CHAPITRE PREMIER - LA MANOEUVRE DE LA MARNE
(25 août-5 septembre 1914.)
Voici le plan du premier chapitre
Principes de la manœuvre des deux adversaires. - La bataille des Frontières et la bataille de la Marne ne peuvent être séparées. - La préparation de l'offensive. - Les communications et les liaisons. La retraite vers la sud. Où s'arrêtera la retraite ? Le terrain. - La manœuvre allemande. - L'ordre général du haut commandement allemand pour le 5 septembre. - La manœuvre française. Les conditions attendues par Joffre. La vigilance de Gallieni. - Joffre décide de livret bataille.
Principes de la manœuvre des deux adversaires
Nous donnons ici le début du chapitre ce qui donne le ton de l'ouvrage et peut-être souligne le manque d'impartialité :
"La bataille de la Marne est la suite naturelle d'un ensemble de dispositions et de préparations matérielles et morales; elle a mis aux prises deux volontés, l'une saine et droite, l'autre enivrée et égarée; l'une et l'autre s'étaient mesurées dans les premières semaines de la guerre déjà si remplies; mais une fois à l'étreinte, fatalement, la moins bonne devait avoir la dessous.
Étant données les origines de la guerre, il n'était pas possible que les événements n'en arrivassent pas à cette conjoncture : une heure devait sonner où l'erreur de la race germanique, causant celle de ses chefs, la conduirait à un abîme; et il devait arriver aussi que le peuple français, assagi par les longues années de la défaite, deviendrait l'instrument de la loi supérieure qui préside aux destinées humaines. Ici-bas, tout se paye, tout est payé."
Le chapitre commence par un rappel historique du projet allemand et de l'évolution du point de vue français :
" Les choses s'étaient, en réalité, passées ainsi qu'il suit :
Le plan de la campagne défensive-offensive, qui s'en remettait du sort de la France à une bataille livrée dans la région de Reims, fut mis en discussion vers 1910 pour des raisons stratégiques qui tenaient principalement au gain obtenu sur la rapidité de la mobilisation. Auparavant, il était admis que l'Allemagne serait prête la première : après une sérieuse révision des transports et des horaires, on s'aperçut que l'armée française pouvait arriver plus rapidement sur la frontière. Ainsi, se posa la grave, la très grave question de savoir s'il ne convenait pas de profiter de cette amélioration pour s'efforcer d'épargner au territoire national et aux populations les horreurs de la guerre.
Ce légitime souci s'amalgamait, si j'ose dire, avec la faveur dont jouissait alors la doctrine de l'offensive dans l'enseignement militaire universel.
Enfin, une considération politique d'un grand poids intervint. Si la Belgique appelait à l'aide, pouvait-on laisser sans appui le vaillant petit peuple qui accomplirait loyalement son devoir ?
Pour toutes ces raisons, l'idée d'une " bataille des frontières " défensive-offensive, sur le territoire national, fut définitivement rejetée, par l'adoption, au printemps de 1913, du plan XVII élaboré par le général Joffre. Au cas où l'ennemi offrirait, de lui-même, en passant par la Belgique, l'occasion de le prendre de flanc, le haut commandement français, sentant très bien qu'une force telle que la force allemande ne serait pas brisée en une fois, prit le parti de l'assaillir à coups redoublés - et, si possible, de l'empêcher d'atteindre le territoire français. C'est ainsi que la première rencontre, au lieu de se produire sur la ligne la Fère-Laon-Reims, fut reportée en avant, sur la ligne Charleroi-Virton-Sarrebourg.
Fut-ce un bien, fut-ce un mal ? Mon opinion est que ce fut un bien et que cette action, décidée héroïquement, fut une des voies du salut. Son principal défaut, qui ne dépendait pas absolument de la volonté des chefs, fut, qu'ayant été improvisée jusqu'à un certain point, - le plan fut achevé au printemps de 1914, - il lui manqua certaines préparations. "
La paternité du plan XVII est donné au Général Joffre
La bataille des Frontières et la bataille de la Marne ne peuvent être séparées
Dans cette section, l'auteur souligne la continuité des responsabilités et du commandement et donc l'impossibilité de séparer la bataille des Frontières de celle de la Marne. Il est notable qu'il attribue le limogeage du général Lanrezac le 3/9 au fait que :"ses points de vue étaient contraires à une liaison complète avec l'armée britannique" (Ce que contredisent French et Lanrezac) et il attribue à Joffre la retraite rapide de la 5ème armée après la bataille de Charleroi (alors que Lanrezac pris seul la décision)
Les communications et les liaisons. La retraite vers la sud.
