UN COMBAT DE RENCONTRE

LES 5 ET 6 SEPTEMBRE 1914 A LA 55e D. R.

CHAPITRE XIV

 

55e DIVISION DE RÉSERVE S'IMMOLE

SUR LE PLATEAU DE BARCY

 

A. - Attaque de la 55e division de réserve (photo E).

 

 

a) Dispositions prises pour l'attaque à la 110e brigade. Voyons maintenant comment se déroule l'attaque de la 55e division de réserve contre les forces allemandes débouchant de Varreddes.

En recevant vers 12 heures, entre la ferme Fescheux et Marcilly, l'ordre d'opérations du général Leguay, daté, de Monthyon 11 heures, le général de Mainbray, dont l'E.-M. est réduit au capitaine Renault, se voit obligé de modifier l'ordre d'engagement qu'il vient à peine d'expédier.

Bien que la 56e D. R. qui marche au nord de la 110e brigade ait déjà atteint la région entre Marcilly et la Chaussée couvrant ainsi le flanc gauche de la 55e D. R. qui va pivoter face à l'est autour de sa droite, le général commandant la 110e brigade, conformément à l'ordre du général Leguay, envoie le 6e bataillon du 276e R. I. tenir Marcilly. La localité doit être organisée face au nord et à l'est contre toute tentative ennemie débouchant de la Thérouanne, direction dans laquelle on croit que le IVe corps de réserve s'est retiré.

Le bataillon Bonnet (5e) du 276e R. I. a été sévèrement éprouvé hier à Villeroy et ne peut s'engager aujourd'hui en 1er échelon. Il n'a plus de cartouches d'ailleurs et n'a pu être approvisionné. Il restera en réserve au nord-ouest de la ferme de Saint-Gobert.

Dans ces conditions, le 276e R. I. ne peut fournir l'effort principal. Ce rôle échoira donc au 246e R. I. malgré ses pertes sensibles subies devant Iverny.

Le 231e R. I. ne comprend plus qu'un bataillon (6e) puisque le 5e bataillon est maintenu en réserve de division. La brigade est ainsi réduite à 3 bataillons, d'ailleurs eux-mêmes assez éprouvés.

Le 246e R. I. reçoit alors la mission redoutable d'enlever la cote 115, en liaison avec la 109e brigade.

Le groupe de 75 qui vient prendre position à 1 km à l'ouest de Barcy, dans le ru de Saint-Gobert, appuiera son offensive.

Pendant que l'attaque se monte, le général de Mainbray galope vers Barcy qui se trouve sous un feu intense d'artillerie lourde et où se tient également le général Arrivet.

 

 

Il y laisse son cheval, puis se porte à la lisière sud-est de la localité et étudie à la jumelle le terrain du combat (Voir panorama n° 15) : une immense plaine très légèrement ondulée, sans abri, parsemée de quelques meules de paille monumentales, ou de blondes javelles, et barrée à l'horizon vers Varreddes d'une ligne d'arbres élevés. En un mot un glacis redoutable. Le général relit ses ordres :

La 55e division de réserve, en liaison à droite avec les Marocains devra attaquer à fond, en prenant pour axe Barcy, cote 115. Quelques larmes perlent aux yeux du commandant de

la 110e brigade qui, aux qualités de cœur, joint une grande bravoure, et il contemple sans dire mot le terrain où sa brigade doit s'immoler pour arracher la victoire :

" Au moment où s'engage une bataille dont dépend le salut du pays, il importe de rappeler à tous que le moment n'est plus de regarder en arrière. Tous les efforts doivent être employés à attaquer et repousser l'ennemi.... "

vient de proclamer le général Joffre. Il n'y a donc pas d'hésitation à avoir. Le sort de la France est en jeu.

 

b) Le 246e R.I. se porte à l'attaque, appuyé à gauche par le 231e R.I.

