LA BATAILLE DE LA MARNE VUE PAR LE GENERAL PALAT
CHAPITRE XII
CHAPITRE XII
LE 7 SEPTEMBRE AU CENTRE
L'armée britannique. - La 5e armée. - Le corps Conneau. - 18e corps. - Les 3, 1er et 10e corps. - La 9e armée. - Ordres pour le 7. - La 42e division. - Le 9e corps sur les marais de Saint-Gond. - Le 11e corps. - 9e division de cavalerie.
I
L'armée britannique continuait son offensive, tout en opérant un changement de front autour de sa gauche, sa droite marchant par échelons vers Rebais. A 10 heures, les gros atteignaient, pour le 3e corps, Maisoncelles, pour le 2e, Coulommiers, pour le 1er, Dagny. La cavalerie de von der Marwitz tenait le Grand-Morin, de Pommeuse à Chauffry, une division à Boissy et Chauffry, une autre à Pommeuse et Mouroux; une troisième au nord de Coulommiers. Elle ne put résister à l'offensive britannique, en particulier à l'ouest de cette ville et à ses abords. Vers midi, elle avait abandonné le Grand-Morin et refluait ensuite au nord du Petit-Morin pour aller se rassembler au sud-est de La Ferté-sous-Jouarre, vers Orly et Bussières. Dans la soirée, le IVe corps commençait à passer la Marne vers Charly, pour marcher au nord-ouest sur Montreuil-aux-Lions. On signalait encore de gros rassemblements vers Viels-Maisons et Hondevilliers, entre le Petit-Morin et la Marne.
Le soir, la division de cavalerie britannique, qui avait cherché à déborder vers le nord-est celle des Allemands, n'était encore qu'à l'est de Choisy, au sud du Grand-Morin; le 1er corps, au nord-ouest de ce même village; le 2e corps, à l'est de Coulommiers; le 3e, à Maisoncelles, Giremoutier et au nord-ouest de Coulommiers (G. Babin, p. 271).
Entre les avant-gardes britanniques et les arrière-gardes allemandes, les contacts avaient été peu nombreux et sans grande importance. Le maréchal French n'en cite que deux dans ses Mémoires. Pendant la marche de la division de cavalerie sur Frétoy, Moncel fut enlevé à une patrouille ennemie par un élément du 9e lanciers, suivi de la seule mitrailleuse qui restât au régiment. Deux escadrons du 1er dragons de la garde en délogèrent ensuite les Anglais, un troisième suivant en soutien au nord de Moncel. Un peloton et demi du 9e lanciers eut l'audace d'attaquer cet escadron et en enfonça la moitié gauche, bien que les Allemands eussent également pris le galop de charge. Puis le 9e lanciers se rallia au sud, pendant que le 18e hussards, envoyé en soutien dans un bois, attaquait les Allemands par ses feux sur la partie ouest du hameau.
Après la retraite de l'ennemi, le 18e hussards se porta au nord, vers Faujus. Le 2e escadron, pied à terre, fut chargé par un escadron allemand " en ordre parfait avançant en ligne et botte à botte ". Un feu bien dirigé brisa cette attaque et quelques cavaliers seulement franchirent la ligne de feu pour être tués ensuite par les hussards qui tenaient les chevaux. Il n'en échappa guère qu'une douzaine. Une seconde charge, tentée peu après ne put approcher à plus de 400 mètres.
Il ne semble pas que, dans cette journée comme dans celle du 6, le maréchal French ait mis une énergie suffisante dans son offensive : " Si, en ces jours, French ou ses commandants en second avaient seulement fait preuve d'un peu d'initiative, la situation de von Kluck eût pu devenir très critique; mais les Anglais paraissent ne pas pouvoir s'habituer aussi rapidement au changement des circonstances : d'abord retraite revêtant le caractère de la fuite, puis marche en avant " .
Gallieni n'en remerciait pas moins le maréchal French, par lettre du 7, du concours " si efficace " donné la veille par l'armée britannique. Il lui faisait connaître que " pour tenir compte de la nécessité de bien couvrir son flanc gauche ", le général Maunoury dirigeait la 8e division sur la rive sud de la Marne. Enfin, il exprimait " la conviction absolue " que l'opération entreprise aboutirait au succès, si tous les Alliés concouraient bien au but final.
II
Dans son ordre pour le 7 septembre, le général d'Espérey constatait que l'offensive du 6 avait permis à la 5e armée, tout en refoulant l'ennemi de front, de prendre avec lui un contact étroit, de manière à le retenir le temps nécessaire à l'intervention dans son flanc des armées voisines. Il prescrivait de reprendre l'offensive le 7. Avant tout on conserverait " l'intangibilité des positions conquises ", en progressant vers le nord, s'il était possible. On engagerait les troupes avec économie, afin de pouvoir durer encore " 48 heures au moins ", quitte à poursuivre immédiatement et à accrocher l'ennemi s'il venait à se dérober. Peut-être ces prescriptions exagéraient-elles encore la prudence.
Le commandant de la 5e armée faisait connaître que l'armée britannique s'était orientée sur Rebais, prête à foncer dans le flanc droit des Allemands.