Les changements de directions des armées allemandes.
Dans cette section l'auteur met en avant l'excès de confiance des Allemands vers le 25 août et le réveil brutal qu'apporteront les combats de la fin août :
" Au grand quartier général allemand, von Tappen l'avoue : " Il y avait, au fond de notre plan, la pensée que la France, par suite de sa loi militaire et de son manque d'hommes, mettrait, dès le début, jusqu'à son dernier homme sur le front, et qu'après une défaite, elle ne serait plus en état de se recompléter. " Moltke crut si bien cette défaite accomplie que, le 25 août, selon le plan général, il désignait six corps d'armée pour aller renforcer le front oriental (On sait que deux seulement, pris non pas en Lorraine, mais en Belgique (XIe corps et corps de réserve de la garde), quittèrent le front.) ! Tirpitz lui-même, cependant peu porté à un optimisme excessif, écrit du G. Q. G. de Coblentz, le 26 août : " Déjà le ressort de l'armée française est presque brisé. " Aussi les rêves de l'état-major allemand se traduisent-ils, au moment où Guise et Charleville sont à peine occupées, par le cri de triomphe de l'empereur Guillaume, dans l'ordre du 28 au soir : " Sa Majesté ordonne la marche en avant de l'armée allemande sur Paris. " C'est la ruée ! Les buts assignés aux différentes armées ne contiennent de réserves que pour les armées de l'est, brisées, le 25, à la trouée de Charmes. Les voici : Ire armée, sur la Basse-Seine; IIe armée, Paris; IIIe armée, Château-Thierry; IVe armée, Épernay; Ve armée, Châlons-Vitry, avec investissement de Verdun et échelonnement à gauche, jusqu'au moment où la VIe armée, dont le but sera Neufchâteau, passera la Meuse; VIIe armée, Épinal et frontière suisse.
Mais les 28, 29 et 30 août, voici le combat de Proyart, les terribles coups de boutoir de Guise, de Signy-l'Abbaye et de la Meuse, la résistance invincible du Grand-Couronné et de la Mortagne; et, dès lors, la belle ordonnance du plan conçu par Moltke est rompue. Le 30 au soir, troublé, inquiet, sans idée d'ensemble, il change, dans chaque armée, la direction de marche ! Cinq armées marchaient jusqu'ici vers le sud-ouest, toutes ensemble sur Paris, Kluck en avant éclairant sur Rouen. Maintenant les voici tournant vers le sud et prenant pour objectif central Troyes, Kluck en arrière (au moins dans l'esprit de Moltke) flanc-gardant ce front immense. Dès cette minute précise, le grand état-major allemand est contraint de suivre le sillage de la retraite française, et il est nettement manœuvré par Joffre, dont la belle instruction du 25 août a produit, en cinq jours, ce magnifique résultat.
Il suffit de comparer les documents eux-mêmes pour voir à quel point la calme maîtrise de Joffre s'oppose à ce mélange d'orgueil, d'erreur, de méfiance, d'indécision et même d'affolement."
Pour l'auteur le Général Joffre tient à assurer les communications et les liaisons de ses armées, la retraite doit lui permettre de les rétablir et quand elles seront rétablies la contre-offensive pourra commencer. La retraite britannique rend impossible l'arrêt sur les massifs Royes-Saint-Gobain-Montagne de Reims, afin d'échapper à l'encerclement, Joffre retraite vers le sud attirant les Allemands loin de Paris, ce qui évite d'enfermer une partie des forces dans la capitale et de conserver, toute les possibilités de manœuvre.
Où s'arrêtera la retraite ? Le terrain.