A 12 h. 45, le 246e R. I. quitte la ferme de Saint-Gobert et se dirige sur la cote 115, par bataillons successifs en formations semi-déployées. Il utilise comme cheminement, le mouvement de terrain au sud du mamelon de la Râperie Au moment où il franchit le chemin de terre de Barcy à Etrepilly, les Allemands ouvrent le feu avec intensité. Comme hier, ils sont invisibles. Cependant, on a l'impression que chaque bouquet d'arbres, chaque chemin encaissé, chaque gerbe de blé recèlent un Mauser ou une mitrailleuse. Les compagnies du bataillon Brun qui marchent en tête se déploient et mettent baïonnette au canon. Les compagnies Martin (17e), Leboeuf (19e) et Tournié (18e) sont en premier échelon. Le lieutenant Blanchet de la 20e, qui a remplacé, à la tête de la compagnie, le capitaine Michel tué le 5, progresse en 2e échelon. Tous les officiers marchent en tête. A sa droite, le 6e bataillon (capitaine Robinet) progresse encore par compagnies successives, dans l'ordre suivant : 23e compagnie (capitaine de Chevilly), 24e compagnie (capitaine Ruffier); 21e compagnie (lieutenant Grevin); 22e compagnie (lieutenant Sallet).

Le régiment s'engage en direction de la cote 115, objectif du premier bond.

Au moment où la tête du 5e bataillon du 246e se déploie à hauteur du carrefour des chemins de terre de la cote 124, sous un feu intense de l'ennemi, un fait d'apparence minime vient réconforter et enthousiasmer les vaillants soldats qui marchent à la mort. A quelque distance du carrefour, en avant de la chaîne de tirailleurs qui s'éclaircit déjà se tient le général de Mainbray et son officier d'état- major. Debout, sous la rafale meurtrière, ils assistent impassibles au déploiement des bataillons.

De Barcy, le général s'était en effet porté vers la cote 124, au devant du 246e pour saluer une dernière fois le régiment. Au capitaine Renault qui lui avait fait observer qu'il s'était trop avancé, le général avait répondu : " Au moment de porter mes bataillons en avant, je tiens à me montrer à eux. "

Magnifique exemple d'héroïsme.

c) La 109e brigade en difficulté.

 

Pendant ce temps, le 5e bataillon du 231e R. I. qui doit venir se déployer à la gauche du 246e R. I. atteint seulement la ferme de Saint-Gobert.

La progression est difficile; l'artillerie ennemie est très active. De la croupe cote 115-Etrepilly et du plateau à l'est de la ferme de Champfleury, les artilleurs allemands surveillent facilement cette plaine nue dévalant vers eux.

Les mitrailleuses des 34e fusiliers et 42e R. I. postées sur la route de Varreddes à Barcy ragent dans toutes directions. A peine le 246e a-t-il dépassé la route de Barcy à Etrepilly qu'un agent de liaison de la 109e brigade, circulant sur le glacis balayé par la mitraille, vient rendre compte au colonel Chaulet, commandant le régiment, que le 289e R. I. engagé au sud-est de Barcy se trouve dans une situation difficile et demande l'appui de la 110e brigade.

Le colonel Chaulet, en excellent camarade de combat, répondant de suite à l'appel de son voisin, oriente ses 2 bataillons plus nettement vers le sud-est, déploie 6 compagnies et lance une vigoureuse attaque dans la direction sud de 115. Il fait demander au bataillon du 231e R. I. de l'appuyer également plus vers le sud-est.

 

d) La charge sonne, drapeau déployé, le 246e s'immole glorieusement (voir croquis n° 17.).

 

 

Sous les rafales meurtrières, la ligne fléchit; mais le lieutenant-colonel Chaulet, qui marche avec son état-major, son drapeau et la musique, fait sonner la charge tandis que l'emblème de la patrie déploie ses couleurs. Galvanisé par cette sonnerie héroïque, le 246e R. I. se lance vigoureusement à l'attaque. De la ligne de crête, jalonnée d'arbres, qui s'étend de la cote 107 à 1 kilomètre sud-ouest de Varreddes à l'est d'Etrepilly, la fusillade redouble de vigueur. Les hommes tombent par paquets. Il y a près de 1.500 mètres à parcourir dans une plaine sans abri, sur laquelle les mitrailleuses allemandes promènent leurs trajectoires avec un rendement maximum.

De plus, au moment où le 246e a dépassé la route de Barcy à la Râperie, il est entré dans la zone d'observation de l'artillerie allemande placée d'une part dans le ravin de Trocy, d'autre part, dans la région nord de Germigny-l'Évêque.

