LA BATAILLE DE LA MARNE VUE PAR LE GENERAL PALAT
CHAPITRE X
CHAPITRE X
LE 6 SEPTEMBRE A LA DROITE
La 4e armée. - Le 17e corps. - Le 12e corps et le corps colonial. Le 2e corps. - La 3e armée et Verdun. - Le 5e corps. - Le 6e corps. - L'ordre général n° 7.
I
A la 4e armée, le corps de gauche (17e, J.-B. Dumas) était à cheval sur l'ancienne voie romaine, dans la région Le Meix-Tiercelin, Corbeil, Somsois (Le 4, d'après Hanotaux, X, p. 46 et suiv., la 34e division est à Coupetz, Fontaine, Dommartin-Lettrée, Soudé, Poivres; la 33e à Poigny, Cheppes, Songy, Sompuis, Le Meix-Tiercelin. Le 5, le 17e corps est dans la région Trouan-le-Grand, Humbeauwille, Ramerupt, avec avant-postes à Trouan-le-Petit, ferme L'Epine et Domprot. En cas d'attaque le 5, il doit défendre le front Lhuitre, Saint-Ouen, face au nord-ouest.). Il avait reçu des renforts, plus de 2.000 hommes qui allaient être répartis entre les régiments les 6 et 7. Mais le 5, à la dernière heure, un ordre préparatoire arrivait portant que le corps d'armée devrait se tenir prêt être embarqué pour être dirigé sur Paris, suivant l'intention manifestée dès le 25 août par M. Messimy. Le premier résultat de cette disposition eût été d'ouvrir une brèche plus large encore entre les 9e et 4e armées. Heureusement elle fut contremandée et le 17e corps put participer à l'offensive générale du 6 septembre.
La 33e division (Guillaumat) partait de la région de Dampierre pour gagner les bois au sud de Somsois, la ferme Morevaux et Saint-Ouen. Elle avait ordre de dépasser, s'il était possible, la ligne ferrée de Sommesous à Vitry et même d'atteindre la grand'route au nord.
La 34e division (Alby) se rassemblait à l'ouest de la 33e, un peu au nord du Meix-Tiercelin. Le mouvement offensif ne commençait qu'à 10 heures. La brigade Hélo dépassait les Grandes-Perthes, puis les Petites-Perthes, au sud-ouest de Chatel-Raould. A ce moment, l'ennemi débouchait au nord de ce village attaquant surtout le 12e corps (Roques) à la droite du 17e. Or, ce corps d'armée, pour des raisons tenant surtout au commandement, s'était très fort affaibli au cours de la retraite. Il représentait à peine la valeur d'une brigade, le reste ayant pris les devants pour se réorganiser. Sur la demande du général Roques, la 33e division portait le 11e régiment à l'ouest de Châtel-Raould, vers la cote 130.
Dans la soirée, le 17e corps avait ses avant-postes à proximité de la voie ferrée de Sommesous à Vitry; la 33e division se reliait au 12e corps vers le château Beaucamp; la 34e était vers La Certine et la Cense de la Borde. Le général J.-B. Dumas, " après avoir fait quelques exemples ", croyait devoir féliciter le corps d'armée de son " attitude ". Ses instructions visaient surtout la défensive : " On s'organisera en face de l'ennemi, sur les positions occupées en formant, de préférence, un certain nombre de groupes bien rassemblés et bien reliés. les uns aux autres par de simples postes d'écoute. (On évite ainsi le combat linéaire si meurtrier en présence du tir en rafales ennemi.) On portera en avant des postes d'écoute et on enverra de petites reconnaissances dans chaque bataillon pour tâcher de prendre contact avec l'infanterie ennemie et de le conserver en évitant toute espèce de coups de feu et en manœuvrant avec les culasses ouvertes et baïonnette au canon. Une liaison très étroite entre l'artillerie et l'infanterie est d'ailleurs prescrite... " (Hanotaux, X, p. 51). Ces dispositions paraissent aujourd'hui singulières.
Entre la Marne et le 17e corps, le 12e gardait à peu près ses emplacements du 5 au soir, grâce au concours de la 33e division. De même le corps colonial, attaqué dans la région de Vauclerc (sud-est de Vitry) par le VIIIe corps de réserve, se maintenait dans ses emplacements.
