la droite l'était déjà. Il pouvait ouvrir une brèche entre elle et le 11e corps. Heureusement, l'artillerie de corps (9e corps), renforcée des deux groupes marocains et de batteries de la 42e division, barrait les débouchés d'Oyes, de Saint-Prix, de la crête du Poirier et du bois de Saint-Gond. En même temps le général Humbert prescrivait à la brigade Blondlat de contre-attaquer Mondement. Mais la poussée de l'ennemi n'était pas encore enrayée; avant même le déclenchement de la contre-attaque, les tirailleurs qui défendaient la route de Reuves à Mondement étaient refoulés en désordre. Il fallait que le général Blondlat intervînt personnellement pour rétablir la situation, mais il devait renoncer à sa contre-attaque.

C'est à 11 heures qu'apparaissait enfin la tête du 77e, colonel Lestoquoi (Les mouvements du 77e ont été décrits par un témoin, Elie Chamard, musicien-brancardier au régiment. Son récit, singulièrement précis, est reproduit par Le Goffic, p. 273 et suiv. Nous avons eu en outre à notre disposition des documents d'allure plus officielle.). Il avait reçu à 8 h.45 du commandant de la 36e brigade (colonel Eon) l'ordre de mettre le plus tôt possible deux bataillons à la disposition du général Humbert. Le 2e bataillon (commandant de Beaufort), avec lequel marchait le colonel Eon, se dirigeait sur Allemant, ayant mission de contre-attaquer de l'infanterie ennemie venue de Reuves sur Mondement. Avec le colonel Lestoquoi, les 1er et 2e bataillons marchaient sur Broyes à travers champs, gravissant péniblement les pentes à pic de la falaise. A 11 heures, le bataillon Beaufort atteignait Allemant, à la lisière ouest des bois. Dans l'intervalle (10 h.10), le général Humbert donnait au colonel Lestoquoi l'ordre suivant : " La lisière nord des bois de Mondement serait atteinte par l'ennemi; porter un bataillon de ce côté dans l'axe chemin nord-sud du bois arrivant à la cote 213. Mission : réoccuper la lisière et s'y établir fortement ".

A 10 h. 30, nouvel ordre : "Portez le dernier bataillon du 77e dans la partie nord-ouest des bois de Mondement au nord de l'étang de la Petite-Morelle. Mission : réoccuper cette lisière, si elle était abandonnée. Agissez dans le flanc de l'ennemi qui, paraît-il, essaierait de s'avancer par la clairière de Montgivroux; agissez en liaison avec l'artillerie qui se trouve dans cette région. Le colonel Lestoquoi prendra le commandement de toutes les troupes... à l'ouest de Mondement et dans la clairière de Montgivroux " .

A 11 heures, le 1er bataillon (de Merlis) se dirigeait sur la lisière nord du bois de Mondement, tandis que le 3e (de Courson) allait au nord de l'étang. En marchant, le colonel Lestoquoi cherchait à rallier des éléments épars de la brigade Blondlat qui, ayant perdu leurs officiers, erraient à l'aventure. Il rencontrait un bataillon du 208e (Enaux, 51e division) et s'en faisait suivre.

A 11 h. 50, le 1er bataillon du 77e atteignait la lisière nord du bois de Mondement, suivi par celui du 208e. Vers la même heure, le 3e bataillon était au nord de l'étang, se reliant au 1er. L'autre bataillon du 208e suivait en arrière et à gauche. A ce moment, une batterie du 49e (de Bony de Lavergne), vaillamment restée à la lisière du bois, tirait vivement sur Mondement, appuyée par une section de mitrailleuses des zouaves (brigade Blondlat). A 12 h. 40, le colonel Lestoquoi rendait compte au général Humbert que Mondement et le château, situés en contre-bas de la lisière, étaient fortement occupés; que le château, en particulier; était organisé, armé de mitrailleuses et le mur du parc garni de défenseurs; que notre artillerie n'obtenait aucun résultat sur le château, tandis qu'elle avait tué deux des fourriers accompagnant le capitaine de Courson (Notes inédites d'un témoin.).

