MEMOIRES DU GENERAL GALLIENI - DEFENSE DE PARIS

CHAPITRE V

Le 5 septembre, levé à la première heure, je recevais de suite communication des nouvelles de la nuit. Il en résultait que les éléments destinés à prendre part à la bataille qui allait s'engager sur l'Ourcq et sur la Marne inférieure, armée de Paris, armée anglaise, 5e armée, étaient bien tous d'accord pour mettre à exécution le nouveau programme, arrêté dans la soirée du 4 septembre. Un seul doute subsistait encore arriverions-nous à temps pour attaquer nos adversaires dans leur marche vers le sud et pour contrecarrer leurs projets de débordement de l'aile gauche française ?

 

Ligne de front le 5 septembre

 

En ce qui concernait les dispositions prises par l'armée de Paris pour participer à cette opération, la situation était très nette :

Les forces territoriales du Camp retranché étaient laissées à la garde de la Capitale et occupaient les emplacements déjà décrits :

83e Division : Noyau central. 85e Division : Région Est.

89e Division : Région Ouest. 92e Division : Région Nord.

185e Brigade : Intervalle Sud. 166e Brigade : Intervalle Nord.

La 62e division de réserve tenait toujours la région de Pontoise et les deux rives de l'Oise ; la 61e division de réserve occupait la région au sud de Luzarches, entre les deux routes de Paris à Senlis et à Beauvais.

Les troupes d'artillerie du Camp retranché, environ 8.000 hommes, en outre des artilleries divisionnaires et des trois groupes de sortie, s'occupaient activement à l'armement des forts ainsi que des batteries construites dans l'intervalle et en avant de ces forts. Sous la direction du colonel Péchot, ce même service assurait l'établissement de la plate-forme et de la pose de la voie étroite destinée à relier les magasins des secteurs avec les divers ouvrages. Nos officiers d'artillerie territoriale, dont beaucoup étaient ingénieurs civils, anciens élèves de nos grandes écoles du Gouvernement, travaillaient avec une intelligence et un dévouement remarquables à la mise en état de défense des zones qui leur étaient affectées. Déjà la situation critique des jours précédents commençait à s'améliorer et sous peu, nos batteries seraient complètement armées et approvisionnées, tandis qu'on développait l'ensemble des tranchées, ouvrages d'infanterie, abris, réseaux de fils de fer, abatis, qui allaient bientôt constituer autour de Paris une ligne infranchissable pour nos adversaires.

Les troupes du génie, environ 2.000 hommes, plus 6.500 réservistes de l'armée territoriale (ou R. A. T.); prenaient également une part active à tous ces travaux. En outre, pour hâter encore l'achèvement de toutes ces mesures de défense, j'avais prescrit d'enrôler un certain nombre d'ouvriers civils, terrassiers de profession, qui nous apportaient un concours des plus utiles. On peut dire que, pendant ces journées de septembre, tout le Camp retranché était transformé en un vaste chantier, limité par les points suivants : Pontoise, Ecouen, Lagny, Brunoy, Longjumeau, Trappes, Poissy.

La 45e division algérienne étant en route pour rejoindre la 6e armée, c'était la brigade de fusiliers marins, renforcée par une brigade provisoire de zouaves tirée du dépôt de Saint-Denis, qui constituait la réserve générale du Camp retranché. Elle était cantonnée, prête à prendre immédiatement les armes, au nord du Bourget, à Dugny.

Quant à l'armée mobile, elle comprenait, à cette date du 5 septembre : les 55e et 56e divisions de réserve, formant le groupe du général de Lamaze ; le 7e corps, sous les ordres du général Vauthier, dont une division était remplacée par la 63e division de réserve ; la brigade marocaine ; enfin, la 45e division algérienne, général Drude, qui venait d'être placée la veille sous les ordres du général Maunoury. Je ne parle pas des 61e et 62e divisions de réserve, formant le groupe du général Ebener, puisqu'elles étaient encore réservées pour couvrir le Camp retranché dans la direction nord, des troupes allemandes étant toujours signalées vers Beauvais et sur les deux rives de l'Oise, mais, je comptais bien utiliser ces deux divisions plus activement, dès que les circonstances le permettraient et, déjà, j'avais poussé la 62e division vers l'est, au nord de Moisselles et Mesnil-Aubry.

