LE POINT DE VUE DU GENERAL VON KLUCK
Le commandant de la Ière Armée Allemande va être amené à prendre des initiatives et à interpréter les ordres donnés par le G.Q.G. (Grands Quartier Général). Au début de septembre 1914, la Ière Armée a toutes les raisons de penser que la campagne contre la France est en passe d'être gagnée, mais les informations reçues par von Kluck ne sont que parcellaires. En trois jours, cette victoire probable tourne à la retraite généralisée. Que c'est il passé ?
Dans son livre écrit en 1918, "La marche sur Paris", le général A. von Kluck donne une vision non influencée par les autres récits ultérieurs relatifs à la première bataille de la Marne. Une bonne part des informations, que l'on trouvera après, sont extraites de ce livre, dont la traduction en français par le Commandant Delestraint a été publiée chez Payot en 1922.
La concentration de la 1ère Armée Allemande et de ses 200 000 milles hommes s'effectuent à l'est d'Aix-la-Chapelle, sur une zone qui s'étend jusqu'à Dusseldorf où les deux Corps d'Armée de Réserve vont se former, ils devront "rattraper" les Corps d'Armée d'Active qui franchiront la frontière belge les premiers.
Ce franchissement ne pourra se faire, et en évitant de se rapprocher de la frontière hollandaise, que lorsque la 2ème Armée aura pris les forts de Liège et les ponts sur la Meuse. C'est à partir du 13 août 1914 que les Corps d'Armée d'Active commencent leur progression
Il est intéressant de noter que le Général von Kluck n'aime pas perdre sa liberté d'action. Le 17 août le G.Q.G., l'informe dans l'après-midi, que la 1ère et 2ème Armées ainsi que le 2ème Corps de Cavalerie (Marwitz) sont placés sous les ordres du commandant de la 2ème Armée pour la progression vers Bruxelles, il exprime son étonnement sur cette décision qu'il estime inopportune.
Il donne un point de vue très sévère à propos de la conduite des Belges, qui tirent sur les Allemands isolés :
" Depuis qu'elle avait franchi la frontière belge, l'armée était en butte à des actes de perfidie de la part de la population, excitée, disait-on, par les autorités. Chaque jour, des coups partaient des haies; des officiers et des soldats étaient victimes de meurtres abominables, et des soldats belges déguisés y participaient. Le droit des gens était foulé aux pieds. Les proclamations les plus menaçantes ne, produisaient aucun effet. Des mesures de représailles sévères, inexorables, furent édictées par les chefs responsables pour empêcher ces attentats. Des exécutions prononcées d'après la loi martiale et des incendies allumés sur le front et sur ses derrières ne portèrent que lentement remède à la situation. Au cantonnement, comme au dehors, il était toujours prudent d'avoir une arme à sa portée, même dans les plus hauts états-majors, dès que l'armée avait passé. Partout où le commandant en chef était logé, il devait se faire protéger par un bataillon, des mitrailleuses et quelques canons prêts à faire feu. Jusqu'à la frontière sud de la Belgique, l'existence de l'armée fut ainsi empoisonnée.
Dans tout le pays, les communications à l'arrière de l'armée durent être protégées efficacement contre les atteintes de la malveillance et même de la bestialité.
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Le quartier général de l'armée s'installa à Louvain. Là encore, on trouva, en arrivant, des proclamations du gouvernement belge excitant la population à l'assassinat ; on y trouva également des femmes tuées en combattant les armes à la main."
Avec un tel état d'esprit, on comprend mieux les fusillades d'otages civils et les incendies de répression.