A 13 heures survenait un nouvel ordre du général Humbert (12 h. 30). Il s'agissait de reprendre Mondement et ensuite la lisière du bois d'Allemant, si elle était occupée. Ne croyant pas l'attaque immédiate possible, à la suite de sa reconnaissance personnelle, le colonel Lestoquoi ,demandait à la batterie du 49e d'amener une pièce dans l'allée conduisant à la grille du château. Le capitaine de Lavergne hésitait devant les difficultés de ce mouvement et continuait de tirer sur Mondement, sans atteindre le château. Survenait alors (13 h. 30) un nouvel ordre du général Humbert. Le 77e devait s'emparer de Mondement, puis reconnaître la lisière nord-ouest du bois d'Allemant, en déloger l'ennemi s'il y était, l'occuper si les zouaves de la brigade Blondlat l'avaient abandonnée, chercher la liaison avec eux et les reporte en avant.

Le bois d'Allemant dessine un Pentagone irrégulier au sud-est du château. L'une de ses faces est parallèle à la lisière est du bois de Mondement, qui est au sud-ouest du château auquel fait face sa lisière nord. Dans leur partie sud, les deux bois sont unis par une bande boisée.

Le 1er bataillon du 77e était à l'ouest du château, dans le bois de Mondement, à gauche de la route de Broyes, à Mondement, le 3e bataillon derrière lui. Le 2e bataillon se tenait à 500 mètres au sud du château; aux abords de cette route, ayant à sa gauche deux compagnies de zouaves. Il fut décidé que les 5e et 7e compagnies suivraient la route, encadrées à droite et à gauche par les 6e et 8e. Le 2e bataillon attaquerait ainsi le château par le potager, les zouaves l'abordant par la cour d'honneur. Le 1er bataillon appuierait l'attaque.

A 14 h. 30, les préparatifs terminés, le commandant de Beaufort, mettant ses gants blancs, faisait sortir des rangs le caporal Gallard, missionnaire, et lui demandait de donner l'absolution i extremis à ceux qui la demanderaient. Le bataillon s'agenouillait sous le signe de la croix. " Il est difficile, écrit un témoin, d'imaginer une scène plus émouvante. " Puis Beaufort, son bâton a la main, s'écriait : " En avant, mes enfants! Pour la France ! Chargez! " En quelques instants fantassins et zouaves arrivaient dans le potager et devant la grille d'honneur. Le colonel Lestoquoi appuyait leur mouvement avec cinq compagnies. Mais l'ennemi ouvrait au dernier moment un feu destructeur. Buaufort, le capitaine de Montesquieu, quatre autres officiers étaient tués et deux blessés. Un grand nombre de sous-officiers et de soldats tombaient également.

A la gauche du 2e bataillon, les zouaves refluaient en désordre, devant les grilles intactes. Ils entraînaient, les compagnies du 1er bataillon, d'ailleurs prises de flanc par les mitrailleuses du château. Le capitaine Villers, aidé de deux officiers, rassemblait les débris du bataillon Beaufort à la lisière du bois d'Allemant. Les deux autres se reconstituaient dans le bois de Mondement, où ils préparaient une nouvelle attaque.

Vers 17 heures, un lieutenant de cuirassiers en reconnaissance survenait et se mettait à la disposition du colonel Lestoquoi, qui l'envoyait chercher la pièce réclamée depuis longtemps. Elle arrivait peu après et on la poussait à bras face à la grille, à 400 mètres environ. Elle ouvrait aussitôt le feu sous les ordres du lieutenant Canonge. En même temps, le colonel Eon faisait avancer une section de la batterie Naud, du 49e, qui tirait, sur le sud du parc.

