LA BATAILLE DE L'OURCQ VUE PAR HENRI ISSELIN

6 septembre

 

Dans le ciel, la lune ronde et pleine est apparue, surgissant derrière la butte de Monthyon dont les arbres et les maisons se sont, un instant, silhouettés sur son disque jaune. Le silence règne sur tout le champ de bataille que baigne la fraîcheur de la nuit.

Retranchés dans Le Plessis-l'Evêque, Iverny et Villeroy, les Français se tiennent sur leurs gardes. Les Allemands, eux, battent en retraite. Du ru de la Sorcière au ru de Rutel, Saxons et Hessois se replient; sous la clarté lunaire, les sections se rassemblent et remontent péniblement les pentes qu'elles ont descendues ce matin même. Tournant le dos à ce Paris convoité où se sont allumés les projecteurs, titubant de fatigue et de sommeil, les soldats allemands s'engagent au hasard des chemins et marchent à travers champs. Les plus affamés arrachent des betteraves qu'ils dévorent pour apaiser leur faim. Schnell ! Schnell ! pressent les gradés. Mais la plupart des hommes n'ont pris ni repos, ni nourriture depuis midi. Ils sont épuisés, passablement démoralisés et malgré les objurgations de leurs chefs, leur allure reste lente. A la sortie de Monthyon, au carrefour de la Marche, c'est une cohue de véhicules, de canons et de fantassins qui s'écoule difficilement. Parfois, les soldats de von Gronau, furieux d'abandonner un cantonnement confortable ont mis le feu à la ferme qui les abritait et des incendies jalonnent la retraite ennemie.

Si les troupes du IVe corps furent privées de repos, si le sommeil de von Kluck fut traversé de préoccupations sérieuses, celui de Molkte, inquiet du sort de ses armées, ne dut pas être meilleur. Quant à Joffre, installé à Châtillon dans un château qui, jadis, appartint au maréchal Marmont, il dormit assez mal lui aussi ; bien des raisons expliquaient cette anormale insomnie : le long trajet effectué la journée précédente par une chaleur torride, l'effort de persuasion dépensé pour convaincre les Anglais et, enfin, l'importance de la partie qui va s'engager dès l'aube. Certes, le jeu semble bon, mais le commandement français vient d'abattre ses dernières cartes.

 

 

Levé cependant comme à l'habitude, Joffre arrive de bonne heure dans les bureaux du Grand Quartier Général établis dans un ancien couvent. Sa ponctualité ne répond ce matin à aucun objet précis. Les exécutants ont reçu les ordres et déjà, sur toute l'étendue du front, les troupes opèrent leur demi-tour; elles vont faire face ! Ce changement d'attitude, c'est surtout à l'aile gauche du dispositif français qu'il va se manifester. En effet, les 3e et 4e armées (Langle de Cary et Sarrail) n'ont pas cessé de lutter pied à pied, alors que depuis le 29 août, date de la bataille de Guise, la 5e armée se dérobe devant ses adversaires. Comment les soldats de Franchet d'Esperey, épuisés, décimés, insuffisamment encadrés, vont-ils affronter le heurt avec des Allemands littéralement portés par leur succès ?

Quant aux Anglais, comme ils ont encore reculé durant la journée du 5, il est peu probable qu'ils entrent en contact avec l'ennemi avant la journée de demain. Cependant, seule une action conjuguée des 5e et 6e armées et du corps expéditionnaire anglais peut entraîner un résultat décisif.

Chacune des tâches définies par l'ordre général N° 6 est impérative. Qu'une seule pièce de l'échiquier flanche et toute la partie est perdue; il n'y aura plus de solution de rechange. Pour le général qui porte la responsabilité du jeu, il n'y a d'ailleurs, à cet instant même, rien d'autre à faire qu'attendre le résultat des premiers engagements. Il est toutefois un geste que le général a la possibilité et même le devoir d'accomplir : s'adresser à ses soldats, dont il requiert l'obscur sacrifice, pour leur rendre sensible l'importance de la lutte dans laquelle ils vont s'engager.

Le capitaine de Galbert rédige un projet que Berthelot corrige sous la direction de Joffre. C'est ainsi que voit le jour un texte qui, par sa concision, par la gravité émouvante du ton et la ferme énergie qu'il exprime, reste une des plus belles proclamations que l'Histoire ait jamais enregistrées :

" Au moment où s'engage une bataille dont dépend le salut du Pays, il importe de rappeler à tous que le moment n'est plus de regarder en arrière. Tous les efforts doivent être employés à attaquer et refouler l'ennemi. Une troupe qui ne peut plus avancer devra, coûte que coûte, garder le terrain conquis et se faire tuer sur place plutôt que de reculer. Dans les circonstances actuelles, aucune défaillance ne peut être tolérée. "

Signé par le général en chef, le message est immédiatement transmis aux armées pour être diffusé à toutes les unités combattantes.