Quant au corps de cavalerie Sordet, suivant les ordres du Général commandant en chef, il " s'était replié au sud de la Seine et avait cessé d'appartenir à la 6e armée " pour lui être rattaché à nouveau par l'ordre du 5 septembre. Ce mouvement inopportun, outre qu'il avait découvert tout le front ouest du Camp retranché, n'avait permis au général Sordet de rejoindre la 6e armée que le 7, dans la région de Nanteuil-le-Haudouin.

J'avais placé cette armée mobile sous les ordres du général Maunoury, toujours à la tête d'ailleurs de la 6e armée. J'avais déjà eu le général Maunoury sous mes ordres, alors qu'il commandait le 15e corps et que j'étais chargé de l'inspection de l'Armée des Alpes. Le général Maunoury était un chef vigoureux et capable, dans lequel je pouvais avoir toute confiance. C'était à lui qu'allaient échoir l'honneur et la responsabilité de conduire la bataille de l'Ourcq. Il sut, dans ces rudes journées, déployer ces qualités d'énergie, de décision et de sang-froid qui laisseront de lui la réputation d'un grand chef militaire. Pour moi qui ne pouvais, tout en conservant la haute main sur notre armée mobile, abandonner le gouvernement militaire de la Capitale, avec ses 2 500 000 habitants, et où tant d'intérêts si élevés étaient encore en jeu, je devais, ainsi que je l'avais fait les jours précédents, mettre toute mon activité à renforcer cette armée mobile par les moyens les plus rapides et à l'aide de tous les renforts que j'avais demandés avec tant d'insistances, ainsi que de toutes les ressources matérielles dont je pouvais disposer.

C'est ainsi que je quittai mon quartier général à 14 heures pour me rendre à Asnières, où venait de débarquer la 8e division du 4e corps, sous les ordres du général de Lartigue. La jolie petite ville était complètement envahie par nos soldats cantonnés dans les maisons et les villas, tandis que l'artillerie, la cavalerie et les convois étaient parqués sur les places publiques et dans les avenues. La gravité de la situation était alors connue de tous et l'apparition de nos régiments donnait la preuve que le Gouvernement et le haut commandement se préoccupaient de concentrer dans Paris les troupes nécessaires pour sa défense. Aussi, fus-je l'objet de la sympathie démonstrative des habitants d'Asnières, quand, descendant de mon automobile, je traversai la foule qui remplissait la place et débordait sur le perron qui conduisait à la mairie où le quartier général de la 8e division était installé.

Le 4e corps venait de la région de Verdun et avait été fortement éprouvé dans les combats qui avaient eu lieu sur cette partie de notre frontière. C'est ainsi que le général de Lartigne me rendait compte que sa division avait subi de grosses pertes en cadres, surtout en officiers; notamment le général Chabrol, l'un de mes anciens officiers du Tonkin, avait été tué; que la plupart des compagnies, composées exclusivement de réservistes, ne possédaient plus qu'un seul officier, lieutenant ou sous-lieutenant; qu'elle avait perdu un matériel important et qu'elle n'avait ni outillage, ni fils de fer, ni sacs à terre pour l'organisation des positions défensives. Je faisais prendre note de toutes ces lacunes et l'un de mes officiers rentrait immédiatement à Paris pour faire diriger sur Asnières tout le matériel demandé. Quoi qu'il en soit, il résultait des déclarations du général de Lartigue que sa division était hors d'état de marcher avant quelques jours. Je le prévins que les circonstances étaient d'une telle urgence que les divers éléments de la 8e division devaient se tenir prêts à prendre, dès le lendemain, la direction de l'est pour aller se joindre à l'armée du général Maunoury. Avant de quitter Asnières, j'allai inspecter la brigade, du général Desvaux, qui avait été plus particulièrement éprouvée. Malgré tout, les hommes présentaient un aspect militaire qui, malgré leur état de fatigue, pouvait inspirer confiance. Mais les cadres faisaient défaut et la plupart des compagnies me furent présentées par des lieutenants ou sous-lieutenants, quelques-unes même par des adjudants et sergents-majors.

