UN COMBAT DE RENCONTRE

LES 5 ET 6 SEPTEMBRE 1914 A LA 55e D. R.

CHAPITRE VIII

REPRISE DE L'ATTAQUE DE MONTNYON

 

a) La 109e brigade arrive sur le champ de bataille (Voir croquis général n°10).

Peu après, à 17 h. 45, un messager essoufflé du général Leguay (celui-ci a transporté son P.C. de Nantouillet à 1 kilomètre à l'ouest de Le Plessis-sous-Bois afin d'être plus près du combat) arrive à Iverny où se trouve toujours le général de Mainbray et lui remet le message suivant :"Si notre artillerie ne peut reprendre la supériorité sur l'artillerie ennemie; faites-moi connaître si vous jugez préférable de prononcer l'attaque avant la nuit avec les réserves de la division (282e et 289eR.I.) qui arrivent au Plessis-aux-Bois ou bien d'attendre la tombée de la nuit pour enlever Monthyon à 8 heures du soir."

b) La 11Oe brigade reprend l'attaque sur Monthyon.

Le général Leguay ignore en somme le repli du 246eR.I. au moment où il lance ce message, et craignant que l'arrêt de l'attaque ne soit dû qu'à une supériorité de l'artillerie allemande, il laisse au général de Mainbray toute initiative pour poursuivre la lutte avec la 109e brigade à l'heure la plus favorable.

Au reçu de ce billet, le général de Mainbray, sans hésitation, sans préparation d'artillerie organisée, ordonne à toute la ligne de combat de reprendre l'attaque sans délai.Le 246e R.I., encouragé par l'annonce de l'arrivée de la 109e brigade, soutenu par le 231e R.I., repart bravement à l'attaque. Le 231e R.I., sous les ordres du lieutenant-colonel Renard, a pour objectif la partie sud de Monthyon, mais, malaxé au départ, faute de reconnaissances préalables, il marche sur Iverny où il arrive en même temps que le 246e R.I. qui a pour objectif Monthyon nord.L'ennemi n'a pas encore pénétré dans le village d'Iverny qui est réoccupé sans coup férir.La progression est lente, mais continue. Les troupes, fortement éprouvées, se montrent prudentes. L'ennemi est bien posté et son artillerie reprend son activité.

c) La 109e brigade s'engage à son tour.

Le général Leguay, apprenant que la 110e brigade renouvelles on attaque; mais sachant combien sa capacité offensive est amoindrie, décide de la faire dépasser par la 109e brigade.Le 289e R.I. vient d'arriver à La Baste à 17 h. 30. Il lui donne l'ordre de renforcer la 110e brigade par doublement au sud d'Iverny et de poursuivre l'attaque en prenant comme objectif la crête au sud de Monthyon.Pendant que le 289e R.I. se forme, le général Leguay dirige les 6e et 5e bataillons du 282eR.I. de Vinantes sur La Baste; et donne au 6e bataillon l'ordre de s'engager entre Iverny et Villeroy.Le 204e. R.I. de son côté a été avisé dès 16 h. 15 d'avoir à pousser un bataillon sur Plessis-aux-Bois et un 2e bataillon dans le ravin 1 kilomètre est de la cote 117, en réserve de division.

d)La confusion dans Iverny.

La fusillade est toujours intense. Le 289e R.I. et le 282e. R.I. se portent en avant par bataillons successifs. Au 289e R.I. chaque bataillon n'a que deux compagnies en 1er échelon. A 18 h.30, la 109e brigade franchit la ligne de feu; mais, les régiments, engagés rapidement sans reconnaissances préalables, sont attirés par Iverny où ils viennent s'accumuler.C'est ainsi que vers 19 heures, 2 bataillons du 246e R.I., 2 bataillons du 231e R.I. (5e et 6e), 1 bataillon du 282e R.I. et 1 bataillon du 289e R.I. (5e), soit 6 bataillons sur 8, viennent s'engouffrer dans le village. Cette traversée d'Iverny brise l'attaque qui se dissout.Au sud de la localité, s'échelonnent le 6e bataillon du 282e R.I. et le 6e bataillon du 289e. La confusion règne partout. Heureusement la nuit arrive, l'artillerie ennemie sévèrement éprouvée et comme la nôtre à bout de munitions, cesse son feu. La fusillade décroît. Enfin de journée, le 231e a quelques éléments sur le ruisseau de la Sorcière. Au sud de Villeroy, le 289e R.I. est parvenu à la route d'Iverny à Neufmontiers au passage sur la Sorcière et s'échelonne jusqu'à hauteur de Villeroy.

e) Situation de la 55e division de réserve à la chute du jour.