A 18 h. 30, après cette nouvelle préparation, le colonel Lestoquoi lançait trois compagnies sur le château, avec mission expresse de l'enlever, de fouiller le parc et de gagner la lisière opposée; quatre compagnies se jetaient en même temps sur le village, pour balayer ce qu'il contenait et gagner également la lisière. Avec la dernière compagnie (9e), il courait à la grille (Notes inédites d'un témoin. M. Le Goffic, p. 182, mentionne un ordre de cesser l'attaque qu'aurait reçu à 18 h. 40 le colonel Lestoquoi du général Humbert. Le général Canonge (p. 94) écrit que l'ordre de prendre le château coûte que coûte fut au contraire apporté au colonel par un capitaine dont le nom est connu et qui ne se retira qu'après la prise de Mondement. Le colonel Lestoquoi, proposé pour commandeur à la suite de cette brillante affaire, ne reçut cette distinction qu'en 1917 .).

Ce mouvement, bien préparé, s'exécutait avec un remarquable entrain. L'ennemi ne résistait pas à notre triple attaque. Fuyant de toutes parts, il tombait sous les feux d'enfilade de deux compagnies marocaines placées par le colonel Eon à la lisière nord-ouest du bois d'Allemant, en même temps que sous ceux de mitrailleuses des zouaves qui balayaient le chemin de Reuves. A ce moment, le 2e bataillon rejoignait le gros du 77e, lui apportant un soutien dont il n'avait plus besoin. A 19 heures, le combat était entièrement terminé. On n'entendait plus que les plaintes de nombreux blessés allemands entassés dans les fossés de la route et dans le bas-fond nord-est de Mondement. Le 77e s'installait en avant-postes de combat.

Les pertes des éléments de la Garde et du Xe corps qui avaient pris part au combat étaient très lourdes en tués et en blessés. Il y avait peu de prisonniers, en raison de l'acharnement déployé des deux parts. Le colonel Lestoquoi pouvait rendre compte (19 heures) : " Je tiens le village et le château de Mondement. Je m'y installe pour la nuit ". Le 208e, les zouaves, les tirailleurs restaient à Montgivroux et dans les bois, en soutien du 77e.

Cette fois, l'offensive allemande était définitivement arrêtée au 9e corps. Un peu avant la nuit; on apercevait une colonne ennemie se dirigeant vers l'est par Coizard et entamant sans doute un mouvement préliminaire de retraite. A 20 heures, le général Humbert donnait l'ordre de bivouaquer sur place.

Cependant, la situation à la droite était devenue plus délicate dans la journée du 9. Elle présentait même un caractère angoissant, et le corps d'armée n'avait plus de réserve. Au petit jour, le 135e, réduit à 1.200 hommes qui tenaient le front Mont Août, lisière nord des bois jusqu'à la route de Bannes à La Fère-Champenoise, était violemment attaqué par des forces supérieures. A sa droite, la 52e division tentait en vain d'occuper le mamelon 161 et, la station de Fère. Le tir de l'artillerie ennemie acquérait une violence inouïe. Puis on apprenait, dans la matinée que le 11e corps, violemment attaqué de nouveau, était forcé d'abandonner une partie du terrain reconquis la veille au soir. A 9 h. 50, le commandant de la 21e division, général Radiguet, écrivait de Corroy : " Mes troupes n'ont pu tenir devant un bombardement de deux heures que nous venons de subir. Elles sont en retraite sur toute la ligne. Il en est de même de la 22e division. Je vais essayer, avec mon artillerie et ce que je pourrai ramener d'infanterie, de tenir sur le plateau au sud (sud-est) de Corroy, dont (la cote) 129 constitue à peu près le centre.

" Mes régiments se sont admirablement battus, mais ils sont réduits à une moyenne de 4 à 5 officiers. "

En effet, le 11e corps dut rétrograder dans les bois au nord de Fresnoy et jusqu'aux abords de Salon. A 10 heures, les 17e et 52e divisions. (9e corps) avaient peu à peu refusé leur droite pour se relier au 11e corps. Elles étaient dans la situation suivante : la 17e division tenait le front Mont Août, ferme Hozet, ferme Sainte-Sophie, prolongé à droite par la 103e brigade, sur la ligne Morin, côte 108 (ouest de Connantre), et à gauche par la 104e brigade sur les pentes nord du Mont Août. La pression allemande devenait toujours plus forte, une artillerie très supérieure à la nôtre battant toute la plaine. Mais on savait par une note de l'armée l'arrivée prochaine de la division Grossetti (10 h. 15) : " La 42e division arrivera sur le front Linthes, Pleurs. Quelle que soit, la situation plus ou moins reculée du 11e corps, nous comptons reprendre l'offensive avec cette 42e division sur Connantre et Corroy, offensive à laquelle le 9e corps aura à prendre part contre la droite Morains, Fère-Champenoise.