Seul le 2e corps subissait une attaque des plus violentes entre Reims-la-Brûlée et Sermaize, le long du canal de la Marne au Rhin. Disposé par divisions accolées, sur un front très étendu, il ne recevait qu'à 9 heures l'ordre de tenir sur place et la canonnade commençait vers 11 heures.
Depuis plusieurs jours, les compagnies du génie avaient pris les devants pour organiser une position fort en arrière de celle réellement défendue. Il fallut en outre détacher trois batteries au corps colonial qui demandait du secours (Général Bon, p. 187). Sermaize fut pris par le XVIIIe corps de réserve, mais le reste de nos positions resta intact, en dépit de l'artillerie lourde ennemie qui causait des pertes marquées.
La 4e armée allait recevoir un important renfort. Le 9 septembre, le 21e corps, alors dans la région des Vosges, avait ordre de s'embarquer en chemin de fer pour un autre front. Il laissait à la 41e division, chargée du secteur Bru-Saint-Benoît, ses trois bataillons de réserve d'infanterie ainsi qu'une compagnie du génie. En outre la 86e brigade, fortement engagée autour du col de la Chipote, y était maintenue jusqu'à la dernière heure. Le transport commencé le 4 se terminait le soir du 6, dans la région Vassy, Montier-en-Der. Le 21e corps devait d'abord être affecté à la 3e armée, ce qui explique la disposition première de ses cantonnements derrière la gauche du général Sarrail. Puis on les étendit vers l'ouest jusqu'à Ceffonds, en prévision d'une nouvelle attaque. Le soir du 6, le général Legrand recevait avis de son rattachement à la 4e armée et ordre de celle-ci de se porter à l'ouest, pour venir former sa gauche. Ce mouvement s'exécuterait par divisions, pour laisser à la 43e division le temps d'achever ses débarquements. La modification apportée à l'emploi du 21e corps aurait ce résultat fâcheux d'amener une perte sensible de temps et d'imposer aux troupes une fatigue supplémentaire.
II
L'ordre du général en chef à la 3e armée lui prescrivait une attaque vers l'ouest, en liaison avec la 4e armée, qui résisterait de front à l'ennemi. C'était l'approbation de la manœuvre amorcée par le général Sarrail. Mais ce dernier se rendait compte que des colonnes ennemies le suivaient, marchant du nord au sud. En attaquant uniquement vers l'ouest, il leur prêterait le flanc. Il fallait donc, tout en se conformant à l'ordre du général Joffre, se couvrir dans la direction nord. Le général Sarrail jugea même plus prudent d'attaquer vers le nord avec le gros de la 3e armée, tandis que le reste demeurerait sur la défensive face à l'ouest ou serait en réserve. Le 6e corps et une brigade du 5e reçurent la première mission; une autre brigade de ce dernier fit face à l'ouest. La deuxième division du 5e corps resta en réserve d'armée. Les divisions de réserve à notre droite menaceraient le flanc gauche adverse. Enfin, le gouverneur de Verdun, général Coutanceau, recevait l'ordre suivant : " L'intervention des troupes de la garnison... pourrait être absolument décisive dans les circonstances présentes. Je vous ordonne de tout mettre en oeuvre pour que cette action se fasse sentir demain, le plus tôt possible, dans la direction Nixéville, Rampont, Ville-sur-Cousances... ", c'est-à-dire vers le sud-ouest.
Pour opérer à aussi grande distance, le général Coutanceau eût pu refuser de dégarnir la place qui lui était confiée. Il jugea très sainement que son devoir était de coopérer à l'action de nos armées et porta la 72e division dans la direction indiquée. Le 6 au matin, ces troupes attaquaient les convois et les parcs échelonnés le long de la Couzances et y jetaient un grand désordre.
Quant au 6e corps, il se portait vers le nord en deux colonnes, la 40e division sur Saint-André, Ippécourt; la 12e, à l'ouest, sur Beauzée, Fleury-sur-Aire. Le gros de la brigade Estève restait au sud-ouest de Rembercourt, en réserve. L'artillerie de corps et l'artillerie lourde s'établissaient sur les crêtes entre Beauzée et Rembercourt.
