CHAPITRE V - MONTCEAUX-LES-PROVINS, ESTERNAY ET SÉZANNE - (6 septembre)

"Dans une disposition angulaire à l'égard de la 6e armée et de l'armée britannique, la 5e armée française se trouvait en face de la jonction des deux manœuvres allemandes, la manœuvre de von Kluck et la manœuvre de von Bülow.

Tenons compte de ce fait que le haut commandement des troupes alliées n'était nullement renseigné, comme nous le sommes aujourd'hui, sur la divergence de vues régnant dans le camp allemand et ne pouvait supposer l'incohérence invraisemblable qui présidait aux opérations de la Ire et de la IIe armée. La surprise était à l'inverse de ce qu'elle est d'ordinaire : elle résultait, cette fois, de l'impéritie de l'ennemi, tandis qu'elle est, d'ordinaire, le fruit de ses réflexions et de son savoir-faire. Comment eût-on supposé que von Kluck, en attaquant sur Provins, n'était pas d'accord avec ses chefs pour suivre la manœuvre de rupture ? Comment eût-on supposé que von Bülow et von Hausen, en attaquant sur Fère-Champenoise et Mailly, avaient un autre objectif que de réaliser une opération connexe à la manœuvre d'enveloppement, tentée si visiblement par von Kluck ? Heureusement, le champ de bataille lui-même va éclairer nos chefs : ils sont les disciples dociles de la réalité !

Pour la date du 6 septembre, la direction de l'offensive combinée de l'armée anglaise et de la 5e armée était Montmirail, tandis que celle de la 6e armée était Château-Thierry. Une fois l'accord ainsi précisé, le général Joffre avait donné ses ordres pour l'offensive le 6 au matin."

 

Franchet d'Esperey et l'offensive de la 5e armée, le 6.

 

"La 5e armée, dont le Q.G. était à Romilly-sur-Seine, avait reçu ses ordres particuliers : " La 5e armée, resserrant légèrement sa gauche, s'établira sur le front général Courtacon- Esternay-Sézanne, prête à attaquer en direction générale sud-nord. Le corps de cavalerie Conneau assure la liaison entre la 5e armée et l'armée anglaise. "

D'autre part, la 9e armée (Foch) devait couvrir la droite de la 5e armée en tenant les débouchés sud des marais de Saint-Gond et en portant une partie de ses forces sur le plateau au nord de Sézanne.

Voici donc l'offensive de gauche solidement conjuguée : mais observez que cette offensive, en se resserrant, tourne légèrement la face vers l'ouest, c'est-à-dire qu'elle se porte au siège du massif de Seine-et-Marne. Elle aide ainsi à assaillir l'armée von Kluck et elle vise particulièrement l'articulation très mal réglée, d'ailleurs, de la manœuvre de von Kluck et de celle de von Bülow; elle tombe, un peu sans le savoir, sur la partie faible du front ennemi; mais, par contre, elle est directement menacée par la manœuvre allemande qui cherche à briser le front français en direction de Montmirail et de Sézanne.

On pourrait presque conclure logiquement que la victoire française doit être gagnée à la jonction des deux armées Franchet d'Esperey et Foch, à moins que la bataille ne soit perdue auparavant à la jonction des deux armées Foch et Langle de Cary. Mais, d'ores et déjà, la manœuvre française a l'avantage de l'ordre et de la clarté. Tout va dépendre, maintenant, de l'exécution.

La 5e armée, installée à la défense du coude de Romilly-sur-Seine, partira donc le 6 septembre au matin de ses positions de base ; Sézanne, Villiers-Saint-Georges, Courchamp. Elle se portera à l'attaque, échelonnée la droite en avant, dans la direction générale de Montmirail, soutenue à droite par la 9e armée. A 18 h. 30, le général Franchet d'Esperey règle son dispositif d'attaque :

Le 18e corps progressera la droite à la route Villiers-Saint-Georges-Baleine-le Vézier, et marchera en direction générale Sancy-Meilleray, Montolivet.

Le groupe des divisions de réserve suivra en deuxième ligne, entre les 18e et 3e corps, appuyant sa gauche à la route VilliersSaint-Georges-Baleine, prêt à s'employer à l'appui des corps voisins.

Le 3e corps marchera en direction générale : Courgivaux-Tréfols-Marchais-en-Brie; une division suivra en deuxième ligne en réserve d'armée, en arrière, à droite du 3e corps.

Le 1er corps attaquera en direction générale : les Essarts-leVicomte-Esternay-Champguyon-Montmirail.

Le 10e corps, en direction générale : Moeurs-Soigny-Vauchamps, se reliant sur la route Lachy-Charleville, à la 42e division; mouvement par deux divisions accolées, la division de droite en échelon en avant, la 5le division de réserve suivant au début, en arrière, à droite.