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Le 20 août, Bruxelles est pris "Par l'occupation de Bruxelles, le premier objectif de l'armée était atteint. L'avance exceptionnellement rapide et sans à coups qui avait exigé des efforts considérables de la part des troupes combattantes ainsi que des colonnes de munitions et des trains e l'armée avait complètement surpris l'armée belge et empêché toute intervention anglo-française. Le plan de concentration des Belges et des Anglais, peut-être aussi celui des renforcements français, était par terre, et l'occupation de la Belgique devenait possible. Si nous n'avions pas réussi à battre complètement les Belges ni à les couper d'Anvers, c'est que, tout en opposant par endroits une résistance opiniâtre, ils avaient toujours su rompre à temps le combat. Mais ils avaient été battus de telle façon qu'avec des forces relativement peu importantes, on pouvait les enfermer dans Anvers; dès lors, ils ne comptaient plus pour les batailles décisives.
L'avance avait été rendue particulièrement difficile, mais non retardée par la résistance de la population : celle-ci, excitée par les autorités et la presse, aidée par des soldats en civil, faisait une guerre acharnée de francs-tireurs, rendait les routes peu sûres à l'arrière du front, et détruisait surtout les communications téléphoniques.
Si la mobilisation et la concentration de l'armée allemande avaient eu lieu trois jours plutôt, on aurait obtenu probablement des résultats plus décisifs encore."
Les Allemands espéraient rencontrer des fractions de l'armée anglaise avec l'armée belge, le 20 août, ils n'avaient toujours pas eu de contact avec l'armée britannique, von Kluck pense la rencontrer prochainement vers l'ouest.
"Le rôle de la 1ère Armée était, tout en se couvrant du côté d'Anvers et en assurant ses communications, de protéger le flanc droit des armées allemandes contre les Belges, contre l'armée anglaise sur le point d'intervenir, et peut être contre les Français. On devait compter d'une façon certaine sur une avance des Anglais venant de Lille ; il convenait donc d'infléchir légèrement vers le sud-ouest la marche de la Ire armée en dirigeant son aile gauche vers l'ouest de Maubeuge, tout en restant en liaison avec le VIIe C. A. de la IIe armée. La Ire armée se serait ainsi trouvée en mesure de se porter à l'attaque vers le sud, l'ouest ou le nord-ouest, suivant le déploiement stratégique de l'ennemi. Et l'on gagnerait ainsi sur la droite à l'ouest, vers Tournai et Douai, - de l'espace pour se déployer tout en évitant que les deux armées de l'aile droite allemande, en poursuivant leur marche et en opérant une conversion vers le sud, fussent comprimées l'une contre l'autre.
Envisageant les événements d'une façon différente, le commandant de la IIe armée donna le 21 août les ordres suivants :
La IIe armée progressera le 22 août, elle traversera la Sambre, afin d'ouvrir le passage de la Meuse à la IIIe armée.
La Ire armée, tout en se couvrant du côté d'Anvers et en maintenant l'occupation de Bruxelles, participera à ce mouvement, de façon que, en masquant le front nord et nord-est de Maubeuge, elle puisse soutenir la IIe armée à l'ouest de cette place.
Ces dispositions furent maintenues malgré l'opposition du commandant de la Ire armée auquel on répondit que " autrement, la Ire armée s'éloignerait trop et n'arriverait pas à temps pour soutenir la IIe armée ". Le commandant de la IIe armée ne croyait pas à l'arrivée prochaine de forces anglaises, sans doute par suite de cet avis du G. Q. G. daté du 20 août et reçu le 21 août au soir : " Il faut s'attendre à ce que les Anglais débarquent à Boulogne et débouchent de la région de Lille. On reste cependant persuadé ici que des débarquements importants n'ont pas encore eu lien "
Comme la suite devait le démontrer, les opinions qui prévalaient alors au quartier général de Louvain étaient plus justes. D'après le rapport de French, l'armée anglaise, nous le savons maintenant, avait été concentrée du 21 au 22 août sur le canal Condé-Mons et vers Binche.
Le commandant de la IIe armée exigeait que la Ire se rapprochât; celle-ci désirait avoir les mouvements plus libres afin de remplir sa tâche d'ordre surtout stratégique, condition essentielle du développement des opérations tactiques. La décision du commandant de la IIe armée n'est pas restée sans influence sur la suite des combats avec les Anglais. Pendant des semaines entières, elle pesa sur le commandant de la Ire armée et sur son chef d'état-major.