Dans l'ensemble, l'attaque générale de la 55e division de réserve est tout juste arrivée à rétablir la ligne atteinte par la 110e brigade à 14 heures.Trop hâtivement montée; mal appuyée, utilisant un terrain défavorable, l'attaque de 18 heures est venue se cristalliser autour d'Iverny; 8 bataillons sur 12 sont venus s'engager sur un front d'à peine 2 kilomètres. L'objectif Monthyon n'est toujours pas atteint.Du côté du Plessis-l'Évêque, le 5e bataillon du 276eR.I., très réduit comme effectif et ne recevant aucun renfort, tient dans la localité. Entre 17 heures et 18 heures, le colonel Lejeune a bien essayé de reporter en avant les 21e et 19e compagnies qui se trouvent encore dans le bois, mais le capitaine Dessat, commandant le détachement, trompé par l'obscurité, se heurte aux Allemands qui lui tendent une embuscade. L'adversaire s'apercevant de sa méprise lui crie en français : "Ne tirez pas, nous sommes amis. " Le capitaine s'avance. Il est frappé de plusieurs balles à bout portant.

Les deux compagnies privées de leurs chefs se replient à la chute du jour sur Le Plessis-l'Évêque.

Vers Villeroy, la situation au crépuscule reste imprécise. Le 5e bataillon du 276e, qui a été décimé au cours de l'attaque de 17 heures, ne donne plus signe de vie au commandement, qui en déduit que le village est occupé par l'ennemi.

Cependant, le général de Mainbray, âme du combat du 5 septembre, ne se fie pas aux apparences. N'ayant plus qu'un officier d'état-major, il l'expédie vers 18 h. 30 vers la cote 107, à 1 kilomètre à l'est de Villeroy, avec mission d'y préciser la situation. La tâche est périlleuse, car de ce côté on a vu vers 17 h. 15 à la jumelle le bataillon Bonnet du 276e se replier sous la pression ennemie. Mais le capitaine Renault n'a pas l'habitude de reculer devant le danger. Suivi de son ordonnance, il part à cheval, au crépuscule, par la route d'Iverny à la cote 107... Jusqu'à ce point, aucun ennemi ne se révèle. Il décide de pousser au delà de la cote 107, et aperçoit soudain des lignes de tirailleurs qui de l'est montent vers Villeroy. Il est impossible de distinguer leur nationalité. La reconnaissance avance encore, mais des coups de feu éclatent : ce sont les Allemands. Au galop, les deux cavaliers regagnent Iverny, sous une grêle de balles. Le cheval du capitaine Renault est touché...

Cependant l' officier parvient à le ramener à La Baste où il fait part à un chef de bataillon de la 109e brigade de la situation vers Villeroy, lui recommande de faire reconnaître le village et d'organiser La Baste face au sud pour faire face à un mouvement débordant allemand éventuel de Villeroy sur Le Plessis-sous-Bois.

 

f) La 55e division de réserve s'organise pour la nuit (Voir croquis n° 11).

 

 

De retour à Iverny, le capitaine Renault trouve un petit conseil de guerre réuni au château d'Iverny. Il y a là le général Leguay, le général de Mainbray et le général Arrivet. Il rend compte de sa mission. Le général commandant la 55e division de réserve décide de faire occuper Villeroy par un bataillon du 204e R. I. et expédie à nouveau le capitaine Renault lui porter cet ordre. Puis le stationnement de la 55e division de réserve est arrêté pour la nuit du 5 au 6. La division va s'établir tout entière en cantonnement-bivouac sur les positions qu'elle occupe en fin de journée, prête à reprendre l'offensive le 6 à la pointe du jour.

Le général de division s'efforce de remettre de l'ordre dans ses brigades.

Les avant-postes de la 110e brigade s'établiront de la ferme Chambre-Fontaine exclue à la route d'Iverny à Neufmontiers incluse, le long du ruisseau de la Sorcière. Ceux de la 109e brigade tiendront le front qui s'étend entre le carrefour de la route Iverny, Neufmontiers et le ruisseau de la Sorcière, et le village de Villeroy inclus.

