CHAPITRE IX - LA BATAILLE DES MARAIS DE SAINT-GOND ET DE LA TROUÉE DE MAILLY - (7 septembre.)

"Certainement, à la fin de la journée du 6, les états-majors allemands n'avaient pas encore une idée précise de la manoeuvre du général Joffre. Ils n'avaient pas compris qu'ils étaient en présence d'une offensive générale voulue et combinée. C'est seulement à 3 heures du matin, le 7, que l'on reçut, dans toutes les armées, une instruction du grand quartier général allemand, faisant savoir que l'ennemi avait passé, le 6 septembre, à l'offensive générale devant les Ire, IIe, IIIe et IVe armées et qu'il se préparait à poursuivre cette offensive le 7 septembre."

 

Foch et von Hausen le matin du 7 septembre.

 

"Au dire d'un témoin allemand, très bien renseigné, le général Baumgarten-Crusius, cette indication apportait, pour la première fois, la pleine lumière. Cependant, le grand quartier général allemand ne pensait pas encore qu'il y eût lieu de renoncer à la manoeuvre de rupture; tout au contraire, car cette même Instruction générale faisait savoir que la bataille décisive était ordonnée, ce jour-là, pour toutes les armées allemandes. Notamment, aux IIe et IIIe armées, il était prescrit de poursuivre l'attaque et, dans le cas où l'ennemi céderait, " ce sur quoi on comptait au commandement de la IIIe armée ", de continuer la marche en direction sud.

Il n'y avait qu'à s'exécuter. Mais l'embarras fut grand dans les états-majors. L'attaque est commencée. Dès 4 heures du matin, le commandant de la IIe armée, von Bülow, demande à von Hausen, commandant la IIIe armée, de le soutenir immédiatement par toutes les forces dont il peut disposer; car son aile droite a dû se replier devant un ennemi très fort (c'est l'attaque du 1er corps et du 10e corps français pendant la nuit), alors que son aile gauche doit, cependant, d'après les ordres, conserver une attitude offensive.

Et l'on comprend l'embarras de von Hausen, qui reçoit l'ordre formel de marcher toujours de l'avant vers le sud pour la bataille décisive, tandis que sa droite est accrochée pour garder sa liaison avec l'armée Bülow. Von Hausen n'eut pas beaucoup de temps pour réfléchir : la 2e division de la Garde et la 32e division avaient déjà requis le secours d'une demi-brigade de la 23e division de réserve, aux environs de Villeseneux. Voilà donc von Hausen tiré à droite et à gauche entre l'ordre du grand quartier général d'attaquer vers le sud et l'appel de Bülow qui le supplie de venir à l'ouest. Von Hausen s'en tire comme il peut : il masse tout ce qu'il a de troupes disponibles sur la Coole pour servir, à la fois, de soutien à Bülow et de flanc-garde à sa propre armée. Celles de ses troupes qui se sont attardées sur la route de Châlons n'arriveront, d'ailleurs, qu'à 2 heures de l'après-midi.

On n'a pas le temps de les attendre. Car les Français, venant de Lenharrée, attaquent violemment à 6 h. 30 du matin. Que restait-il à faire ? Renoncer à l'attaque vers le sud ? Mais c'était contrevenir aux ordres du grand quartier général. Von Hausen, pour obéir précisément à ces ordres, avait prescrit à sa 23e division de réserve de se porter à l'attaque vers le sud. Elle marche, mais elle est en flèche; et elle n'a plus à compter sur la protection du XIIe corps qui est, maintenant, employé à soutenir Bülow, puisque la 32e division était obligée de répondre à l'offensive française venant de Lenharrée. Von Hausen jette sa cavalerie pour faire la liaison entre sa 32e division qui se bat au nord et sa 23e division de réserve qui essaye de piquer vers le sud. Finalement, cette dernière division ne peut plus avancer. Bon gré mal gré, il faut renoncer à exécuter les ordres du grand quartier général. La 23e division de réserve en est réduite à demeurer, jusqu'au soir, dans les petits bois au nord de Sommesous, désemparée et inutile, ne trouvant même pas d'objectif pour sa propre artillerie et surtout exposée an feu terrible de l'artillerie française.

Nous pouvons rentrer, maintenant, dans le camp français et suivre la journée du 7 à l'armée Foch.

Il est de toute évidence qu'à la 9e armée on n'a pu deviner tout ce qui se passe dans le camp allemand. On a bien eu le sentiment que l'ennemi menait une offensive des plus fortes sur le front des marais de Saint-Gond. On a bien remarqué que cette offensive se portait sur les deux routes qui passent aux deux extrémités des marais, route n° 51 et route n° 77, et qu'elle essaye même de traverser les marais par la route de Bannes. Mais, on ne sait rien de plus.

Dès la soirée du 6, on avait repris, comme on dit, " du poil de la bête", puisque, après de très rudes combats, on avait ressaisi Soizy-au-Bois et Charleville. Quant au mal que ces combats ont fait à l'ennemi, jusqu'à forcer Bülow à lâcher pied sur sa droite et à implorer, pour sa gauche, le secours de von Hausen, on n'en sera averti qu'un peu plus tard. La journée du 7 va être employée surtout à consolider ces succès encore incertains.

En somme, on tient partout, sauf à Vassimont et à Haussimont que le 11e corps a perdus un instant, mais qui ont été repris le soir du 6, sur les ordres exprès du général Foch. Le poste de commandement du général Foch est toujours à Pleurs.

Nous avons vu, dans l'ordre général n° 7, qui ne parviendra qu'à la fin de l'après-midi du 7, que le général Joffre se rend compte très nettement de la situation difficile faite à la 9e armée. Il lui prescrit simplement de " tenir sur le front qu'elle occupe, jusqu'au moment où les forces réservées de la 4e armée arriveront sur sa droite et lui permettront de participer au mouvement en avant des autres armées ". On sentait que l'effort suprême des Allemands serait en ce point. Le général Foch avait une trop grande connaissance des choses de la guerre pour ne pas conclure, de cet ordre, que la manoeuvre générale de son chef réussissait et que, déjà, l'ennemi battait en retraite sur d'autres points du vaste champ de bataille, puisqu'on annonçait bientôt une reprise générale de la marche en avant. De ce sentiment, il ne tirait qu'une résolution plus farouche de tenir, selon l'expression même de l'ordre qu'il recevait.

Pour le moment, Foch se rend compte que, pour la journée qui commence, la liaison de sa droite avec la 4e armée présente une importance vitale : il place sa 9e division de cavalerie (général de l'Espée) vers Sommesous avec ordre de maintenir, à tout prix, cette liaison ; or, les éléments de la 4e armée ne se trouvent qu'à la hauteur de Meix-Tiercelin. Aussi, la 18e division (général Lefebvre) est-elle mise à Oeuvy, en appui de la cavalerie. Les gros de la 9e armée, avec la 42e division, ont ordre de profiter des succès appréciables obtenus le 6 dans la nuit pour poursuivre l'offensive. La 42e division, en liaison, d'autre part, avec le 10e corps de l'armée Franchet d'Esperey, agira au nord de Villeneuve-Charleville, tandis que le 9e et le 11e corps essaieront de déboucher, s'il est possible, au nord des marais de Saint-Gond, en direction de Vert-la-Gravelle-Pierre-Morains.