Le 21 août, à midi, arriva à Louvain un radio annonçant que le général von der Marwitz, avec, les divisions de cavalerie 2, 4, 9, rassemblées dans la région d'Ath, était mis à la disposition de la IIe armée. La Ire armée perdait ainsi, malheureusement, l'aide d'une puissante masse de cavalerie, faute grave au moment où il s'agissait pour elle d'opérer une conversion rapide !
Le 22 août, la présence des Anglais est avérée sur le canal du centre et à Mons, von Kluck souhaite déborder les Anglais par l'ouest, qui eux pensaient se trouver devant 2 C.A. et une division de cavalerie allemands, mais déjà le Général French qu'il faudra se replier à l'ouest de Maubeuge. Le 23 la bataille commence.
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Von Kluck espère, tout en attaquant de front les Anglais sur le canal, les tourner par l'ouest, le Corps de Cavalerie atteint la région de Denain le 24. Le même jour l'attaque frontale réussit les Anglais décrochent vers le sud, entre Bavay et Maubeuge, mais le général French sous la pression numérique, la fatigue de ses troupes et le danger d'être enveloppé par les Allemands est contraint, les jours suivants, à la retraite vers le sud-ouest, d'autant plus que les Français à sa droite retraite également.
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On peut noter que von Kluck regrette l'ordre qu'il lui a été donné d'envoyer le corps de cavalerie d'abord reconnaître en direction de Courtrai, avant de tenter de tourner les Anglais par l'ouest. Pendant cette retraite des combats se produisent comme à Solesmes et Le Cateau, le 25 et le 26, où le IVème C.A. accroche les Anglais qui défendent avec acharnement la ville avant de décrocher dans la nuit. Von Kluck vint installer, cette nuit là, son Q.G. à Solesmes, afin d'être au plus près de l'action.
A partir du 27 août, la Ière Armée n'est plus subordonnée à la IIème et c'est cette dernière qui doit fournir les divisions qui vont investir Maubeuge.
Le Corps de Cavalerie Sordet tente d'aider l'Armée Anglaise, mais il est épuisé et retraite également.
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".... La division de queue restait affectée à l'observation du front ouest de Maubeuge. Le corps de cavalerie von Marwitz avait pour mission de se porter en avant du IIe corps d'armée pour barrer la retraite à l'ennemi. La droite et la gauche de la Ire armée formaient deux groupes à peu près d'égale force, suffisamment liés pendant la marche et le combat pour donner à la poursuite toute la vigueur nécessaire. Le quartier général resta à Solesmes.
L'ennemi verrait sa retraite vers l'ouest au nord de la Somme, contrariée par la pression qu'exercerait, de bonne heure, l'aile droite de l'armée. Après le passage du fleuve que la première armée effectuerait vraisemblablement au cours des 48 heures suivantes, on pourrait conserver l'espoir de " rejeter l'aile gauche ennemie sur les importantes forces françaises en retraite vers le sud-ouest devant la IIe armée ". Pendant la poursuite du 27, nous battîmes séparément, en de nombreuses rencontres, des fractions de l'armée d'Amade, nouvellement formée dans la région d'Amiens pont- couvrir le flanc gauche de l'armée anglaise. C'est ainsi que le IIe corps d'armée repoussa à Guyencourt la 3e division de cavalerie française et à Dailly des régiments de réserve français et que la cavalerie d'armée Marwitz rejeta à Bus la 84e division territoriale française.
Après une offensive de quinze jours - d'Aix-la-Chapelle aux environs de Péronne - la Ire armée était arrivée aux deux tiers de la grande courbe qui, par Bruxelles, conduisait à Paris. Par suite des nécessités de la situation stratégique, il avait été impossible d'accorder un véritable jour de repos. Marches, combats et batailles s'étaient succédé sans répit. Il n'en était que plus important de se préoccuper des communications avec l'arrière pour assurer la sécurité, l'arrivée des approvisionnements et des munitions. Le 24 août la limite de la zone des étapes fut avancée jusqu'à la ligne Ninove-Hal-Waterloo ; une garnison prévue pour Hal; les localités les plus importantes de la ligne d'étapes furent mises en état de défense; on prescrivit l'aménagement des bâtiments susceptibles d'être utilisés; des ponts et des têtes de ponts furent construits et le même jour sept bataillons et deux escadrons de landsturm furent tirés de Magdebourg.
