UN COMBAT DE RENCONTRE

LES 5 ET 6 SEPTEMBRE 1914 A LA 55e D. R.

CHAPITRE IV

LA RECONNAISSANCE OFFENSIVE ALLEMANDE.

COMMENT LES ALLEMANDS ONT ÉTÉ CONDUITS A ATTAQUER

 

Ainsi vers 13 heures, le canon allemand de Monthyon a levé le rideau de la bataille de l'Ourcq.

Pour le groupe de divisions de réserve de Lamaze, la surprise est complète. A quel adversaire a-t-on affaire ? Que se passe-t-il ? Nous pensions tomber demain 6 septembre dans le flanc de l'ennemi, surpris en flagrant délit, de manœuvre et voici que celui-ci nous surprend.

Voyons ce qui se passe en face :

 

A. - Von Kluck se désintéresse du Camp retranché de Paris.

 

Après avoir dispersé quelques éléments de résistance semés vainement sur sa route pour contenir sa marche obstinée (61e et 62e divisions de réserve, soutiens d'infanterie du corps Sordet premiers éléments débarqués de la 55e division de réserve.), le général von Kluck, ne soupçonnant pas la 6e armée en voie de formation devant lui, avait décidé le 30 août de négliger ces forces jugées sans importance et d'abandonner la direction de Paris pour poursuivre l'aile gauche française sur la Seine en vue de la couper de Paris.

Le 3 septembre, le gros de son armée a franchi la Marne à Chézy-sur-Marne et plus à l'est, et s'est porté résolument en avant vers la Seine (voir croquis n° 5).

Le 4 au soir, son armée est ainsi échelonnée : Le IXe C. A. se bat devant Montmirail.

Le IIIe C. A., après avoir brisé des résistances d'arrière-gardes, a atteint la région Saint-Barthélemy, Montolivet, au nord-est de la Ferté-Gaucher.

Le IVe C. A. est parvenu à Rebais sans combat.

Le IIe C. A. est au repos dans le coude de la Marne à l'est de Meaux.

Le IVe corps de réserve, seul, est maintenu au nord de la Marne dans la région de Nanteuil-le-Haudouin, surveillant les abords nord-est du camp retranché de Paris.

Le IIe corps de cavalerie, massé autour de La Ferté-sous-Jouarre, est en mesure de se porter, soit vers le sud pour activer la poursuite, soit vers l'ouest si un danger se présente de ce côté.

Les renseignements reçus au Q. G. de von Kluck représentent l'ennemi continuant sa retraite vers le sud, mais cependant Dammartin est signalé occupé.

Aux termes des directives du Commandement suprême reçues dans la nuit du 2 au 3 septembre à Compiègne, la Ire armée devait suivre la IIe armée en deuxième échelon et assurer en outre la protection du flanc droit des armées allemandes chargées de refouler les Franco-Anglais en direction du sud-est en les coupant de Paris.

Or, le général von Kluck a tellement poussé son armée que, le 4 au soir, celle-ci se trouve presque en avant de la II e armée allemande. Les instructions du Commandement suprême sont donc transgressées, mais von Kluck ignore la 6e .armée et méprise le camp retranché de Paris. " Ne croyant pas qu'un gouverneur d'une place assiégée puisse avoir l'audace de faire sortir ses troupes du rayon d'action de la forteresse " (von Kluck considère l'armée de Paris " comme un spectre dont il n'y a pas lieu de s'inquiéter jusqu'à ce qu'il prenne corps et vie "), il décide le 4 au soir que son armée sera poussée encore plus au sud. En conséquence, il donne l'ordre à ses corps d'armée de se porter en avant le 5 et d'attaquer l'ennemi partout où il se rencontrera (Voir croquis n° 5). Le IXe C. A. doit continuer sur Esternay, le IIIe C. A. sur Sancy, le IVe C. A. vers Choisy-en-Brie, le IIe sur Coulommiers, le IIe corps de cavalerie sur Provins, le IVe corps de réserve, qui nous intéresse, renforcé de la 4e D. C. (La 4e division de cavalerie avait été très éprouvée au combat de Néry (15 kilomètres nord-ouest de Crépy-en-Valois) où elle a perdu la moitié de son artillerie, le 1er septembre.) et du 7e bataillon de chasseurs, doit se porter à l'est de Meaux, pour couvrir le flanc droit de l'armée allemande au nord de la Marne.