" La 42e division est en route depuis 8 h. 30 et sera en mesure d'agir vers midi (En réalité, elle fut en mesure d'agir à 18 heures (voir supra).

" Le 10e corps a libéré la 42e division. Il est à votre disposition et reçoit ordre d'appuyer la division marocaine, pour empêcher à tout prix la pénétration à l'ouest des marais de Saint-Gond. "

En communiquant cette note au 9e corps, le général Dubois prescrivait de tenir " coûte que coûte. Aucune défaillance, ajoutait-il, ne devra être tolérée ". Pour couvrir son flanc droit et préparer l'offensive prochaine, il poussait les deux escadrons du 7e hussards au sud de Connantre, avec mission de relier le corps d'armée, d'abord au 11e corps, puis à la 42e division.

A partir de 12 heures, la violence des attaques ennemies redoublait. Au lieu de pousser dans le vide créé par le repli du 11e corps, les Allemands reportaient très justement leurs efforts sur la droite du 9e corps, qu'ils cherchaient à envelopper ou à écraser. Nos pertes devenaient très fortes, les régiments étant réduits de moitié ou même des trois quarts. Toutes les routes fourmillaient de blessés et il ne restait plus une compagnie disponible.

A 13 heures, l'armée annonçait que la 42e division était en marche de Broyes sur Pleurs : " Faites arriver, continuait le général Foch, cette division face à l'est, entre Pleurs et Linthes, de manière qu'elle puisse ultérieurement attaquer dans la direction de la trouée entre OEuvy et Connantre: Cette attaque sera appuyée à droite par le 11e corps, à gauche par tous les éléments disponibles du 9e corps qui prendra pour objectif la route entre Fère-Champenoise et Morains " .

Vers 13 h. 30, la situation devenait tout à fait angoissante au centre de la 9e armée. On se demandait si la 42e division arriverait à temps. Des officiers couraient au devant d'elle pour l'orienter. Presque aussitôt (13 h.45) survenait un nouvel effort de l'ennemi. La 103e brigade cédait à la droite de la 17e division et, sous cette impression, le général Battesti se laissait aller à la plus regrettable défaillance. Il donnait un ordre de retraite à la 104e brigade qui tenait le Mont Août et n'y était pas sérieusement menacée (Le lieutenant Libermann décrit ainsi cet incident (op. cit., p:169) : Les Allemands dépassent les trois Broussy et nos troupes se retirent. " Sur la vaste plaine qui s'étend au pied du Mont Août, les Français débouchent des bois, d'abord par deux, par trois, puis en masses épaisses. Tout ce monde bat en retraite, se dirige vers l'ouest. " Le 58e bataillon se retire sur Saint-Loup, puis reçoit l'ordre de se porter sur Sézanne où la division doit se reformer. Sur la route, vers 16 heures, il est arrêté par un officier d'état-major qui lui fait faire demi tour; il se porte au nord de Linthes, à gauche de la division Grossetti.) . Il allait même jusqu'à diriger les éléments de sa division sur leurs cantonnements, naturellement sans en rendre compte.