Les rafales tombent de plus en plus denses sur lui. Les hommes se cramponnent au terrain, se dissimulent derrière les mottes de terre ou derrière les gerbes d'avoine, les sacs servent de boucliers contre les balles de shrapnels.

Il est 15 heures. Autour du colonel Chaulet, les sonneries audacieuses et le drapeau on-t attiré la fureur des artilleurs et fantassins allemands. Le commandant Brun, commandant le 5e bataillon, tombe frappé mortellement.

Soudain, plusieurs salves de nos 75 éclatent meurtrières sur nos tirailleurs. Quelques sections prises de panique se lèvent et cherchent à se reporter en arrière. Le colonel Chaulet et ses adjoints, ainsi que le capitaine Renault qui se trouve immédiatement derrière la première ligne avec le général de Mainbray, parviennent à les rejoindre et à les ramener au feu. Mais les rangs sont de plus en plus décimés. Le lieutenant porte-drapeau Mulleret s'effondre en serrant la hampe sacrée. La garde du drapeau est fauchée, le sol jonché de morts et de blessés.

N'écoutant que son courage, le sous-lieutenant J. L. Dumesnil (Le sous-lieutenant J. L. Dumesnil, ancien sous-secrétaire d'État à l'aéronautique, ancien ministre de la Marine, est ministre de l'Air en 1931.), adjoint au colonel, arrache le drapeau des doigts glacés du lieutenant Mulleret et, dans un geste superbe, bondit en avant en criant : " En avant, mes enfants, c'est pour la République. " Toute la ligne de combat le suit, tandis que la charge est sonnée à pleins poumons.

La fusillade s'intensifie. Le capitaine Courguen s'effondre. Le colonel Chaulet, touché par 4 balles, tombe grièvement blessé. Le sous-lieutenant Collin, son adjoint, qui se porte à son secours, est blessé à son tour. Le lieutenant Dumesnil, rassemblant les débris du 246e R. I., s'élance impétueusement en avant avec le drapeau. Il tombe à son tour blessé, un sergent saisit la hampe du drapeau... mais, quelques pas plus loin, il tombe également : le glorieux emblème du régiment disparaît sous un monceau de cadavres et de blessés.

Malgré les pertes, malgré les mitrailleuses qui crépitent sans arrêt, le 246e R.I., galvanisé par la vision de son colonel (Le lieutenant-colonel Chaulet, d'une bravoure légendaire, à peine remis de sa blessure, sera tué en janvier 1915 près d'Ypres.) qui, debout, sans vareuse, la chemise empourprée de sang. l'exhorte encore et l'encourage, renouvelle son assaut pour la troisième fois.

 

e) Sur le glacis meurtrier, le 231e R. I., puis le 276e R. I. succombent.

 

A sa gauche, le 5e (commandant Schneider), puis le 6e bataillon du 231e, appelés au combat par le général de Mainbray, s'engagent vers 15 h. 30, mais leur intervention est impuissante à provoquer la retraite de l'ennemi dont les feux balaient tout ce qui se présente sur le plateau. Les deux bataillons éprouvent eux-mêmes de grosses pertes.

Le capitaine de Contencin, les lieutenants Cutu, Balestrini et Millet sont tués.

Pendant ce temps, le 5e bataillon du 276e organise le village de Marcilly. Il a poussé une compagnie à la Râperie, une autre à la lisière nord-est du village, 2 autres compagnies sont en réserve dans le village, qui est bombardé sans arrêt par l'artillerie lourde; les hommes ne subissent heureusement que des pertes légères, étant bien abrités dans des caves.

A 16 heures, le général de Mainbray, voyant la première ligne du 246e, puis du 231e fondre à vue d'œil, prescrit au 6e bataillon du 276e, réserve de D. I., de venir relever le 5e bataillon du régiment à Marcilly et ordonne à ce dernier d'appuyer l'attaque sur la cote 115 à la gauche du 231e R. I.

Le lieutenant-colonel Lejeune, commandant le 276e, s'élance en avant avec les premiers éléments disponibles. La 22e compagnie (lieutenant Nottin) et la section de mitrailleuses du lieutenant Velter sont déployés en tirailleurs en soutien du 231e R. I.