D'Asnières, je me rendis à Pontoise pour revoir le général Ebener qui y avait toujours son quartier général; il tenait la région et les deux rives de l'Oise avec la 62e division, tandis que la 61e couvrait la région nord du Camp retranché. J'ai déjà dit que ces deux divisions, particulièrement celle du général Ganeval, avaient subi de grosses pertes. Aussi le général Ebener employait-il ces quelques jours de répit à reconstituer ces unités. Il va sans dire que je mettais à sa disposition toutes les ressources en personnel et matériel dont le camp retranché pouvait disposer. Je le prévins d'ailleurs qu'il devait se tenir prêt à marcher d'un moment à l'autre pour aller renforcer l'armée de l'Ourcq. En attendant, je lui renouvelai mes instructions pour l'accomplissement de la mission de protection dont je l'avais chargé.

En somme, dans cette journée du 5 septembre, la situation militaire se présentait comme suit, en ce qui concernait les armées qui formaient l'aile gauche des forces françaises et anglaises, dont le front s'étendait, à ce moment, depuis le Camp retranché de Paris jusqu'aux Vosges, en passant au nord de Verdun et de Nancy et à l'est d'Epinal et de Belfort :

L'armée anglaise avait son front parallèle à la route de Lagny à Provins, couvert par la forêt de Crécy et était reliée par sa cavalerie à la 5e armée, commandée alors par le général Franchet d'Espérey et s'étendant de la forêt de Jouy par Villiers-Saint-Georges et les Essarts à Sézanne. Elle était face à son objectif Coulommiers-Changis mais craignait toujours pour ses deux ailes, notamment pour son aile gauche, malgré la proximité du Camp retranché de Paris.

La 5e armée avait pour objectif la ligne Courtacon-Sézanne.

Quant à la 6e armée, à 16 heures, les mouvements prévus par l'ordre d'opérations du 4 septembre étaient en cours d'exécution. Les avant-gardes du groupe de divisions de réserve occupaient Penchard, Monthyon et Saint-Soupplet. Le 7e corps occupait également, par ses avant-gardes, Lessart, Eve et Ver. Aucun ennemi n'était encore signalé sur le front. L'une de nos reconnaissances avait échangé des coups de fusils aux alentours de Senlis. Le général Maunoury devait, le 6, continuer sa marche vers l'Ourcq couvert par le IVe corps de réserve allemand qui, sur la rive droite de cette rivière, tenait le front Meaux-Crouy. Les autres corps d'armée de von Klück continuaient leur marche de Faremoutiers à Esternay, trois corps en 1re ligne, le 9e corps en retrait, sa tête à l'ouest de Montmirail. Toute cette armée avait visiblement pour objectif la 5e armée dont elle essayait de déborder l'aile gauche, opération qu'elle n'avait cessé de tenter depuis la bataille de Charleroi et que le général Lanrezac avait toujours déjouée.

Les nouvelles en général continuaient d'ailleurs à être peu favorables pour nous. La place de Reims venait de se rendre aux Allemands avec sa garnison et son matériel. D'autre part, Maubeuge était vigoureusement bombardé et on s'attendait sous peu à sa chute, qui allait rendre disponible un corps d'armée ennemi environ.

Dans ces journées des 4 et 5 septembre, se place un incident qui devait, par ses suites, me montrer que, malgré la situation grave que traversait notre pays, la politique et les questions de personnes ne perdaient pas leurs droits. Pour un homme qui n'avait jamais vu, dans tous ses commandements coloniaux et qui, actuellement, ne voyait que le salut de la Patrie et la recherche des moyens et des ressources pour y arriver, qui s'inspirait toujours des grands exemples donnés par nos conventionnels et, plus près de nous, par Gambetta et ses collaborateurs, ce fut une surprise. Voici d'ailleurs le fait :

M. Doumer m'écrit pour se mettre à ma disposition et me débarrasser des questions d'ordre civil qui dépendaient du Gouverneur et pouvaient le détourner de ses préoccupations militaires qui primaient tout à ce moment : les mesures relatives à la police et à la sécurité de la Capitale, ainsi qu'au ravitaillement d'une population de près de deux millions cinq cent mille habitants, les relations avec le préfet de la Seine et le préfet de police, les multiples prescriptions concernant la circulation dans et hors Paris, la délivrance des laissez-passer, la surveillance des étrangers et des gens suspects, l'organisation d'un vaste service de sûreté et de contre-espionnage dans tout le Camp retranché de Paris. Tout cela