Au cours de cette journée, les forces allemandes vont engager deux actions presque divergentes : à l'ouest, von Kluck et von Bulow tenteront d'opérer une conversion pour répondre aux directives de la Direction Suprême et se placer face à Paris. Cette conversion entraîne des retraits en certains endroits, des attaques à d'autres. La conjonction de ces mouvements et de l'offensive de la 5e armée déterminera des opérations de caractères bien différents : ici, des combats furieux, là, des avances françaises assez faciles. A l'est, s'engage la " bataille des Princes " : Wurtemberg (IVe armée) et le Kronprinz impérial (Ve) vont tenter d'ébranler le pilier français de Verdun-Toul et de percer le front de Revigny. Quant à la IIIe armée (von Hausen) tiraillée entre les deux batailles, elle appuiera tantôt à droite, tantôt à gauche. Les combats engagés à l'est ne seront pas moins rudes que ceux qui se déroulent vers l'Ourcq, mais ces derniers provoqueront la décision. On leur accordera donc une attention particulière.

 

Pendant la nuit, un bataillon du 231e d'infanterie, posté devant Iverny, a reçu l'ordre de diriger une reconnaissance sur Monthyon. Une compagnie s'est mise en route à 2 heures du matin; elle progresse avec prudence dans le vallon où coule le ru de la Sorcière. Sous la lueur de la lune, tout est étrangement calme; vers Monthyon, on discerne " des rumeurs confuses..., des lueurs des incendies... se reflètent en halo dans le ciel... On entend des meuglements de bétail chassé par le brasier ". La troupe parcourt avec une extrême lenteur les deux kilomètres qui la séparent de Monthyon, puisque c'est à 4 h 3o seulement qu'elle pénètre dans le village; elle y capture quelques traînards et découvre, un peu partout, des morts que les Allemands ont laissés là. L'église du village a été convertie en ambulance; des blessés y sont étendus sur la paille.

Un agent de liaison est aussitôt dépêché vers le général commandant la brigade pour annoncer la fuite des Allemands mais il s'égare et c'est à 6 h 15 seulement que la nouvelle parvient au poste de commandement. Les contretemps s'ajoutent aux retards.

Cependant, les ordres du général Maunoury pour la journée du 6 sont sans ambiguïté. Parvenus aux unités dès la fin de la nuit, ils enjoignent à celles-ci " d'attaquer vigoureusement tout ce qui se trouve devant elles, en direction de Château-Thierry ". Déployée sur un front nord-sud de 12 kilomètres, la 6e armée s'est mise en marche. Les 55e et 56e divisions d'infanterie atteignent la crête bois de Tillières-Monthyon-Penchard, leur objectif de la veille, abandonnée par l'ennemi au cours de la nuit. On y trouve des blessés et des morts, des batteries détruites, caissons culbutés, attelages anéantis; les Allemands ont été, en définitive, assez malmenés. Combien de Hessois ou de Saxons qui, hier matin, se voyaient défilant sur l'avenue des Champs-Elysées, gisent morts sur le sol ! Assez déprimés par la surprise de la veille et leurs pertes, nos soldats constatent avec satisfaction les destructions subies par l'ennemi. C'est donc très réconfortés qu'ils poursuivent leur avance et se déploient dans les pentes qui descendent vers la Thérouanne.

Ce modeste cours d'eau avait été assigné comme ligne de repli par le général von Gronau, mais celui-ci s'est vite rendu compte que l'orientation du vallon favorisait une attaque venant de l'est et n'offrait qu'une mauvaise ligne de défense. Il avait donc prolongé le recul de ses troupes pour les établir sur le rebord ouest du plateau du Multien, barrière naturelle assez bien marquée avant la vallée de l'Ourcq. Dans la clarté froide de l'aube, les derniers groupes isolés, épuisés ou égarés ont regagné les lignes allemandes; le brouillard matinal a favorisé leur fuite.

A 8 h 30, le chef du IVe corps, ayant parcouru les positions allemandes et modifié quelques détails, vient installer son poste de commandement au sud-est de May-en-Multien, à la ferme de Saint-Féron. On lui remet une note de von Linsingen, commandant du IIe corps qui vient à marches forcées; devançant les fantassins, l'artillerie arrivera la première et prendra immédiatement position.

Rasséréné par cette perspective et persuadé qu'aucune attaque sérieuse des Français ne sera déclenchée avant deux ou trois heures, von Gronau, épuisé par une nuit sans sommeil, se roule dans son manteau, s'étend dans le fossé voisin de la route et s'endort immédiatement.

Au même instant, le commandant Dufestre, chargé d'organiser la relève du 276e R.I., s'engage à l'est de Villeroy dans les champs où, la veille, la I9e compagnie avait chargé.

Parmi les betteraves, il aperçoit alors, régulièrement disposées, des taches bleues et rouges : toute une ligne de fantassins tombés en ordre de combat. Mais la mort ici n'a pas encore son visage effrayant. " L'aspect des cadavres n'offrait rien de macabre ; même en les regardant de près, ce que nous fîmes très attentivement..., foudroyés par d'épaisses rafales de balles, la mort avait respecté leur attitude et simplement blêmi leur teint, figé leurs traits et leurs membres dans une immobilité marmoréenne.