De son poste de commandement, le général Dubois apercevait un groupe d'artillerie au trot vers le sud. Il envoyait un officier s'enquérir à ce .sujet. Une demi-heure après l'officier revenait, disant que ce groupe se rendait au cantonnement, à 12 kilomètres de là, et que le reste de la 52e division faisait de même par unités isolées. Indigné, le général prescrivait à la 17e division de tenir quand même, envoyait des officiers dans toutes les directions Pour arrêter ce mouvement inqualifiable. Puis il se lançait à la recherche du général Battesti qu'il trouvait à la sortie de Linthes, mangeant debout, au milieu d'un bataillon qui faisait le café. Du geste et de la voix, il intervenait durement, prescrivant d'arrêter sur l'heure le repli de da 52e division (Notes inédites d'un témoin.). Finalement, après des instants d'angoisse, cette unité se reportait au nord de Saint-Loup et de Linthes, sur les hauteurs de la cote 182, de Chalmont, de la cote 134.

Au même moment, le 135e, qui tenait encore les pentes est du Mont Août, pliait sous une nouvelle attaque de la Garde. Le général Moussy lui prescrivait de reprendre la position perdue, en réattaquant vers le Puits (Le Puits est dans le bois à l'ouest de Fère-Champenoise.). Mais, dès le début, le chef de corps, lieutenant-colonel Graux, les chefs de bataillon Noblet et Pons étaient tués ou blessés, ainsi qu'un grand nombre d'officiers et de soldats. Le 135e refluait à l'état de débris jusqu'à Linthes.

Se voyant découvert sur ses deux flancs, le général Moussy était contraint de replier la 33e brigade sur les bois de la cote 144 (68e), sur la ferme Sainte-Sophie et les bois à l'ouest (90e). Ce dernier étendait sa droite jusque dans les boqueteaux au sud de la droite de Sézanne. Cette fois la division se cramponnait énergiquement à cette position où se brisait l'offensive allemande (Il semble d'ailleurs que la retraite des Allemands ait été le résultat de la situation générale plutôt que du combat de la 9e armée. D'après Le Goffic, p. 239, à 15 heures l'ennemi commence à traverser en retraite Vert-la-Gravelle. Il est " en ordre, dans le plus grand silence et au pas " et défile ainsi jusqu'à 2 heures du matin (d'après G. Voillereau, Archives cantonales de Vertus).) . Des éléments ennemis essayaient de filtrer par la vallée de la Vaure, dans la brèche béante. entre les 9e et 11e corps. Ils étaient arrêtés par les tirs de barrage de notre artillerie, en batterie sur le revers sud de la crête Chalmont, cote 134.

Vers 16 heures seulement, après les heures les plus angoissantes, on annonçait l'approche de la division Grossetti (D'après Le Goffic, p. 193-208, la relève de la 42e division n'a été terminée qu'à 11 heures et le 151e ne peut rallier qu'à 13 heures. Elle marche le 162e en tête, puis le 151e et la 83e brigade. Le 18e bataillon de chasseurs reste en soutien de la division marocaine.). Le général Dubois ne perdait pas une minute pour prescrire la reprise de l'offensive : la 42e division allait attaquer de la région Linthes, Pleurs dans la direction Connantre, OEuvy, avec le concours des éléments disponibles des 9e et 11e corps. La 104e brigade tiendrait solidement les hauteurs de Chalmont. La 17e division reprendrait son attaque sur la ferme Hozet, Morains; la 103e brigade sur la ferme Sainte-Sophie, le plateau 166 (sud de Morains), en liaison intime avec la division Grossetti. Toute l'artillerie des deux divisions (17e et 42e) non employée face au nord appuierait la contre-attaque de la crête Chalmont, cote 134. L'offensive commencerait à 17 heures (Notes inédites d'un témoin.).

La solution finale approchait. La 103e brigade attaqua par régiments successifs; la 17e division forma la 34e brigade (trois bataillons du 90e et deux du 68e) par régiments accolés, sous les ordres du colonel Simon. Quant au 135e, il restait en réserve, avec un bataillon du 68e, auprès de Linthes, à la disposition du général Moussy.