L'heure est-elle venue de prendre une telle offensive ? Nous avons dit comment l'ennemi, par la jonction des forces de von Bülow et d'une partie de celles de von Hausen, a résolu d'attaquer et de passer, coûte que coûte, sur le corps de la 9e armée.

De bonne heure, la lutte s'engage sur tout le front et, en particulier, autour de Lenharrée. Une série de combats d'un acharnement indicible irradient d'un bout à l'autre des marais de Saint-Gond, par les trois routes où l'ennemi entend se livrer passage.

A la 42e division, la solidité du " bouchon " étant assurée, on pensait qu'on n'avait qu'à exploiter le succès : un régiment de la division (15le d'infanterie, colonel Deville) devait seconder l'action de la 20e division (Rogerie) vers le nord en se portant sur la Pommerose. On tournait ainsi les Grandes-Garennes et la route n° 51 eût été dégagée. Mais les Allemands avaient commencé leur propre offensive et on trouve la Pommerose occupée. Il fallut combattre en union avec le 10e corps jusqu'à midi pour nettoyer la forêt de Gault. De ce côté, l'affaire parait alors en bonne voie. Bülow, comme nous l'avons vit, pensait lui-même, dès le 7 au matin, qu'il ne pouvait plus tenir sur sa droite.

Mais l'offensive française sur la route de Saint-Prix ne pouvait avoir de chance de se développer que si elle était appuyée à sa droite par la division marocaine. Or, de ce côté, la situation des Allemands était meilleure. Des forces considérables (Xe corps) descendaient par le signal du Poirier et le bois de Saint-Gond, vers la coulée de Montgivroux que tenait la division marocaine (général Humbert). Un combat d'artillerie d'une violence extrême éprouvait très sérieusement, nos troupes engagées dans l'étroit couloir de Saint-Prix (LE GOFFIC, p. 91.). Les pertes étaient lourdes et le ronflement puissant des " marmites " donnait au soldat une idée, d'ailleurs fausse, de la supériorité de l'artillerie allemande. Grossetti attend l'aide de la division marocaine, qui flanque sa droite, pour sortir définitivement du trou de Chapton."

 

La matinée au 9e corps. Oyes-Montgivroux-Mondement.

 

"Le général Dubois est obligé d'agir des deux côtés à la fois. Vers Saint-Prix pour ne pas laisser perdre la route n° 51; et vers Coizard, où il sent que les forces ennemies (la Garde) s'accumulent. Il s'oriente non plus vers Soizy-aux-Bois, mais vers le nord-est, sur Vert-la-Gravelle. A 5 heures, l'ennemi attaque. C'est Bülow qui prend confiance, ayant reçu les premiers renforts de von Hausen. Il sort du bois de Saint-Gond sur la division marocaine et en débouche, malgré les efforts des régiments Cros et Fellert, qui tiennent la croupe au sud d'Oyes. Maintenant, la crête de Mondement est en cause et cela veut dire le débouché de la route n° 51. Si l'ennemi réussit à gagner, par la plaine, le bois d'Allemant, le goulot est tourné, la route de Sézanne est ouverte. Tandis que le 10e corps et la 42e division en sont encore à chercher leur débouché vers le nord à l'ouest de la route, le trou va-t-il se creuser ici, c'est-à-dire à l'est de la route ? La bataille serait perdue au point exact où le massif tombe sur la plaine.

Humbert, excellent soldat, a, de cette situation, une vue véritablement géniale. Il prend le parti, à 8 heures, de déplacer son centre de gravité vers sa gauche et il prescrit au général Blondlat de tenir Mesnil-Broussy et Broussy-le-Petit avec le minimum de forces et de pousser toutes ses disponibilités sur la croupe de Mondement-Oyes, pour agir contre les troupes venant de Saint-Prix. L'artillerie du corps, installée au sud de Reuves, est renforcée par un groupe prélevé à la cote 185. Les bataillons Lachèze et Sautel arrivent et organisent le front Montgivroux-Mondement. C'est le barrage à droite de la route n° 51. Ainsi, le 9e corps fait, pour ainsi dire, un toit appuyé sur le 10e corps à sa gauche et la pente tournée vers von Hausen qui attaque venant de l'est. Tout est paré. Mais il n'est que temps.

Grossetti fait savoir qu'il est arrêté par des forces allemandes ayant débouché en grand nombre par Saint-Prix, appuyées par une artillerie considérable en position sur les hauteurs de Baye et de Villevenard. Le 15le essaye en vain de progresser vers la Villeneuve-Charleville; le 162e ne peut pas davantage déboucher de Soizy-aux-Bois. Le bois de Botrait et la partie nord du bois de Saint-Gond sont fortement occupés par l'ennemi. Des forces importantes, venant de Saint-Prix, sont signalées comme descendant de la crête du Poirier. Observons bien ce point : c'est la jonction d'où tout dépend. Dans le quadrilatère Soizy-aux-Bois-Oyes-Mondement-Chapton, la fortune de la France est assiégée. A ce moment (8 heures du matin), le général Humbert rend compte que les Allemands semblent vouloir tenter un gros effort sur les hauteurs tic Montgivroux prétendant, sans doute, couper la 42e division de la 9e armée et prendre pied sur la falaise de Champagne. Le général Dubois répond au général Humbert qu'il compte sur lui pour tenir coûte que coûte, et, en outre, pour enlever absolument Saint-Prix. Et, comme la 17e division se maintient sur la ligne Bannes-cote 154-champ de bataille, le général Dubois ordonne au 77e (colonel Lestoquoi) de se porter sur la crête d'Allemant, tandis que le 7e hussards l'appuiera par Saint-Loup, le 135e restant en réserve à la ferme Nozet.

Un échange de vues rapide se produit alors entre le général Foch et le général Dubois. Celui-ci rend compte de la situation et des dispositions prises. Foch approuve : il rappelle que la mission du 9e corps reste la même : arrêter le débouché de l'ennemi par Saint-Prix, surveiller les passages sur la ligne Lachy-Broyes-Allemant et appliquer le maximum des forces à défendre l'un ou l'autre de ces débouchés, selon qu'il est le plus menacé. C'est, comme on le voit, ce travail des lignes intérieures, toujours cher au général Foch.

Il est 10 heures. L'ennemi tire toujours beaucoup, mais il semble s'arrêter du côté de Mondement. Comme nous l'avons dit, la troupe allemande mourait de fatigue et de faim; elle profite de son avance de la matinée pour s'égailler et faire bombance : "Comme il y avait quatre jours que nous n'avions mangé, a raconté un déserteur, l'ordre avait été donné de piller les châteaux et fermes. " Ainsi fut fait à Congy, chez M. Patenôtre; à Baye, chez le baron de Baye, - où sévit la rapine de l'état-major du duc de Brunswick, gendre de Guillaume II, - et dans tous les villages de ce riche coin de France. Il y eut, sur toute la région, une terrible razzia de bouteilles. Le nom de " champagne " doublait la soif. " Le gosier allemand, écrit M. Le Goffic, se sentait capable d'absorber toute la Champagne. Ce n'était pas seulement à table que les bouchons sautaient. Au dire des témoins, les officiers allemands se faisaient suivre par des brouettes, des voitures d'enfants, pleines de bouteilles de champagne qu'ils vidaient le long de la route. "

Peut-être aussi l'artillerie demanda-t-elle quelque temps pour être mise en place. Quoi qu'il en soit, les premiers obus ne tombèrent sur le château de Mondement qu'à 9 heures. C'était, sans doute, l'assaut du quadrilatère qui commençait. Mais, les dispositions étaient prises et on était bien résolu à ne plus reculer d'une semelle et à garder Mondement.