La Seine et ses affluents offrent une ligne d'arrêt possible pour les armées en retraite. Les Allemands tentent de faire converger vers la plaine catalaunique.
La manœuvre allemande.
Pour Hanotaux c'est le général Joffre qui a choisi le lieu de la bataille en amenant l'ennemi où il souhaitait, c'est la manœuvre qui déterminera la date. Les batailles victorieuses de la Mortagne et du Grand-Couronné vont être les signes précurseurs du retournement de l'initiative. Le 6 septembre von Heeringen reçoit l'ordre de transporter son XVème corps sur Busigny-Saint-Quentin. La tentative de von Kluck de prendre à revers les Britanniques et la Vème armée vont modifier l'orientation de la progression. L'auteur avance aussi une autre explication, le haut commandement allemand se sachant battu à l'Est (Nancy, Les Vosges) n'osait plus se lancer sur Paris.
L'auteur analyse la manœuvre de von Kluck :
"Résumons : de l'hypothèse de la brèche résulte toute la manœuvre de von Kluck; la fougue, l'orgueil, l'envie épaississent le bandeau sur ses yeux et, malgré les avis qui lui parviennent, il ne change rien à ses ordres; il continue sa marche à fond sur la Marne et la Seine.
Le 4 septembre, à 21 h. 30, de la Ferté-Milon, il donne ses ordres pour chaque corps sur cette directive générale : " La Ire armée continuera demain, 5, la marche en avant vers la Seine, en se couvrant contre Paris. " Et, à 23 h. 30, il les résume ainsi à Moltke: "L'armée se portera en avant le 5, attaquant l'ennemi partout où on le rencontrera : le IXe corps sur Esternay, le IIIe sur Sancy, le IVe sur Choisy, le IIe sur Coulommiers, le IVe de réserve à l'est de Meaux. Le 2e bataillon de chasseurs avec la 4e division de cavalerie couvriront le flanc droit. Le IIe corps de cavalerie avec les 2e et 9e divisions de cavalerie sur Provins."
Ainsi, trois corps sont sur le Grand Morin, et le IIIe corps à huit kilomètres au sud de cette rivière ! On livre à l'armée franco-anglaise une bataille d'angle : mais un côté de l'angle est extrêmement fort, celui qui pousse en avant, et l'autre côté extrêmement faible, celui qui regarde Paris.
Cette conception est finalement juste l'opposé de celle de von Moltke, puisque celui-ci entendait être en forces devant Paris, tandis que son centre attaquerait et bousculerait la gauche française vers Montmirail et Sézanne.
Or, les deux systèmes qui se contredisent entrent simultanément à l'heure décisive en voie d'exécution.
Cela revient à dire que le haut commandement allemand, sous le coup de la manœuvre de Joffre, a déjà perdu pied. Celui qui doit commander ne commande plus, celui qui doit obéir n'obéit plus. Toutes les solutions deviennent mauvaises et toutes les issues commencent à se fermer.
Que l'on compare les dispositions des deux commandements, comme tenue, comme autorité, comme bon sens. Avant qu'un coup de fusil ait été échangé, l'infériorité du commandement allemand a décidé du sort de la bataille.
Il reste à examiner un dernier point. Le commandement allemand avait-il deviné le plan de Joffre ? Connaissait-il, ignorait-il de l'armée Maunoury ? Von Kluck, ayant eu affaire aux troupes de l'armée Maunoury, notamment au combat de Proyart, savait, à n'en pas douter, que des forces existaient sur sa droite. Des renseignements allemands provenant des armées de l'est avaient mentionné le transfert, de troupes françaises dans la direction de Paris. Malgré tout, les historiens de l'état-major et, en particulier, Stegemann, disent que von Kluck était mal renseigné. La brochure sur les Batailles de la Marne, attribuée à un officier de l'entourage de von Kluck, assure que ce dernier " savait qu'il se trouvait encore des troupes à gauche du corps expéditionnaire anglais, mais en ignorait la force exacte ". Le général lui-même aurait déclaré, d'autre part, qu'il n'aurait jamais pensé qu'il se trouverait un gouverneur d'une place assiégée ayant l'audace de faire sortir ses troupes du rayon d'action de la forteresse. La thèse finale de von Kluck consiste à dire que le G. Q. G. ne lui avait pas signalé la présence de forces importantes dans la région de Paris (Marche sur Paris, p. 99.). Mais ne lui appartenait-il pas, comme le chef le plus proche, de se renseigner lui-même et de renseigner le G. Q. G. ?