B. - Le IVe corps de réserve est chargé de couvrir la 1re armée au nord de la Marne (Voir croquis n° 6).

Dans la nuit du 4 au 5, le IVe corps de réserve stationne ainsi :

- 7e D. I. de réserve dans la région de Sennevières (3 kilomètres sud-est de Nanteuil-le-Haudoin);

- 22e D. I. de réserve dans la région Villers-Saint-Genest (2 kilomètres sud-ouest de Betz) ;

- 4e D. C. autour de Droiselles (2 kilomètres nord-ouest de Nanteuil-le-Haudoin).

C'est donc au IVe corps de réserve que nous allons avoir affaire le 5. De quels éléments se compose-t-il?

Le IVe corps de réserve, qui a été créé à la mobilisation, est commandé par le général d'artillerie von Gronau; chef d'état-major : colonel von der Heyde.

Il comprend deux divisions de réserve :

La 7e division de réserve a été mobilisée dans la IVe région, en Saxe prussienne. Elle est commandée par le général von Schwerin et comporte 2 brigades de réserve d'infanterie, soit 13 bataillons :

- La 13e brigade (27e et 36e R. I. de réserve) (Ces deux régiments ne sont pas au complet à Monthyon : les 2e et 12e compagnies du 27e; les 1re, 10e et 11e compagnies du 36e sont soit détachées dans la zone des étapes, soit affectées comme soutien à la 4e D. C. fortement affaiblie.), général von Dressler, est recrutée dans la région Bitterfeld, Ascherleben, Bernbourg, Dessau. Le 27e R. I. seul dispose d'une compagnie de mitrailleuses (Chaque brigade allemande de réserve dispose d'une compagnie de mitrailleuses de 3 sections de 2 pièces rattachée à l'un des régiments.).

 

- La 14e brigade, (66e et 72e R. I. de réserve (Les 1er et 2e bataillons du 72e réserve sont rattachés à la brigade Lepel. Le 72e ne comporte donc à Monthyon que le 3e bataillon) et le 4e bataillon de chasseurs de réserve), général von Wienskowski, est formée de contingents originaires des régions de Weissenfels, Naumbourg, Torgau, Bitterfeld. Le 72e R. I. est doté d'une compagnie de mitrailleuses.

- Le 1er régiment de cuirassiers de réserve d'Halberstadt à 3 escadrons (Réduit à un à Monthyon.).

- Le 22e régiment de réserve d'artillerie de campagne de Magdebourg, comprenant 2 groupes de 77 (6 batteries de 6 pièces).

La 22e division de réserve, sous les ordres du général Riemann, mobilisée dans la Hesse électorale et en Thuringe, ne possède le 5 septembre qu'une brigade, la 44e brigade

d'infanterie de réserve (général von Mühlenfels). Son autre brigade, la 43e, aux ordres du général Lepel, est maintenue provisoirement en occupation à Bruxelles; elle ne rejoindra la 1re armée qu'à la fin de la bataille de l'Ourcq. Toutefois, une fraction de cette brigade, constituée en détachement sous les ordres du lieutenant-colonel Finck von Finckenstein, participe les 5 et 6 septembre aux opérations de sa division. Il comprend le 11e bataillon de chasseurs de réserve, le 3e bataillon du 71e régiment de réserve et la compagnie de mitrailleuses du 94e régiment de réserve.

La 44e brigade (32e et 82e R.I. de réserve, auxquels est rattachée la compagnie de mitrailleuses de brigade) provient de Gera, d'Erfurt et de Gotha.

La 22e division de réserve comprend en outre :

- un régiment de cavalerie : le 1er régiment de chasseurs à cheval de réserve de Langensalza (3 escadrons) ; - un régiment d'artillerie de campagne de réserve (le

22e R. A.) de Cassel et d'Erfurt, à 2 groupes de 3 batteries de 77 chacun.