" Aucune trace de blessures. Les balles ont dû porter en plein corps et le sang, depuis longtemps coagulé, n'apparaît pas sur le bleu foncé des capotes, sur la garance des pantalons.

" Premier de la ligne, le chef de section, un lieutenant, est tombé à sa place réglementaire, alors qu'il menait ses hommes à l'attaque. " Le commandant Dufestre examine ce lieutenant avec un soin particulier, minutieusement, pieusement... C'est un petit homme d'apparence chétive à côté de son voisin au type de colosse. Il est couché sur le ventre, le bras gauche replié sur la tête. Ses traits que je vois de profil, sont fins et réguliers, encadrés d'une barbe broussailleuse teintée de blond mais paraissant grisâtre du fait de la poussière car il est jeune encore, trente-cinq à quarante ans tout au plus. L'expression du visage est d'un calme infini. Lui aussi paraît plongé dans un profond sommeil. A son annulaire gauche, une alliance. Je me penche sur la plaque d'identité : Péguy. "

La vie qui s'était montrée si sévère à l'égard du normalien lui avait accordé de mourir dans " une grande bataille " et de tomber sur cette terre de l'Ile de France, dont il avait si souvent exalté l'humble beauté.

C'est vers dix heures seulement que nos avant-gardes se heurtent aux premiers postes allemands. La dure bataille de l'Ourcq va se poursuivre entre Betz et Meaux sur un plateau modelé de grandes ondulations et coupé de quelques vallées où coulent des ruisseaux, des " rus " bordés d'arbustes. Pas de forêts, quelques bois isolés et les lignes d'arbres qui jalonnent les routes.

Les buttes de Penchard et de Monthyon dominent toute cette région où la houle dorée des blés et des avoines alterne avec le vert foncé des betteraves. En cette fin d'été, la mobilisation a interrompu la moisson; des champs de céréales sont encore sur pied, d'autres coupés en javelles ou réduits à l'état de chaume.

Les troupes qui s'apprêtent à reprendre le combat ne trouveront sur ce plateau ni abri contre les rayons d'un soleil implacable, ni couverts les dérobant à la vue et au tir de l'ennemi. La lutte sera donc pénible et coûteuse en hommes. Par une bonne utilisation des méthodes défensives, les Allemands s'efforceront de limiter leurs pertes et de tenir tête à un adversaire qui possède au début des engagements une supériorité numérique marquée.

Les hommes de von Gronau se sont établis sur la position Puisieux-Etrépilly qui forme une sorte de promontoire orienté vers l'ouest. De là, ils aperçoivent les colonnes d'infanterie française qui avancent vers eux; la 56e division de réserve vient par Saint-Soupplets et Forfry; la 55e se dirige sur Marcilly et Barcy et la division marocaine sur Penchard et Chambry. Plus dangereuse encore la progression des 63e régiment de réserve et 14e division d'infanterie qui menacent de déborder, par le nord, l'aile droite allemande.

La bataille s'engage, comme la veille, vers midi et l'artillerie va y jouer un rôle prépondérant. Celle de von Gronau tente d'enrayer les assauts français mais, prise à partie par les 75, elle est fort malmenée. Quant aux fantassins allemands, ils doivent se terrer. Leur situation devient assez critique ; fatigués, surpris par des combats qui ont interrompu brutalement une marche confiante vers la victoire, accablés sous le nombre, les hommes de von Gronau ne pourront tenir bien longtemps. Il faut que le IIe corps intervienne au plus tôt. Effectivement le IIe corps arrive comme son chef l'a promis. Ses premiers détachements ont traversé Varreddes un peu avant 9 heures. Von Linsingen a précédé ses troupes sur le champ de bataille; en qualité de plus ancien général, il prend la direction des opérations et installe son poste de commandement à la ferme de Beauvoir (ou de Beauval), à quelque 4 kilomètres au sud-ouest de May-en-Multien; il y sera rejoint, un peu plus tard, par von Gronau qu'on a tiré de son fossé et de son sommeil.

Il faut peu de temps à von Linsingen pour comprendre la situation du IVe corps de réserve menacé d'encerclement par le nord et par le sud. Le chef du IIe corps décide donc de diviser les forces qu'il amène. La IIIe division d'infanterie se portera sur les hauteurs qui dominent Varreddes pour engager l'aile droite française, pendant que la IVe division d'infanterie se dirigera vers le nord du front pour empêcher tout débordement. Déjà, une partie de l'artillerie du IIe corps s'est établie aux abords de Germigny-l'Evêque et s'apprête à tirer sur les Français qui marchent vers Barcy; quant à l'infanterie, elle a pu gravir les rudes pentes qui dominent Varreddes et prendre pied sur le plateau supérieur, position excellente que les Français ont négligé de saisir et dont la possession apporte au commandement allemand un énorme soulagement. Que serait-il advenu du IIe corps si la brigade marocaine ou la 55e division de réserve, faisant preuve de plus de célérité, avait occupé la crête et accablé sous leur feu les unités allemandes défilant sur la route de Trilport ?

