CHAPITRE III - EMPLACEMENTS DES ARMÉES ALLIÉES, LE 6 SEPTEMBRE
Emplacement de l'armée anglaise le 6 au matin. - Positions occupées par la 5e armée Franchet d'Esperey le a au matin. - Rôle de la 9e armée; Foch devant l'attaque allemande sur le centre français. - Le terrain : la route n° 51. - L'armée Foch le 6 au matin.
L'ensemble des armées françaises, ainsi que l'armée britannique, ont reçu l'ordre d'attaquer le 6 septembre au matin. Tandis que la nuit du 5 au 6 va transformer les conditions de la bataille de l'Ourcq, ces armées ont pris leurs positions de combat; les voici, prêtes à l'attaque.
Emplacement de l'armée anglaise le 6 au matin.
"Ayant soutenu deux grandes batailles et deux combats, supporté trois semaines de marches, de fatigues et de lutte contre tous les éléments, la " misérable petite armée " de French avait accompli cette extraordinaire " retraite de Mons ", qui restera célèbre dans les annales de l'histoire britannique.
Dans l'entrevue de Compiègne du 29 août, le maréchal French avait promis au général Joffre de ne pas s'éloigner de plus d'une journée dans la retraite générale, et de le seconder s'il en était besoin, mais rien de plus.
French, condamné à la retraite, n'était pas l' "homme du recul ", tant s'en faut. Soldat dans l'âme, il était, comme ses lieutenants et comme tous les héros du Transvaal, un partisan déclaré de l'offensive. Cependant, ce n'est pas uniquement à cette impulsion, si naturelle chez lui, qu'il avait obéi, au lendemain de la bataille de Saint-Quentin-Guise.
A ce moment, la retraite ordonnée par Joffre à l'armée Lanrezac, victorieuse à Guise, avait complètement dérouté et ébranlé la confiance du maréchal French. Sa correspondance avec lord Kitchener révèle nettement cet état d'esprit. Il télégraphie à Londres, le 30 août au soir :
Le général Joffre semble être anxieux que je conserve la position que j'occupe en ce moment au nord de la ligne Compiègne-Soissons. Je lui ai fait connaître franchement que, puisqu'il a commencé sa retraite et étant donné l'état actuel de mes troupes, je me trouvais dans l'impossibilité absolue de rester sur le front. J'ai décidé de commencer, dès demain (31) matin, ma retraite derrière la Seine dans une direction sud-ouest, à l'ouest de Paris. Ma base est maintenant dans le voisinage de la Rochelle et je forme une base avancée au Mans.
En fait, il ne croit plus à une victoire prochaine et il l'avoue :
Je n'aime pas le plan de Joffre. J'aurais voulu qu'on prît dès le début une vigoureuse offensive et ce désir lui a été exposé. En réponse, il invoque l'actuelle incapacité de l'armée anglaise de se porter en avant comme un motif pour effectuer la retraite et gagner du temps. Naturellement, s'il a en vue l'avance des Russes, il peut avoir raison. (Les deux corps allemands transportés de Belgique en Russie lui ont justement donné raison.) Je n'ai aucune idée d'effectuer une retraite complète et prolongée.
Une lettre partie de Compiègne, le même soir du 30 août, confirme ces dispositions de French :
Ma confiance dans la capacité des chefs de l'armée française à poursuivre cette campagne avec succès jusqu'à la victoire décroît rapidement, et c'est là la véritable raison de la décision que j'ai prise de retirer si loin les forces britanniques ...
Je suis de plus en plus persuadé de la nécessité absolue pour moi de conserver l'indépendance d'action la plus complète et de pouvoir me retirer sur ma base quand les circonstances le rendront nécessaire.
On a beaucoup insisté pour que je continue à rester sur le front, ébranlé comme je le suis. Mais j'ai absolument refusé et j'espère que vous approuverez le parti que j'ai pris.
French se trompait étrangement et en tous points. Heureusement la clairvoyance de Kitchener sauva la situation. Joffre l'a dit : " Kitchener nous comprenait parce qu'il nous aimait. " Il
considéra immédiatement la décision de French comme " un désastre militaire " et " la possibilité de perdre la guerre ". Il n'avait cessé de dire, au cours de la retraite : " Nous reculons toujours unis; tant que nous restons ensemble et ne permettons pas à l'ennemi de nous séparer, même la perte de Paris peut être réparée. " Aussi s'empressera-t-il de prévenir le Cabinet. French, prié de s'expliquer, réitéra, le 31, ses intentions, tout en formulant cette fois quelques réserves. Kitchener se décida à passer la Manche; il arriva à Paris le 1er septembre.
A Paris, le général Joffre avait, de son côté, le 30 août, confié ses inquiétudes à M. Millerand et, le 31, à M. Poincaré. Celui-ci obtint, à 10 heures du soir, par l'intermédiaire de sir Francis Bertie, ambassadeur d'Angleterre, une réponse de French se contentant d'affirmer cette fois qu'une semaine au moins était nécessaire pour reconstituer l'armée britannique comme unité combattante. L'entrevue du 1er septembre est racontée en ces termes par M. Poincaré :
Le mardi 1er septembre, lord Kitchener est arrivé à Paris et il a aussitôt rencontré à l'ambassade d'Angleterre M. Millerand et le maréchal French... Ce n'est pas sans peine que l'accord finit par s'établir. Le maréchal avait commencé par dire qu'il voulait bien retrancher son armée vers Meaux, mais qu'il y mettait une condition; toujours préoccupé de rester en relations avec ses bases maritimes, il demandait que le général Joffre envoyât des forces pour défendre la Seine entre Paris et le Havre.