Le corps Conneau se rassemblait, la 8e division vers Beauregard (5 heures) au nord de la forêt de Jouy, la 10e division, moins deux escadrons et deux batteries, à l'est de Saint-Hilliers (7 heures); le 45e avec ces escadrons et ces batteries (6 heures) à l'ouest de Courchamp; enfin la 4e division (7 heures) à Rubantar (nord de la forêt), en liaison par Dagny avec l'armée britannique. Des découvertes étaient lancées sur Chèvre, Choisy, sur Chartronges, sur Saint-Martin-du-Boschet et Viels-Maisons.
Dés le matin, la 4e division apprenait qu'un demi-escadron de uhlans avait été vu à Chevru, se retirant vers l'est; qu'une compagnie d'infanterie française occupait déjà Bannost depuis 6 h. 30. D'autre part on annonçait que la 10e division allait attaquer Champcenest et Les Marest, assez fortement occupés, disait-on, et que la 8e division soutiendrait cette attaque par son canon. Dès 9 heures, Champcenest était évacué par l'ennemi. La 8e division marchait sur Courtacon et la 4e division avait ordre de porter son gros à Beaumont, avec une avant-garde sur Boisdon, Beton-Bazoche devant être son objectif ultérieur. Rien de moins semblable à une poursuite qu'un mouvement ligoté par des prescriptions aussi étroites.
A ce moment, on savait l'ennemi en retraite au nord de l'Aubetin; de grosses colonnes avaient été vues au sud et au nord de La Ferté-Gaucher, marchant vers le nord. Une brigade de cavalerie britannique s'était déjà engagée au nord-ouest de Beton-Bazoches. La 4e division recevait l'ordre de se porter sur ce village. A 10 heures, elle apprenait que l'infanterie de nos alliés bordait la ligne Dagny, Amillis, Mauperthuis, qui ne devait pas être dépassée " jusqu'à nouvel ordre ". Les prisonniers faits appartenaient à la division de cavalerie de la garde, en retraite vers le nord.
A 10 h. 30, le général Conneau annonçait que l'ennemi cédait partout. Il prescrivait une poursuite générale, la 10e division par Courtacon sur Viels-Maisons, la 8e par Beton-Bazoches et Chartronges sur Lescherolles; la 4e en arrière et à gauche de la 8e, qu'elle appuierait. La direction générale était donc nord-est.
Le début de ces mouvements ne donnait lieu à aucun incident. A midi, l'avant-garde de la 4e division délogeait quelques cavaliers (dragons de la garde) des Hayettes, au nord de Beton-Bazoches. On y faisait des prisonniers. Mais, dès 12 h. 30, on apprenait que le débouché de la 8e division à Fortail et de la 10e à Courtacon était difficile. Le général Abonneau portait aussitôt une nouvelle avant-garde vers le Bois-Saint-Père, au nord de Fortail. Le gros de la 4e division se rassemblait aux Hayettes, une masse de cavalerie ennemie étant signalée vers Choisy par nos Alliés.
A 14 heures, on annonçait l'attaque de Sancy par le 18e corps. Vers 15 heures, l'avant-garde de la 4e division tenait le front Choisy, Chartronges. La brigade légère libérée par l'avance de la 8e division au nord de Fortail avait atteint Leudon; le reste de la division était encore vers les Hayettes. La droite de l'armée britannique avait déjà de l'infanterie à Chartronges, à hauteur des avant-gardes du corps Conneau. Le général Abonneau faisait reconnaître vers La Ferté-Gaucher et le gros de la 4e division suivait la même direction (15 h. 45). A 16 h. 30, on apprenait que la route nationale était libre jusqu'à cette ville. Quelques cavaliers qui y étaient restés avaient pris dès 16 heures la direction de Rebais. L'infanterie en était partie dès 13 heures, vers Coulommiers, après destruction des ponts. Toutefois il restait une passerelle en bois, accessible aux voitures.
A 18 h. 30, la 4e division était rassemblée au sud de cette ville. Le général Conneau faisait connaître (19 h. 30) que l'ennemi s'était retiré au nord du Grand-Morin et que le 18e corps atteindrait dans la soirée ce cours d'eau. On cantonnait sur place, la 4e division à la gauche, vers La Ferté-Gaucher. La 8e, après avoir dépassé Villiers-Templon, revenait passer la nuit à Vieux-Maisons, sans avoir pris le contact (Commandant Bréant, p. 65-66. Des hussards contaient à cet officier qu'ils avaient trouvé un garçon de ferme "mis en croix par ces sauvages". Un témoin cité par M. Hanotaux (X, p. 98) écrit de la 8e division : "Pendant trois heures nous piétinons sur place... Qu'est-ce que nous faisons-là ? - Pourquoi s'arrêts-t-on ?" (Létard, Trois mois au 1er corps de cavalerie, p. 167). Toutefois, nous faisons remarquer que la 8e division ne faisait pas partie du 1er C.C.). Dans ce cas encore, il ne semble pas que la poursuite ait eu le moindre degré d'activité.
Dès le matin du 7, l'aviation avait signalé à l'état-major de la 5e armée de nombreuses colonnes en marche au nord-ouest ou au nord. Il semblait que le gros des IIIe et IVe corps se portât également en soutien de la droite de von Kluck, obéissant à ce qu'on a très justement appelé l'effet de ventouse (Babin, p.271) que produisait l'attaque imprévue du général Maunoury. La droite de von Bülow battait également en retraite. Du moins on pouvait l'admettre et il restait plus que de la cavalerie et de l'artillerie, avec de forts soutiens d'infanterie, pour couvrir ce recul.