Le IXe corps de réserve atteignit, le 25, Tongres an nord de Liège. Il était chargé, avec le IIIe corps de réserve, des troupes de landsturm encore attendues, le tout sous les ordres du général Von Beseler, d'assurer la protection contre Anvers. On espérait que le G. Q. G. ne retiendrait pas plus longtemps à Bruxelles la brigade du IVe corps de réserve et que celle-ci pourrait venir renforcer la Ire, armée dont l'aile droite était en l'air et le flanc complètement découvert. Malgré des demandes réitérées, cet espoir ne put encore être réalisé. On réclama de nouveau de l'artillerie lourde pour ce corps, en raison de son affaiblissement, et on fit aux troupes un strict devoir de ménager les munitions et notamment de ramasser soigneusement celles des hommes tombés sur le champ de bataille.
En raison de l'hostilité à craindre de la part de la population et d'attaques possibles par des soldats ennemis dispersés ou par d'autres adversaires, il fut prescrit de pourvoir de carabines tous les hommes faisant partie des trains et des colonnes de munitions, ainsi qu'on l'avait déjà réclamé en temps de paix. Les liaisons entre les corps d'armée et la tête principale d'étapes furent réglées de nouveau, le 27, et il fut prescrit aux premiers de faire reconnaître et éprouver l'état des voies ferrées conduisant à Paris ainsi que le matériel roulant que l'on avait trouvé."
Von Kluck est soucieux, car il sait que la Somme, son canal latéral et l'Oise sont des lignes de défense naturelle difficiles à franchir. Le 27 août, la 1ère Armée près les combats est sur la coupure de la Somme.
"Le soir, après de brefs mais vifs engagements, la rive gauche de la Somme, de Feuillières à Saint-Christ, était entre les mains des Allemands. En face, se trouvaient les 3e et 5e divisions de cavalerie françaises, et probablement huit bataillons, - pour la plupart, des chasseurs alpins de réserve.
D'autres forces françaises devaient, paraît-il, être débarquées dans la région d'Amiens. Le quartier général fut transporté dans la matinée du 29 à Péronne, dont le IVe C. A. s'était emparé.
Dans l'après-midi du 28, le message impérial suivant était parvenu par radio au Q. G. de Villers-Faucon :
" Après des coups rapides et décisifs portés aux Belges, aux Anglais et aux Français, la Ire armée dans sa course victorieuse s'apprête aujourd'hui à pénétrer jusqu'au cœur de la France. Je félicite l'armée de ses glorieux exploits, et je lui exprime ma gratitude et ma reconnaissance impériales. "
Au Q.G. de la Ire armée, on envisageait ainsi la situation :
L'aile gauche du gros des forces françaises se retire au sud et au sud-ouest devant les IIIe et IIIe armées victorieuses. Il est de la plus haute importance de gagner le flanc de ces forces pendant leur retraite ou sur l'une des positions qu'elles prendront, de les refouler en les éloignant de Paris, et de les envelopper. Par contre, il est moins urgent d'essayer de couper l'armée anglaise de la côte D'après ces considérations, on proposa au commandant de la IIe armée, le 28 à midi, d'opérer avec la Ire armée un mouvement de conversion sur l'Oise : la Ire armée marchant sur Compiègne-Noyon, et l'aile droite de la IIe armée sur Quierzy et Chauny.