D'ailleurs, de bonnes nouvelles arrivaient, qui permettaient de lever les voiles et de pénétrer le véritable sens de la bataille, obscur jusque-là. A 10 h. 50, en effet, le quartier général de la 9e armée faisait connaître que la IIe armée allemande était en retraite, à gauche, devant notre 5e armée; que notre 5e armée avait pris la poursuite et marchait sans obstacle vers le nord, que ses têtes de colonnes étaient déjà sur le Grand Morin, et que son mouvement se faisait en pivotant autour de la droite (10e corps d'armée), laquelle était en liaison avec la 42e division. Donc la victoire était là, toute proche. Il n'y avait qu'à tendre la main. Le temps d'arrêt dans l'offensive allemande trouvait ainsi son explication.

Pourtant, les forces ennemies, ici, s'obstinaient. On constatait partout leur présence et leurs masses. Il restait un orage dans l'air. De quel côté allait-il éclater ? Il y eut, à ce moment précis, c'est-à-dire au milieu de la journée du 7, une sorte de temps d'arrêt dans la bataille où les alternatives les plus dramatiques se heurtèrent. La victoire s'approchait d'un côté, mais elle paraissait échapper de l'autre. En face de la côte d'Allemant, la situation était stationnaire.

A midi 45, des nouvelles de l'est jetèrent un voile de tristesse sur l'heureux effet des nouvelles venues de l'ouest : un officier de liaison, envoyé du 11e corps, faisait connaître que ce corps, attaqué très violemment de Morains-le-Petit et d'Écury-le-Repos, résistait difficilement. Le danger était donc à l'est. Rien ne pouvait être plus pénible pour le général Dubois. Grossetti et Humbert s'étant accrochés, par un effort inouï, aux dernières pentes des Grandes-Garennes et assurant ainsi la liaison entre le massif et la plaine, il espérait pouvoir remonter un peu maintenant, à la faveur de la marche en avant de la 5e armée ; et voilà que, tout à coup, son flanc droit est en péril : l'armée von Hausen, qui débouche, consolide Bülow au moment où celui-ci paraissait devoir abandonner la partie.

Que s'était-il donc passé au 11e corps dans la matinée du 7 ?"

 

Recul du 11e corps autour de Morains-le-Petit.

 

"Nous avons vu que, dans la soirée du 6, le 11e corps (général Eydoux), qui devait d'abord tenir la Somme jusqu'à Sommesous, , avait appuyé vers l'ouest de façon à empêcher qu'un trou se creusât entre lui et le 9e corps.

Il avait donc passé la nuit dans la région de Morains-le-Petit-Normée. La situation était doublement périlleuse, parce que, d'une part, le corps était exposé, précisément, à la concentration des forces de Bülow et de von Hausen, et que, d'autre part, il bordait la fissure existant entre la 9e armée et la 4e armée. Si la bataille glissait vers l'est, le 11e corps avait la plus lourde tâche. C'était lui qui était particulièrement visé par l'ordre du grand quartier général allemand de foncer vers le sud.

Rien qu'à jeter les yeux sur la carte, on s'aperçoit que trois corps allemands s'efforçaient, difficilement d'ailleurs, d'unir leurs efforts contre le 11e corps et la 9e division de cavalerie. Celle-ci pouvait s'appuyer, il est vrai, sur la 60e division de réserve, qui avait envoyé deux de ses meilleurs bataillons en réserve générale à Fère-Champenoise; en plus, on lui avait fait espérer l'appui de la 18e division du 9e corps.

Le 11e corps, qui avait perdu Vassimont et Haussimont à la fin de la journée du 6, ce qui était un grand danger pour sa droite, avait repris ces deux villages sur l'ordre exprès du général Foch, dans la nuit du 6 au 7.

Mais une formidable canonnade avait pris à partie Écury-le-Repos, et, à 8 heures du matin, le combat s'engageait avec une violence extraordinaire sur tout le front et, notamment, sur Normée-Lenharrée, front occupé par la 22e division (général Pambet). Des formations précédées de mitrailleuses se jettent sur Aulnay-aux-Planches où nous n'avions qu'une compagnie du 77e et sur Morains-le-Petit, occupé par le 32e. Ces deux points sont abandonnés, de même Écury-le-Repos. C'est un moment de grande inquiétude au 11e corps. Cependant, les troupes s'arrêtent et font face sur les croupes au sud de ces deux villages. Une lutte d'artillerie intense, qui éprouve grandement les Allemands (nous le savons par leurs propres récits), s'engage autour de Morains, que le général Radiguet, commandant la 21e division, fait arroser copieusement. La 21e division consolide ce front.

La situation n'en est pas moins des plus critiques, Car les forces allemandes débouchent de partout à la fois : la Garde venant de Colligny-Pierre-Morains, la 32e division et la 23e division de réserve de von Hausen venant de Vatry-Villeseneux-Germinon. non. D'autre part, la route de Bannes à Fère-Champenoise subit une préparation d'artillerie intense et l'ennemi paraît décidé à enlever Fère-Champenoise à tout prix.

Heureusement, les troupes françaises de renfort étaient arrivée à la minute précise sur le terrain. La 18e division du 9e corps, amenée de Nancy par voie ferrée et concentrée à Oeuvy, entre en ligne à son tour. Dès le milieu de la journée, les affaires prennent une meilleure tournure ; l'offensive ennemie est arrêtée et le général Eydoux peut songer à remonter vers le nord. Le général Moussy, présent partout, monte même, pour l'après-midi, un projet d'attaque sur Aulnizeux et Aulnay-aux-Planches, au nord des marais.

Cependant, le recul de la matinée avait influé sur tout le front de la 9e armée. La 60e division de réserve (général Joppé) avait été éprouvée par la canonnade jusque dans la région de Sommesous et, très ébranlée, elle était mal en point pour soutenir un effort de l'ennemi, si, comme il était à craindre, il se portait sur la grand-route de Mailly (route n° 77).

Quant à la 9e division de cavalerie (de l'Espée), que les ordres du général Foch ont maintenue à Sommesous pour garder la liaison avec la 4e armée, elle est obligée de tenir compte de la position du 17e corps (de la 4e armée) qui est à Meix-Tiercelin. Elle n'a donc laissé que ses cyclistes à Sommesous; la brigade de cuirassiers (5e et 8e) est en réserve sur la route n° 77 un peu au sud. A 13 heures, le mouvement de l'ennemi se dessine : une forte attaque se déclenche sur Sommesous venant de Vatry. Le village est intenable sous les obus; les cyclistes l'évacuent. Le général de l'Espée intervient; il reporte ses cyclistes et lance la brigade de dragons de Seréville à l'est du village sur la route de Vitry. Il demande, en même temps, du secours à la 60e division.