La 5e armée commençait donc la poursuite en direction de Montmirail, s'efforçant d'atteindre le Petit-Morin en fin de journée; tandis que sa droite couperait l'ennemi de sa retraite sur cette ville. Vers midi, le général Franchet d'Espérey apprenait que la gauche de la 9e armée, 42e division et 9e corps, était violemment attaquée vers la Villeneuve-lez-Charleville et Soisy-aux-Bois par un ennemi venant de Saint-Prix. Il prescrivait au 10e corps de s'engager dans cette direction, en liaison avec le 1er corps.
Le 18e corps continuait de tenir la gauche de la 5e armée. Le 7, il faisait un premier bond en avant, de 8 heures à 11 heures, jusqu'au front Montceaux-les-Provins, Sancy, Cerneux, la 38e division restant en seconde ligne. Il avait devant lui la division de cavalerie de la garde et des fractions du IIIe corps qui engageaient un combat assez vif à Sancy.
A partir de 14 heures seulement, le 18e corps opérait un deuxième bond qui se terminait vers 19 heures sur le Grand Morin, au nord duquel passaient les avant-gardes. La 36e division, à gauche, cantonnait dans la région Moutils, La Chapelle-Vérouge, son avant-garde à Meilleray; la 35e à Saint-Martin-du-Boschet, Réveillon, Villeneuve-la-Lionne, l'avant-garde à Belleau; la 38e à Pierrelez, Maisoncelles et Sancy. Le groupe Valabrègue suivait le 18e corps jusque dans la région de Montceaux-les-Provins.
Le matin du 7, le 3e corps bivouaquait dans la région Saint-Bon, Champfleury, Villouette (6e division, Pétain); Courgivaux, Escardes (5e division, Mangin). Il se mettait en mouvement après 10 heures " prudemment, avec précaution, s'attendant â être arrêté soudain ", écrit un témoin. On était surpris " de ne rien trouver devant nous que les traces d'une fuite précipitée de l'ennemi ". Un escadron entrait dans Neuvy vers 13 h. 30 seulement. La retraite des Allemands aurait commencé vers 9 heures dans deux directions, le gros vers Paris, le reste vers le nord. Entre temps, la division Pétain marchait par la région de Champlong sur le Grand-Morin, du Crocq à Maison-Rouge; la division Mangin, de Courgivaux par Aulnay, Neuvy, Joiselle. La 37e division (Comby) se portait à la droite des deux autres, autour de Cheigneux.
Le 1er corps avait reçu du général Deligny l'ordre (23 h. 45) de s'emparer en premier lieu de la ligne cote 200, château d'Esternay. La 1re division attaquerait la cote 200 et Retourneloup, en se reliant au 3e corps vers le château de Nogentel. La 2e aurait à enlever la crête du château d'Esternay. Cette dernière division disposerait des éléments de la 1re, groupés à Châtillon-sur-Morin, sous les ordres du général Christian Sauret et de toute l'artillerie de corps. Elle ferait son effort principal par Châtillon et le Pont-Neuf vers le château d'Esternay, se bornant à maintenir un régiment et un groupe au nord des bois, de façon à se relier au 10e corps, tout en attaquant de flanc le château.
Aux avant-postes, une fusillade continuelle retentissait toute la nuit, mais les Allemands ne tentaient aucune attaque, donnant à croire qu'ils se dérobaient derrière un masque. Le général Deligny reprochait à ses divisionnaires de ne pas avoir cherché à le vérifier.
Dés le point du jour les troupes se reportaient aux emplacements qu'elles avaient quitté la veille et, aussitôt, recommençait sur le front de l'armée une canonnade intense. Pendant que l'artillerie de la 1re division opérait en liaison avec la 2e brigade vers Chatillon-sur-Morin, l'artillerie de corps et le reste de la 1re division s'établissaient à cheval sur la route des Essarts-le-Vicomte à Esternay, le centre de gravité à l'ouest de cette route.
Après plus d'une heure de cette canonnade sur un ennemi invisible, qui ne ripostait que par des coups de canon très lointains, le général Gallet fit envoyer des patrouilles sur le front de la 1re brigade. On apprit bientôt, tant par ces reconnaissances que par des renseignements venus de la 2e division, que l'ennemi s'était dérobé pendant la nuit. Ordre fut donné de reprendre la marche vers le nord, en traversant Esternay, et de poursuivre l'ennemi (Notes inédites d'un témoin, D'après Hanotaux, X, p. 105, le 1er corps ne se mit en mouvement qu'à 10 heures, bien que l'ordre de la 5e armée le prescrivît pour 6 heures.).
La 1re division se flanquait à gauche par un détachement qui suivait la route de Neuvy, Joisselle, de façon à parer au retard du 3e corps, sensiblement en arrière sur le 1er. Elle se portait à travers champs en direction de Champguyon et de Morsains. Dans Esternay elle trouvait un grand nombre de blessés abandonnés par l'ennemi; puis, tout le long de sa ligne de marche, de nombreuses preuves de crimes commis par lui. A Champguyon elles étaient telles que le général Gallet les signala dans un rapport spécial, utilisé ensuite par la Commission dit, des atrocités allemandes.