Le mouvement offensif commencera pour tous les corps d'armée et pour le corps de cavalerie à 6 heures, pour le groupe des divisions de réserve à 7 heures. Si l'ennemi attaque en forces plus tôt, on résistera, avec la dernière énergie, sur place, c'est-à-dire sur les positions retranchées, actuellement occupées par les têtes des gros et on passera à l'attaque à l'heure indiquée.

L'attaque sera appuyée, à gauche, par le corps de cavalerie qui agira constamment en liaison intime avec le 18e corps et qui coopérera effectivement au combat; à droite, par la 9e armée, dont la division de gauche (42e) a, dès aujourd'hui, une forte avant-garde à la Villeneuve-lès-Charleville et qui est disposée pour agir le lendemain sur Vauchamps, et dont le 9e corps est prêt à agir sur Baye.

Les corps d'aile devront se tenir constamment en liaison avec l'armée anglaise dont la cavalerie sera le 6, à 8 heures, vers Jouy-le-Châtel et, d'autre part, avec la 9e armée.

Le général Franchet d'Esperey termine ces instructions, qui sont un modèle de précision et de netteté, en faisant appel à l'autorité de la discipline et au moral de l'officier et du soldat :

Il importe que chaque soldat sache, avant la bataille, que l'honneur de la France et le salut de la patrie dépendent de l'énergie qu'il va apporter dam le combat de demain.

Le pays compte que chacun fera son devoir. Les faiblesses seront punies immédiatement par les rigueurs de la loi martiale; les actes de courage et d'énergie seront signalés sans délai, de façon à pouvoir être récompensés sur place.

La 5e armée ne sait pas encore que les résultats de l'offensive française du 5 après-midi, sur l'Ourcq, ont d'ores et déjà allégé sa tâche et que von Kluck a commencé à se " décrocher ". En gros, il y a, le 6 au matin, une grande angoisse au camp allemand, et il y a, au camp français, un magnifique entrain."

 

 

Le corps de cavalerie en liaison avec l'armée britannique

 

Le corps de cavalerie. - A gauche, la liaison avec l'armée anglaise fixe le corps de cavalerie Conneau dans la région de Pécy-Chenoise. La progression de la journée est très modeste.

 

Le 18e corps et le 3e corps à Montceaux-lès-Provins, le 6.

 

Le 18e corps a devant lui le IVe corps allemand, mais qui va remonter derrière la Marne et le IIIe qui devait se retirer vers La-Ferté-Gaucher mais sera retenu par la bataille et pour soutenir son voisin le IXe corps. Les Allemands sont surpris par l'attaque française.

 

"Ainsi le IIIe corps était fortement engagé. Von Kluck écrit : " Le IIIe corps était déjà prêt à la marche de départ (en arrière) ordonnée (le 5 à 11 heures du soir), mais eu égard à la forte artillerie apparaissant en face et aussi aux instances du IXe corps, il s'était décidé à soutenir celui-ci sur Sancy-Montceaux. "

A 16 heures, après la violente préparation d'artillerie dont les effets viennent d'être relatés, le 18e corps (de Maud'huy) avait reçu l'ordre de franchir l'Aubetin et de se porter à l'attaque de la ligne Montceaux-lès-Provins-Sancy-Cerneu, en concentrant l'effort sur Montceaux-lès-Provins. A 18 heures, la 35e division (Marjoulet) avait franchi la petite rivière. A 21 heures, le 123e était arrivé en tête de colonne à Montceaux-lès-Provins et s'en était emparé après une lutte très vive, tandis que des éléments du 3e corps y pénétraient également. Malgré un violent retour de l'ennemi, on avait maintenu la position.

Nous avons dit que le village de Sancy était tenu par la 5e division (général von Wichura) du IIIe corps allemand. La division, arrivée par Bellot, est très déprimée par les marches; or elle a commencé à 7 heures sa retraite vers le nord quand un contrordre la ramène à Sancy.

 

" Le régiment se remet en marche sur Sancy. Tout le IIIe corps est séparé du gros de la Ire armée et passe sous les ordres de la IIe armée, l'armée Bülow. Nous restons à Sancy en position d'attente pour entrer dans le combat de la IIe armée... Nous sommes dans le ravin de Sancy... Bientôt, le 52e régiment est attaqué au sud de Sancy, ordre de lui porter secours. Nous nous portons à l'ouest du village, en direction d'Augers, Devant nous, le champ de bataille. Le champ de bataille ? Non, un paisible paysage d'été tardif, ensoleillé, perdu, vide (Walter Bloem, Vormarsch, P. 247)... "

 

Près de là, un peu à l'ouest, la 36e division française (général Jouannic) avait marché en se couvrant vers Champcenest, d'où l'on croyait toujours voir surgir l'attaque du IVe corps allemand, alors qu'il était parti dès les premières heures de la journée; cependant la division de cavalerie de la Garde, du corps Richthofen, entrée dans Courtacon, avait, le soir, pénétré dans Champcenest.