Informé de cette résistance, Joffre avait répondu qu'il lui était, à son grand regret, impossible d'étirer ainsi le front de son armée et qu'il se proposait, au contraire, de pivoter sur Paris pour reprendre promptement l'offensive générale.
Le résultat de la conférence, très satisfaisant, est clairement défini dans la lettre suivante, écrite le soir même par Kitchener :
MON CHER FRENCH,
En réfléchissant à notre conversation d'aujourd'hui, je crois que le télégramme suivant que je viens d'envoyer au gouvernement en reflète le sens exact :
" Les troupes de French sont maintenant engagées sur la ligne de combat. Il y restera en se conformant aux mouvements de l'armée française, mais en agissant cependant avec prudence pour éviter d'avoir ses flancs découverts. "
Sur cette conférence de Paris, le maréchal French s'est, de son côté, expliqué avec beaucoup de franchise :
Lord Kitchener arriva là en uniforme de maréchal : dès le début de la conversation, il prit des airs de général en chef et annonça son intention de partir pour le front et d'y inspecter les troupes. A ces mots, l'ambassadeur britannique (sir Francis, maintenant lord Bertie) s'y opposa tout de suite de la façon la plus formelle .............."
Le maréchal French a perdu plus de 18 000 hommes depuis le début de la campagne, il accorde deux jours de repos les 3 et 4 septembre. Il a prévu d'attaquer le Dimanche 6 au lever du soleil, axe de progression le nord-est.
Positions occupées par la 5e armée Franchet d'Esperey le 6 au matin.
La 5ème armée devait serrer légèrement à gauche et s'établir sur une ligne Courtacon-Esternay-Sézanne, le corps de cavalerie Conneau à l'ouest afin d'assurer la liaison avec les Britanniques et attaquer le 6 au matin du sud au nord.
Rôle de la 9e armée; Foch devant l'attaque allemande sur le centre français.
Le 4 septembre, le détachement Foch, devient 9e armée. Elle sera la cible des attaquent des IIe et IIIe armées allemandes qui cherchent la rupture du front.
Le terrain : la route n° 51. - L'armée Foch le 6 au matin.
La route, N° 51, de Montmort à Sézanne, passe à l'ouest des Marais de Saint-Gond, orientés est-ouest, dominés par quelques fortes collines. Cette région permet une bonne défense, il n'en est pas de même en direction de Mailly-le-Camp, vers l'est, où le terrain est plat et sec. La stratégie allemande consiste à atteindre la Seine entre Romilly et Troyes, afin de séparer en deux blocs, les armées françaises, un bloc sera rejeté sur Paris, l'autre sera écrasé vers la Suisse.
"La 9e armée se battra autour des " Monts " et elle se battra autour des " Sommes " : il reste, maintenant, à reconnaître comment, pour ce double objet, cette armée s'installe sur le terrain.
Au moment où la 9e armée est constituée (5 septembre), elle se compose du 9e corps (général Dubois), du 11e corps (général Eydoux), de la 52e division de réserve (général Battesti), de la 60e division de réserve (général Joppé), de la 9e division de cavalerie (général de l'Espée). La 42e division d'infanterie (général Grossetti), détachée de la 3e armée, fait la liaison à gauche avec la 5e armée.
Dans sa disposition générale, la 9e armée présente, au fond de l'hémicycle sur lequel s'appuie la grande armée de Joffre, comme un renflement, une légère contre-courbe préparant le rôle qu'elle doit jouer dans l'offensive ; elle oppose ainsi, à l'offensive principale allemande, un dos solidement établi : opérant à la jonction des deux armées, von Bülow et von Hausen, elle garde à la fois la route de Sézanne à sa gauche et la route de Mailly à sa droite; pour choisir son heure et prendre du champ, elle s'est abritée an sud des marais de Saint-Gond.
La 9e armée, création récente, reçoit des forces nouvelles au fur et à mesure qu'on peut l'alimenter. La division du 9e corps (18e division) qui, au début de la campagne et après l'échec de Morhange, a été maintenue dans l'est pour la défense de Nancy et du Grand-Couronné, accourt de Lorraine ; elle ralliera, par Troyes, le 7 septembre.
L'ordre étant arrivé au général Foch de se préparer à prendre l'offensive le 6 au matin, il a arrêté soudainement la retraite et il a établi son quartier général à Plancy, c'est-à-dire sur le cours de l'Aube. Les arrière-gardes sont mises en surveillance à trois kilomètres environ en avant, de la principale ligne de défense, qui est la route nationale N° 34, du Paris à Vitry-le-François, c'est-à-dire la ligne Sézanne-Fère-Champenoise-Sommesous. Tout fait prévoir
que le centre de la bataille sera à. Fère-Champenoise."
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