L'ennemi avait vidé complètement la région jusqu'au Petit-Morin. Dans la soirée seulement on put reprendre le contact. Le 6e chasseurs, avec une batterie, avait pris les devants. Il poussa jusqu'à Maclaunay, d'où nos 75 tiraient jusqu'à la nuit sur des troupes marchant vers l'est de Montmirail ( Carnet inédit d'un témoin.), La 1re division stationna dans la région de Fontaine-Armée (Q. G.), ses avant-postes au Petit-Morin, vers Montmirail et Basse-Chaussée. " Il est impossible, écrit un témoin, de ne pas signaler le spectacle prodigieux et singulièrement réconfortant que donnaient les hommes du Nord. Au cours de la retraite, ils avaient apparu parfois abattus et fatigués; ce jour-là ils exécutèrent allègrement une marche de plus de 30 kilomètres à travers champs, sacs chargés et portant en outre les dépouilles ramassées sur le champ de bataille : casques, lances, sabres, etc... o (Notes inédites d'un témoin.).
Le général Deligny s'était rendu à Seu, vers la 2e division. A 8 heures, il lui indiquait un mouvement à opérer par sa droite vers le ru de la Noue, tandis que deux groupes d'artillerie de corps battraient Esternay et le château de la lisière du Buisson de Seu. Cette opération n'ayant plus d'objet en raison de la retraite des Allemands, la 2e division reprenait sa marche vers le nord, pour s'arrêter finalement à la hauteur de la 1re vers l'est.
Dans la soirée du 7, le 1e corps recevait l'ordre de stationner par divisions accolées, les avant-gardes sur le plateau dominant le Petit-Morin au sud de Montmirail (17h. 15) . La 1re division s'échelonnait sur ses deux routes de marche, celles de Morsains, Leuze à Rieux et de Morsains, Leuze à Montmirail, les deux avant-gardes tenant les ponts de Viney, de Basse-Chaussée et Mécringes.
La 2e division passait la nuit dans la zone Montvinot. La Rue-Lecomte, Perthuis, ferme des Hantes, son avant-garde à Maclaunay, tenant Courbetaux et les passages à l'ouest jusqu'à Basse-Chaussée.
Le Q. G. du corps d'armée allait à Leuze. Afin de faciliter la poursuite, ordre était donné aux régiments de requérir dans une large mesure des voitures qui transporteraient la plus grande partie des sacs. Enfin on annonçait l'arrivée de détachements de renfort.
Le 10e corps, étant en flèche dans la soirée du 6, ne devait se mettre en marche qu'à 7 h.30. Nous avons laissé la 19e division (Bailly) au nord-ouest des Essarts-les-Sézanne, face à la forêt du Gault, en liaison à droite avec la 20e° division. Vers 4 heures, le hameau du Chatelot et les bois voisins étaient bombardés par l'ennemi qui en délogeait des fractions des 41e et 71e. Au jour, le combat d'infanterie devenait très vif. Notre artillerie tirait d'abord trop court, atteignant nos propres tranchées et obligeant à en évacuer une partie. Heureusement son tir, rectifié par un avion, devenait excellent. Les Allemands, enfilés dans une tranchée par le 2e bataillon du 41e et battus de front par le reste du régiment, agitaient un drapeau blanc sans cesser le feu. Finalement, voyant cette démonstration insuffisante, ils jetaient leurs armes et couraient à notre ligne, au nombre de 350 environ. Leur tranchée offrait le plus horrible aspect : sur 500 mètres, il y avait plus de 600 cadavres et 150 blessés grièvement. Le 41e ramassait 1.100 fusils, 5 mitrailleuses, d'autre matériel. En outre son 1er bataillon avait fait 200 prisonniers. Deux bataillons étaient complètement anéantis : 1.100 tués, 550 prisonniers, 400 blessés, 6 mitrailleuses, 2.200 fusils ... (Docteur Veaux, p.121. Ces prisonniers étaient du Xe corps de réserve (74e et 75e régiments ?).) . Un témoin écrit à ce sujet : " Nous pouvons rendre les devoirs à nos morts et recueillir nos blessés. Quel poids angoissant de moins sur le cœur ! Ce même jour les Allemands ont fait Kamerad. La densité de leurs morts dans certaines tranchées était impressionnante, les corps souvent contigus. On les aurait crus foudroyés " (Notes inédites d'un témoin.) .
L'artillerie de la 19e division, en position au nord des Essarts, avait uni son feu à celui d'une partie des batteries de la 20e division, sur la crête du Bout-de-la-Ville, comme nous le verrons. Toutes ces pièces concentraient leurs projectiles sur Le Clos-le-Roi, le rendant intenable. Les 136e (gauche de la 20e division) et 41e (droite de la 19e) enlevaient ce hameau vers 6 h. 30. Puis la 19e division marchait sur Le Recoude, en direction générale de Vauchamps.