La ligne principale de résistance fixée est jalonnée par Plessis-l'Évêque, Iverny (à la 110e brigade) et Villeroy (à la 109e brigade). Cette ligne doit être organisée au cours de la nuit.

En résumé, à 20 heures, ni la 56e division de réserve qui attaque Saint-Soupplets, ni la 55e division de réserve qui doit s'emparer de Monthyon, ni la brigade marocaine qui doit tenir Penchard ne se sont emparées de leurs objectifs.

La 55e division de réserve a, en gros, conservé ses positions initiales, ses voisins ont dû se replier sous la pression de l'ennemi. Le front passe par la ferme du Papillon, dans le bois de Tillières, le cours du ru de la Sorcière, Villeroy et Charny.

Le général de Lamaze a envoyé son sous-chef d'état-major à la 55e division de réserve et à la brigade marocaine, vers Charny, pour essayer d'éclaircir la situation de ce côté, car, depuis 16 heures, il n'a aucune nouvelle des efforts de la brigade Ditte sur Penchard et il n'a appris sa retraite que par la 55e division de réserve.

En attendant, il donne l'ordre aux 55e et 56e D. R. de tenir ferme sur leurs emplacements et d'avoir à la pointe du jour leur artillerie en ligne pour repousser toute attaque. Pour étayer les Marocains, il leur envoie deux groupes de 75 de l'artillerie de corps d'armée et la division de cavalerie provisoire Gillet, qui doit prolonger leur action jusqu'à la Marne.

A 21 heures, le général Leguay signe son ordre de stationnement pour la nuit du 5 au 6.

En prévision de l'attaque de Monthyon, le 6 à l'aube, l'artillerie est maintenue sur ses emplacements de fin de combat. Le général Leguay conserve à sa disposition un bataillon du 231e R. I. à Le Plessis-sous-Bois et un bataillon du 204e R. I. à La Baste.

La cavalerie, ainsi que le Q. G. de la division, s'établissent au Plessis-sous-Bois.

 

g) Sort incertain de Villeroy.

 

Le général commandant la 55e division de réserve aura de la sorte sa division bien en main, mais il se préoccupe sérieusement de la situation créée à sa droite par le repli des Marocains sur Charny et sur lesquels il n'a que des renseignements très laconiques. Pour se couvrir dans cette direction, et ignorant le sort réservé à Villeroy, il prescrit, nous l'avons vu, à un bataillon du 204e R. I. (bataillon Hasenwinckel) d'aller occuper cette localité.

Le bataillon arrive devant le village à la nuit. Villeroy semble occupé, mais on ne peut savoir si c'est par l'ennemi ou par nos troupes. Tout ce qui approche est fusillé. Le commandant Hasenwinckel n'ose entreprendre une attaque de nuit. Il stationne ainsi devant le village jusqu'au moment où une patrouille constate qu'il est occupé par des Marocains. Le 1er régiment indigène et les débris du 5e bataillon du 276e R. I., en effet, tiennent solidement la localité.

 

h) Bilan de la journée du 5.

 

La journée du 5 a été dure pour la 110e brigade qui a perdu plus de 500 hommes.

17 officiers sont hors de combat dont 11 tués. Le 276e R. I. seul compte 8 officiers tués, le 246e R. I. 3 officiers.

A l'état-major de la 110e brigade, le général de Mainbray, qui s'est héroïquement comporté à Iverny, est très légèrement blessé; le lieutenant Whitecomb est tué; seul reste le capitaine Renault, qui s'est dépensé sans compter pendant toute la journée.

Les troupes sont fatiguées, mais elles se fortifient, se ravitaillent, enterrent les morts, relèvent les blessés.

Au 246e R. I., les officiers glorieusement tombés sont relevés par leurs hommes, et transportés sur des fusils dans une petite maison du village. Au passage, les réservistes, émus, présentent les armes ou saluent. Les blessés, nombreux, transportés au château, sont évacués sur Vinantes et Juilly.

La nuit est très calme. Toutefois, dans la direction de Monthyon, on perçoit des bruits de voitures, des hennissements de chevaux, des éclats de voix.

Les hauteurs s'embrasent de lueurs d'incendies. Neufmontiers et Penchard et diverses fermes brûlent. Les Allemands éclairent-ils leur avance du rougeoiement sinistre des brasiers ou bien abandonnent-ils le champ de bataille ? On ne sait encore rien.

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