Le IVe corps de réserve ne possède ni artillerie lourde, ni aviation. Il est donc moins puissant que les corps d'armée actifs (Constituées par des réservistes des plus jeunes classes, les divisions de réserve allemandes ont à ce point de vue une capacité offensive plus grande que nos divisions de réserve composées de classes plus âgées.) et, constatation curieuse, le 5, le Haut Commandement n'a pas jugé opportun de le doter d'aviation bien que ce corps d'armée ait la mission délicate de couvrir le flanc droit des armées allemandes.

Au reçu de l'ordre de l'armée lui prescrivant de se porter dans la région Marcilly, Chambry et de prendre à son compte au nord de la Marne la couverture face au front nord-est de Paris, le général von Gronau donne l'ordre suivant dans la nuit du 4 au 5, de Nanteuil-le-Haudoin, son P. C. .

" 1° L'ennemi, apparemment des éléments avancés de la garnison de Paris, est encore à Dammartin. Au sud de la Marne, des forces ennemies sont encore signalées à Coulommiers; sur le point, semble-t-il, de se replier vers le sud et le sud-ouest. Reims est tombé.

" 2° L'armée continue son mouvement vers la Seine en se couvrant face à Paris. Le 2e C. A. se porte au delà de la Marne jusqu'au Grand Morin inférieur en aval de Coulommiers. Il couvre le flanc de l'armée face au front est de Paris.

" 3° Le IVe C. R. ayant sous ses ordres la 4e division de cavalerie se portera dans la région Marcilly, Chambry (nord de Meaux). Il assurera au nord de la Marne la couverture face au front nord-est de Paris.

" La 22e division de réserve rompra à 3 h. 30 (Afin de faciliter la comparaison des documents français et allemands nous avons transformé toutes les indications horaires allemandes en " heures françaises ".) de Villers-Saint-Genest et se portera par Bouillancy, Puiseux sur Chambry.

" La 7e division de réserve rompra à 5 heures de Sennevières et se portera sur Barcy par Chèvreville, Brégy, Douy-la-Ramée, Marcilly.

" La 4e division de cavalerie, rompant à 4 h. 30 de Droiselles, marchera sur Silly-le-Long, Ognes et suivra ensuite le mouvement de la 7e division de réserve en échelon, en arrière."

C. - Ce que les Allemands savent de l'armée Maunoury le 5:

 

Ainsi, au moment où le IVe corps de réserve va se porter au sud, il ne connaît pas grand chose sur la situation des forces françaises qui se sont retirées sur le camp retranché.

Depuis plusieurs jours, en effet, les troupes du général von Gronau n'avaient plus eu de rencontres sérieuses avec l'adversaire dans leur marche d'Amiens vers le sud-est, celui-ci s'étant constamment replié sans se laisser accrocher.

Le 4, la cavalerie allemande n'avait pu obtenir aucun renseignement précis sur les intentions ennemies. Dans les forêts de Chantilly et d'Ermenonville, comme du côté de Dammartin, elle s'était heurtée à un réseau de cavalerie impénétrable et n'avait pu voir ce qu'il cachait.

L'aviation allemande avait de son côté manifesté une grande activité pendant toute cette période préliminaire de la bataille; elle avait en particulier reconnu des forces importantes dans le camp retranché. Cependant, par suite d'un manque de coordination de cette aviation et surtout d'une exploitation défectueuse des renseignements obtenus, les plus importants de ceux-ci, et notamment ceux relatifs au camp retranché, ne parvinrent pas au général von Kluck et encore moins au général von Gronau, dont le corps d'armée était dépourvu d'aviation organique

(Il nous a paru intéressant de rappeler ici brièvement le rôle joué par l'aviation de la Ire armée allemande au cours de cette période du 30 août au 5 septembre, préludant à la bataille décisive. Une étude du général italien Ambroglio Bollati parue dans la Rivista Aéronautica de mai 1929 nous apporte à ce sujet quelques données particulièrement suggestives : au début de septembre, von Kluck disposait de 4 escadrilles rattachées à ses 4 corps actifs. Le IVe corps de réserve en était par conséquent dépourvu.