L'attaque ainsi montée progressait d'abord très lentement. Il fallait nettoyer à la baïonnette les innombrables boqueteaux rectangulaires qui couvrent cette partie du champ de bataille. Le sol était couvert de cadavres et de blessés de la Garde. A minuit seulement, la 34e brigade, atteignait la ferme Hozet. La 103e brigade, dont le mouvement avait été plus lent encore, était aux abords de Sainte-Sophie (D'après Libermann, p. 168-189, le 58e bataillon de chasseurs rentre en pleine nuit dans la ferme Sainte-Sophie, où il n'y a pas un Allemand. " Personne ne veut croire à la victoire. " On pénètre dans Connantre, où il n'y a que des isolés et des blessés allemands (des 1er, 2e et 4e grenadiers de la Garde) qui sont capturés au nombre de 500 environ.). Le colonel Simon jugea un temps d'arrêt nécessaire pour faire le café, les troupes s'étant mises en marche le matin avant d'être ravitaillées et sans avoir mangé la soupe. Mais leur moral était tel, malgré les lourdes fatigues d'un jour et d'une soirée de combat, que, voyant la résistance ennemi faiblir de plus en plus, il décidait de repartir à 1 heures du matin. A ce moment, l'ennemi se repliait " a toute vitesse " et la brigade entamait la poursuite sans s'inquiéter de la liaison avec la 52e division : preuve d'initiative malheureusement trop rare. A 5 h. 30, son avant-garde atteignait Morains où une arrière-garde allemande essayait de tenir, ainsi que dans les bois à l'est. Elle fut aussitôt refoulée dans un vif et rapide combat. Un demi-escadron du 7e hussards; .capitaine Thomassin, opérait une charge brillante sur une unité ennemie dont il franchissait les tranchées et qu'il dispersait. Certaines de nos divisions de cavalerie, sans parler des corps de cette arme, se seraient utilement inspirées du même allant.

Par suite du retard d'une estafette égarée dans la nuit, le général Moussy n'avait connu la situation qu'à 2 heures.

Se mettant aussitôt en marche avec sa réserve, il était dès 5 heures à Fère-Champenoise, prêt à soutenir la brigade du colonel Simon. Quant à la 52e division, elle continuait de progresser beaucoup plus lentement. A 5 heures, sa tête (348e) arrivait seulement à hauteur et à l'ouest d Fère-Champenoise. Le 9e corps avait alors la brigade Simon (cinq bataillons et trois groupes) à Morains, le reste de la 17e division (quatre bataillons) à Fère avec le général Moussy. La 103e brigade marchait vers le nord, ses deux bataillons de tête vers la cote 161. La division du Maroc, la 77e et la 104e brigade, étaient encore sur leurs emplacements du 9 au soir. C'est ainsi que se terminait ce brillant combat pour le 9e corps.

V

 

Le général Eydoux avait donné à ses troupes (11e corps, 18e et 60e divisions), dans la nuit du 8 au 9 (1 h. 30), un ordre d'opérations qui peut se résumer comme il suit : Avant le jour, la 21e division organiserait solidement la crête au nord-ouest d'OEuvy, en étendant sa droite le plus possible vers la route de ce village à Fère-Champenoise. Cette position devrait être telle que sa possession nous fût assurée " indiscutablement ". On se relierait à gauche, au 9e corps qui occuperait Connantre. En outre, la 21e division dirigerait de suite " un détachement mixte sur Fère-Champenoise, avec mission de réoccuper cette localité, de tenir fortement ses abords et de l'organiser défensivement en se reliant au nord " avec le 9e corps, chargé d'occuper les hauteurs de la cote 166 (nord de la Station). Ainsi nous croyions l'ennemi déjà en retraite de Fère-Champenoise.

La 22e division se porterait avec tous ses éléments à la cote 174 (sud-est de Connantray), s'y retrancherait en étendant, sa gauche sur la crête nord d'OEuvy jusque vers la route de ce village à Fère-Champenoise, et sa droite jusqu'à la cote 177 (sud-ouest de Connantray). Quand le 9e corps aurait atteint les hauteurs au nord de Fère-Champenoise (cote 166), la 22e division pousserait un détachement à la cote 162 (nord-est de cette ville).