Bien que deux des divisions de réserve eussent marqué leur mouvement offensif à la droite du 6e corps, son attaque était assez vite enrayée. La 40e division ne parvenait pas dépasser les bois au sud de la voie ferrée Beauzée, Heippes, arrêtée qu'elle était par l'artillerie allemande qui se révélait au nord de Saint-André et qui indiquait des forces très supérieures à une brigade, contrairement aux renseignements communiqués par l'armée. La 12e division ne pouvait dépasser Sommaisne pour le même motif.
Le 6e corps était alors en flèche, par une chaleur accablante. Le général Verraux lui donnait l'ordre de tenir sur place, en attendant que les trois divisions de réserve eussent pu déboucher à sa droite. Il réclamait instamment des avions pour le tir de son artillerie. Rembercourt étant incendié par les obus, le Q. G. du corps d'armée se transportait a Rosnes.
Pendant la nuit du 6 au 7, la 12e division était assez fortement inquiétée pour qu'elle crût devoir reculer dès l'aube; la 40e restait en place. Mais le général Sarrail faisait connaître que le corps d'armée pourrait disposer d'une brigade (4e et 82e) et d'un ou de deux groupes d'artillerie de la division Martin (5e corps).
Quant à ce corps d'armée (général Micheler), il voyait refouler sa gauche de Laheycourt sur Laimont, où elle était vivement canonnée. Le VIe corps avait pris Revigny au sud de Laheycourt, et son artillerie tirait dans le flanc du 5e corps. Celui-ci recevait l'ordre de tenir à tout prix Villotte et Laimont.
La 7 division de cavalerie devait assurer le 6 la liaison entre les 3e et 4e armées, tout en éclairant le mouvement de la 3e. A cet effet elle se porterait de Laheycourt vers l'Argonne, à travers la forêt de Belnoue. Ces deux missions paraissent n'avoir été qu'incomplètement remplies, car on retrouve la division, au cours de la journée, dans la région de Condé, au sud de Rembercourt, après plusieurs engagements contre de l'infanterie et de l'artillerie allemandes.
Quand la nuit tombait, le soir du 6, la 3e armée tenait le front Villers-sur-Couzances, Osches, Saint-André, Deuxnouds, Sommaisne, Les Merchines, Villotte, Laimont; Neuville-sur-Orne, Vassincourt. La journée ne nous avait pas été favorable, mais, étant donné la très grande infériorité de nos forces, nous pouvions nous estimer heureux des résultats obtenus. D'ailleurs le général Sarrail savait qu'il ne tarderait pas à être renforcé du 15e corps, arrivant de Lorraine (2e armée) par la route et par les voies ferrées. Dans la nuit du 6 au 7, ce corps d'armée était à l'est de Bar-le-Duc. On comptait le charger d'établir la liaison avec l'armée de Langle, au sud de l'Ornain, et de couvrir Bar-le-Duc.
Dans l'ensemble, le 6 septembre était encore marqué par une certaine hésitation de la part des Alliés. On eût dit qu'ils doutaient de leurs forces, que leur longue période de retraite les laissait sous une impression persistante (Les communiqués français du 6 sont d'ailleurs très modestes : " Nos armées ont repris contact, dans de bonnes conditions, avec l'aile droits ennemie, sur les rives du Grand-Morin."). Quant à l'ennemi, il parait avoir été surpris par une offensive inattendue, tant il se croyait près de la victoire la plus complète. La précipitation de ses marches l'avait d'ailleurs très sensiblement affaibli. Un bataillon du XIIe corps (2e du 178e) était réduit le 6 septembre à l'effectif d'une compagnie sur le pied de paix, tant était grand le nombre des traînards (De Dampierre, p. 49.). En vingt jours la IIIe armée n'avait pas couvert moins de 435 kilomètres, vitesse de marche très supérieure à celle atteinte par les Allemands en 1870, pendant le mouvement de Sedan sur Paris, bien qu'à cette époque la résistance fût nulle de notre part. Mais on avait très sensiblement dépassé, de la sorte, ce qu'eût conseillé la nécessité de ménager les forces du soldat, et les Allemands n'allaient pas tarder à en subir les conséquences.
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