Le commandement français avait été informé, par des reconnaissances aériennes, de l'intervention prochaine du IIe corps allemand. Préoccupé de ce danger qui va peser sur l'aile droite de son dispositif, Maunoury prescrit aussitôt d'attaquer les arrivants " et de les rejeter dans la Marne avant qu'ils n'aient pris pied au nord de la rivière ". C'est aux unités qui, la veille, ont tenté de s'emparer de la crête Monthyon-Penchard qu'il échoit d'entreprendre l'opération et, plus particulièrement, à la 55e division de réserve. Celle-ci devra lancer une attaque depuis Barcy en direction de la cote 115. A sa droite, la division marocaine mènera une action convergente vers Chambry d'où elle gagnera les crêtes qui dominent la Marne. Enfin, au nord, la 56e division de réserve couvrira le flanc gauche de l'assaut central en s'engageant vers Etrépilly.

L'ordre a été remis aux exécutants vers 11 h 30. Les Allemands, plus expéditifs, se sont déjà solidement établis sur le rebord du plateau. Sera-t-il possible de les rejeter dans la Marne ? C'est la question que se pose anxieusement le général de Mainbray - chef de la 110e brigade - qui doit agir au centre même de l'action projetée. Le général dispose de ses deux régiments d'infanterie : 246e et 276e.

Le 276e a été si cruellement éprouvé hier qu'il serait inhumain de lui demander un effort sérieux. D'ailleurs, ses munitions sont épuisées et il n'a pas été possible de le réapprovisionner. C'est donc au 246e qu'il revient d'intervenir en liaison avec la 109e brigade, malgré les pertes qu'il a subies la veille. Le général de Mainbray s'est rendu à la lisière sud-est de Barcy et contemple le terrain sur lequel vont combattre ses hommes : une " immense plaine très légèrement ondulée, sans abri, parsemée de quelques meules... ou de blondes javelles ". Une ligne d'arbres marque l'extrémité du plateau et se détache en silhouettes grises sur l'horizon des crêtes qui bordent la rive sud de la Marne. Ces arbres matérialisent le tracé d'un chemin de terre au long duquel les Allemands se sont installés. Le chemin, un peu surélevé, assure une excellente position de tir sur toute l'étendue des champs qui, en direction de Barcy, n'offrent ni couvert, ni repli de terrain où l'assaillant puisse se dissimuler.

Les fantassins du 246e vont avancer sur un " glacis redoutable ", en pleine vue de l'ennemi et rien ne pourra les soustraire au feu de celui-ci. Pendant le temps qu'il faudra aux hommes du 246e pour parcourir cette plaine dénudée, chaque Allemand aura le loisir de tirer près de 200 coups de fusil. Comment espérer qu'un seul Français puisse survivre à une telle épreuve ? Et cependant il faut attaquer " à fond ".

Le général de Mainbray eut, dit-on, les larmes aux yeux en voyant le terrain sur lequel sa brigade allait " s'immoler ". Mais quoi ! il y a la doctrine, les ordres et les traditions militaires qui font de " la charge héroïque " une méthode classique de combat. D'ailleurs un groupe de 75 vient de s'établir derrière Barcy et appuiera l'infanterie.

Il est 13 heures environ quand le 246e R.I. se déploie et engage l'attaque. Le temps est radieux, le soleil éclatant. Sur le fond jaune clair des chaumes, les uniformes bleu et rouge s'enlèvent en taches colorées, éclatantes aux yeux des fantassins allemands du 42e R.I. qui, tapis à 1500 mètres de là, s'apprêtent à tirer commodément, comme à l'exercice. Taches éclatantes aussi, dans l'oculaire des jumelles que braquent les officiers d'artillerie installés sur la croupe de Germigny et qui se préparent à ouvrir le feu.

Drapeau déployé, le 246e R. I. s'avance. Le lieutenant-colonel Chaulet, son état-major et la musique marchent en tête. Dès qu'il a dépassé la route de la Râperie, le régiment entre dans la zone battue par les feux conjugués de l'infanterie et les tirs de l'artillerie ennemie. Les balles sifflent sans arrêt dans l'air torride mais les Allemands sont loin et leur tir encore imprécis.

Au fur et à mesure de leur avance, les soldats du 246e offrent des cibles meilleures et les tireurs mettent de plus en plus de coups au but. A mi-parcours, la convexité du terrain fait que les fantassins français se découpent en plein ciel avant de s'engager sur une pente très légèrement descendante où ils sont littéralement offerts au tir de l'ennemi. A chaque instant des hommes, frappés à mort, s'affalent et lâchent leur fusil qui tombe sur la terre sèche avec une résonance métallique. Les rangs se creusent; pour animer l'élan de ses soldats, le colonel Chaulet fait sonner la charge. Les rafales deviennent de plus en plus denses. Pendant un court instant, " les hommes se dissimulent derrière les mottes de terre ou derrière les gerbes d'avoine les sacs servent de boucliers contre les balles et les shrapnels ". Puis, ils repartent.