La 18e division conserverait ses emplacements du 8 au soir. Toutefois, lorsque les 21e et 22e auraient occupé la crête au nord-est d'OEuvy, la division, tout en maintenant sur cette crête le régiment qui l'occupait, pourrait en resserrer les éléments à droite et à gauche de la route de Fère-Champenoise. Le 290e resterait provisoirement à la disposition de la 21e division.

Enfin la 60e division occuperait la hauteur de la Bonne-Espérance, en s'y fortifiant et poussant " des antennes " d'une part vers Montépreux, d'autre part vers la cote 174 afin de se relier à la 22e.

" Sur toutes les positions occupées continuait le général Eydoux, on exécutera des tranchées profondes dans lesquelles l'infanterie se mettra à l'abri pendant le tir de l'artillerie ennemie. Notre infanterie ne devra se montrer qu'à l'approche de l'infanterie adverse. Ce procédé, toutes les fois qu'il a été employé, a permis d'arrêter l'offensive allemande sans pertes pour nos propres troupes. " Combien nos sacrifices eussent été moindres, si ces prescriptions avaient été appliquées partout au début de nos opérations !

A 6 heures, le général Eydoux arrivait à Gourgançon et, apprenait au général Lefèvre que l'ennemi débouchait de Fère-Champenoise. Les 21e et 22e divisions n'ayant pas exécuté le mouvement prescrit la veille au soir, il fallait que la 18e défendit la crête d'OEuvy. Ordre était donné aussitôt à la 33e brigade de tenir " d'une façon inviolable " les hauteurs 169, 177, 174, face à Connantray. Les deux groupes ,du moulin de Gourgançon l'appuieraient, " s'ils n'étaient pas engagés ". Un troisième lui était envoyé.

La 34e brigade était violemment attaquée (7 h. 45) sur la ligne Moulin de Gourgançon, cote 164, déjà très sensiblement au sud de la position qui lui avait été assignée. Le 125e se défendait héroïquement; mais, dès 8 h. 15, la brigade était obligée de se retirer et, sur l'invitation du général Eydoux (D'après des notes manuscrites du général Eydoux, l'intention du général Lefèvre était d'abord de replier sa division sur les hauteurs au sud de Salon. Ce mouvement, commencé, fut arrêté par le général Eydoux qui prescrivit à la 18e division de résister " jusqu'au dernier hommes " ;sur la crête sud et sud-ouest de Gourgançon.), le général Lefèvre la dirigeait au sud-ouest de Gourgançon (cote 128), pendant que la 35e organisait la crête au sud de ce village. L'ordre était exécuté, mais, à 11 h. 45, la 18e division ignorait encore ce qu'était devenu le 125e, dont une centaine d'hommes avaient été vus marchant vers Salon à 9 h. 45, tandis que le drapeau et sa garde étaient à 11 heures vers la cote 160 (sud de Semoine), dans une tout autre région. La 34e brigade était donc réduite au 114e, que renforcerait peut-être le 268e. On supposait la 21e division vers Corroy.

A 12 h.20, la situation de la division était encore la suivante : la cavalerie entre Semoine et Montépreux, à la droite; la 35e brigade sur la crête au sud de Gourgançon; la 34e brigade (114e et quelques éléments du 125e) tenant la crête au sud-ouest de ce village (cote 128); un groupe au nord de Faux (cote 104), un groupe du 11e corps du sud-ouest de Semoine (cote 155); deux groupes dans la même direction (cote 160); un groupe resté le dernier au nord de la Maurienne n'était pas encore en liaison; enfin deux des groupes (11e corps et 18e division) étaient " dans des positions inutilisables ". L'ennemi avait dévoilé des batteries aux Anelayes (nord-ouest de Montépreux) et à la cote 176 au nord de Bellevue. On observait des mouvements de troupes dans les bois autour de cette ferme; de l'infanterie s'était déplacée d'OEuvy sur Semoine vers 9 h 45. La 18e division n'avait encore aucune nouvelle des 21e et 22e divisions, toujours en arrière.