On sent combien la situation devient préoccupante de ce côté pour le général Foch. Tandis que de bonnes nouvelles arrivent de l'armée britannique et de la 5e armée et que, de partout, on annonce que l'ennemi décampe, le voilà qui tombe, plus fort que jamais, sur son propre front. La 42e division s'est vue arrêtée dans son offensive, la division marocaine a été refoulée au sud des marais de Saint-Gond et on est inquiet pour la route n° 51 ; à travers les marais de Saint-Gond, la Garde s'est avancée par Bannes; le 11e corps, pressé sur sa droite, découvre Sommesous et la route n° 77.

Tout en étant persuadé que rien n'est sérieusement compromis, puisque les nouvelles, par ailleurs, restent bonnes, Foch n'entend pas que la journée s'achève pour lui sur un recul. Il donne l'ordre au 9e et au 11e corps de monter une nouvelle offensive pour l'après-midi. C'est alors, sans doute, que se précise, dans son esprit, la formule devenue légendaire : " L'ennemi nous presse, tant mieux ! C'est que les choses vont mal pour lui ailleurs. Attaquons ! ""

 

Situation de von Bülow et de von Hausen dans la journée du 7 septembre.

 

"Disons un mot de la situation des Allemands. Nous savons déjà qu'elle n'était pas si brillante. Le général Foch devinait juste; son sang-froid lui assurait la véritable maîtrise du chef.

Nous avons un renseignement très intéressant, c'est le compte rendu de l'état de la bataille fait au général von Hausen par son escadrille d'aviateurs, le 7 à midi. Trois appareils ont survolé la région occupée par les armées françaises, entre Fère-Champenoise et Vitry-le-François, sur une profondeur de 20 à 25 kilomètres. Ils ont observé un groupement en marche de Fère-Champenoise sur Lenharrée, des parcs de voitures à Oeuvy et au sud. De l'autre côté de la Seine, de Romilly à Troyes, le terrain est libre. Des renforts par chemin de fer ne sont pas en vue, mais les gares sont encombrées de matériel roulant. En outre, les aéroplanes ont reconnu, dans la région de Mailly, une division de cavalerie avec une forte artillerie et quelque infanterie, et, derrière Vitry-le-François, de nombreuses troupes, en partie au repos, en partie en marche. Ils ont remarqué une activité intense par chemin de fer sur Brienne par Vendeuvre et Troyes, les trains très rapprochés, les gares remplies de matériel roulant, des trains vides se rendant vers l'ouest.

D'après cet ensemble de renseignements, et en les rapprochant des faits qui s'étaient produits dans la matinée, le général von Hausen se dit, toujours si nous en croyons notre document (Général BAUMGARTEN-CRUSIUS, la Bataille de la Marne.) : 1° que sa droite (32e division, 2e division de la Garde, 23e division de réserve) se trouve en situation d'arrêter l'offensive ennemie (donc, on n'en était plus à chercher à rompre le front français, mais seulement à arrêter son offensive); 2° qu'une tentative de percée dirigée vers le centre de la IIIe armée n'était plus à craindre (donc, on en avait eu l'appréhension, et cela surtout en raison de la fissure qui s'était produite, le 6, entre le XIIe corps et le XIIe corps de réserve); 3° que le XIXe corps, en union avec le VIIIe corps (de l'armée du duc de Wurtemberg), pouvait se voir contraint de se battre en restant sur la défensive (par conséquent, on commençait à craindre une attaque de Langle de Cary : sans doute, on se méfiait de ces trains arrivant en lignes si denses dans les gares. Il y avait de quoi; nous savons, en effet, qu'ils amenaient notre 21e corps).

En somme, le combat apparaissait à l'état-major de la IIIe armée allemande comme " confus et compliqué ". Visiblement des réserves arrivaient aux Français et von Hausen ne pouvait plus compter que sur sa 24e division de réserve très en retard et qui partait d'Avenay-sur-Marne, à ce moment même. Quelques avantages locaux obtenus sur le 11e corps dans la matinée du 7 ne compensaient nullement la dislocation de la plupart des corps allemands. Von Hausen voyait avec appréhension son armée " dispersée sur un espace de plus de 50 kilomètres ", le XIIe corps, tiré à droite par Bülow; le XIXe corps, tiré à gauche par le duc de Wurtemberg, et, au milieu, le XIIe corps de réserve réduit à une division déjà extrêmement affaiblie, incertaine, tiraillée elle-même à droite et à gauche, tout le monde implorant du secours.

Telles les choses apparaissent au chef qui devait mener l'offensive suprême. Était-il beaucoup plus rassuré s'il considérait les deux armées qui devaient lui prêter main-forte à droite et à gauche ? A sa droite, combattait l'armée Bülow. Attaqué par Franchet d'Esperey, Bülow se trouvait en grand péril sur sa droite. Il n'avait cessé de se plaindre et de réclamer du renfort. Mais les plaintes n'arrangent pas les affaires. Avant tout, il fallait agir, c'est-à-dire prendre des décisions. Von Kluck ayant disparu à sa droite, il ne restait, pour se couvrir de ce côté, que les deux corps de cavalerie laissés en " rideau " au sud de la Marne. A 10 h. 10, à 11 h. 20, von Kluck demande à Bülow où se trouvent les IIIe et IXe corps et le corps de cavalerie Marwitz, et ajoute : " Le maintien de la coupure du Petit Morin, entre la Ferté-sous-Jouarre et Boitron, est de nécessité urgente. " Et Bülow répond tristement à 11 h. 25 : " La IIe armée est engagée dans un dur combat entre Montmirail et Fère-Champenoise. Vos IIIe et IXe corps sont en marche vers le nord. " Bülow, dont nous avons dit " la gravité des préoccupations ", pour employer sa propre expression, Bülow, complètement lâché par von Kluck qui " s'obstine " à l'ouest de l'Ourcq, sent la menace grandissante sur sa droite. Or, à l'instant où il se croit un peu plus rassuré par la constitution de son crochet défensif du Dolloir, de Fontenelle à Montmirail, von Kluck lui enlève à 5 h. 40 du soir l'élément principal de ce crochet en formation, le IXe corps.

A l'est, pour seconder la poussée de von Hausen vers le sud, Bülow doit attaquer en direction de Sézanne et de la Seine, par la route n° 51 et par les marais de Saint-Gond. Que lui restait-il donc, pour accomplir un tel effort ? - Son Xe corps de réserve, son Xe corps et le corps de la Garde. C'est donc à cela qu'est réduite cette puissante armée d'offensive ! Et Bülow désespéré télégraphie à Moltke: " Mon armée ne dispose plus que de trois corps. "

La manœuvre de von Kluck, rappelant cinq corps au nord de la Marne et sur l'Ourcq, a sauvé celui-ci du désastre dont le menaçait l'armée Maunoury; mais elle a exposé à un désastre analogue l'armée von Bülow : c'est celui-ci qui est, maintenant, pris de flanc. Comme nous l'avons dit déjà, " la bataille de l'Ourcq " est devenue " bataille de la Marne "; c'est sur la Marne et non plus sur l'Ourcq que le coup décisif sera frappé.

Et ce coup atteindra des troupes ennemies exténuées. Tous les carnets de route sont concordants. Les longues marches et les pertes dans les combats ont mis les unités dans un état d'épuisement extrême. D'un officier prisonnier, cet aveu :

 

"Mon régiment est parti avec 60 officiers : il n'en compte plus que 5. Plus de 2 000 soldats sont hors de combat. Le Xe corps et la Garde ont été particulièrement éprouvés. L'artillerie française était si bien défilée que nous ne pouvions reconnaître ses emplacements. Mon régiment n'est plus qu'un débris. Nous traversons des épreuves terribles."