constituait une énorme charge dont j'aurais bien voulu débarrasser mon État-Major. De même que dans mes grands commandements coloniaux, pendant mon gouvernement général de Madagascar notamment, j'avais eu toujours auprès de moi deux états-majors, l'un militaire, s'occupant des questions purement militaires, l'autre civil, avec un secrétaire général, de même le gouvernement militaire de Paris devait fonctionner dans de meilleures conditions s'il était organisé d'après ces principes. J'acceptai donc avec empressement l'offre de M. Doumer. Je le connaissais peu, ne l'ayant vu que quatre ou cinq fois au plus, alors qu'il occupait les fonctions de président de la Chambre et de membre de commissions d'Etudes de la Chambre et du Sénat. Je savais seulement que M. Doumer était un homme de travail, de décision et de savoir, et que j'aurais en lui un collaborateur de tout premier ordre. Toutefois, avant de prendre une décision, je téléphonai à M. Millerand, ministre de la Guerre, à Bordeaux, pour savoir s'il ne voyait aucun inconvénient à ce que j'utilise les services de M. Doumer. La réponse ayant été affirmative, je donnai immédiatement mes instructions à ce dernier qui me prouva de suite, par la manière rapide dont il organisa son service et ses bureaux, ses hautes qualités d'organisation et d'administration. Je reconnaissais là la manière coloniale, où il faut toujours agir vite et sans s'attarder aux préliminaires.

Les " Affaires civiles " du gouvernement militaire de Paris étaient ainsi réparties en trois bureaux :

1er Bureau. - Sécurité intérieure de la Ville de Paris.

Police municipale.

Sécurité des communes du Camp retranché.

Circulation. Rapports avec la préfecture de police.

2e Bureau. - Ravitaillement. Secours aux blessés.

Rapports avec les services militaires pour les questions intéressant la population civile.

Rapports avec les ministères. Rapports avec la préfecture de la Seine.

3e Bureau. - Renseignements politiques et militaires. Rapports avec les ambassades, légations et consulats.

Communiqués à la presse. Contrôle des journaux.

M. Doumer s'adjoignit d'ailleurs des collaborateurs rompus au travail et aux affaires et désireux, comme lui, d'apporter tout leur concours à l'œuvre de la défense nationale, dans les circonstances graves que nous traversions.

C'étaient : MM. André Lichtenberger, d'une famille strasbourgeoise, qui avait déjà rempli de nombreuses missions à l'étranger et qui s'occupait surtout des Alsaciens-Lorrains, Polonais, Tchèques, étrangers des pays neutres, en très grand nombre à Paris; Tirman, maître des requêtes au Conseil d'État, ancien directeur du Cabinet de plusieurs ministres et qui devait prendre la charge des questions de ravitaillement et d'approvisionnement (charbons, sucre, etc.), du projet de rationnement de la population, questions douanières et de transport ; Courtois de Maleville, maître des requêtes au Conseil d'État, à qui incombaient les questions suivantes: ravitaillement en pain, envois de lainages aux armées, service de santé, réquisition des automobiles, recrutement des ouvriers pour les travaux du Camp retranché, évacuation des réfugiés, etc. ; Gron, chef de bureau au ministère du Travail, chargé de la correspondance générale et des rapports à Paris avec les représentants des ministères ; Dubreuil, receveur-percepteur des Finances, chargé des affaires financières et commerciales ; Noël, auditeur au Conseil d'État, collaborateur direct des précédents ; Suricaud, fonctionnaire du ministère des Finances, également adjoint aux trois chefs de bureaux ; Laurent, maître des requêtes au Conseil d'État, chargé du service de liaison avec les deux intendances du Camp retranché et le bureau des transports de l'état-major au ministère de la Guerre et, en général, des questions concernant l'approvisionnement, les secours, l'aide aux sociétés de bienfaisance et aux réfugiés.

J'avais convoqué M. Doumer au Quartier Général à 10 heures du matin. J'avais mis une automobile à sa disposition et, à midi, la direction des affaires civiles était déjà installée et en plein fonctionnement. Je m'étais d'ailleurs entendu de suite avec mon nouveau collaborateur, sur le principe qui devait guider le nouveau service : arriver à des solutions promptes des multiples affaires qui se présentaient chaque jour et faire le minimum de paperasserie ; établir une liaison constante et rapide avec les diverses administrations dépendant de l'État, du gouvernement militaire et des préfectures, de manière à se tenir mutuellement au courant des affaires à traiter, et à les résoudre, si possible, séance tenante.