A 13 h. 30, l'ennemi passait la Maurienne à l'ouest de Gourgançon et attaquait violemment la cote 128. L'artillerie divisionnaire fauchait les groupes franchissant la crête à l'ouest du moulin de Gourgançon. La situation n'en était pas moins difficile. A plusieurs reprises, la 34e brigade, se sentant découverte sur sa gauche et voyant les Allemands progresser dans cette direction était sur le point de battre en retraite. Le général Lefévre écrivait même au général Eydoux : " ...Mon infanterie à l'ordre de ne pas reculer jusqu'à l'abordage à la baïonnette. Mais j'ai déjà dû renvoyer au feu sous menace du revolver pas mal de fuyards " .

Le 7e hussards ayant été contraint de repasser au sud de la Maurienne vers 14 heures et s'étant porté à la droite de la division, le général lui prescrivait (15 heures) de passer à la gauche de la 34e brigade, afin de l'étayer au besoin par du combat à pied, en prenant position à la lisière des bois sud de la cote 128. Il ramenait au feu le petit groupe du 125e, qui avait reculé jusqu'à Salon (15 h.10). Enfin il prescrivait au bataillon Zolikofer, du 268e, à Fresnay, de se porter sur l'heure à l'est de la cote 129, en soutien de la 34e brigade.

Sur les entrefaites, le général Seydoux était avisé de l'approche de la 42e division et recevait l'ordre d'attaque de la 9e armée. A 14 h. 30, il le transmettait aux troupes sous ses ordres : La division Grossetti allait attaquer, en partant du front Linthes, Pleurs, l'éperon qui, de Pleurs monte au nord d'OEuvy. Pendant que le 9e corps l'appuierait à gauche, le 11e corps agirait, quoi qu'il arrivât, contre le front Connantray, Montépreux.

Cette offensive serait déclenchée à partir de 16 heures, dès que la 42e division aurait passé la Vaure. L'artillerie de Corroy ouvrirait le feu sur le front d'attaque, ce qui provoquerait le commencement des tirs sur toute la ligne. La division Radiguet suivrait le mouvement de la 42e division, en prenant comme axes la direction cote 140 (nord-ouest d'OEuvy) et cote 169 (sud-ouest de Connantray) à gauche; celle .d'OEuvy et du chemin d'OEuvy à Connantray (est de la cote 177) à droite.

La 18e division se conformerait au mouvement de la 21e, en attaquant la croupe du moulin de Gourgançon et se dirigeant sur la sortie sud-est de Connantray, sa gauche en liaison avec la 21e division, sa droite marchant sur le mamelon au nord de la cote 176. La division Pambet (22e) suivrait la 18e, en appuyant sa gauche à la croupe nord de Semoine, avec les cotes 209, 206 pour objectifs. La 60e division (Joppé) occuperait les hauteurs 160 et 161 au sud-est de Semoine, le 2e régiment de chasseurs opérant à droite. Enfin la 9e division de cavalerie prêterait au nord de Mailly son appui au 11e corps.

L'offensive ainsi montée était empêchée par diverses circonstances. D'une part la 42e division, arrivée tardivement sur le front Linthes, Linthelles, ne dépassait pas la Vaure. D'autre part la 18e division avait à résister aux attaques violentes des Allemands. De même pour la 60e division. Finalement, le général Lefèvre donnait dès 18 heures un ordre de stationnement qui s'exécutait sans incident. Il en était de même aux 21e, 22e et 60e divisions. En somme, les troupes du général Eydoux comme la division Grossetti, n'avaient qu'une part indirecte dans les succès que remportait alors le groupement Dubois, en attaquant de flanc les Allemands pendant leur retraite.

Ceux-ci s'efforçaient de colorer de leur mieux ce recul inattendu. Un ordre d'une brigade du XIIe corps, le soir du 9, portait textuellement : " Après les succès qui se sont succédés, la 32e division d'infanterie quitte l'armée (IIIe) et se dirige vers le Nord pour recevoir ailleurs un emploi tactique ".

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