 

Nous pourrions suivre également dans l'armée von Hausen cette dépression matérielle et morale qui se propage sur la troupe au fur et à mesure que la bataille se prolonge, et constater, dans la bouche des témoins et des victimes, l'effet terrifiant produit par l'artillerie française, notamment dans les bois de sapins, derrière Lenharrée.

De ce côté, l'attaque de la 32e division, en union avec la Garde, n'a pas fait de progrès; toutes les réserves sont engagées. Au centre, la 23e division de réserve a bien repoussé l'offensive française à l'ouest de Sommesous ; mais plus loin, à l'est, la 23e division est forcée, principalement par l'excellent tir de l'artillerie française, de se contenter de la ligne qu'elle avait conquise au sud de Sompuis. De violentes contre-attaques françaises étaient repoussées partout, mais toujours au prix de sacrifices sanglants.

De cet examen général, von Hausen concluait que sa situation était difficile; qu'en raison de la supériorité du feu de l'artillerie française, il ne pouvait plus être question de progresser vers le sud; mais qu'il fallait, à tout prix, fermer la " grande brèche " qui s'était ouverte au centre de sa propre armée, entre Sommesous et Sompuis. Pour cela, il était indispensable de tenir : seulement, la 24e division de réserve ne pouvait arriver, au plus tôt, qu'à la fin de la journée du 7 à Avenay-sur-Marne et avait encore, de là, 30 kilomètres à faire pour rejoindre le front de combat."

 

L'après-midi du 7 à Aulnizeux et Sommesous.

 

"En somme, si la 9e armée française souffrait, les deux armées, allemandes qui lui étaient opposées souffraient bien davantage. Le haut commandement allemand s'accrochait cependant en désespéré à cette funeste bataille des marais de Saint-Gond, alors que l'échec se dessinait déjà et que, finalement, il décidait de demander à ses troupes l'effort désespéré du 8 qui allait devenir le quitte ou double de la bataille de la Marne, c'est-à-dire de la guerre elle-même. Mais comment un grand état-major si fier, si orgueilleux, si sûr de lui, pouvait-il s'arracher de l'âme les ordres inverses de ceux auxquels il avait confié, avec tant d'assurance, le sort de son armée et qui avaient même été la raison de cette guerre ? Toutes ses responsabilités se lèvent devant lui. L'erreur ne peut se virer subitement en sagesse ; l'homme renonce plus facilement à la vie qu'à l'espoir; son ivresse ne se dissipe que quand il tombe.

Foch voit clair dans son jeu et dans celui de ses adversaires. Avec un sens parfait de la mesure, il avait dit à ses soldats dans sa proclamation du 7 au matin : " Le général compte que toutes les troupes de la 9e armée développeront la plus grande énergie et la plus grande activité pour élargir et maintenir, d'une manière indiscutable, les résultats obtenus sur un adversaire profondément éprouvé et audacieux. " Ces derniers mots comportent une si juste appréciation de l'état de l'ennemi, qu'on peut les dire divinatoires.

Midi passé, ils s'appliquent plus que jamais : l'ennemi est toujours audacieux, mais il est de plus en plus éprouvé.

Cependant, il montre une telle rage d'offensive, il a un tel besoin de vaincre que quelque chose se passe certainement. L'heure critique, l'heure de " l'événement " s'approche. Foch le, sent, et, en chef clairvoyant et résolu, ayant appelé Langle de Cary à la rescousse, il donne l'ordre suprême : attaquer !

L'ordre est donné. Or, au moment où il entre en voie d'exécution, 13 h. 30, un télégramme officiel annonce que le 10e corps (de l'armée Franchet d'Esperey) n'a plus d'ennemi devant lui, que les Allemands sont en retraite sur Montmirail et que le 10e corps va pouvoir coopérer à l'attaque de la 9e armée en appuyant la 42e division. Cette nouvelle est communiquée aux troupes et répand partout la confiance.

La 42e division, aidée du 10e corps, a repris, vers 13 heures, Villeneuve-Charleville : mais sous les rafales de l'artillerie allemande, elle a dû abandonner encore Soizy-aux-Bois et se replier sur la cote de Montgivroux et la ferme Chapton. Elle demande l'aide de la division marocaine, qui l'appuie avec deux batteries en position près du bois d'Allemant.

Le général Humbert reçoit l'ordre de lier une nouvelle attaque à celle que l'infatigable Grossetti va renouveler sur Soizy et Saint-Prix. La division marocaine prendra pour objectif Saint-Prix par l'est du bois de Saint-Gond et de Botrait et le 77e participera à l'offensive.

L'ennemi s'est retranché sur une position extrêmement forte, au point précis où les marais s'achèvent et où le massif commence : talus de Saint-Prix-signal du Poirier-nord du bois de Saint-Gond-Oyes. Un ouvrage disposé pour mitrailleuses flanque ses lignes. Son artillerie canonne sans arrêt le front Mondement-Montgivroux-Reuves où se rassemble la division marocaine. Les trois villages sont en flammes.

A 17 heures, l'attaque est exécutée par le régiment Cros, en liaison avec la 42e division. Elle se déclenche parfaitement de Montgivroux, grimpe la côte et progresse vers Soizy-bois de l'Homme- Libre-ouest du bois de Saint-Gond, c'est-à-dire aux approches de la route n° 51. Mais on se heurte à de puissants barrages d'artillerie et de mitrailleuses, qui prouvent que l'ennemi est réduit à la défensive. A 18 heures, le régiment Lestoquoi arrive à Montgivroux, et Humbert, sentant que l'ennemi fléchit, monte immédiatement une attaque avec ce renfort et ses deux régiments Fellert et Cros, pourtant si éprouvés.

Mais la nuit arrive. Un orage vient d'éclater. Il est plus sage de donner du repos aux troupes et de remettre l'attaque au lendemain.

A droite, l'autre division du 9e corps, la 17e (général Moussy), a projeté de dégager la situation par une attaque contre la Garde, qui essaye de progresser par la route de Bannes. En la prenant vers Aulnizeux et Aulnay-aux-Planches, on la ramènera au nord des marais de Saint-Gond et la crise du 11e corps sera en partie conjurée, L'offensive est préparée par un groupe d'artillerie et exécutée par le 90e. Elle est lancée a 16 h. 30. L'ennemi, pris de flanc, est culbuté ; il évacue Aulnizeux qui est immédiatement occupé. Ce beau fait d'armes (commandant Jette) dégage la gauche du 11e corps (21e division) et arrête net l'offensive allemande de ce côté. L'ennemi, comme à la route n° 51, enterre son infanterie et déclenche une violente canonnade sur tout le front de la 17e division qui se maintient fermement.

La journée, qui avait été d'une chaleur torride, s'achevait par un violent orage. Des nuages noirs obscurcissaient le ciel. Bientôt la foudre accompagne le grondement du canon ; les éclairs se mêlent aux éclatements. La boue crayeuse de Champagne se collait aux pieds du soldat et entravait les mouvements. On s'arrêta.