Enfin, la 38e division (général Schwartz), maintenue en réserve générale, sans doute en raison de cette même préoccupation, s'était livrée à un léger bombardement du front ennemi, et puis s'était établie dans la région de Voultons

On voit qu'il reste quelque hésitation. Pourtant, un premier résultat a été obtenu. Non seulement, la retraite est terminée, mais l'ennemi cède à son tour. Dans la nuit, les nouvelles venues des autres points du front et notamment du, l'Ourcq se préciseront. Au matin, on verra clair et les avions auront renseigné sur lus véritables forces de l'ennemi. La confiance change de camp.

4e groupe des divisions de réserve, le 6 septembre. - Les instructions du groupe Valabrègue lui prescrivent de s'installer sur la ligne Brasseaux-Villiers-Saint-Georges-château de Flaix, de l'organiser avec soin et de la défendre jusqu'au dernier homme. La 69e division de réserve défendra le secteur de droite et carnonnera le plateau du Haut-Charmoy, flanquant ainsi le débouché du 3e corps; la 53e division, installant le secteur de gauche, viendra en aide à

l'offensive du 18e corps.

On comprend la puissance d'une offensive aussi solidement appuyée. Quand les troupes allemandes qui occupent, sur l'autre rive de l'Aubetin, les plateaux de Sancy, de Montceaux-lès-Provins et de Charmoy, auront à subir la formidable rafale de ces artilleries combinées, elles en seront absolument accablées."

 

" Offensive du 3e corps, le 6 septembre. Combats de Montceaux et Courgivaux. - Le 3e corps (général Hache) a reçu une double mission : d'une part, il doit conjuguer son action avec celle du 18e corps pour rejeter l'ennemi sur la route de Montmirail à Provins; d'autre part, il doit suivre la ligne du chemin de fer qui s'élève en direction de Neuvy pour seconder le 1er corps marchant à l'attaque d'Esternay.

Le 3e corps est ramassé, le 5 au soir, sur le Haut-Charmoy, le Haut-Gré, Bouchy-le-Repos, dominant le plateau qui s'étend, an nord du ravin de l'Aubetin, depuis Montceaux-lès-Provins jusqu'au bois de Près-du-But.

La cavalerie (7e chasseurs et 6e chasseurs d'Afrique) sera groupée le 6 à 6 heures, à Bouchy-le-Repos, pour chercher à s'ouvrir les routes vers le Morin le plus vite possible.

La 6e division (général Pétain) attaquera à gauche en étroite liaison avec le 18e corps, soutenu en arrière par une division de réserve pour forcer l'ennemi campé sur les hauteurs de Montceaux-lès-Provins et, de là, poursuivre, si possible, par Villouette, Champlong, lisière du bois de Meaux.

La 5e division (général Mangin), laissant une brigade à la disposition du général commandant le corps d'armée, partira de Chomme dans la direction du Haut-d'Escardes, d'Aulnay et de l'embranchement de Neuvy.

La 37e division (général Comby) est gardée, provisoirement, à la disposition du général Hache.

L'attaque ayant été réglée en commun avec le 18e corps au cours de la nuit, le combat d'artillerie s'engage, avec une violence extrême, dès 6 heures du matin. L'artillerie de la 6e division combine ses feux avec ceux du 18e corps et, un peu plus tard, avec ceux des divisions de réserve sur les hauteurs de Montceaux-lès-Provins où l'aviation française a signalé de fortes concentrations d'artillerie ennemie, Le général Pétain a prononcé, dès lors, la fameuse parole, qui devint une règle de conduite pour toute la suite de la guerre

" C'est le canon qui conquiert: l'infanterie occupe. "

Dès 6 h. 30, la 6e division tient avec une forte avant-garde le Haut-Charmoy et le Haut-Gré. Mais, aussitôt, l'ennemi réagit. Tandis que l'artillerie et le gros du IIIe corps tiennent Montceaux-lès-Provins-Bel-Air et les bois au nord d'Escardes, on voit une puissante colonne allemande, appartenant sans doute au IXe corps, qui se dirige de Courgivaux sur les bois au nord de Villouette.

Cette colonne est accueillie par une rafale d'artillerie venant des feux convergents de nos corps. En effet, la 69e division de réserve reçoit, à 11 heures, l'ordre de se reporter vers le 18e corps à Villiers-Saint-Georges; la division Comby (37e) quitte vers 10 heures Fontaine-sous-Montaiguillon; d'autre part, la 5e division (général Mangin) tient la lisière du bois au sud du Haut-d'Escardes et se prépare à marcher sur Escaroles. Enfin, un peu plus à droite, le 1er corps tient le Haut-d'Escardes et Pont-au-sec. Autour des colonnes ennemies qui débouchent, c'est un cratère de feux : elles fondent à peine apparues. Le général Rouquerol, qui commande l'artillerie du corps, avait disposé des batteries sur la crête 209 (la Soucière). De là, il est maître de tout son horizon sur la rive nord de l'Aubetin.