Pour comble d'infortune, plusieurs salves de 75, dont le tir est mal dirigé, éclatent sur le malheureux 246e et provoquent un commencement de panique. Le colonel Chaulet et ses officiers regroupent les sections, les ramènent en avant et le 246e reprend sa marche en avant, jalonnant son avance de morts et de blessés. Le lieutenant qui porte le drapeau est tué net. Un sous-lieutenant s'empare de l'étendard et crie : " En avant mes enfants, c'est pour la République ! " A pleins poumons, le clairon sonne la charge. Des hommes, des officiers tombent sans cesse; les gestes sont toujours les mêmes : touchés, les hommes trébuchent, laissent choir leur fusil puis s'effondrent lourdement. A plusieurs reprises, le drapeau change encore de mains jusqu'au moment où le dernier survivant du groupe s'écroule avec l'étendard, au milieu d'un monceau de morts et de blessés.

Presque tous les officiers sont tués. Touché pour la quatrième fois, le colonel Chaulet est tombé; il se relève. Sans vareuse, la chemise ensanglantée, il exhorte les hommes encore debout. On comprend l'obstination de ce héros ; faut-il avoir fait massacrer tant de monde sans résultat ? Mais les Français sont arrivés dans une zone où l'efficacité du feu ennemi est telle que le 246e, s'il persiste, sera totalement anéanti bien avant d'aborder cette ligne d'arbres où sont retranchés les Allemands.

La 22e compagnie du 276e régiment d'infanterie, venue en soutien, progresse à son tour dans les chaumes au milieu des corps étendus; elle trouve au passage le drapeau du 246e déchiqueté et entouré des cadavres de sa garde.

Le général de Mainbray a tenu à suivre ses soldats dans leur marche au sacrifice. Il s'est établi près d'une grosse meule d'où il s'efforce de diriger le combat; un officier est blessé à ses côtés; comme un soldat vient le secourir, une balle l'abat à son tour et une autre fracasse le poignet de l'officier. Quelques minutes plus tard, le général de Mainbray, blessé lui aussi, doit être évacué.

L'intervention de la 22e compagnie ne fera qu'aggraver les pertes. De nouveaux morts vont s'allonger, taches rouges et bleues, sur les chaumes. A 16 h 30, tout est fini. Ayant perdu tous leurs officiers et la plus grande partie de leur effectif, les restes des unités engagées se replient vers Barcy.

 

Pendant que la 55e division de réserve s'épuisait en sanglants efforts vers la crête de Varreddes, la 56e tentait de s'emparer d'Etrépilly. L'assaut échoue là aussi et, vers 17 heures, le général allemand Riemann décide d'exploiter le reflux des Français en lançant une vigoureuse contre-attaque. En rangs serrés, les Allemands progressent, refoulant notre infanterie, décimée et désunie.

Le commandant Baratier, du 25e régiment d'artillerie de campagne, qui s'est porté à cheval aux abords d'Etrépilly, voit la menace se dessiner. Il revient en " un temps de galop " vers ses pièces stationnées près de Marcilly et demande des volontaires pour une intervention à courte portée. En quelques minutes, les attelages de quatre pièces et de huit caissons repartent avec leur chef. On met en batterie à la Râperie, à moins de 800 mètres des Allemands, et l'on ouvre le feu; écrasés d'obus, les fantassins hessois s'arrêtent et refluent; la contre-attaque est brisée.

La troisième action n'a pas été plus heureuse. La brigade marocaine a effectué plusieurs assauts sur Chambry dans le courant de la matinée. Repoussée, elle a interrompu ses opérations à partir de midi.

En définitive, faute d'avoir été occupée quand il était possible de le faire, la crête de Varreddes a fait couler bien du sang. Lancer la 55e division de réserve en une attaque frontale pour en chasser les Allemands n'était sans doute pas la meilleure méthode. Sans doute, aurait-il mieux valu agir plus énergiquement depuis Chambry et se préoccuper aussi d'un meilleur appui de l'artillerie dont l'action, pour n'avoir pas été dirigée à l'échelon supérieur, s'est engagée localement avec des fortunes diverses : résultats remarquables ici, médiocres là. Il n'est pas douteux que certains généraux français n'ont pas encore opéré dans leur esprit la révision des idées dont " leur cerveau a été pétri " pendant les années qui ont précédé la guerre. Peut-être est-il excessif aussi d'attendre de cette 6e armée, hâtivement rassemblée et de façon disparate, la cohésion et l'efficacité d'une grande unité constituée de longue date.

A l'heure où le soleil disparaît derrière la crête de Monthyon, le bilan des engagements paraît de notre côté aussi décevant que celui de la veille. Nulle part, les positions allemandes n'ont été entamées si l'on excepte le repli volontaire opéré pendant la nuit par l'ennemi. Les morts de Barcy seraient-ils tombés inutilement ?