La 17e division avait gagné le front Broussy-le-Grand-Bannes-la Petite-Ferme, en liaison à gauche, à Broussy-le-Petit, avec la division marocaine et à droite à la Petite-Ferme avec le 11e corps qui tient les bois de Morains-le-Petit. Une canonnade violente répondait à la canonnade allemande et souvent la dominait. Les troupes bivouaquent sur le terrain repris, avec ordre de poursuivre l'ennemi s'il fait mine de se dérober. Mais celui-ci, comme nous le savons par les carnets de route allemands, est affalé dans ses tranchées.

Cet échec était particulièrement sensible (comme nous allons le voir) à Bülow et à von Hausen. La Garde avait perdu Bannes et Aulnizeux; elle était refoulée au nord des marais de Saint-Gond. Donc, la manœuvre allemande commençait à se disloquer, même vers l'est, c'est-à-dire du côté où s'accrochait son suprême espoir.

Le point noir, pour Foch, restait toujours du côté du 11e corps, vers la trouée de Mailly. Il lui avait donné comme appui la 18e division : celle-ci, débouchant d'Euvy, devait se porter sur le moulin de Connantray pour faire face à toute attaque descendant d'Écury-le-Repos. En même temps, on devait attaquer en liaison avec le 9e corps sur la route Fère-Champenoise-Bannes. Mais le terrain est sous le feu de l'artillerie lourde allemande et l'on renonce à cette offensive. C'est l'ennemi, au contraire, qui attaque et, ici, il s'agit des troupes de von Hausen se déployant vers Sommesous, assez mollement d'ailleurs. En fin de journée, le 11e corps a légèrement avancé. On a repris, encore une fois, Vassimont, qui, abandonné par la 60e division de réserve, avait été réoccupé par l'ennemi. La 60e division a prêté à la division de cavalerie deux bataillons et demi qui aident le général de l'Espée à se maintenir sur la route de Vitry.

La 52e division de réserve est restée à l'ouest de la voie ferrée Connantre-Fère-Champenoise. Quant à la 9e division de cavalerie, elle a continué à rendre de précieux services. Tandis que von Hausen attaquait sur Sommesous, une contre-attaque du général de l'Espée, menée par les cyclistes, les deux bataillons de la 60e division de réserve, la brigade Séreville et l'artillerie le surprend sur son flanc. Cette heureuse offensive reprend une partie du village de Sommesous. L'orage et la nuit arrêtent le mouvement.

Mais les deux bataillons et les cyclistes restent dans Sommesous. Des tranchées sont hâtivement creusées à la sortie du village. Au moment où l'ennemi attachait une telle importance à sa marche par la route 77, le verrou tiré sur Sommesous en avant du camp de Mailly n'était pas chose sans importance.

En somme, Foch avait lieu d'être satisfait. Les échecs de la matinée étaient en partie réparés. L'ennemi n'avait plus progressé nulle part ; il avait fléchi au nord de Bannes. Le 11e corps paraissait toujours dans une position critique ; mais, même à la route 77, défendue par une simple division de cavalerie, l'ennemi n'avait pas dépassé Sommesous. On pouvait compter maintenant, comme venait de l'annoncer le général Joffre dans son ordre général de 15 h. 45, sur la prochaine intervention des renforts et sur les heureux événements qui se préparaient à la 5e armée.

Le général Foch eût été bien plus satisfait encore, s'il eût au comment on appréciait les résultats de cette journée dans le camp allemand."

 

 

Conclusions sur la bataille du 7 dans le camp allemand. On décide l'assaut à fond pour le 8.

 

"Dans le camp allemand, on n'était pas satisfait de la journée du 7 mais on n'avait pas encore perdu sinon l'espoir, du moins la volonté de vaincre. Sur l'Ourcq, von Kluck avait paré à la menace d'enveloppement ; peut-être pourrait-il dégager tout à fait ce que nous avons appelé la tête de l'animal. La poitrine, il est vrai, était dangereusement exposée aux coups de French et de Franchet d'Esperey; de ce côté, l'animal perdait le souffle et n'était pas loin de perdre pied. Mais, dans la mesure du possible, Bülow s'était fait une muraille vivante couvrant son flanc de Montmirail à Chézy-sur-Marne, vers lequel progressaient avec une sorte d'hésitation et de lenteur la 5e armée et surtout l'armée britannique. Bülow avait devant lui un jour, peut-être deux, pour tirer parti des avantages de la marche à mort vers le sud et pour rompre le front de Joffre avant que le front allemand ne fût rompu. C'était un temps à saisir et peut-être un de ces risques à exploiter que la fortune des armes accorde, presque toujours, aux chefs persistants et valeureux. Mais le Xe corps et la Garde, à eux seuls et dans l'état où ils étaient, ne pouvaient plus enlever la victoire : tout dépendait, par conséquent, du parti que prendrait von Hausen

Les yeux sont tournés vers von Hausen Avec ses deux corps et demi, déjà si éprouvés, il tient en ses mains l'issue de la bataille et, peut-être, le sort de l'Allemagne. Ce Saxon est le " maître de l'heure ". On le rendra, par la suite, assez responsable, pour que l'on ne puisse exagérer ses responsabilités.

Or, nous savons ce qu'il pense, le 7 au soir. A ses yeux, la bataille s'équilibrait. C'était donc l'heure de produire l'événement.

 

" D'après cela, - et il faut citer ici le document même émanant de l'état-major de von Hausen, - d'après cela, il parut au Oberkommando de la IIIe armée qu'une attaque énergique venant du front allemand était le seul moyen d'éclaircir les obscurités de la situation, de s'éclairer sur les intentions de l'ennemi, de percer sa situation là où elle semblait faible et de parer de cette manière à l'attaque puissante des Français contre l'aile droite des armées allemandes. Mais il n'y avait pas une minute à perdre : ceci résultait non seulement de la situation périlleuse où se trouvaient la Ire et la IIe armée, mais aussi du fait que la IIIe armée était à proximité de l'ennemi, et, pour ainsi dire, enlacée avec lui. Le général baron von Hausen résolut donc de prendre cette initiative.

Mais l'expérience des deux journées du 6 et du 7 l'avait éclairé : ce qu'il y avait de plus dangereux, c'était l'effet de l'artillerie ennemie ; il s'agissait de trouver un moyen, en marchant à l'attaque, de soustraire, autant que possible, l'infanterie aux effets de l'artillerie française. Dans ces conditions, n'était-il pas logique de commencer l'offensive sur l'ennemi si rapproché, dès la pointe du jour, par l'attaque à la baïonnette avant qu'un coup de canon ait été tiré et de courir sus aux batteries ennemies ? "

 

Résolution farouche et, comme nous allons le voir, presque désespérée. On supposait l'ennemi sans vigilance et les troupes allemandes en état de produire une course à mort de plusieurs kilomètres.

Von Hausen demanda donc à Bülow la coopération de la 2e division de la Garde, au duc de Wurtemberg la coopération de son VIIIe corps ; et le 7 septembre, à 6 heures du soir, il publia l'ordre d'armée pour le 8 septembre. " Celui-ci ordonnait la continuation de l'attaque sur tout le front de l'armée. Pour obvier, autant que possible, à l'effet de l'artillerie ennemie, on attaquerait au point du jour et à la baïonnette jusqu'à ce que l'on atteignit l'artillerie ennemie. "

La 2e division de la Garde et la 32e division furent placées sous le commandement du général d'artillerie von Kirchbach, commandant le XIIe corps de réserve. " La Somme devait être franchie à 4 h. 30 du matin par le groupe de droite ainsi constitué ; et la ligne de chemin de fer entre Sompuis et Vitry-le-François devait être franchie à 5 heures du matin par le groupe de gauche commandé par le général d'infanterie von Elsa. " Von Hausen, ayant fait appel à l'armée du duc de Wurtemberg, la liaison se faisait donc, par la nécessité des choses, entre les deux batailles : celle de l'ouest et celle de l'est. Il en était exactement de même dans le camp français, où l'armée de Langle de Cary, comme celle du duc de Wurtemberg, remplissait son rôle de soudure. La bataille se prolongeait à l'est. Il faut la suivre."