La 20e division se reliait à droite avec la 42° (9e armée). Dès l'aube, l'ennemi déclenchait une violente attaque sur cette dernière, qui perdait Villeneuve-lez-Charleville. Heureusement la 40e brigade (colonel de Cadoudal) se maintenait dans Charleville, malgré plusieurs assauts. Une fraction des batteries de la 20e division gagnait la crête entre Bout-de-la-Ville et les Epées, pour prendre de flanc les Allemands dans le bois au sud de Villeneuve. Vers le milieu de la matinée leur attaque était enrayée et la 42e division reprenait l'offensive. Quant à la 20e, elle s'arrêtait vers Le Bout-de-Val, un peu en retrait de la 19e.
Dans l'ensemble, la journée du 7 avait été favorable à la 5e armée. Sa droite, en progrès très sensible, dépassait fortement les fronts de la 9e armée et des troupes britanniques.
III
Le général Foch donnait à la 9e armée l'ordre suivant, daté de Pleurs, le 7 septembre, à 4 heures :
" I. La manœuvre entreprise par les armées alliées est en bonne voie d'exécution; la 6e armée a débouché ce matin à Meaux, marchant vers l'est. L'armée anglaise, désormais en mesure d'agir en liaison avec la 5e armée, était hier au soir vers Coulommiers, orientée dans la direction générale de Rebais, prête à agir dans le flanc droit allemand.
" II. En vue de continuer à appuyer les progrès de la 5e armée, la 9e armée prendra immédiatement les dispositions suivantes :
" La 42e division poursuivra son offensive en liaison avec le 10e corps, dans les conditions fixées pour la journée du 6 septembre.
" Le 9e corps, continuant d'assurer la défense des marais de Saint-Gond, se tiendra prêt à déboucher vers Aulnizeux et Vert-la-Gravelle avec l'aide du 11e corps.
" Le 11e corps, maintenant la possession de la ligne Morains, Ecury, Normée, s'emparera des hauteurs 167, 144, ainsi que de Clamanges; il se portera ensuite à l'attaque dans la direction Pierre-Morains, Colligny, Mont-Aimé (cote 240): Au nord-ouest de Montepreux, il fera tenir les hauteurs 182 et 174 par des troupes de réserve qui fourniront des détachements sur la Somme à Lenharrée, Vassimont et Haussimont.
" La 9e division de cavalerie, à Sommesous, surveillera les routes de Vitry-le-François et de Châlons et assurera la liaison avec le 17e corps, qui occupe le Meix-Tiercelin et Humbauville avec détachement au camp de Mailly sur la crête départementale (Mouvement de terrain ainsi désigné parce qu'il était suivi par la limite des départements de l'Aube et de la Marne.) .
" La 18e division (général Lefèvre) sera à 6 heures en réserve d'armée aux environs d'OEuvy.
" III. Poste de commandement : Pleurs, à partir de 6 heures. Poste d'armée : Fère-Champenoise, Saint-Loup et au nord de Sézanne, sur la route d'Epernay à hauteur de Lachy.
" IV. Le général commandant compte que toutes les troupes de la 9e armée déploieront la plus grande activité et la plus forte énergie pour étendre et maintenir d'une façon indiscutable les résultats obtenus sur un ennemi fortement éprouvé et aventuré.
" Dans ce but, engager l'infanterie en faible proportion, l'artillerie sans compter et transformer immédiatement toute occupation en organisation défensive est la tactique à pratiquer. "
Un second ordre, daté de 7 h. 30, rectifie légèrement le premier sous une forme plus concise. Il est ainsi conçu (Il se peut que ce sait seulement un extrait de l'ordre réel.) : " Le 9e corps devra continuer à assurer la défense des marais de Saint-Gond et se tenir prêt à déboucher vers Aulnizeux et Vert-la-Gravelle, avec l'aide du 11e corps, qui doit se porter à l'attaque dans la direction de Pierre-Morains, Colligny, Mont-Aimé (cote 210). A gauche la 42e division, dans la direction générale de Vauchamps. . . " .
Durant la nuit, le général d'Espérey avait donné au 10e corps l'ordre de s'engager à fond vers l'est, pour dégager la 42e division. Au contraire le général Grossetti croyait le 10e corps en fâcheuse posture, sans doute sur de faux renseignements trop aisément accueillis. Il jugeait donc à propos de faire évacuer par le 151e La Villeneuve-lez-Charleville et ramenait ce régiment dans le bois au sud (avant 7 heures) . Ce mouvement était à peine effectué que survenait un, contre-ordre du général mieux renseigné. On essayait de reprendre La Villeneuve, après une préparation par deux groupes. Encore l'un d'eux ( 14 heures) était-il porté vers Mondement, à la gauche des batteries marocaines. Le 151e ne rentrait dans La Villeneuve qu'à la nuit, c'est-à-dire au moment où le 10e corps, à la gauche de la 42e division, était maître de La Rue-Lecomte et du Recoude, à cheval sur la route de Montmirail.
La droite du général Grossetti n'était pas plus heureuse que sa gauche. Le 162e restait fortement engagé vers Soisy, qu'il perdait à 11 heures, pour se replier sur le château de Chapton, où il était recueilli par le 16e bataillon de chasseurs. Au bois de la Branle, où combattaient le 94e et un bataillon du 151e, il avait fallu faire rallier à plusieurs reprises, par la cavalerie, des unités disloquées. Sans doute les erreurs du commandement entraient pour une bonne part dans ces résultats, mais la supériorité de l'artillerie allemande y contribuait encore davantage. D'après un journal de marche (2e groupe du 49e) ses obus étaient aux nôtres dans la proportion de cinq contre un (Le Goffic, p. 80.) .