A 11 heures, l'ennemi a évacué Courgivaux. On signale même qu'il se replie d'Esternay en direction du nord. Nous avons vu que Montceaux-lès-Provins lui est devenu intenable. La 6e division avance; soutenue par une importante force d'artillerie, elle suit de ses feux l'ennemi qui continue à se replier sur Champfleury et le bois à l'est des Châtaigniers. L'artillerie ennemie est réduite au silence.

Cependant Mangin, avec sa 5e division, s'est assuré, dès 9 h. 30, qu'Escardes et le Haut-d'Escardes ne sont pas occupés par l'ennemi. Il fait avancer son infanterie. Un combat violent s'engage entre Courgivaux et Esternay. La 9e brigade, qui s'est emparée d'Escardes, continue sur Courgivaux.

L'ennemi va-t-il céder ? Non. C'est de l'est, maintenant, à savoir de la direction de l'armée Bülow, qu'une résistance nouvelle intervient. Il est évident, comme les faits vont nous permettre de l'établir, que l'ennemi s'est aperçu du péril que fait courir, au flanc de l'armée Bülow, l'attaque que la 5e armée déclenche du sud au nord et qui balaie le terrain entre la Ire armée et la IIe armée allemandes. Il fait le possible et l'impossible : des mesures sont prises pour boucher cette fissure qui n'est, en somme, que la suite fatale de l'avance prise par von Kluck.

A 16 heures, une nouvelle contre-attaque allemande se produit sur Courgivaux. La compagnie du génie divisionnaire qui s'y était portée pour organiser le terrain se retranche dans le cimetière et, par un fait d'arme , digne de mémoire, s'y maintient. Un bataillon du 129e accourt et chasse l'ennemi de Courgivaux.

A 17 h. 30, l'ennemi ramène ses troupes qui se sont ralliées à l'abri de la forêt et ont reçu de nouveaux renforts. Débouchant soudainement des bois, elles refoulent les troupes de la 9e brigade. Mais Mangin parait sur le terrain. Il se porte sur la ligne (les tirailleurs) et, impassible sous le feu, la pipe à la bouche, maintient tout son monde (Citation du général Mangin à l'ordre de l'armée : " Belle conduite pendant la journée du 6 septembre; grâce à son énergie, à sa présence au milieu des troupes aux endroits les plus exposés et à l'influence qu'il a su acquérir cet officier général est parvenu à maintenir sa division devant une contre-attaque très violente poussée par l'ennemi de 19 heures à 19 h. 30. "). Le combat se prolonge jusqu'à la tombée du jour; l'ennemi est rejeté; la division couche sur le champ de bataille entre Escardes et Courgivaux.

A gauche, la 6e division (général Pétain) lutte avec non moins de courage; elle est non moins bien commandée. La 11e brigade française a pénétré dans le village de Montceaux-lès-Provins. Mais l'ennemi bombarde l'agglomération qui prend feu, et, profitant du désordre, il attaque. De même que nous avons perdu, un moment Courgivaux, allons-nous perdre Montceaux-lès-Provins ? Mais, ici également, il y a un chef : Pétain.

 

" Le général Pétain voit son infanterie hésitante devant les barrages de 105 dont l'ennemi couvre la crête de Saint-Bon qu'il faut franchir. Il s'avance seul, à pied, à travers champs, précédant ses troupes et marche, ainsi, jusqu'à la lisière du village de Saint-Bon où il maintient toute la journée son poste de commandement sous un bombardement intense. Un des officiers qui le suivaient alors a écrit : " Nous qui venions de passer de si terribles journées depuis le 22 août et qui avions encore au cœur l'angoisse de la retraite poursuivie sans répit, jour et nuit, depuis la Sambre jusqu'à la Seine, nous qui venions de lire l'ordre du jour du général en chef pour la bataille qui s'engageait, il nous apparut que cette marche en avant, froide, résolue, droit vers l'objectif, avait quelque chose de symbolique, de grand, et nous sentions tous au cœur l'espoir, la certitude de vaincre... "

La 6e division, le soir du 6 septembre, était maîtresse de Montceaux-lès-Provins et couchait victorieuse sur le champ de bataille, n'ayant engagé, grâce à la sagesse du chef, que trois bataillons sur douze. En fait, l'ennemi était chassé de toute la région dès le soir, c'est par mesure de sûreté que le général Pétain, prêt à reprendre l'offensive à la première heure le lendemain, la fait bivouaquer sur la ligne Saint-Bon-Champfleury-Villouette. ..."