Dans leur progression sur le champ de bataille, que vient de traverser le 246e R. I., ils découvrent et recueillent le drapeau déchiqueté du 246e R. I. dont la garde gît décimée tout autour.

Ces éléments du 276e R. I. se ruent à l'assaut, la baïonnette haute, mais au moment où ils approchent de la cote 115, le canon et les mitrailleuses du 42e régiment d'infanterie allemand brisent leur élan.

Les trois autres compagnies du 6e bataillon du 276e qu'il a fallu rassembler dans Marcilly, arrivent trop tard dans le combat pour pouvoir faire sentir leur action.

Cependant, le 246e R. I. parvient en fin de journée à prendre pied partiellement dans un élément du chemin qui de 115 s'étend vers Étrepilly. De nombreux cadavres allemands jalonnent ce terrain. Le 246e s'apprête à poursuivre sa course vers Varreddes lorsque la sonnerie : " Cessez le feu, halte-là ", puis " En avant " se fait entendre. La course est brisée. Les réservistes sont dans l'indécision, lorsque notre artillerie tire sur eux à nouveau.

 

f) L'état-major de la 110e brigade anéanti.

 

Pendant toute la lutte, le général de Mainbray, qui est un preux, a suivi au plus près le 246e, puis a établi son P. C. derrière une grosse meule, d'où il dirige à vue le combat avec la plus grande énergie.

Les balles sans arrêt cinglent autour de lui, sans l'émouvoir.

Vers 16 heures, soudain, le capitaine Renault son unique adjoint, qui surveille la marche du combat, reçoit une balle au genou. Un agent de liaison dévoué accourt pour le panser avec le paquet de pansement personnel du général, mais une balle le foudroie et fracasse le poignet de l'officier d'état-major. Quelques minutes après, le général de Mainbray qui s'est témérairement exposé, est blessé à son tour d'une balle au bras. L'état-major de la 110e brigade n'existe plus.

Aussi, à 16 h. 30, la 110e brigade, engagée en entier, décimée, décapitée de la majorité de ses chefs, se cramponne-t-elle impuissante sur ce glacis meurtrier évoquant celui de Saint-Privat.

 

B. - La 56e division de réserve se rue vainement à l'attaque (croquis n° 17).

 

 

Tandis que la 110e brigade tente vainement au prix de pertes cruelles d'enlever d'assaut la cote 115 par des charges héroïques, mais téméraires tentées à 2 kilomètres de distance sur un terrain nu comme un miroir la 56e division de réserve, à sa gauche, a engagé tour à tour au nord de la route de Marcilly-Étrepilly, le 350e, puis le 351e R. I. Les efforts désespérés de ces deux régiments ont été aussi stériles; la route de la cote 115 à Brunoy ne peut être dépassée que momentanément. Plus au nord, un bataillon du 294e, qui s'efforce d'enlever la ferme de Champfleury, d'où partent des feux de flanquement vers Marcilly, est cloué au sol sur le mamelon au nord-ouest de Brunoy.

Vers 17 heures un trou de près d'un kilomètre se creuse, au sud de la Râperie entre la 56e division de réserve attaquant Étrepilly et la 55e division de réserve déployée et décimée entre le chemin de terre Marcilly, cote 115 et Barcy. Pour le boucher (Pour le boucher momentanément, deux groupes de 75 (13e et 30e R. A. C.) durent être poussés en avant à l'est de Barcy où ils restèrent en première ligne jusqu'à l'arrivée des chasseurs à pied, ouvrant également le feu sur la contre-attaque Riemann.) et couvrir le flanc gauche de la division Leguay, le général de Darlein engage le 69e bataillon de chasseurs au sud de la route Marcilly, la Râperie.

En attendant son intervention, la situation. dans cette région devient critique. Le général Riemann, commandant la 22e division de réserve appuyée par toute l'artillerie disponible lance en effet sa contre-attaque pour remettre la main sur Étrepilly et ses abords ouest et sud. En rangs serrés, les vagues hessoises poussées par leurs chefs progressent sur le plateau (Les 3 bataillons du 32e réserve et le I/82e de réserve ramené de Varreddes).