Quelle que soit la valeur de ces explications, données, d'ailleurs, après coup, von Kluck n'y regarde pas de si près : et par un aveuglement supérieur ou plutôt ayant les yeux fixés non en arrière, mais en avant, croyant trouver devant lui une brèche et une armée défaillante, dans sa hâte d'agir et de réussir, il fonce : or, il trouve l'armée de Joffre debout, bien liée et prête au combat."
Hanotaux analyse et critique l'ordre général du G.Q.G. allemand du 5 septembre :
" Comparez-le à la netteté et à la précision des ordres français. Le commandement supérieur allemand abordait la bataille déjà à moitié désarçonné par la manœuvre de Joffre. Son propre langage va prouver qu'il en est bien ainsi : ni sa pensée, ni son action ne sont plus libres.
Voyons, plutôt. Les paragraphes a et c contiennent deux aveux qui servent de points de départ à la nouvelle manœuvre : Moltke reconnaît la double faillite, à l'est et à l'ouest, du plan initial allemand. A l'ouest, le mouvement d'enveloppement par l'aile droite est manqué puisque la liaison de l'armée de Joffre avec Paris n'est pas coupée. Contrairement à ce que les renseignements allemands avaient porté à croire jusque-là, il n'y a pas de " brèche " dans le front français. Tel est le premier aveu; mais il n'est pas exprimé avec assez de franchise pour éclairer pleinement les subordonnés responsables. Du texte de l'Instruction, il résulte, en effet, que la liaison subsistante n'est assurée que par des détachements : or, cette liaison est constituée, en fait, par deux puissantes armées (armée britannique et 6e armée). De telles erreurs, volontaires ou non, peuvent excuser, dans une certaine mesure, la faute subséquente et l'indiscipline de von Kluck.
Second aveu, cette fois, concernant l'est : la deuxième branche de la tenaille n'a pas réussi davantage de ce côté. Il faut définitivement renoncer au refoulement de toute l'armée française contre la frontière suisse, en direction sud-est. Voici donc que s'éclaire la pensée initiale du commandement allemand en ce qui concerne les opérations de Verdun, de la Woëvre, de la Lorraine et des Vosges. Comme nous n'avions cessé de le dire depuis 1916, bien avant de connaître l'ordre du général de Moltke (publié fin 1919), c'était bien par une manœuvre de l'est qu'on comptait venir à bout de l'armée de Joffre. Ce qu'on voulait briser surtout, c'était notre " force de l'est ". Et c'est pourquoi la marche sur Paris d'abord n'était qu'une marche, une manœuvre, un coup risqué tout au plus; mais la pensée de derrière la tête ne visait pas immédiatement la capitale ; elle visait l'enveloppement total de l'armée française ou, au pire, son refoulement total sur la frontière suisse.
Et voilà ce qui explique la puissance et l'offensive immédiate des deux armées et du détachement d'armée opérant dans l'est : cette marche par la Mortagne sur Épinal et sur Belfort, cette offensive par Nancy sur Toul, ces journées de la Trouée de Charmes et du Grand-Couronné, que l'on voulait, en France, jusqu'ici, ne considérer que comme secondaires."
L'auteur résume sa vision de la stratégie allemande :
" En somme, le haut commandement allemand a passé par trois étapes de conceptions et d'illusions :
1re étape: Détruire l'armée française en une fois, selon le système de Schlieffen (avec les modifications que lui a fait subir de Moltke, un peu avant la guerre), au moyen d'une double marche d'enveloppement par la Belgique et par la Lorraine. " On avait décidé, écrit von Tappen, pour l'année de mobilisation 1914-1915, en développant la pensée du colonel-général von Schlieffen, la formation de douze corps qui, comme Ire et IIe armées, devaient avancer à travers la Belgique au nord de la Meuse. C'était, d'après des calculs approfondis, tout le maximum de ce qui pouvait être utilisé là. " Après les succès des 19-23 août, on commença, ajoute von Tappen, ( en union avec les mouvements de l'aile droite, UN ENCERCLEMENT EN GRAND DES ARMÉES ENNEMIES, encerclement qui, exécuté victorieusement, devait, d'après les opinions d'alors, amener une conclusion de la guerre ".