Le succès n'est pas considéré, dans le camp français, comme aussi complet qu'il l'est en réalité. Après de si longues angoisses, on ne s'habitue pas encore à la victoire. Le soir, dans les états-majors, une version très réservée, très modérée circule. Nous la donnons d'après un témoin

 

" Vers 6 heures, très grosse canonnade venant de Courgivaux et puissante concentration de feux sur le Grand Morin. Un combat d'infanterie très violent s'est engagé dans les bois aux environs de Nogentel. Le général Mangin était à Escardes. Il demande des renforts pour l'aider à se maintenir à Courgivaux. Cependant, Pétain avançait sur Montceaux. Mais on pouvait craindre une progression de l'ennemi cherchant à se glisser à travers les bois pour séparer les deux divisions. Notre cavalerie battait en retraite. De nombreux blessés et isolés gagnaient les arrières. Le général Hache était présent. Il envoie un de ses officiers avec ordre d'activer l'arrivée de la brigade de réserve. Cette brigade débouche de la cote 208 vers 7 heures du soir; mais elle n'a pas besoin de s'engager. Le tir cesse et la bataille finit d'elle-même (en réalité les Allemands se repliaient). "

 

Impossible de se faire une opinion, ajoute le sage officier supérieur qui nous expose ces souvenirs. En somme, plutôt un succès, mais qu'il faudra reprendre le lendemain. On s'était emparé de Montceaux et de Courgivaux: c'était un bon début, mais on n'avait pas atteint la rivière. On reprendra la marche en avant, le lendemain dès la première heure, mais avec la plus grande prudence, car l'ennemi, maintenant, est sur ses gardes.

Nous avons donné la citation du général Mangin. Voici celle du général Pétain visant son rôle pendant toute la bataille de la Marne :

 

" PÉTAIN, général commandant la 6e division d'infanterie. A, par son exemple, sa ténacité, son calme au feu, son incessante prévoyance, sa constante intervention aux moments difficiles, obtenu de sa division, pendant quatorze jours consécutifs de bataille, un magnifique effort, résistant à des attaques répétées de jour et de nuit et repoussant victorieusement les attaques furieuses de l'ennemi ... "

 

Comme les figures de ces chefs de haute valeur morale et de loyale discipline mutuelle s'opposent admirablement à celles d'un Moltke, d'un Kluck et d'un Bülow se querellant au détriment de leurs troupes jusque sur le champ de bataille !

 

Le 1er et le 10e corps à Esternay-Sézanne, le 6. - La jonction du massif et de la plaine.

 

"Nous voici devant l'offensive de Bülow et nous approchons de ce qui doit être, pour le haut état-major allemand, le véritable nœud de la bataille, dans la région où le massif de Seine-et-Marne tombe sur la plaine catalaunique.

Tandis que l'armée von Kluck devait rester en arrière d'une journée, procéder à un premier investissement de Paris et attendre, l'armée Bülow avait pour mission de pivoter sur son aile droite à Montmirail, et d'atteindre, le 6 septembre au soir, par sa gauche, Marigny-le-Grand. C'était une première étape vers le but fixé par Moltke : faire face à l'ouest entre Montmirail et Nogent-sur-Seine et occuper les ponts entre Nogent et Méry. Mais Il fallait, pour atteindre cette ligne, passer sur le corps de l'armée française au plateau de Sézanne. Or, nous croyons avoir démontré que, de ce côté, la plaine ne pouvait se passer du massif, c'est-à-dire que Joffre ne pouvait empêcher l'ennemi de déboucher par la route de Sézanne vers Romilly-sur-Seine, qu'à la condition que nous fussions en mesure de lui " tomber dessus " des hauteurs. Il fallait donc à tout prix nous installer solidement dans la région d'Esternay pour pouvoir disposer, le cas échéant, d'une partie de nos forces en direction de la plaine.

Cette mission, à savoir de marcher sur Esternay-Montmirail et de protéger en même temps Sézanne, est spécialement celle attribuée au 1er corps et au 10e corps de l'armée Franchet d'Esperey. On comprend, dès maintenant, toute l'importance de leur rôle pendant la journée du 6 septembre.

Si les choses sont ainsi entrevues dans le camp français, elles sont perçues avec plus d'acuité encore dans le camp allemand. On y sent la grandeur du péril, on veut y parer à tout prix. Tel est le sens de la manœuvre qui va y être tentée pendant les trois journées décisives de la bataille. La gauche de von Kluck, la droite de Bülow, les IIIe, IXe corps, VIIe corps, Xe de réserve, Xe corps, successivement jetées dans la bataille, tâchent de sauver la suture entre ces deux armées et, par contre, de rompre la liaison entre l'armée Franchet d'Esperey et l'armée Foch.

Heureusement, la manœuvre de Joffre sur l'Ourcq a déjà porté ses fruits. L'armée von Kluck, étant partie trop tôt, a dû se replier avant que Bülow, en retard d'une journée, ait pu frapper son coup. Von Kluck, attaqué dans son flanc et sur ses communications, retire ses corps, au fur et à mesure que von Bülow amène les siens. La bataille allemande est aussi mal faite que possible.

Par contre, celle de Franchet d'Esperey est parfaitement réglée. Il sent sa gauche s'alléger au fur et à mesure que sa droite est plus lourdement prise à partie et, tout en chassant l'ennemi devant lui, vers Montmirail, il fait glisser son axe vers Sézanne, de façon à résister d'abord, puis à se dégager, enfin, à prêter main-forte à son voisin de droite, le général Foch.