Le commandant Baratier, dont le groupe (25e R. A. C.) est en position près de la Râperie et qui, de sa personne, s'est avancé à cheval jusqu'à 1 kilomètre au sud-ouest d'Étrepilly, afin de suivre au plus près la progression de l'infanterie, aperçoit ce retour offensif. N'étant pas relié téléphoniquement avec son groupe, d'un temps de galop, il se porte à la Râperie, mais il ne retrouve plus son groupe. Sous la violence du bombardement, celui-ci s'est replié près de Marcilly auprès des deux autres groupes de la division. Le moral y est bas. Le groupe a perdu en effet le tiers de son effectif, forte proportion pour l'artillerie. Sans perdre un instant, le commandant Baratier demande 4 pièces volontaires et 2 caissons par pièce et avec ces braves repart au trot pour la Râperie. Cette unité de tir de fortune se met en batterie dès que les Allemands sont en vue et ouvre le feu à tir rapide à moins de 1.000 mètres sur ces masses qui débouchent dans le flanc de la 55e division de réserve.

Grâce à cette intervention audacieuse du commandant Baratier, l'infanterie de la 55e division de réserve encouragée, reprend sa progression. Mais la nuit survient et arrête les attaques.

 

C. - La 109e brigade réitère avec acharnement mais vainement ses charges.

 

A 14 heures, la 109e brigade a également reçu l'ordre de se porter à l'attaque de 115 sur le plateau qui s'étend de Barcy vers 115.

Devant Barcy, le 289e, enlevé par le lieutenant-colonel Ducros, se déploie en tirailleurs; son action est prolongée plus au sud par le bataillon de tête du 282e R. I. Comme au 246e R. I., la 109e brigade s'élance à l'assaut drapeau déployé, clairons sonnant la charge. De Barcy à la cote 115, il y a près de 2 kilomètres et demi. Le terrain est désespérément plat et nu. C'est un véritable glacis qu'il faut parcourir pour atteindre les tranchées ennemies. L'artillerie allemande tonne avec la dernière énergie, les mitrailleuses claquent. Nos soldats chargent au coude à coude; les armes automatiques ont ainsi beau jeu. Pour comble de malheur, notre artillerie tire trop court, le 75 à mélinite éclate bas sur nos rangs. Des flottements se produisent. L'attaque échoue.

A 15 heures, le général Arrivet (Au cours de ce combat, l'héroïque attitude du lieutenant Grandjean (René), adjoint du général Arrivet, lui valut l'élogieuse citation suivante à l'ordre de la VIe armée : " Le 6 septembre 1914, au retour d'une mission périlleuse accomplie sous un feu intense de mousqueterie et d'artillerie, a ramassé un fusil et s'est mis à la tête d'unités qui, privées de leurs cadres, se repliaient, les a ramenées sur la ligne de combat en les entraînant par l'exemple et les y a maintenues jusqu'à la nuit en faisant le coup de feu avec elles. "), qui suit l'action de près, estime que, d'après le terrain, l'effort doit être fait sur l'axe de la 110e brigade, c'est-à-dire par le mouvement de terrain qui, de la ferme Saint-Gobert, se dirige vers 115. Après entente avec le général de Mainbray, il décide que tout le 204e R. I., qui est en réserve dans le ruisseau de Saint-Gobert vers la cote 95 (1 kilomètre ouest de Barcy), contournera le village par l'ouest et s'engagera au nord de la localité en direction du sud-est, en liaison avec le 246e R. I. au nord et le 289e R. I. au sud.

Mais la canonnade ennemie a dispersé le 204e R. I. et seules 2 compagnies du 5e bataillon peuvent se mettre en route.

A 16 heures, un nouvel assaut d'ensemble est déclenché, mais Ies batteries de sortie de Paris qui appuient l'attaque continuent à tirer trop court, et bientôt toute la ligne de combat se replie.

A 17 heures, sous l'impulsion de la 110e brigade qui, avec une ténacité héroïque, tente son troisième assaut, la 109e brigade, renforcée du 6e bataillon du 204e qui vient d'arriver au nord de Barcy, entreprend un nouvel assaut. désespérément, les clairons sonnent la charge, mais en en peu de temps les 204e et 289e R. I. sont décimés.