2e étape : Rabattre TOUTE l'armée française sur la frontière suisse par une pression simultanée des armées allemandes de l'ouest, du centre et de l'est. Ce projet est abandonné par la nouvelle décision.
Enfin, 3e étape : Rompre le front français par le milieu et rabattre les deux fragments, l'un sur la frontière suisse et l'autre sur Paris.
C'est à ce dernier système que l'on est arrivé le 4 au soir; c'est la conception finale. Elle naît dans l'esprit du grand état-major allemand aux abois, alors qu'il s'aperçoit que Joffre l'a attiré dans un guêpier. Mais, déjà plus qu'à demi éclairé, il n'a pas le courage de sa vision : il croit encore qu'il garde les atouts maîtres dans son jeu. N'ayant pas, sur lui-même, l'autorité nécessaire pour prendre des mesures radicales, il a moins encore celle qu'il faudrait pour les imposer à ses subordonnés.
Joffre, à la place de Moltke, eût, sans doute, ordonné la retraite sans livrer bataille, puisque les choses n'étaient pas telles qu'il les avait conçues ni, surtout, telles qu'elles devaient être. Au contraire, le haut commandement allemand persiste et patauge, disons le mot franchement. Il se trompe, et il trompe."
Il donne l'analyse de von François :
"Jugement sévère porté par le général von François, un des vainqueurs de Tannenberg, sur l'Instruction de Moltke :
" L'ordre qui était donné, écrit von François était l'aveu de la faillite du plan de campagne d'après lequel les armées allemandes avaient pénétré en Belgique; c'était l'abandon d'une course, à la vérité hardie, mais non pas sans espoir; c'était l'inclination respectueuse devant Paris et Verdun.
" L'ordre portait la marque de l'inexécutable :
" Pour la Ire armée, parce qu'elle avait déjà dépassé de trois jours de marche le secteur de sa nouvelle mission.
" Pour la IIe armée, parce qu'elle devait faire une conversion de 90 degrés vers Paris et par cela même arriverait le flanc, découvert dans la contrée nouvelle où se trouvaient les armées Foch et Franchet d'Esperey.
" Pour la IIIe armée, parce que le but frontal Troyes-Vendeuvre ne pouvait que conduire rapidement à une séparation des IIe et IVe armées et à une menace de flanc des deux côtés, menace à laquelle l'armée faible en effectifs ne pourrait résister.
" Pour les IVe et Ve armées, parce que la poussée réclamée avec précipitation pour l'ouverture des passages de la Moselle exigeait d'abord l'investissement complet de Verdun, ce que la Ve armée ne pourrait réaliser hâtivement.
" Pour les VIe et VIIe armées, parce que les troupes, notamment la VIe armée, en essayant de forcer la trouée de Charmes, avaient déjà fortement souffert et qu'on ne pouvait espérer que des troupes affaiblies atteindraient ce but quand d'autres troupes fraîches y avaient échoué.
" La décision d'un chef d'armée se prend sur la connaissance de sa propre situation et de celle de l'ennemi. L'ordre du G. Q. G. fut donné dans une complète ignorance de notre situation et ébranla beaucoup la confiance des chefs su subalternes dans la science de l'O. H. L.
" Le résultat de l'ordre s'exprima d'abord par un arrêt dans les mouvements des Ire, IIe et IIIe armées. On cherchait une solution. Mais avant qu'on la trouvât, l'ennemi parla. La bataille de la Marne commençait. ""
La manœuvre française. Les conditions attendues par le général Joffre.
"Voyons, maintenant, ce qui s'était passé dans le camp français. Quatre documents éclairent la pensée du haut commandement dans la période du 1er au 3 septembre :
1° L'Instruction n° 4, datée du 1er septembre, et qui prescrit la retraite générale, au besoin jusqu'à la Seine.