Telles sont, en deux mots, la belle manœuvre et bataille du 1er corps et du 10e corps : pénétrant dans la fissure entre la Ire et la IIe armée allemandes, ils cherchent à tomber du haut du massif sur la plaine. Ainsi, ils achèveront, par la victoire d'en bas, le succès que la fausse manœuvre de von Kluck et l'habile manœuvre de Joffre ont commencé à dessiner sur les terrains d'en haut.

Offensive du 1er corps, le 6. Combats d'Esternay. - Coûte que coûte, il faut, pour le haut commandement allemand, rompre le front de Joffre et gagner, avec Bülow et Hausen, la Seine à Nogent et à Troyes.

Mais que vaut, maintenant, ce soldat allemand tant vanté ? Ici, encore, le commandement allemand se trompe grossièrement : comme frappé de folie, il ne s'aperçoit pas qu'il a brisé, d'avance, l'instrument sur lequel il comptait. Le physique et le moral sont au plus bas, précisément quand l'incohérence de la manœuvre commence à sauter aux yeux du moins avisé des combattants. Löhrisch raconte, qu'au IXe corps, les pertes étaient considérables dès le 1er septembre et qu'au Xe corps de réserve " la chaleur, la poussière, les distances et le manque d'abris avaient épuisé tout le monde ". Bernatzki, parlant des pionniers du IXe corps, écrit qu'un grand nombre a ne pouvaient plus que sautiller à cause des ampoules et des blessures qu'ils avaient aux pieds ". Le jour prévu pour le repos (le 6 septembre) était absolument nécessaire. Or, c'est ce jour qui fut soudainement troublé par l'éclatement des premiers obus français. A la IIe armée, même lassitude, même découragement, mêmes dispositions lamentables :

" Nous sommes des pièces sur un échiquier, écrit Kutscher. On joue avec nous. Le soldat ne doit rien savoir; les sous-officiers non plus. On ne saurait trop exalter la transformation de l'âme, l'influence profonde que chacun éprouve par la pensée de la mort et la fin de tout. Entièrement fatigués, abattus ! Toute pause d'une minute est utilisée pour se coucher sur la route dans la poussière, dans la boue, sur les pierres, sur l'herbe, dans les betteraves, exactement à l'endroit où l'on se trouve. De l'énergie ?_ On est exténué ! Les hommes, les uns après les autres, tombent dans les fossés de la route. On n'a plus qu'un seul sentiment, l'insouciance de tout. Que vaut une telle vie ? On n'a pas grand'chose à y perdre. "

Nous pourrions multiplier ces témoignages.

C'est a une troupe ainsi surmenée que l'on demande un nouvel effort surhumain. Elle a tant peiné déjà ! Or, elle n'est qu'à pied d'œuvre et le travail commence seulement."

 

La région d'Esternay doit être tenu à tous prix par les Allemands, qui résistent au 1er corps, ils attendent impatiemment l'arrivée de la IIe armée à leur gauche. Momentanément les IIIe et IXe corps sont rattachés à la 2e armée allemande

 

Offensive du 10e corps le 6. Les combats des Essart-le Guébarré-Charleville, à la jonction du massif et de la plaine. - Le 10e corps français est sous les ordres du général Defforges. Arrivé dans la région de Montmirail-Sézanne, le 10e corps avait stationné sur une ligne Moeurs-Launat-Barbonne (où se trouvait le quartier général) Saudoy-Sézanne ; arrière-gardes aux Essarts-lès-Sézanne.

 

"Regardez la carte : cette ligne est précisément à cheval sur la route nationale 51, de Givet à Orléans, celle qui contourne le massif de Seine-et-Marne et qui, comme nous l'avons dit, grimpe aux pentes de ce massif quand il tombe lui-même sur la plaine. Le 10e corps forme, en ce point, la droite de la 5e armée, et il est en contact immédiat avec la 42e division, qui appartient à l'armée Foch; c'est le travail du 10e corps et de la 42e division qui formera, à une heure donnée, le nœud de toute la bataille de gauche.

Pour dessiner le mouvement initial d'aile marchante vers le nord-ouest, la 19e division (général Bonnier) occupe la zone Mœurs-Launat-Vindey, en liaison avec le 9e corps à la Noue. En deuxième ligne, la 5le division de réserve (général Boutegourd) est dans la zone le Plessis-Saudoy-Barbonne. A droite, la 20e division (général Rogerie) stationne dans la zone Verdey-château de Frécul et Sézanne, avec un régiment en avant à Lachy et ses avant-postes à l'étang de la Grande-Morelle. Cette division avait, à sa droite, la 42e division (général Grossetti), qui, faisant la gauche de la 9e armée, s'est portée, comme nous l'avons dit, jusqu'à Soisy-aux-Bois. Il était entendu que la 9e armée, tenant les marais de Saint-Gond, seconderait le mouvement tournant qui devait être tenté vers le haut du massif par le 10e corps, dès le 6 au matin.

