"La Feuille" du 90ème Anniversaire de la 1ère Bataille de la Marne

 

Février 2002

Une des gènes constantes que rencontrèrent les Grands Etats-Majors Allemands et Alliés en août et septembre 1914, fut la difficulté d'avoir à la fois une vision globale de l'immense champ de bataille et que cette vision fut relativement récente. Les mémoires édités, après la bataille, par les responsables des armées en présence, nous confirment cette impression d'incertitude, qui peut amener les généraux d'armée et les chefs d'états-majors à prendre une décision à contre temps.

En effet la transmission de l'information, son analyse puis sa compréhension devaient être faites du régiment à la division, de la division au corps d'armée, du corps d'armée à l'armée et enfin de l'armée au G.Q.G..

Cette information en provenance des divisions pouvait être recoupée, confirmée par les patrouilles des grandes unités de Cavalerie rattachées à chacune de ces armées et deux techniques nouvelles apportaient des possibilités complémentaires inconnues jusqu'alors :

La T.S.F., Transmission Sans Fil et la reconnaissance aérienne.

Les Alliés bénéficiaient, en retraitant en France, de l'infrastructure du réseau téléphonique et télégraphique existant et si la liaison se faisait parfois par des relais inhabituels, l'information pouvait remonter depuis les divisions avec plus ou moins de difficultés. Pour les Allemands, les infrastructures téléphoniques étaient moins fiables car la coupure des lignes par les troupes en retraite et par les civils, rendait aléatoire l'utilisation de ce moyen de communication. L'utilisation de la T.S.F. permettait aux grandes unités allemandes de communiquer entre elles, mais ces émissions étaient aussi "écoutées" par les équipes de l'antenne de la Tour Eiffel de Paris et elles fournissaient, involontairement de précieux renseignements aux Alliés.

 

Quant à l'aviation, les informations qu'elle va ramener seront riches et intéressantes, tant pour les Allemands que pour les Alliés, mais les états-majors avaient l'habitude, depuis toujours, de faire confiance à la Cavalerie pour valider les informations des mouvements de l'ennemi. La mise en œuvre d'une technique nouvelle ne se fait pas toujours aisément et le poids de l'habitude est parfois prédominant comme nous le montre le texte ci-après. :

 

"Le 1er septembre, j'arrive à Creil commander l'aviation de la VIe armée. En guise de bienvenue, le colonel G., chef d'état-major de Maunoury, me déclare que les aviateurs sont des acrobates indisciplinés avec lesquels il ne veut pas perdre son temps ", et, sans rien me dire de ma mission, me met sous la coupe du commandant D., chef du 2e bureau.

 

"L'aviation de la VIe armée est formée de deux escadrilles, la R. E. P. 15 (capitaine Geibel) venant de la IVe, la M. F. 16 (capitaine Mauger-Devarennes) de la IIIe armée... Quatre lieutenants cavaliers lui sont affectés comme observateurs, mais aucun n'est monté en avion avant ... hier. Le 2 septembre, je m'installe au nord d'Écouen, près du P. C. de l'armée. Mes reconnaissances montrent de façon évidente que le gros des Allemands a franchi l'Oise à Verberie et en amont, en direction du sud-est, mais, en fin de marche, leurs têtes de colonne sont orientées au sud, vers Paris. Le commandant D., qui connaît par le G. Q. G. la directive du 27 août dirigeant Kluck vers la basse Seine, refuse de me croire et m'ordonne d'explorer la zone à l'ouest de l'Oise (Mantes-Beauvais), où il est sûr que se trouvent les Allemands ... Le 3 au matin, en dépit de cette affirmation, renouvelée par le 2e bureau, je persiste à doubler les reconnaissances demandées par d'autres lancées vers l'est. La R. E. P. 15 me rend compte qu'une colonne allemande, venant de Senlis, arrive à Orry-la-Ville, mais la M. F. 16 me confirme que les colonnes de Kluck filent vers le sud-est et que les routes allant de Crépy-en-Valois et de Senlis vers Nanteuil-le-Haudoin et à l'est sont encombrées de troupes et de parcs. Il ne peut plus être question d'une attaque sérieuse sur Paris. Je saute en auto avec mes équipages chez D., qui, une fois de plus, se refuse à accorder foi à leurs témoignages. Même attitude du chef d'état-major ...

 

" Estimant n'avoir pas le droit de laisser ignorer un changement si important de l'aile droite allemande, je guette en vain l'arrivée de Gallieni et de Maunoury, et offre mon information à qui veut l'entendre : c'est le cas des officiers de liaison de French et de Gallieni, qui avertissent aussitôt leurs chefs ... Morne matinée le 4 septembre : mes équipages, découragés, exécutent sans entrain leur mission et je n'ose plus dépasser les ordres reçus. Vers midi, coup de théâtre : tout change... Maunoury reçoit de Gallieni l'ordre de se tenir prêt à marcher à l'est, et moi celui de " reconnaître en direction de Château-Thierry ". La nouvelle épanouit le visage de mes aviateurs, qui, repartant cette fois pleins de confiance, vérifient que les avant-gardes de Kluck sont au sud de la Marne ... La menace sur Paris est écartée et mon personnel jubile... "

 

Lieutenant-colonel BELLENGER.


2004 - 90ème ANNIVERSAIRE DE LA 1ère BATAILLE DE LA MARNE


NOTRE PETIT BULLETIN DE PREPARATION - "LA FEUILLE"


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