Ayant repoussé les Français, infligé de sérieuses pertes à ses adversaires et conservé l'intégrité de ses positions, von Linsingen était en droit de s'estimer satisfait. Or, il n'en est rien. A la ferme de Beauval, l'inquiétude règne à l'approche du soir parmi les officiers attachés au poste de commandement. Les assauts répétés de l'infanterie française, l'intervention des 75, ont fait une impression profonde. Si la 55e division de réserve a été éprouvée, les défenseurs de Varreddes et d'Etrépilly, pris à partie par l'artillerie, ont été malmenés eux aussi; les contre-attaques lancées contre les Français ont échoué. En définitive l'absence de sommeil, les combats incessants, les pertes subies et l'insuffisance de ravitaillement ont sapé l'énergie des soldats allemands. Si le front allemand a tenu, il est sérieusement ébranlé.

Dès 16 heures, von Linsingen enregistrait un appel du général von Trossel - chef de la IIIe division d'infanterie - qui tient la boucle de Varreddes. Une nouvelle attaque française venant de Chambry se dessine; la situation va devenir plus critique que jamais; on envisage d'abandonner la crête, mais l'arrivée d'un détachement resté en arrière réconforte les défenseurs et les incite à rester sur place. D'ailleurs, à la tombée de la nuit, l'artillerie française se tait. Quant aux assaillants entrevus vers Chambry, ils ont visiblement renoncé à poursuivre leur entreprise.

Au nord du front allemand, le moral n'est pas meilleur: Vers le soir, le repli volontaire d'un régiment déclenche une véritable panique dans les unités voisines. Le mouvement se propage de proche en proche, démontrant ainsi l'état de dépression morale des hommes du IVe corps de réserve. La nouvelle que l'ennemi a percé se transmet dans les bivouacs ! Déjà, des escadrons, des convois se mettent en route vers l'est. La vague de peur gagne vers le sud. On abandonne Etrépilly. Une escadrille d'aviation stationnée à Lizy-sur-Ourcq commence à démonter ses installations. Von Gronau, alerté, doit envoyer ses officiers pour dissiper les alarmes et rétablir l'ordre. Et la nuit descend, apportant avec elle le calme, la fraîcheur et le repos. " Epuisés, assoiffés, les combattants allemands n'aspirent qu'à manger et à dormir. "

Dans un tel climat de nervosité, on ne s'étonnera pas que von Linsingen lance, comme von Gronau l'avait fait la veille, un pressant appel au secours. Le message qu'il adresse vers 19 heures à von Kluck est catégorique : " Le IVe corps de réserve ayant fortement souffert et le IIe corps ayant en face de lui des forces supérieures, il est indispensable que le IVe corps (actif) intervienne à 5 heures du matin. "

Von Kluck reçoit le message à Charly-sur-Marne, où il s'est établi pour la nuit; sa décision est immédiate : le IVe corps d'active se mettra en route sur l'heure; il marchera vers le nord durant toute la nuit, de telle façon qu'à l'aube il puisse entrer en action sur le front de l'Ourcq. Le chef de la Ire armée allemande ne peut ignorer le risque qu'il court en retirant le IVe corps du front sud; son départ ouvrira une brèche en face des Anglais. Ces derniers ne vont-ils pas s'y précipiter ? " Aucun danger de ce côté, assure von Kluck. Ils ont été battus à plusieurs reprises et on ne les déterminera pas facilement à passer à une offensive énergique. "

 

Que se serait-il passé si les Anglais, plus agressifs, avaient serré de plus près les troupes de von Kluck ? Celui-ci eût-il tout de même ouvert la brèche ? Faut-il admettre comme Pierrefeu que la passivité britannique a favorisé, indirectement, la victoire de la Marne ? Le champ des exégèses reste ouvert.

Quoi qu'il en soit, si quelques hésitations flottaient encore dans l'esprit du chef de la Ire armée quant à l'opportunité du retrait du IVe corps, elles s'évanouiraient devant la constatation suivante : en renvoyant ses unités vers le nord, von Kluck obéit, certes, à une nécessité stratégique mais il rentre aussi dans le cadre des instructions de la Direction Suprême; la Ire armée retourne " entre Oise et Marne ", comme il lui avait été prescrit. Tout de même et malgré l'assurance dont il témoigne à l'égard des Britanniques, von Kluck juge prudent de ne pas pousser trop loin le mépris de ceux-ci ; la cavalerie va être chargée de fermer, ou plus exactement, de masquer la brèche.