Le 30 août, cette aviation signale des forces ennemies en retraite vers l'ouest et le sud-ouest (6e armée française à Amiens), mais, ce jour-là, von Kluck décide de négliger ces forces, d'abandonner la direction de Paris et de marcher vers l'est de l'Oise sur Compiègne pour prendre en flanc la 5e armée française, accrochée à Saint-Quentin. Le chef d'État-major du IVe corps de réserve signale à von Kluck la nécessité de tenir compte de cette menace française, mais ce dernier se borne à prescrire de surveiller ces mouvements et les avions du 9e C. A., au lieu de les reconnaître, vont survoler Paris pour intimider la population.

Le 2 septembre, des avions du 2e C. A. à Senlis observent des forces ennemies évaluées à 2 C. A. 1/2 et 1 D.C. 1/2 dans la région Chantilly, Dammartin, Mitry-Mory (6e armée et cavaleries française et anglaise) mais ces renseignements essentiels ne parviennent ni au commandant de la Ire armée, ni au IVe corps de réserve.

Le 3 septembre, von Kluck ne prescrit aucune reconnaissance vers le camp retranché; toute l'exploration est orientée vers la Seine. Cependant des avions qui ont de leur propre initiative survolé Paris signalent au 2e C. A. une D.I. à Dammartin, de l'artillerie à Villeneuve-sous-Dammartin, plusieurs bataillons à Villeron, mais ces renseignements ne sont transmis ni à l'armée, ni au IVe corps de réserve.

Le 4 septembre, les avions du 2e C. A. observent de nombreuses forces sur, la ligne Villeron, Épiais-les-Louvres, un régiment au Blanc-Mesnil et des campements importants à l'est de Paris. Ces informations ne parviennent pas à von Kluck.

Le 5 septembre, un avion du 2e C. A. signale le IVe corps de réserve aux prises à 17 h. 45 dans la région nord-ouest de Meaux. Von Kluck en est avisé à 22 heures seulement.)

D.- La marche du IVe corps de réserve sur Barcy, Chambry. (Voir croquis n°6,).

 

Sauf pour la 22e division de réserve, l'étape du 5 septembre est courte, la 4e division de cavalerie a 8 kilomètres à peine à faire pour atteindre Ognes, la 7e division de réserve deux heures de marche pour arriver à Marcilly. Seule la 22e division de réserve doit faire près de 23 kilomètres soit six heures de marche.

Le IVe corps de réserve comme les divisions de réserve françaises est épuisé par les longues étapes faites depuis le début de la guerre. Placé à l'extrême aile droite du dispositif allemand, il a fait 480 kilomètres du 17 août au 4 septembre, soit 27 kilomètres en moyenne par jour pendant dix-huit jours. Du 31 août au 2 septembre, il a même fait 90 kilomètres en trois jours.

De toute l'histoire militaire, écrit le général von Kluck on ne trouve aucun exemple de performances de marches semblables.

Aussi, malgré la victoire facile et les marches triomphales, le moral de la troupe n'est pas brillant, car elle est littéralement à bout.

Cependant, la traversée de la riante vallée de la Thérouanne a ranimé un instant la vigueur des réservistes. Par ailleurs, l'approche de la capitale stimule tous les courages et au passage devant chaque poteau indicateur donnant la distance de Paris, de frénétiques " Hoch " sont poussés.

Des coureurs précédant les colonnes ont contraint les habitants restés dans leurs foyers à placer devant leurs portes des bouteilles de vin ou des baquets d'eau ou de cidre après les avoir obligés à goûter les premiers ces boissons pour éviter les empoisonnements.

A la 7e division de réserve, le 66e régiment d'infanterie de réserve et le 1er groupe du 7e régiment d'artillerie de réserve, éclairés par les cuirassiers d'Halberstadt, marchent à l'avant-garde: La 14e brigade, puis la 13e brigade encadrant l'artillerie (2e groupe du 7e R. A. C. de réserve); constituant le gros, suivent derrière.