Mais, le soir, des " instructions générales pour la suite des opérations " arrivèrent du G. Q. G. Elles escomptaient une nouvelle résistance des forces franco-anglaises sur l'Aisne, l'aile gauche avancée à hauteur de Saint-Quentin-La Fère-Laon; puis, ultérieurement sur la Marne, l'aile gauche appuyée à Paris; mais elles admettaient aussi comme possible une concentration de nouvelles forces sur la basse Seine. L'avance immédiate des armées allemandes sur Paris enlèverait tout répit aux Français et leur interdirait d'opérer de nouvelles concentrations.
" La Ire armée, avec le 2e corps de cavalerie qui lui est subordonné, marchera à l'ouest de l'Oise vers la basse Seine.
" Elle doit être en mesure de participer aux actions de la IIe armée.
" Il lui incombe, en outre, d'assurer la protection du flanc de l'armée allemande; elle devra empêcher l'organisation do nouvelles formations de l'ennemi dans son rayon d'opérations.
" La IIe armée, avec le 1er corps de cavalerie qui lui est subordonné, s'avancera au delà de la ligne La Fère-Laon sur Paris. Elle est chargée, d'investir et de faire tomber Maubeuge, puis La Fère et, de concert avec la IIIe armée, Laon.
" Toutes les armées doivent opérer en parfait accord et s'entraider pour la conquête des différentes coupures du terrain. Si l'ennemi oppose une forte résistance sur l'Aisne et plus tard sur la Marne, un changement de direction des armées du sud-ouest vers le sud pourra devenir nécessaire. "
Pour correspondre à ces directives, la marche de la Ire armée devait se poursuivre en direction du sud-ouest. Ces instructions n'excluaient pas la conversion vers le sud qu'avait envisagée le Q. G. pour le cas où la situation générale le demanderait. Sur la situation générale de l'armée allemande en France, il n'avait été fait aucune communication, malgré l'intérêt que cela eût présenté pour la direction de l'armée d'aile; peut-être ne le pouvait on pas. A cela se rattache probablement l'affaiblissement de l'armée de l'ouest par l'envoi vers l'est de deux corps prélevés sur les armées voisines de la Ire".
Von Kluck regrette ce retrait de 2 corps d'armée, pour lui il eut fallu d'abord en terminer avec la France avant de s'occuper de la Prusse orientale. Il regrette également les 3 jours perdus lors de la mobilisation. Il constate que la coupure de la somme a permis aux Anglais de retraiter vers le sud sans être détruit.
Après avoir pris le contrôle de la Somme, la marche en avant reprend le 29 août. Le flanc ouest est l'objet de combats avec le groupement Amade. Von Kluck pressent la constitution d'une menace vers Amiens (création de la 6ème Armée), il tient à prendre les Français de vitesse en enveloppant l'ennemi sur les deux flancs : le IVe C.A.R. marchera sur Amiens, tandis que le IXe C.A. se déploiera au sud de Roye.
Le repli des Français devant le IVe C.A.R. et l'information que l'ennemi attaquait la IIe armée vers Saint-Quentin (est-ce une allusion aux combats de Guise ?), incita von Kluck a abandonner la direction sud-ouest actuelle pour le sud ou même le sud-est. Néanmoins le 30 août, vers 18 heures la IIème Armée annonce "Ennemi complètement battu; de gros éléments reculent vers La Fère", la Ière Armée peut donc avancer le 31 vers Compiègne-Noyon.
Le 31, l'avance se poursuit, le 1e septembre l'Aisne et l'Oise sont franchis "Par suite des combats de Verberie, le corps Marwitz ne put atteindre son objectif, Nanteuil-le-Haudouin. Sa 4e division, après avoir surpris les bivouacs ennemis à Néry, fut vivement pressée par des forces supérieures qui lui infligèrent de lourdes pertes, dans la région de Rosières, au nord de Nanteuil-le-Haudouin.
Les Anglais, identifiés devant le front de l'armée, s'étaient retirés de la région de Compiègne-Noyon vers Senlis, Crépy-en-Valois, La Ferté-Milon ; l'aile gauche française probablement vers le sud par Soissons.