Le lieutenant-colonel Guy du 204e reçoit une balle en pleine tête. Transporté sur deux fusils on l'évacue vers Pringy. Sur son passage, ses hommes présentent les armes. Le lieutenant-colonel Ducros commandant le 289e R. I. est frappe de balles. Les capitaines Auger, Bigoudot, les lieutenants Jaluzot, Joussot, Moulin, Demay sont tués. Dans Barcy; les blessés affluent, les 150 y éclatent sans arrêt.

A 18 heures, au moment on la ligne commence à fléchir, le lieutenant-colonel Courtin du 282e R. I., pour enrayer le mouvement de retraite qui débute, fait déployer le drapeau du régiment et sonner " Au Drapeau ".

Le combat redouble d'intensité, les régiments mélangés, 204e, 289e et 282e R. I. engagés en entier, repartent à la charge. Barcy est à nouveau dépassé, mais une nouvelle panique survient. Le capitaine Marassé, de l'état-major de la lO9e brigade, les lieutenants René Grandjean, Marcel Doumer (Le sous-lieutenant Marcel Doumer, du 20ème Chasseurs à Cheval, détaché à l'état-major de la 109e brigade d'infanterie, était l'un des fils de l'actuel Président de la République. Sa magnifique conduite, le 6 septembre 1914, lui valut la citation suivante à l'ordre de la VIe armée : " Modèle de bravoure et de crânerie. S'est prodigué sans compter en toutes circonstances depuis le début de la campagne. Le 30 août 1914, allant porter un ordre aux avant-postes, a été entouré par les fantassins ennemis, a eu son cheval tué sous lui par leur feu et ne s'est tiré de cette situation périlleuse que par son énergie et son sang-froid. Le 6 septembre, a ramené au combat les unités désorganisées et les y a maintenues en faisant le coup de feu avec elles. " D'une bravoure téméraire, il trouva la mort le 28 juin 1918 en combat aérien à la tête de l'escadrille Spad 88.) et Lachaume rallient quelques poignées d'hommes terrorisés qui s'abritent à Barcy et les entraînent à l'attaque de la cote 115.

Les voici qui approchent du but : ils atteignent le chemin de terre qui de la cote 124 se dirige vers Chambry et sont à quelques centaines de mètres de la cote 115. A leur droite, à la chute du jour, la brigade algérienne du général Drude vient de s'engager dans la bataille et progresse aussi. Mais voici qu'à nouveau, notre 75 éclate dans les rangs de la 109e brigade (Ils tombent également sous les tirs à mitraille de la 2e batterie du 38e d'artillerie allemand qui, pour pouvoir soutenir plus efficacement le 42e d'infanterie, est venu s'établir sur la croupe à l'ouest de Varreddes au milieu des fantassins.) : nos artilleurs, trompés par les uniformes des tirailleurs algériens, les ont pris pour des Allemands. La ligne de combat éprouvée se replie à nouveau en direction de Pringy.

L'ultime attaque de la journée du 6 septembre a échoué.

 

D. - Du côté allemand la plus grande inquiétude règne.

 

Tandis que la 55e division de réserve se prodigue ainsi en fol héroïsme, sans parvenir à rejeter les Allemands au sud de la Marne, l'inquiétude règne du côté allemand.

Les attaques acharnées des Français dans la région Chambry, Étrepilly, la menace d'enveloppement qui se dessine à nouveau dans le nord, laissent le général von Linsingen perplexe. Le IVe C. A., appelé également en renfort, ne peut arriver sur le champ de bataille avant le 7. Toutefois, pour contenir l'ennemi en attendant, le général von Kluck a fait expédier un régiment d'artillerie de campagne du IVe C. A. avec protection de cavalerie, vers Montceaux, à 2 kilomètres au sud-est de Trilport, en vue d'agir en flanquement dans la région de Chambry. Mais, vers 15 heures, le bruit se répand que les Anglais attaquent dans la région de Meaux. La 3e D. I., enfermée dans la cuvette de Varreddes, risque ainsi d'être capturée.

Désespéré, le général von Linsingen lance la contre-attaque que nous avons relatée par la vallée de la Thérouanne. Les débris de la 22e division de réserve sont engagés à l'ouest d'Étrepilly; mais, tombant sous le feu de notre artillerie, ils sont écrasés et ne peuvent progresser.