La 44e brigade de la 22e division de réserve, éclairée par le 1er chasseurs à cheval, a placé en avant-garde le 11e bataillon de chasseurs de réserve, le 3e bataillon du 71e de réserve et le 1er groupe du 22e R. A. R. (La 2e compagnie du 4e bataillon de pionniers de réserve avait également été jointe à l'avant-garde.). Le 82e R. I. R., le 32e R. I. (en partie) (3e bataillon du 32e réserve et compagnie de mitrailleuses du 94e réserve) et le 2e groupe du 22e R. A. R. forment le gros.

Vers 10 heures, les derniers éléments du C. A. (22e D. R.) atteignent leurs objectifs de marche.

E. - Le général von Gronau reçoit des renseignements inquiétants de Dammartin. (voir aussi carte au 80.000e).

 

Mais au moment où les forces du général von Gronau s'installent dans leurs cantonnements, parvient un ordre de la Ire armée prescrivant au IVe corps de réserve de s'arrêter. Le 5, à 7 heures, en effet, la Direction suprême inquiète de la progression acharnée de von Kluck, a ordonné par radio à la Ire armée de " rester entre Oise et Marne "; mais von Kluck, continuant à désobéir, s'est borné à stopper le IVe corps de réserve, seul corps qui soit au nord de la Marne et qui d'ailleurs a déjà atteint ses objectifs du 5, et rend compte. au Grand Quartier que le 6; il entamera avec ses autres corps d'armée un mouvement de conversion pour revenir entre Oise et Marne.

Cependant dans la matinée, deux renseignements importants sont venus inquiéter le général von Gronau :

Vers 10 heures, un message de la 4e division de cavalerie, commandée par le général von Garnier, lui rend compte que " de la cavalerie ennemie était en marche par Dammartin sur Saint-Mard et Juilly et qu'une attaque d'une division de cavalerie se développait contre lui ".

La première partie du renseignement pouvait l'inciter à croire que l'ennemi continuait son repli vers le sud, la direction Dammartin, Juilly étant nord-sud; mais l'annonce d'une attaque de cavalerie ennemie contre sa 4e division de cavalerie pouvait être dangereuse pour son corps d'armée. Aussi; pour se couvrir face à l'ouest, comme aussi pour étayer la gauche de la 4e D. C., il prescrit à la 7e division de réserve d'envoyer deux détachements d'un bataillon et un groupe, dont l'un de Marcilly vers Saint-Soupplets, avec mission de couvrir de ce côté la 4e D. C.

Le détachement de Marcilly (1er bataillon du 27e R.I., major Burmester, et 2e groupe du 7e- R. A. C.) est à peine en route qu'un deuxième renseignement de la 4e D: C. arrive au P.C. du général von Gronau; à 10 h. 45 : Des colonnes ennemies seraient en marche de Saint-Mard sur Montgé ".

F. - Le général van Gronau ordonne au IVe corps de réserve d'attaquer pour préciser la situation.

 

Cette fois-ci, il n'y a pas de doute, un adversaire sérieux menace le flanc droit de l'armée. Sa cavalerie est impuissante à percer le mystère. Il ne possède pas d'aviation, et par malheur, ses forces sont faibles puisqu'il lui manque près d'une brigade et de l'artillerie lourde. Que faire? Est-on en présence de quelques forces venues du camp retranché et en reconnaissance, ou bien une nouvelle armée est-elle rassemblée à l'abri de Paris, cherchant à se porter sur le flanc ou dans le dos de la Ire armée ?

Le commandant du IVe corps de réserve est en face d'une lourde responsabilité. Ses troupes ne peuvent rester l'arme au pied sans savoir ce qui se passe dans la région de Paris. Il est 11 heures, le général von Gronau, à Barcy, discute avec le lieutenant-colonel von der Heyde, son chef d'état-major : " C'est inévitable, ne cesse-t-il de s'exclamer, il faut attaquer. Seule une attaque peut déchirer le voile. "

Puis, sa décision prise, sans hésiter, l'ordre d'attaque est donné :

Barcy, 5 septembre, 11 h. 15 (heure française).

I. Dans la forêt de Montgé-Guisy, de la cavalerie qui empêche la nôtre de voir ce qui se passe. Derrière cette forêt, d'autres éléments de cavalerie et d'infanterie.