Le général von Kuhl explique donc à un officier de liaison la mission qui va incomber au IIe corps de cavalerie, commandé par le général von der Marwitz. D'un geste large, il montre sur la carte la faille qui s'ouvre dans la ligne allemande du fait du départ des IIe et IVe corps. Occuper ce vide de 40 kilomètres, donner l'impression qu'on est présent partout et décidé à s'y défendre, faire en sorte que l'ennemi ne soit pas tenté de s'y engager, telle est la tâche qu'on assigne à deux divisions de cavalerie dont montures et cavaliers sont " épuisés ". De toute évidence, von der Marwitz n'y suffira pas. L'unité voisine, le Ier corps de cavalerie, commandé par le lieutenant-général baron von Richthoffen, devrait donc être associée à l'entreprise. Mais le Ier corps étant rattaché à la IIe armée, il ne peut donc recevoir d'ordres que de von Bülow. Qu'à cela ne tienne ! Von Kuhl suggère que le général von der Marwitz (IIe corps) se " concerte " avec son voisin von Richthoffen en vue d'une action conjuguée. Informé de la chose, von Bülow ne s'opposera d'ailleurs pas à cette coopération, mais aucun ordre ne viendra en concrétiser les dispositions et en fixer les modalités; aucune autorité ne prendra soin de régler l'action des cavaliers au fur et à mesure du déroulement des opérations. Faut-il voir là un souci de discrétion de von Kluck à l'égard d'une unité placée sous l'autorité de son voisin ou une négligence de son chef d'Etat-Major ? On l'ignore. Au demeurant, la mission des deux corps de cavalerie présente un tel caractère d'importance qu'elle dépasse les pouvoirs du commandement local; c'est à la Direction Suprême qu'il reviendrait de diriger une telle action. Mais les bureaux de Luxembourg ne marqueront aucune velléité de s'immiscer dans des opérations dont dépend cependant la capacité de résistance de l'aile droite allemande et l'issue même de la bataille.

 

Le général Franchet d'Esperey était arrivé à son poste de commandement à 5 heures du matin. On lui a remis immédiatement un télégramme du Grand Quartier Général, enregistré dans la nuit. Joffre, soucieux de rassurer le chef de la 5e armée, lui annonce : " La 6e armée s'engage à fond. Coopération anglaise absolument acquise. " A 6 heures, la 5e armée tout entière s'est mise en marche vers le nord. Son chef, qui veut éviter les déconvenues sanglantes de Charleroi et de Morhange, a donné des directives qui excluent les assauts téméraires. Elles prescrivent que " le gros de l'infanterie ne doit se porter en avant que lorsque l'artillerie lui a ouvert la voie par une préparation aussi complète que possible ".

A la gauche de la 5e armée, le 18e corps progresse pendant la matinée, refoulant quelques éléments d'avant-garde ennemis. Le 3e corps qui avance à sa droite, rencontre plus de difficultés. A Montceaux-lès-Provins, les combats vont prendre une intensité particulière. Les Allemands occupent solidement cette localité et n'entendent pas l'abandonner. L'action principale sera menée, du côté français, par la 6e division, que commande le général Pétain.

Quelques mois plus tôt, le colonel Pétain s'apprêtait à prendre sa retraite. Bien qu'il ait enseigné la tactique d'infanterie à l'Ecole Supérieure de Guerre, sa carrière avait été entravée par quelques manifestations d'esprit caustique et une hostilité non dissimulée à l'égard des doctrines officielles. Mais la guerre allait redonner leur place aux véritables chefs. Le colonel Pétain était devenu général de division après la bataille de Charleroi. Lucide, méthodique, il cachait, sous une apparente froideur, un souci très vif de ménager la vie de ses hommes. Pétain savait ce qu'était la puissance du feu et ses conceptions personnelles s'accordaient en tous points avec les directives que d'Esperey venait de donner. Le chef de la 6e division ne lancerait pas ses hommes, drapeau déployé et clairons sonnant, dans l'élémentaire " charge à l'arme blanche ".

Dès le matin, un avion a décollé, piloté par le maréchal des logis d'artillerie Damberville. L'appareil survole les positions ennemies, fait demi-tour et atterrit un peu avant 8 heures. Quelques minutes plus tard, Damberville se présente au poste de commandement du général Pétain et remet " un croquis indiquant l'emplacement par rapport aux routes et aux clochers des six ou sept batteries allemandes et d'une nombreuse infanterie... Le commandement de l'artillerie divisionnaire fait aussitôt établir par ses officiers, aidés des officiers d'état-major de la division, des copies du précieux carton et les adresse non seulement à ses groupes de 75 mais à un groupe de 120 en batterie à sa gauche. Sur chaque copie, la tranche de terrain affectée au destinataire avait été indiquée en prenant pour repère général le clocher de Montceaux-lès-Provins. " Une action d'artillerie puissante et bien orientée va donc précéder l'avance de l'infanterie qui ne progressera pas en ordre serré mais, au contraire, largement déployée.