 

Le duc de Wurtemberg appuie von Hausen autour de Vitry-le-François. La bataille de Courdemanges-Huiron, le 7.

 

"Observons, d'abord que les deux armées n'étaient pas exactement orientées l'une contre l'autre. Celle du duc de Wurtemberg faisait face au sud, mais orientée vers l'est, tandis que Langle de Cary faisait face au nord, mais plutôt orientée vers l'ouest.

De Langle de Cary avait reçu, en effet, outre les instructions générales du haut commandement, une instruction spéciale, datée du 6 septembre, ainsi conçue : " Le 21e corps est mis à la disposition de la 4e armée. Il sera, le 7, dans la région de Vassy. La 4e armée doit avoir des réserves à sa gauche pour protéger la droite de la 9e armée et contre-attaquer les forces qui menaceraient cette droite. "

C'était tout le rôle de la 4e armée tracé en deux lignes selon la manière sobre du général Joffre. Cette prescription impérative allait être précisée encore, le 7 septembre après midi, dans l'ordre général n° 7 : " La 9e armée s'efforcera de tenir sur le front qu'elle occupe jusqu'au moment où l'arrivée des forces réservées de la 4e armée sur sa droite lui permettra de participer au mouvement en avant. "

Par contre, l'armée du due de Wurtemberg avait reçu du grand état-major, le 5 septembre, les ordres résultant du nouveau plan allemand. Ces ordres, communs à la 4e armée (duc de Wurtemberg) et à la 5e armée (kronprinz), étaient ainsi conçus : " Les IVe et Ve armées, par une progression inébranlable (unentwegtes), doivent ouvrir aux VIe et VIIe armées le chemin sur la Haute-Moselle. Droite de la IVe armée, en direction de Vitry; droite de la Ve armée, Revigny. Le IVe corps de cavalerie éclaire le front des VIe et Ve armées. " En somme, le corps de droite, le VIIIe, devait peser sur la région de Vitry et, par contrecoup, sur la trouée de Mailly.

Nous avons vu le combat s'engager dans la journée du 6 et le VIIIe corps allemand comme le 17e corps français entraînés l'un contre l'autre vers l'ouest. Pour le 7 au matin, les ordres donnés par le général de Langle de Cary sont les suivants : conformément aux ordres du grand quartier général, tenir coûte que coûte et, pour cela, organiser le terrain partout où il sera impossible de prendre l'offensive; au contraire, si l'offensive présente des chances de succès, marcher à l'ennemi.

Au 17e corps (général J.-B. Dumas), la nuit du 6 au 7 s'est passée sans incidents, les troupes occupant les positions de la veille autour des fermes de Perthes, la " grande " et la " petite ". Dès 5 heures du matin, le 7, von Hausen a donné l'ordre à son XIXe corps (von Laffert) de se porter en avant : le VIIIe corps de l'armée du duc de Wurtemberg suit le mouvement. Il s'agit, pour l'armée allemande, d'enlever la voie ferrée de Courdemanges à Blesmes et, finalement, si possible, le canal de Vitry-le-François à Saint-Dizier. Les troupes d'avant-garde du XIXe corps saxon, 104e régiment d'infanterie et 32e régiment d'artillerie, ont subi, la veille, de lourdes pertes à Maisons-de-Champagne. Cependant, elles avancent au sud de Vitry-le-François pour couvrir le flanc ouest du VIIIe corps qui est chargé de la principale attaque sur la rive droite de la Marne.

A 5 heures du matin, une fusillade intense éclate sur le front des deux divisions du 17e corps français, la 34e (Alby) à gauche et la 33e (Guillaumat) à droite. On retire au 17e corps un régiment que l'armée Foch lui avait prêté la veille. Par contre, le général Dumas reçoit l'avis que la 24e division (du 12e corps) arrivera de la région de Corbeil-Saint-Ouen vers midi et qu'un régiment d'artillerie et huit batteries du 21e corps (venant de l'armée Dubail) arriveront à Margerie-Hancourt, c'est-à-dire sur la voie ferrée de Vitry à Brienne, à partir de midi. C'est la manœuvre de Joffre par les lignes intérieures qui commence. Le général de Langle de Cary, dont le poste de commandement est à Chavanges, veille lui-même à la mise en marche de ces renforts; il prend ses dispositions pour utiliser au mieux ces nouvelles troupes : le 21e corps, devant arriver dans la soirée du 7, formera, avec la 23e division, empruntée au 12e corps, un détachement d'aile qui devra tenter, dans la journée du 8, une action débordante sur la droite ennemie, du côté de Sompuis.

Il s'agit de tenir jusque-là. La 34e division (Alby) doit se porter autour de la ferme Saint-Ouen (cote 142-152) où elle sera appuyée par les batteries du 21e corps, de façon à empêcher tout débordement de l'ennemi de ce côté, N'oublions pas que c'est l'heure particulièrement critique où le 11e corps fléchit à l'armée Foch. Mais les feux combinés des batteries de la division de cavalerie de l'Espée, des divisions de réserve, du 17e corps et, enfin, des formations d'artillerie qui entrent en ligne produisent bientôt leur effet. L'offensive allemande est brisée.

Elle manquait, d'ailleurs, d'élan et d'entrain, si nous en croyons les carnets de route et, notamment, celui du général von Luydewitz commandant la 88e brigade du XIXe corps. On ne tarda pas à s'apercevoir, dans le camp français, du recul de cette troupe médiocre. A 12 h. 30, le colonel Breton, commandant le détachement d'extrême gauche qui menaçait le flanc de l'ennemi à la ferme Tilla, faisait savoir que celui-ci paraissait se replier et que le 9e chasseurs se préparait à le poursuivre. A 14 h. 30, le général Guillaumat rend compte également que l'ennemi a comme une tendance à se replier à gauche, mais qu'il semble vouloir concentrer son effort vers la cote 208, c'est-à-dire aux abords de la ferme Perthes. A 16 heures, plus de doute, l'ennemi se replie devant le corps d'armée et surtout à notre gauche.

Le général, qui a transporté son quartier général aux Grandes-Perthes, demande à l'armée l'autorisation de poursuivre. Or, au même moment, arrive l'ordre d'offensive pour le lendemain 8, avec l'appui combiné du 21e corps qui débarque. Il faut donc occuper les positions devenues libres et, si possible, les améliorer en vue de l'offensive du lendemain. On se portera en avant, dès le 7 au soir, mais sans dépasser la voie ferrée de plus de deux kilomètres. Tous les préparatifs sont faits pour la nuit et les avant-gardes sont jetées en avant sur la voie ferrée et au delà.