II. La 7e D.R. se portera à l'attaque en plusieurs colonnes, par Cuisy-Montgé, sur Saint-Mard pour refouler l'ennemi.

III. La 4e D.C. participera à l'attaque en se portant par Marchemoret sur Dammartin.

IV. La 22e division de réserve sera tenue prête entre Barcy et Monthyon.

V. E.M. IVe C.R. avec 22e D.R.

von GRONAU.

 

G. - Le IVe corps de réserve se porte sur Monthyon (Voir croquis général n° 8)

 

Au moment où l'ordre d'attaque parvient aux divisions celles-ci sont au bivouac : à la 7e division de réserve, la 13e brigade s'installe à Marcilly; la 14e brigade et le 1er groupe du 7e R. A. C. stationnent à Barcy. La 22e division de réserve est à Chambry.

Chasseurs et fantassins sont heureux de goûter un bon repos. Les fermes et maisons abandonnées sont minutieusement explorées pour y découvrir des victuailles et en particulier les excellents fromages de Brie. Des patrouilles sont envoyées dans les étables pour récupérer le bétail abandonné sans nourriture et qui meugle tragiquement.

Tout à coup, des agents de liaison paraissent : " Alerte ! Tout le monde prêt au combat. L'ennemi paraît du côté de Monthyon ".

En un clin d'œil, les troupes sont sous les armes. A Barcy; le général von Wienakowski pousse un bataillon du 66e régiment de réserve et le 1er groupe du 7e R. A. C. à la sortie ouest du village, en position d'attente, face à Monthyon.

A Marcilly, le bataillon Burmester du 27e R. I. et le deuxième groupe du 7e R. A. C. sont déjà en route pour le bois de Saint-Soupplets, le rassemblement de la division est donc couvert. Les cuirassiers d'Halberatadt sont tombés à Monthyon sur une reconnaissance de dragons français. Dans la plaine, vers Saint-Soupplets et la ferme Fescheux, scintillent quelques casques ou fourreaux de sabre de cavaliers isolés. Ce sont sans doute les éclaireurs de la division de cavalerie qui marche par Montgé sur Cuisy. Cependant, aucun détachement important ne se montre mais l'ordre d'attaque du général von Gronau survient. La 7e division de réserve se met en marche à 11 h. 45 en même temps de Marcilly et de Barcy sur plusieurs colonnes pour aborder l'ennemi en formations semi-déployées. Bientôt, le 1er cuirassiers annonce que de Monthyon on aperçoit une colonne d'infanterie et d'artillerie importante à Montgé. Le danger de rencontre n'étant pas encore imminent, le général von Schwerin juge indispensable de mettre le plus tôt possible la main sur la hauteur de Monthyon, magnifique observatoire. Aussi décide-t-il, pour aller plus vite, de faire progresser la division en une seule colonne jusqu'à cette hauteur, sur l'itinéraire Pringy, Monthyon, puis Iverny.

De plus, aussitôt son ordre d'attaque donné, le général von Schwerin a fait prévenir le détachement Burmester envoyé sur Saint-Soupplets de rejoindre de suite la colonne. Celui-ci, qui a déjà atteint Gesvres, oblique vers la Ferme Fescheux tandis que le 2e groupe du 7e R. A. C. qui l'accompagne, devançant le détachement, trotte vers Monthyon après avoir laissé la section Weise de la 6e batterie en accompagnement immédiat du bataillon.

Mais, arrivé à la Ferme Fescheux, le 1er bataillon du 27e reçoit un nouvel ordre lui prescrivant de se porter sur le bois des Tillières et de le reconnaître. Au moment où le commandant Burmester atteint la grand-route de Saint-Soupplets, il aperçoit de forts détachements ennemis en direction de Plessis-aux-Bois ainsi que des troupes marchant sur Saint-Soupplets. Pour s'opposer à ces mouvements, le major Burmester décide de faire canonner immédiatement le rassemblement de Plessis-aux-Bois par ses deux pièces de 77 prenant position vers les anciennes plâtrières, tandis qu'il dirige une compagnie sur Saint-Soupplets et le reste de son bataillon sur la lisière est du bois des Tillières.

Il est 12 h. 30 lorsque la section Weise ouvre le feu. C'est le signal de la bataille de l'Ourcq.