A 16 heures, devant les attaques acharnées de la 55e division de réserve, la situation est si critique que le Commandement se demande si ses troupes pourront tenir (Le détachement Wahlert, arrière-garde de la 3e division a dû être rappelée d'urgence du Petit-Morin et arrive à temps pour colmater la ligne vers 18 heures sur la route de Barcy. Le 2e groupe du 2e d'artillerie s'établit en première ligne sur cette même route au nord-ouest de Varreddes.).

En fin de soirée, un nouveau malentendu fait abandonner Étrepilly et il faut lancer une nouvelle attaque pour le réoccuper.

La journée du 6 septembre se termine dans l'inquiétude pour la 3e D. I. qui, violemment canonnée dans la cuvette de Varreddes, fait des pertes considérables et redoute l'arrivée des Anglais par derrière au sud de la Marne. Le général von Linsingen songe un instant à la replier sur Lizy mais il ajourne cette décision, qui présente les plus graves inconvénients pour l'arrivée des renforts de la Ire armée.

 

E. - La 55e division de réserve décimée est mise au repos.

 

La 55e division de réserve est décimée; les pertes subies le 5 septembre n'ont pas été comblées; les deux brigades sont très éprouvées :

L'État-major de la 110e brigade est, nous l'avons dit anéanti.

Dans les régiments, les pertes sont les suivantes :

- 246e R. I. . 20 officiers dont 2 tués et 727 hommes tués ou blessés; - 231e R. I. : 263 hommes, 1 officier tué et 8 blessés; - 276e R. I. . 55 hommes, 4 officiers tués.

Au total, pour la brigade, près de 1.000 hommes, soit pour les combats des 5 et 6 septembre, près du tiers de son effectif.

La 109e brigade, un peu moins éprouvée, perd environ 600 hommes et une vingtaine d'officiers.

La division a besoin d'être reconstituée : les caissons à munitions sont vides, les hommes qui ont fourni un effort considérable sont épuisés. A 19 heures, le général Leguay, qui a établi son P. C. à Pringy pendant le combat, donne son ordre de stationnement pour la nuit du 5 au 6 septembre :

La 55e division de réserve va se regrouper à Monthyon :

- 109e brigade en cantonnement bivouac dans la partie sud de Monthyon.

- 110e brigade dans la partie nord. L'artillerie s'installera au repos :

- groupe des 30e et 45e R. A. C. à la Fontaine-des-Nonnes;

- groupe du 13e R. A. C. à la ferme Saint-Michel. La cavalerie divisionnaire se rassemblera à Iverny.

Les avant-postes sont établis à Barcy (1 bataillon de la 110e brigade) et dans le bois sud-est de Pringy (1 bataillon de la 109e brigade) en attendant l'arrivée d'éléments de la 56e division de réserve et de la 45e division algérienne qui assureront l'occupation du terrain conquis.

 

F. - Les sacrifices de la 55e .D. I. n'ont pas été vains.

 

Le sacrifice héroïque de la 55e division de réserve entre Marcilly et Barcy, le 6 septembre, ne fut pas inutile comme on pourrait le croire à première vue. Ses charges téméraires, répétées, ébranlèrent profondément le front allemand, qui se renforçait d'instant en instant par le rappel au nord de la Marne des forces de la Ire armée engagées au sud.

Les attaques de la 55e division de réserve continrent la 3e D. I. allemande sur les bords de la cuvette de Varreddes où elle fut mise ainsi dans une situation des plus critiques, ayant dans son dos la Marne et craignant à chaque instant d'être capturée par une avance française ou anglaise au sud de la Marne.

Elles obligèrent de plus le commandement allemand à fixer de ce côté des forces importantes qui ne purent ainsi être engagées à l'aile droite allemande pour entreprendre un mouvement débordant. C'est ainsi que dans la nuit du 6 au 7, le général von Gronau suppllia le général von Kluck d'engager de ce côté une partie de la 8e D. I. du IVe corps d'armée qui arrivait à la rescousse et était destinée à l'aile droite allemande.

En fixant la charnière allemande, la 55e division de réserve avait donc ce jour-là atteint son but.

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