Ce nouveau service s'était mis, je le répète, immédiatement à l'ouvrage, lorsque, ce même jour, vers deux heures de l'après-midi, je reçus un message du Président du Conseil me disant que, le Conseil des Ministres en ayant délibéré, il ne pouvait m'autoriser à faire droit à la demande de M. Doumer. J'aurais commis une mauvaise action vis-à-vis de ce dernier, si je n'avais aussitôt protesté contre cette injonction contraire aux déclarations verbales et écrites du ministre de la Guerre, alors que j'avais été laissé seul à Paris, en l'absence du Gouvernement, pour diriger et assurer tous les services placés sous ma responsabilité. Par téléphone, je fis répondre à Bordeaux qu'il m'était impossible de revenir sur la décision que j'avais prise, que c'était sur l'autorisation qui m'en avait été donnés par M, Millerand, mon chef direct, que j'avais accepté la collaboration de M. Doumer, que le service nouveau était déjà en plein fonctionnement, et que sa suppression me gênerait considérablement au moment où je venais de réorganiser l'armée de Paris et d'ordonner son mouvement vers l'Ourcq contre les troupes du général von Klück. Ma protestation fut entendue, car je ne reçus aucune réponse et les choses restèrent en l'état.

Ce n'est que le 13 décembre, au moment du retour du Gouvernement à Paris, que la direction des Affaires civiles fut supprimée, la plupart des affaires dont elle avait à s'occuper retournant aux différents ministères auxquels elles étaient rattachées précédemment. Je ne saurais trop me louer ici de la précieuse et dévouée collaboration que j'ai toujours trouvée chez M. Doumer et ses bureaux qui se sont attachés, suivant le principe posé à l'origine, à me débarrasser des questions qui pouvaient gêner et troubler mes préoccupations d'ordre militaire. Je conservais la haute main sur tous ces services, mais je n'avais jamais à m'occuper de leurs détails et, ce qui correspondait surtout à ma méthode de commandement, c'est que M. Doumer m'apportait toujours la solution de l'affaire en même temps que la connaissance de son existence. Et, je puis ajouter ici, pour faire taire les scrupules des hommes qui m'avaient vu avec quelque répugnance utiliser les hautes capacités et la bonne volonté de M. Doumer, à un moment où il y avait quelque mérite à rester dans Paris, menacé d'investissement, qu'il n'a jamais été question de politique entre nous. L'ancien Président de la Chambre m'a apporté sa collaboration la plus dévouée et la plus énergique dans toutes les questions intéressant la mise en état de défense et l'organisation du Camp retranché. C'est lui notamment qui m'a permis, à un moment où la garnison avait été réduite à 3 divisions incomplètes, et lorsque les lignes ennemies se trouvaient encore à 80 kilomètres de Paris, d'établir notre champ de bataille du Nord, de l'Epte à l'Ourcq, en entrant en relations avec les syndicats d'ouvriers de la capitale et en me procurant les 15.000 travailleurs nécessaires pour mener activement cette tâche. Bref, pendant cette période, toute de travail et d'activité, consacrée à la mise en état de défense du Camp retranché, au ravitaillement de sa population nombreuse, à la mise en train des fabriques, usines, ateliers, destinés à nous fournir les munitions, l'habillement, l'équipement, les vivres nécessaires à nos armées en campagne, il n'est pas une mesure pour laquelle M. Doumer ne m'ait apporté de suite le concours le plus entier, le plus intelligent et le plus efficace.

Et cependant, longtemps encore après la suppression de la direction des Affaires civiles, la désignation de M. Doumer, dans certains milieux parlementaires ou de presse, m'a été reprochée ou a été interprétée comme une manœuvre politique. De nombreuses personnes, me prêtant leurs propres idées, estimaient que j'avais eu tort d'avoir recours à un homme connu par ses antécédents politiques que je n'avais pas à apprécier. D'ailleurs, pour bien montrer combien toute idée de ce genre était loin de ma pensée et pour bien accentuer mon éclectisme en fait de politique, comme celui de M. Doumer également, je dirai ,qu'il prit comme collaborateurs, à un moment donné, des hommes comme M. Denys Cochin, ou encore M. Groussier et que, moi-même, j'entrais en relations avec les représentants les plus avérés des idées avancées, comme M. Hervé, directeur de la Guerre Sociale, et Renaudel, directeur de l'Humanité. Je n'ai jamais pensé voir en eux que des collaborateurs pour l'œuvre commune.

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