D'après ces positions, il est évident que le 10e corps, même avant la bataille, fait saillie sur la ligne générale. Esternay reste le clou auquel la bataille est accrochée, et le 10e corps, même dans sa marche rapide en avant, a toujours l'œil tourné vers ce point, d'où la progression générale dépend.

Nous avons dit la facilité relative avec laquelle la 2e division du 1er corps (général Duplessis) s'est avancée vers le château de la Noue au début de la journée du 6. Aussi constatons-nous une avancée également rapide de la 19e division (Bonnier) à l'est du château. C'est que Bülow est en retard; l'armée française, saisissant l'occasion, gagne du terrain avant même que l'armée Bülow, qui doit grimper par le col de Soisy-aux-Bois sur le plateau de Sézanne, soit arrivée : au lieu de surprendre, Bülow est surpris.

Il n'y a pas de manœuvres, fussent-elles " géniales ", qui tiennent contre de tels impairs dans l'exécution.

La division Bonnier envoie donc, dès 6 h. 45, sa 38e brigade occuper le Clos-le-Roi. Elle le fait sans coup férir, en même temps que le 1er corps, à sa gauche, enlève le château de la Noue. Observez, sur la carte, à quel point le Clos-le-Roi est en pointe, au nord, relativement à Esternay et à Châtillon-sur-Morin, où une division du 1er corps se trouvera arrêtée pendant toute la journée.

Quant a l'autre division du 10e corps, la 20e division (général Rogerie), elle a débouché à 6 heures, comme il était prescrit : 39e brigade à gauche, 40e brigade à droite, son artillerie en batterie sur la ligne les Essarts-Lachy. On a, devant soi, un coteau assez rude, qui grimpe à la cote 213 (sud de Charleville). Le régiment de tête de la 40e brigade s'empare de la cote 213 ; à gauche, la 39e brigade progresse parallèlement et atteint, vers 10 h. 20, la transversale Charleville-le Clos-le-Roi.

Donc, au 10e corps, par une matinée claire et que l'espoir illumine, on avance rapidement; bientôt on dominera les larges vues qui s'ouvrent sur la plaine de Champagne.

Mais voici que le ciel s'assombrit : on sent la résistance s'affirmer à la fois à gauche et à droite. A droite, une attaque allemande enlève à la 42e division le village de Charleville au débouché sur la plaine; et, à gauche, le 1er corps étant arrêté devant Châtillon-sur-Morin, le 10e corps est bien obligé de s'arrêter. Tout change.

Les Allemands, vers 3 heures, reçoivent sans cesse des troupes fraîches; une lutte d'artillerie s'engage, très violente, et une attaque, venant de la direction de Montmirail, se dessine.

A partir de ce moment, et en présence du danger commun, les deux armées Foch et Franchet d'Esperey, par un sentiment très vif de la solidarité militaire, n'en font qu'une. Le 10e corps envoie du secours à la 42e division, et la 20e division détache, à cet effet, un bataillon du 47e. Il est temps. L'ennemi marche sur Villeneuve-Charleville. Après une lutte ardente, il est contenu ; la 42e division se maintient dans le village qui, finalement, reste en son pouvoir.

On dirait que, des deux côtés, on a deviné que la domination du massif sur la plaine et, par conséquent, le sort final de la bataille, dépend de ce point. Observez bien la concorde et la mutuelle confiance s'affirmant entre les chefs français dès la première heure. C'est un gage de succès, tandis que, dans le camp allemand, si la discipline reprend, c'est par l'autorité que Bülow reçoit sur les deux corps de gauche de von Kluck.

Franchet d'Esperey se rend compte que la décision n'est plus à sa gauche, mais à sa droite. Il se retourne; il vient en aide à son voisin de droite, Foch. Ainsi le champ de bataille suggère les solutions à un chef digne de ce nom. Par ce mouvement s'inaugure la belle manœuvre finale qui dégagera Foch à l'heure suprême : au fond, c'est le geste qui s'est esquissé, dès la 6, dans l'envoi d'un bataillon du 47e à l'aide de la 42e division à la Villeneuve-Charleville.

Cependant, la gauche de la 19e division reste toujours en l'air. Franchet d'Esperey envoie, sur le château de la Noue, sa 37e brigade, pour donner un coup de main au 1er corps, dont une belle manœuvre de flanc, décrite ci-dessus, finit par enlever Châtillon-sur-Morin.

Le combat se soutient donc aux deux ailes : c'est le tour du centre, maintenant, à supporter le poids de la lutte : " la flèche " que fait le 10e corps est prise à partie par les forces de l'ennemi qui débouchent les unes de l'est, c'est le Xe corps de réserve, les autres de Montmirail, c'est le VIIe corps.