2° La note 3463, datée du 2 septembre, confirmant, avec la plus grande netteté, ce qui est dit dans l'Instruction générale précédente : que la manœuvre en retraite a pour objet, aussitôt l'heure venue, de passer à l'offensive sur tout le front, mais que cette offensive est subordonnée à trois conditions : que les deux corps prélevés sur les armées de Nancy et d'Epinal soient en place; que l'armée anglaise se déclare prête à participer à la manœuvre; que l'armée de Paris soit en mesure d'agir en direction de Meaux.
3° L'ordre général n° 11, daté également du 2 septembre, prescrivant toutes les mesures à prendre, à la dernière minute, pour que tout soit prêt et que les énergies soient tendues vers la victoire finale; le général en chef affirme de nouveau son intention de reprendre sous peu l'offensive générale.
4° La note adressée, le 3 septembre, au ministre de la Guerre, indiquant les raisons pour lesquelles l'offensive générale a été légèrement retardée. Le but du général en chef est de préparer une offensive en liaison avec la Anglais et avec la garnison de Paris et d'on choisir la région de façon qu'on utilisant, sur certaines parties du front, les organisations préparées , on puisse s'assurer la supériorité numérique dans la zone choisie pour l'effort principal.
On voit comment les idées s'enchaînent et comment les données du problème se précisant, la solution se dégage peu à peu. Il faut : a) que tous les corps, et notamment les deux derniers, soient en place; b) que l'armée britannique ait assuré son concours; c) que les forces mobilisées de Paris soient prêtes à garantir la supériorité numérique au point où doit se porter la manœuvre
Nous en sommes là le 3 septembre"
Le 4 septembre, à 9 heures, il est clair que la Ire armée allemande se dirige non plus vers Paris mais vers le sud-est. Le général Gallieni donne l'ordre à Maunoury de préparer une attaque vers l'est.
"On a une claire vision de ce qui se passe dans le camp adverse et, dans le nôtre, tout est prêt.
Si, seulement, on était assuré du concours de l'armée anglaise !
Joffre a été avisé des directives données à l'armée de Paris," cette armée pouvant opérer suivant les circonstances, au nord ou au sud de la Marne ". A 13 heures, le général on chef répond à Gallieni qu'il préfère l'opération par le sud de Lagny et il ajoute : " Voulez-vous vous entendre avec le maréchal commandant en chef l'armée anglaise pour l'exécution de ce mouvement ? "Gallieni, accompagné de Maunoury, sans attendre cet ordre, est arrivé à 15 heures au collège de Melun ; mais French est absent et l'on ne peut rien préparer sans l'approbation du maréchal."
Joffre décide de livrer bataille.
"Tandis que la vigilance de Gallieni permettait ainsi de recueillir les plus utiles précisions sur l'ennemi et d'assurer une distribution judicieuse des troupes rassemblées dans le camp retranché de Paris, sans parvenir toutefois à préparer l'opération de concert avec l'armée anglaise, la journée du 4 avait vu, dès le matin, surgir en d'autres points d'autres initiatives, toutes importantes au point de vue de la décision à prendre, le grand quartier général les suscitant en vue de déterminer l'heure la plus favorable à la reprise de l'offensive.
Tous les matins, les officiers de l'entourage direct du général Joffre, le colonel Gamelin, le commandant du Galbert, avaient l'habitude de se réunir dans le bureau du colonel Pont, où ils suivaient sur la carte le cours des opérations. Ce matin-là, 4 septembre, un tracé qui se dégage des renseignements venus de toutes parts les impressionne vivement : les positions de l'armée de Paris, de l'armée britannique et de la 5e armée affecte la forme accentuée d'une poche enveloppant les forces allemandes lancées à leur poursuite : l'idée d'une contre-offensive surgit naturellement dans leur esprit, et ils en référèrent au général Joffre."
Franchet d'Esperey, à la Vème armée préfère le 6 pour la contre-offensive se que préfère aussi les Anglais. Les directives de l'Instruction Générale N° 5 arrivent aux armées dans la nuit du 4 au 5 septembre, la date du 6 est arrêtée.
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