Pendant ce temps, l'escadron saxon a eu rapidement raison du peloton du 32e dragons qui éclairait la 55e D. R. Un capitaine de dragons; grièvement blessé; parvient à gagner la Fontaine-des-Nonnes où il rassemble quelques-uns de ses hommes.

Il est alors près de 12 h. 45 lorsque l'avant-garde de la 7e D. R. atteint Monthyon. A la lorgnette, les cavaliers allemands ont bien décelé la présence de la 56e D. R. à Montgé, mais, peu audacieux, ils n'ont pas eu l'idée d'aller reconnaître Iverny et Le Plessis-l'Évêque qui barrent l'horizon. Aussi ignorent-ils la présence de l'avant-garde de la 55e D. R. à 4 kilomètres d'eux. Ce n'est qu'après les premiers coups de canon des 77 du détachement Burmester qu'ils repèrent une colonne de voitures d'artillerie entre La Baste et Iverny. Le 2e groupe du 7e R. A: C. qui passe à ce moment sur la route de Saint-Soupplets à Monthyon est alors immédiatement avisé des mouvements ennemis repérés vers Cuisy et Le Plessis-aux-Bois.

Il se met sans tarder en batterie à l'ouest du cimetière de Monthyon (4e et 5e batteries) et canonne l'avant-garde de la 56e. D. R. vers Cuisy, tandis que la 6e batterie rejoint la section Weise aux carrières des anciennes Plâtrières.

Dans l'intervalle, le général Von Wienskowski, commandant l'avant-garde de la 7e D. R., a été avisé de ces renseignements. A ce moment, le 1er bataillon du 66e réserve débouche de Monthyon et marche sur Villeroy par erreur; le 3e bataillon du 66e atteint la Ferme de l'Hôpital à l'instant précis où le 246e R. I. débouche d'Iverny. Le colonel commandant le 7e R. A. C., dont la 1re batterie sort de Monthyon, lui ordonne d'ouvrir de suite le feu sur Iverny.

Cette batterie se déploie le long de la route à hauteur de la Ferme de l'Hôpital et ainsi vers 13 heures, l'artillerie de la 7e D. R. tonne de tous côtés.

Le combat de reconnaissance commence. Pour cela, on tient le meilleur des observatoires (Voir croquis panoramique n° 7).

Quelques secondes après la mise en batterie de ces canons, les premiers coups partent. Ils paraissent avoir une excellente efficacité. Nous savons, en effet, ce qu'il advint au 5e bataillon du 246e R. I. débouchant d'Iverny.

Ce village s'anime subitement.- Des Français en sortent avec une " rapidité surprenante ", relatent les Allemands, et marchent sur Monthyon.

L'affaire a l'air sérieuse. Les Allemands ont mis le doigt dans un nid de guêpes. Aux échos de ces premières détonations dans l'atmosphère lourde du 5 septembre, répondent d'autres départs de coups. La section de 77 du lieutenant Weise (6e batterie), qui appuie le détachement Burmester, a ouvert le feu sur les troupes de Montgé. Les premiers fusants jettent le désordre dans ce rassemblement. L'infanterie disparaît comme par enchantement dans les fossés de la route, les voitures se dispersent au trot dans les vallons voisins; des batteries françaises disparaissent rapidement vers Montgé.

A Monthyon règne une grande activité. En hâte des ordres sont donnés; des officiers de liaison partent dans toutes les directions. Le général von Schwerin, puis le général von Gronau avec leurs états-majors arrivent dans la localité. Des lunettes à ciseaux sont mises en place entre Monthyon et l'Hôpital. Les yeux allemands sont braqués curieusement dans la direction de ce Paris ardemment convoité.

Ainsi, sur l'initiative des Allemands, la bataille de l'Ourcq vient de s'allumer.

CHAPITRE SUIVANT DE LA BATAILLE DE MONTHYON

MENU DE LA BATAILLE DE MONTHYON

MENU DES RESPONSABLES ET ECRIVAINS FRANÇAIS

RETOUR VERS LE MENU DES BATAILLES DANS LA BATAILLE

RETOUR VERS LA PAGE D'ACCUEIL