La 19e division subit le choc. L'attaque ennemie arrive vers Clos-le-Roi jusqu'à la lisière sud-est de la forêt de Gault, forçant l'infanterie de la 38e brigade à rétrograder pour ne pas être tournée. Clos-le-Roi est évacué. On s'installe, pour la nuit, sur la ligne : cote 212-ferme le Guébarré-cote 200. Le succès du début de la journée paraît compromis. D'autre part, la gauche de la 19e division reste en l'air; et il en sera ainsi tant que le 1er corps ne se sera pas emparé d'Esternay. A première vue, le milieu de la journée n'est pas des plus satisfaisants.

A droite, la 20e division, fortement pressée par l'ennemi, a esquissé, elle aussi, un mouvement de recul, enrayé aussitôt, il est vrai, par une brillante contre-attaque d'un bataillon du 47e Mais, vers 15 heures 30, l'ennemi revient à la charge. Nouvelle contre-attaque, cette fois, d'un bataillon du 136e. En fin de journée, Charleville et les bois à l'ouest restent en notre possession, malgré les pertes très lourdes subies par le 2e régiment. Le soir tombe : la 20e division, quoiqu'elle se trouve toujours en flèche, se retranche sur ses positions et y passe la nuit.

Dans le camp allemand, en face du 10e corps français, la confusion est telle qu'il est difficile de se débrouiller au milieu des changements de direction, des ordres et des contrordres qui se succèdent au cours de cette journée d'affolement. Von Kluck est à Charly et Bülow à Montmort. Von Kluck prétend qu'aux Oberkommandos règne l'opinion que l'armée Bülow, pour se conformer aux ordres de Moltke, avancera le soir au sud de la Marne, face à l'ouest, et que, par conséquent, il peut, lui, von Kluck, rappeler ses IIIe et IXe corps, Bülow suivant avec toute son armée. Mais voici que tous les corps sont jetés dans la mêlée, le IIIe corps, le IXe corps, le VIIe corps, que nous avons vu se déployer au galop, les chevaux fumants; voici maintenant le Xe corps de réserve, qui accourt de l'est, c'est-à-dire de Janvillers, et supportera, l'après-midi, le poids de la bataille au sud de la forêt de Gault.

 

" Aujourd'hui, c'est encore dimanche, le 6 septembre. Déjà, deux fois de suite, le dimanche nous a valu des batailles et des victoires. Peut-être en sera-t-il de même aujourd'hui. On se met en marche dès le matin. Il paraît que nous ne ferons que peu de kilomètres aujourd'hui : car nous bivouaquerons à Montmirail. Soudain, on s'arrête. on trouve de la résistance. Il faut faire front devant l'ennemi. Nous nous déployons. Nous descendons au village le Recoude et cherchons notre régiment. La bataille s'est généralisée, tout en désagrégeant l'ordre particulier. J'ai, le soir, autour de moi, des hommes de toutes les compagnies. Notre artillerie lourde devra tirer pendant toute la nuit vers le sud... Vers minuit environ, nous nous étendons avec l'espérance e trouver un peu de repos (Carnet de route d'Arthur KUTSCHER, chez Beck, à Munich, p. 88. Voir aussi ; Journal de campagne d'un mitrailleur (du Xe corps de réserve). Une partie du Xe corps de réserve ne peut même pas prendre part au combat par suite de son état d'épuisement.)."

 

Ainsi, sur son centre, Bülow, qui devait marquer le pas à droite à Montmirail, en attendant que sa gauche eût conversé face à l'ouest et atteint Marigny-le-Grand, avait été fortement ébranlé. Von Kluck ajoute que les IIIe et IXe corps, se trouvant devant la droite de Bülow, reçurent l'ordre le 6, à 10 heures du soir, de se replier (après avoir été battus, comme nous l'avons vu, à Montceaux et à Esternay) sur la rive nord du Petit Morin, de Sablonnières à Montmirail. Ainsi, en liaison avec la droite de Bülow à Montmirail, ces deux corps furent, par le même ordre, nous l'avons dit ci-dessus, mis sous les ordres de Bülow.

Sur la pierre d'angle de toute l'opération, Esternay, non seulement la position stratégique de Bülow est médiocre, mais ses troupes, mises à bout de force par les marches et les combats qui ont précédé la grande rencontre, subissent, dès le 6, une telle diminutio capitis physique et morale que toute action énergique leur devient, pour ainsi dire, impossible. De l'aveu même des officiers allemands, les compagnies sont " mêlées ", cela veut dire (en langage de rapports militaires) qu'il y a eu désagrégation des régiments par la panique et la fuite.

Tel est, en somme, le résultat de la première journée de bataille, la journée du 6. Joffre, du premier coup, et rien qu'en se retournant, a désarçonné l'adversaire. (!?)

Sur cet effet produit sur l'ennemi, nous fûmes d'abord insuffisamment renseignés, et cette ignorance, qui fut la nôtre pendant toute la première partie de la guerre, ne contribua pas peu à la prolonger. Il ne faut pas se lasser de le répéter : " Nous n'avons pas su assez le mal que nous faisions à l'ennemi. " Cependant, quelques indices tangibles commençaient à le révéler."

 

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