A 16 heures, le 16e bataillon de chasseurs tentait un mouvement offensif sur la crête au nord du château de Chapton, sans aucun succès. De même, le 94e essayait inutilement d'attaquer, à plusieurs reprises, entre 17 et 19 heures; finalement il venait bivouaquer autour du parc de Chapton. La 42e division avait donc été tenue en échec toute la journée du 7.
IV
A l'aube du 7 seulement, les troupes du 9e corps, comme la plupart des autres, eurent connaissance du célèbre ordre du général Joffre les avertissant du tragique de la situation. Le général Dubois leur adressait les prescriptions suivantes (8 h. 30) : la 17e division maintiendrait une brigade sur le front Broussy-le-Grand, Champ-de-Bataille et s'y organiserait à fond; son artillerie et un groupe de la 52e division battraient les débouchés de Bannes et d'Aulnay-aux-Planches.
La 52e division maintiendrait son front fortifié, son artillerie (moins un groupe) au Mont-Août, battant les débouchés des marais au nord de Broussy-le-Grand et de Bannes, un régiment derrière sa droite, en liaison avec le 11e corps.
La division du Maroc tiendrait également le front Mesnil-Broussy, Oyes, tout en appuyant la 42e vers Saint-Prix; son artillerie et les deux groupes de l'artillerie de corps battraient les débouchés des marais sur Joches et Villevénard. Enfin une brigade de la 7e division serait en réserve du corps d'armée entre Mont-Août et la ferme Nozet, ainsi que le 7e hussards et un escadron de la 52e division.
Après , une nuit sans incidents, la brigade Blondlat (division du Maroc) continuait de tenir la cote 154, le Mesnil-Broussy, Broussy-le-Petit, se reliant vers Broussy-le-Grand à la 17e division. Elle avait encore deux bataillons en réserve au sud de l'intervalle entre Broussy-le-Petit et le Mesnil-Broussy. A sa gauche, la brigade Cros-Fellert tenait Reuves, Oyes et le bois de Saint-Gond, avec trois bataillons en réserve vers Montgivroux. Les deux groupes de la division étaient au nord-est d'Allemant (cote 185); ceux de l'artillerie de corps au sud-ouest de Reuves.
Dès 5 heures, l'ennemi parvenait à s'emparer d'une partie du bois de Saint-Gond. A 7 heures, il en débouchait, malgré les efforts du régiment Cros, appuyé par des fractions du régiment Fellert. Devant la violence de ce combat, le général Humbert décidait, (8 heures) de faire glisser vers la gauche le centre de gravité de sa division. Il prescrivait au général Blondlat de tenir le Mesnil-Broussy et Broussy-le-Petit avec un minimum de forces et de porter tout l'effectif disponible sur la croupe Mondement, Oyes, pour agir contre l'ennemi débouchant de Saint-Prix. Au sud-ouest de Reuves, l'artillerie de corps était renforcée d'un groupe venant de la cote 185.
A la suite de cet ordre, le général Blondlat dirigeait, sur Mondement les bataillons Lachèze et Sautel, qui organisaient le front Mondement, Montgivroux. Mais la 42e division faisait savoir qu'elle était attaquée vers La Villeneuve et Soizy par des forces considérables venant de Saint-Prix, avec l'appui d'une forte artillerie en position au nord de Villevénard et de Baye. Le général Humbert rendait compte que, selon les apparences, les Allemands allaient tenter un grand effort sur les hauteurs de Montgivroux, pour séparer la 42e division du 9e corps et prendre pied sur la falaise de Champagne. A 8 h. 30, le général Dubois lui confirmait l'ordre de tenir coûte que coûte sans reculer d'une semelle et de s'emparer absolument de Saint-Prix. Il annonçait l'envoi derrière les Marocains d'une partie de sa réserve.
Bien que soumise à une violente canonnade, la 17e division se maintenait sans difficulté sur la ligne cote 154, Bannes, Champ-de-Bataille; le général Dubois prescrivait au 77e de se porter derrière la croupe d'Allemant et au 7e hussards de gagner Saint-Loup. Le 135e restait vers la fermé Nozet, en réserve, derrière la droite du 9e corps.
Compte rendu de ces incidents était adressé au général Foch, portant que le débouché prescrit sur Aulnizeux et Vert-la-Gravelle devenait subordonné au combat à l'ouest.
A 10 heures, le commandant de la 9e armée approuvait les dispositions prises : " La mission du 9e corps reste la même : maintenir d'une manière absolue la liaison avec la 42e division et arrêter à tout prix le débouché de l'ennemi par Saint-Prix.
" Y consacrer les forces nécessaires en ayant l'attention sur la ligne des hauteurs Lachy, Broyes, Allemant.
" Tenir avec les forces nécessaires les passages non attaqués, appliquer le maximum sur celui qui est attaqué ".
Peu après (10 h. 50) le général Foch envoyait le renseignement suivant, aussitôt communiqué aux troupes : " La IIe armée allemande est en pleine retraite. Elle ne laisse au contact que des arrière-gardes que nous poursuivons. Les têtes de colonne de l'armée d'Espérey sont déjà au nord du Grand-Morin. Elle continue son mouvement en avant, en pivotant autour de sa droite (10e corps d'armée), qui reste en liaison avec la 42e division d'infanterie " .