Les Allemands qui occupent Montceaux-lès-Provins vont être soumis à une dure épreuve. " Le feu de l'artillerie, écrira un officier allemand (Carnet de route du capitaine Heubner, du IIIe corps d'armée allemand, cité par G. Hanotaux.), devenant de plus en plus violent, non seulement imposa silence à notre artillerie mais encore nous força à nous abriter... Le feu augmentait de plus en plus; il s'élevait jusqu'à une sauvage grandeur et nous y étions toujours exposés sans défense... Bientôt l'infanterie [française], protégée par son artillerie en force considérable, s'avança sur Montceaux-lès-Provins que nous occupions. " Constatant l'impossibilité de tenir ses positions, le commandement allemand doit se résigner à donner un ordre de repli. " Ce furent alors les plus cruels moments de cette terrible journée... Ce fut une véritable débandade jusqu'au village en arrière ", avoue l'officier allemand qui reconnaît que " les pertes furent considérables ".

Au cours de l'engagement, le général Pétain avait démontré par son exemple personnel que l'habileté et le courage ne sont nullement incompatibles. Les fantassins hésitant à franchir la crête de Saint-Bon battue par l'artillerie adverse, Pétain avait prié ses généraux de brigade de se porter en avant, mais ceux-ci n'avaient pas cru devoir déférer à cette " invitation ". C'est alors que le général Pétain s'était avancé à pied. accompagné de son escorte, en direction de Saint-Bon. " Toute la ligne d'artillerie, déclare un témoin oculaire, toutes les troupes en réserve dans les fonds, avaient vu cet homme aux cheveux blancs..., calme, résolu, atteindre la crête marmitée où les tirailleurs hésitent encore à passer... "

A la tombée de la nuit, les troupes de la 6e division entrent dans les Châtaigniers, faubourg sud de Montceaux-lès-Provins. Des unités du 18e corps, arrivant par le sud-ouest, pénètrent dans la localité même.

Pétain vient de dégager ce jour-là les règles impératives du combat offensif tel qu'il doit être mené : repérage préalable des objectifs par l'observation aérienne, action destructrice de l'artillerie et engagement habile de l'infanterie. Le soir même, le général résumera, en une formule lapidaire, la moralité de cette journée : " L'artillerie conquiert, l'infanterie occupe. " Phrase prophétique qui, bientôt, aura force de loi; prononcée quelques mois plus tôt, elle aurait été condamnée pour hérésie et manque de " cran ".

Le lendemain matin, Pétain, entrant dans Montceaux-lès-Provins, pourra constater lui-même les résultats foudroyants des tirs d'artillerie, les cadavres allemands et les batteries détruites en portent témoignage. Le général fera appeler le maréchal des logis Damberville qui a été un des artisans du succès et, sur-le-champ, le nommera sous-lieutenant.

Il est instructif de rapprocher le combat mené à Barcy par la 55e division de réserve et celui de Montceaux-lès-Provins. A Barcy, une attaque mal préparée échoue et laisse l'infanterie décimée et découragée; ici, une action dirigée de façon efficace, avec des pertes minimes, conduit au succès. Entre les deux opérations, il y a l'abîme qui sépare la méthode de la ruée élémentaire et celle qui consiste à utiliser les ressources que l'armement moderne met à la disposition d'un chef soucieux d'en tirer parti.

A la droite de la 5e armée, le 10e corps progresse de 10 km mais n'a pu enlever Esternay. Le soir venu, l'avance réalisée sera faible; cependant, un tel résultat, succédant à douze jours de retraite, est déjà très encourageant.

Depuis son bureau du lycée Victor-Duruy, Gallieni suit, avec une attention passionnée, les opérations de la 6e armée, " l'armée de Paris ". Vers 9 heures du matin, Maunoury lui a signalé que deux longues colonnes ennemies, remontant du sud, venaient d'atteindre la Marne vers Varreddes et Lizy. Gallieni accueille cette nouvelle avec un mélange de satisfaction et d'inquiétude. Certes, les Allemands exécutent un mouvement " rétrograde ", c'est donc une retraite qui s'amorce. Mais " l'armée de Paris " va se trouver dans une position précaire si von Kluck peut, sans être assailli par les Anglais, se retourner contre elle. Malgré l'échec de sa démarche précédente, le gouverneur de Paris n'hésite pas à adresser, dans la soirée, un appel pressant au maréchal French. Ayant exposé la situation de la 6e armée, il conclut : " Il est indispensable que l'action de la 6e armée ne reste pas isolée et que les Allemands ne puissent pas ramener contre elle les éléments qui se trouveront en face de l'armée anglaise. En conséquence, je prie instamment le maréchal French de bien vouloir, de son côté, porter son armée en avant conformément aux directives du général Joffre, de manière que l'offensive générale prévue aujourd'hui soit bien générale et pour qu'il y ait, entre les diverses armées, une concordance qui, seule, peut assurer un succès décisif. "

Le quartier général britannique répond le soir même. " My dear general, assure Wilson, nous avons avancé et serons ce soir sur une ligne nord-ouest-sud-est par Coulommiers... j'espère que cela sera conforme à vos désirs."

En fait, refoulant le rideau de cavalerie tendu par le général von der Marwitz, les Anglais arriveront en fin de soirée sur les rives du Grand Morin.

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