Les ordres pour l'offensive du lendemain, qui doit se déclencher à la première heure, sont les suivants :

 

" Les Grandes-Perthes, 21 heures. - Il importe de ne pas perdre le contact avec l'ennemi qui parait en train de battre en retraite, sans que l'on en soit encore tout à fait sûr. En tout cas, il ne faut pas lui permettre de se dérober à notre action pour faire sentir la sienne sur un autre terrain.

En conséquence, la brigade Hélo dirigera suivant la direction générale : cote 135, cense de Blacy, c'est-à-dire directement au nord (étoile polaire), une reconnaissance d'un bataillon qui cherchera à occuper les points d'appui successifs en attaquant au besoin l'ennemi, mais seulement à la baïonnette. Si ce bataillon ne rencontre pas de résistance, il continuera à pousser de l'avant. Un deuxième bataillon le remplacera successivement et, s'il est nécessaire, un autre bataillon suivra. On cherchera ainsi à aborder la voie ferrée qui va de Vitry-le-François à Sézanne ... Les mêmes opérations s'effectueront dans les secteurs de la 34e division et simultanément au 12e corps. "

 

Le tout est réglé pour une action commune avec le chef de bataillon Bey, du 11e régiment, qui est resté en observation à l'ouest de Château-Beauchamps.

Reportons-nous, par la pensée, dans le camp allemand. Est-ce que le sort de son XIXe corps, reculant au lieu d'avancer, comme reculent la Garde et le XIIe corps, n'explique pas la résolution désespérée prise par von Hausen d'attaquer à la baïonnette cette terrible artillerie française qui brise les nerfs, au physique et au moral, de ses régiments. Il en est de même au VIIIe corps de l'armée du duc de Wurtemberg, dont la 16e division devait marcher sur Vitry-le-François et Blacy, tandis que la 15e division, faisant le grand tour, descendait par Marolles-Luxémont pour se rendre maîtresse des passages de la Marne à Frignicourt et Bignicourt. En fait, les troupes allemandes ne purent que s'accrocher désespérément aux collines sud de Domprémy et de Brusson... Il s'en faut qu'on ait comblé les 80 kilomètres qui séparent la Marne et l'Ornain de la trouée de Neufchâteau !

 

 

Nous dirons maintenant quelques mots des engagements du 12e corps français (général Roques), appartenant à l'armée de Langle de Cary, en tant qu'ils intéressent la liaison des deux armées françaises aux abords de la Marne. Car, quoique les deux manœuvres allemandes, celle de l'ouest et celle de l'est, soient distinctes, elles retentissent cependant l'une sur l'autre.

L'ordre donné au 12e corps était de maintenir ses positions coûte que coûte et de marcher de l'avant, si possible, vers la voie ferrée. Les gros du 12e corps, laissant une division à Margerie-Hancourt en réserve d'armée, devaient donc s'employer à maintenir l'ennemi tandis que l'on montait la manœuvre de flanc qui devait surprendre l'armée von Hausen. La 23e division (moins le 107e engagé vers Courdemanges et remplacé par le 50e) devait se tenir autour de Margerie-Hancourt, pour former, comme nous l'avons dit, une masse de manœuvre avec le 21e corps. Les 306e et 326e régiments à Pars-les-Chavanges et à Labraux, la 48e brigade à Bussy-aux-Bois à la disposition du général Descoings, chargé de prendre le commandement de la manœuvre.

Comme nous l'avons dit, l'ennemi franchit la voie ferrée; il s'empare de Huiron à 6 h. 40 du matin. Mais il est arrêté par notre artillerie lourde qui, de la cote 210, bat Huiron et Glannes. Alors s'engage, dans la plaine, au-devant des Petites-Perthes, un combat très violent, avec alternatives d'avance et de recul. A 9 heures, le 108e, de Bergerac, est sur les croupes au nord de Châtel-Raould, vivement bombardé par l'artillerie lourde allemande. Nous progressons. Le 107e a un bataillon au nord du village, un au sud et le troisième au Château-Beaucamps. A 11 heures, nous occupons Courdemanges, c'est-à-dire la ligne du chemin de fer. L'ennemi est en échec à Huiron, terriblement bombardé. De ce côté aussi, l'effet de notre artillerie se fait sentir. Au cours de l'après-midi, on apprend qu'un mouvement de retraite paraît se dessiner chez l'ennemi de Courdemanges vers Blacy, et, d'autre part, vers Frignicourt : c'est la 15e division du VIIIe corps allemand qui recule et qui, ayant le dessous dans la région de Vitry-le-François, rentre sur ses positions.

A 14 h. 30, le général Descoings signale, comme le 17e corps, que la situation est bonne. Les combats très vifs qui se sont engagés à Courdemanges (108e) tournent à notre avantage. Mais nos pertes sont cruelles (Le 108e était encore à Courdemanges le 11 septembre, ayant perdu son colonel, 52 officiers, 2 220 hommes. Mais il n'avait pas rompu d'une semelle.). En fin de journée, le général Descoings fixe ses stationnements à Saint-Chéron, Gigny-aux-Bois, les Rivières-Henruel, les avant-gardes tenant la ligne ferme du Cul-de-Sac et ruisseau au nord de Courdemanges.

Rentrons encore dans le camp allemand. Ici, c'est le mouvement de la droite du duc de Wurtemberg qui, à peine déclenché, se trouve brusquement arrêté. L'effet produit sur les nouveaux arrivants est le même que celui que nous avons constaté à l'état-major de von Hausen : surprise, déception, et, par choc en retour, résolution désespérée. Le général von Tschepe und Weidenbach ne peut admettre qu'il puisse être battu. L'orgueil et l'aveuglement lui dictent à peu près la même conduite qu'à son voisin de droite et c'est alors que, rentré le soir à son quartier général, il y rédige le fameux ordre du jour trouvé, à quelques jours de là, dans ses fourgons et qui a révélé, pour la première fois, à l'opinion, le prix que l'Allemagne attachait à son effort sur la Marne et la grandeur de la défaite qui lui était infligée : " Le but poursuivi par nos marches longues et pénibles est atteint. Les principales forces françaises ont dû accepter le combat après s'être continuellement repliées. Incontestablement, la grande décision est proche. Demain, donc, la totalité des forces de l'armée allemande devra être engagée sur toute la ligne allant de Paris à Verdun.

" Pour sauver le bien-être et l'honneur de l'Allemagne, j'attends de chaque officier et soldat, malgré les combats durs et héroïques de ces derniers jours, qu'il accomplisse son devoir entièrement et jusqu'à son dernier souffle. Tout dépend du résultat de la journée de demain. "

On a prétendu contester, du côté allemand, l'importance de cet ordre du jour. Mais il révèle la grandeur du dessein et l'âpreté des résolutions, en même temps que le moral ébranlé et le matériel compromis. Rapproché de la décision de von Hausen (les deux actes sont simultanés), il montre que les états-majors allemands sont penchés sur la catastrophe imminente. Ils la voient, ils en ont déjà le vertige; mais ils ne peuvent y croire encore. C'est la troupe qui, avec son sang, comblera l'abîme qu'a creusé leur impéritie.

La journée du 7 a mis la grande armée allemande " engagée de Paris à Verdun " en présence d'une crise. On approche de " l'événement qui décidera du sort de la guerre ". Tous les chefs le savent. Celui-ci l'écrit: " Tout dépend du résultat de la journée de demain. ""

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