Cependant la situation demeurait stationnaire sur le front de cette division et des Marocains. Le 77e se portait à travers champs sur Allemant, où il allait être à même d'appuyer la division Humbert. Mais, à 12 h. 45, un officier de liaison faisait connaître que le 11e corps était très vivement attaqué et résistait avec peine à des forces importantes ayant débouché de Morains et d'Ecury-le-Repos. Le flanc droit du corps Dubois courait risque d'être découvert, au moment où sa gauche était vivement attaquée. Pour y parer (13 heures) ordre fut donné à la 52e division d'appuyer le 11e corps avec son artillerie et, si possible avec son infanterie; à la 52e division (Battesti) d'apporter également tout l'aide qu'elle pourrait à ce corps d'armée, malgré l'étendue du front qu'elle occupait. Le général Eydoux (11e corps) en était avisé. On lui signalait l'arrivée près d'OEuvy de la 18e division, qui ne ralliait pas le 9e corps et devait être provisoirement rattachée au 11e. Le général Dubois " suppliait " son collègue de ne pas découvrir sa droite. .
Sur les entrefaites (13 h. 30), le général Foch faisait connaître que le 10e corps n'avait plus personne devant lui, l'ennemi se retirant sur Montmirail, et qu'il allait pouvoir coopérer à l'attaque de la 42e division. Au moment même où cette bonne nouvelle était communiquée aux troupes, l'ennemi déclenchait sur tout le front une nouvelle et formidable attaque.
A gauche, la 42e division, ayant perdu Soizy pour se replier sur Montgivroux et Chapton, réclamait l'appui du général Humbert, qui faisait intervenir deux des batteries en position près du bois d'Allemant. Mais la division marocaine ne pouvait faire davantage, pressée qu'elle était par l'ennemi. Elle devait même lui abandonner la crête du Poirier et Oyes. En même temps, la brigade Blondlat, à la droite, était soumise à une canonnade très intense; Broussy-le-Petit brûlait.
Néanmoins, ordre était donné au général Humbert de lier une attaque à celle que la 42e division allait renouveler sur Soizy et Saint-Prix. Elle prendrait, elle aussi, ce dernier village comme objectif, mais en passant à l'est des bois de Saint-Gond et du Botrait. Son mouvement se déclencherait dès l'arrivée du 77e.
L'artillerie commençait aussitôt la préparation et l'infanterie prenait ses premières dispositions dans le ravin de Montgivroux. Déjà l'ennemi occupait en force Saint-Prix, la crête du Poirier, une partie du bois de Saint-Gond, Oyes. Il avait rapidement organisé près d'un bois, à un kilomètre ouest d'Oyes, un ouvrage pour mitrailleuses qui flanquait ses lignes. Ses obus fouillaient sans arrêt tout le terrain entre Mondement, Montgivroux et Reuves.
A 17 heures, le régiment Gros se porta en avant, se reliant à l'ouest avec la 42e division, qui progressait légèrement vers le bois de l'Homme-Libre, vers Soizy et à l'ouest du bois de Saint-Gond, sans parvenir à les enlever. Les Marocains n'étaient pas plus heureux, tout en parvenant à briser l'offensive ennemie.
Cependant la tête du 77e arrivait à Montgivroux (18heures). Après avoir songé à une attaque de nuit, le général Humbert y renonçait, se bornant à pousser un bataillon de ce régiment dans la partie sud du bois de Saint-Gond, un autre au sud de ce bois, le troisième restant à Montgivroux. Sous cette protection, on pouvait réorganiser sur place les régiments Fellert et Cros.
A droite du 9e corps, le 11e continuait d'être très vivement pressé, au point que son chef demandait l'appui du général Dubois. La 17e division contre-attaquait le flanc droit des assaillants, sous la protection d'un de ses groupes. Le 90e prenait pour objectif Aulnizeux et Aulnay (16 h. 30) et s'emparait un instant du premier de ces villages, ce qui ne suffisait pas pour dégager la gauche du 11e corps (21e division) et enrayer l'offensive allemande. Par contre l'ennemi déclenchait une formidable canonnade sur le front de la 17e division, sans lui faire changer ses emplacements. A la nuit, elle continuait de tenir le front Broussy-le-Grand, Bannes, La Petite Ferme, en liaison à gauche avec la brigade Blondlat, à Broussy-le-Petit, et à droite avec la 52e division, qui tenait les bois à l'est de Petite Ferme.
Les unités du 9e corps bivouaquaient sur leurs emplacements, avec ordre de s'y maintenir à tout prix, prêtes à entamer la poursuite, dès que l'ennemi chercherait à se dérober devant elles (Notes inédites d'un témoin.).
V
Pendant que le 9e corps, grâce à l'initiative et à l'énergie du général Dubois, maintenait ainsi un front inébranlable en soutenant ses voisins de gauche et de droite, le 11e subissait dès l'aube une attaque acharnée qui ne cessait qu'à la nuit. Des deux côtés, l'artillerie tirait sans relâche; l'ennemi livrait assauts sur assauts, malgré le tir destructeur de notre 75. Les 21e et 22e divisions étaient fort éprouvées, sans perdre néanmoins leur principale ligne de défense. L'ennemi avait beaucoup souffert également. Un témoin du XIIe corps écrit qu'à 6 heures a lieu la reprise du combat qu'il croyait terminé depuis la veille. Le feu des shrapnells français est meurtrier. On n'avance pas. L'ennemi est trop fort. A gauche du XIIe corps, le XIXe attaque pour lui donner de l'air. La canonnade est endiablée. " L'artillerie française est complètement invisible. Le mystère de ce tir, d'une incroyable précision, s'explique bientôt : nous nous trouvons sur un immense champ de tir d'artillerie et au centre duquel le village de Lenharrée, point d'appui principal de la droite ennemie, est l'objet du plus acharné des combats. La situation était la suivante : le corps de la Garde était parti bravement de l'avant et s'était laissé attirer sur cet emplacement, que l'ennemi connaissait naturellement... Là l'ennemi l'avait empoigné sur son flanc gauche, et la situation était... des plus critiques. De là notre marche de flanc. C'est exactement comme à Saint-Privat, avec cette différence que nous étions tous piqués (sic) dans un terrain boisé de la plus vilaine espèce : des pins et des genévriers coupés de fondrières, des fourrés épais ou de jeunes taillis. Tout cela est bombardé par l'ennemi qui s'est naturellement couvert à la perfection et tire d'après la carte. Notre artillerie n'a presque pas d'effet, parce qu'elle ne voit rien... Malgré cela, nous croyions vers midi, après le travail de nos obusiers, que l'ennemi était battu, quand, l'après-midi, sa grêle de shrapnells reprit de plus belle... Complètement fourbus par ce feu... et mourants de soif, nous attendons le soir... " (De Dampierre, p. 51-53, Journal de campagne d'un officier saxon, 178e, 8e compagnie.)
On se rappelle que la 18e division (Lefèvre) devait être à 6 heures aux environs d'OEuvy. La 34e brigade y recevait l'ordre d'organiser une position défensive au nord-ouest de ce village, entre la ferme Saint-Georges et la cote 140. Le 32e aurait même mission dans les bois entre OEuvy et Fère-Champenoise, au nord, d'une crête bien marquée. Le 66e restait dissimulé au nord-est d'OEuvy. A 8 heures, le 114e avait atteint les bois entre les cotes 138 et 140, mais les 66e et 32e étaient en retard, ainsi que l'artillerie.
A 14 heures, la 18e division recevait l'ordre de marcher au nord de Connantray, pour contre-attaquer de là les forces ennemies " qui tenteraient de forcer la Somme à l'ouest et à l'est de Normée. Le général Lefèvre prescrivait à la 35e brigade de se porter dans les bois de part et d'autre de la cote 172 (2 kilomètres nord de Connantray) . La 34e, partant de la cote 140 (90e) et des bois au nord de Gourgançon (125e), irait dans les bois au sud de la cote 172 et dans ceux de la cote 177. L'artillerie viendrait au sud de cette dernière, en position d'attente. Le 17e hussards se porterait dans les bois au sud de Lenharrée, avec mission de couvrir la droite vers Vassimont et Haussimont, tout en se reliant à la 60e division, entre ce dernier village et Montépreux.
L'ensemble de ce mouvement était couvert au nord par la 22e division, alors engagée sur la Somme entre Normée et Chapelaine. Depuis deux jours, l'artillerie ennemie en position entre Clamanges et Normée, balayait toutes les troupes apparaissant au sud-ouest de la Somme. Ce renseignement et d'autres déterminaient le général Lefèvre à modifier son ordre primitif (16 h. 30) : à gauche la 35e brigade se porterait à cheval sur la route de Fère-Champenoise à Normée, dans les bois entre les cotes 165 et 126; à droite, la 34e, la gauche en avant, par échelons de régiment, dans ceux au nord de la cote 179, vers Connantray. Toutes deux reconnaîtraient les débouchés au nord et au nord-est, en vue de contre-attaques. Elles auraient à entretenir la liaison la plus étroite avec les troupes du 11e corps, engagées sur le front Ecury, Lenharrée, " afin de pouvoir, en cas de nécessité, les renforcer sans nouvel ordre, pour éviter toute retraite de leur part" .
Ces dispositions étaient prises sans incident et le Q.G. de la 18e division se portait dans la soirée à Fère-Champenoise. vers 21 heures, les Allemands commençaient un bombardement lent, tirant une salve de deux coups de 210 toutes les dix minutes. Nos troupes ne subissaient pas de pertes sérieuses.
A la droite du 11e corps, la 9e division de cavalerie continuait d'établir une liaison précaire entre lui et le 17e corps, gauche de la 4e armée.
L'acharnement avec lequel l'ennemi cherchait à déboucher à l'ouest et à l'est des marais de Saint-Gond ne faisait que confirmer le général Foch dans sa résolution d'y tenir à outrance, jusqu'à ce qu'il pût lui-même prendre l'offensive : " Puisqu'ils veulent m'enfoncer avec cette fureur aurait-il dit, c'est évidemment que leurs affaires vont mal ailleurs... " (Commandant Grasset, p. 284; général Canonge, p. 36.).
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