A la suite de ces événements, l'armée se trouva disposée comme suit, le soir du 1er septembre :
Le IVe C. A. R. autour de Quinquempoix;
Le IIe C. A., au sud de Verberie jusqu'à Saint-Sauveur ;
Le IVe C. A., autour de Crépy-en-Valois
Le IIIe C. A., à Vauciennes-Villers-Cotterêts
Le IXe C. A., à Longpont, sa 17e division d'infanterie à Champs.
Dans son avance sur Amiens, le IVe C. A. R. s'était emparé d'énormes approvisionnements; à Noyon, il trouva de grandes quantités d'avoine, de paille et de foin. Entre temps, La Fère avait été évacuée par l'ennemi, et la IIe armée après s'être reposée le 1er septembre, avait progressé avec son aile droite jusqu'à Brancourt, sa cavalerie jusqu'au nord de Soissons. Le 2 septembre, son intention était de continuer la poursuite vers le sud, l'ennemi ayant également reculé devant la IIIe armée.
D'après une lettre interceptée dans la soirée du 1er septembre, ce même jour, à midi, l'armée anglaise avec ses 1ère 2e, 3e, 5e, divisions, le 2e corps, les 3e et 5e brigades de cavalerie, avait eu l'intention de s'arrêter pour prendre du repos au sud de la ligne Verberie-Crépy-en-Valois-La Ferté-Milon. Il paraissait donc possible d'atteindre encore l'ennemi, mais il fallait de nouveau refuser aux troupes le repos qu'elles espéraient depuis longtemps et prendre des dispositions d'attaque enveloppante pour le 2 septembre.
Le ler septembre 1914 à 10 heures 15 du soir, l'ordre suivant fut donné :
1. L'ennemi a opposé aujourd'hui de là résistance à Verberie-Crépy-en-Valois et à Villers-Cotterêts. L'armée anglaise composée de 3 corps d'armée, et de cavalerie, se trouve probablement au sud, dans les forêts de Crépy et de La Ferté-Milon, ainsi qu'au sud de Verberie.
2. Le ler corps de cavalerie progresse dans la région à l'est de Soissons. L'aile droite de la IIe armée ne dépassera probablement pas Soissons, demain, dans la direction du sud.
3. L'armée attaquera demain les Anglais comme suit :
Le IIe C. A. à l'ouest de la voie ferrée Orrouy-Nanteuil exploration à l'est de la route Creil-Paris vers le front est de Paris.
Les IVe et IIIe C. A. entre cette voie ferrée et la lisière est des forêts de Villers-Cotterêts et l'Ourcq.
Limite des zones d'engagement : Vaumoise-Betz-Puisieux.
La ligne Verberie-Villers-Cotterets sera franchie demain matin à 8 heures.
Le IXe C. A. se mettra en marche à 3 heures du matin et se portera à l'est du IIIe C. A. et des forêts mentionnées plus haut pour attaquer l'ennemi ; la 17e division d'infanterie avancera échelonnée sur la gauche.
Couverture et exploration sur le flanc gauche. Liaison avec le 1er corps de cavalerie.
Le IVe C. A. R. rompra à 1 heure du matin pour atteindre Creil de bonne heure. Exploration dans la direction de marche et à l'ouest de la route Creil-Paris vers le, front nord de Paris.
Le corps de cavalerie Marwitz avancera entre le IIe et le IVe C. A., en liaison avec l'aile gauche du IIe C. A., et soutenant l'attaque. Dès qu'il le pourra, il poussera de fortes reconnaissances vers le front nord et nord-est de Paris.
Q. G. A. transféré demain matin à 1l heures de Noyon à Compiègne."
Les Anglais avait retraité rapidement derrière la Marne entre La Ferté-sous-Jouarre et Meaux et pris la direction de Coulommiers, hors d'atteinte de la manœuvre. Pour le 2 septembre il paru opportun de diriger le IIIe et IXe C.A., dans la direction de Château-Thierry en liaison avec la IIéme Armée, les autre C.A. permettant de couvrir la direction de Paris et de surveiller les Anglais.
"1. Outre les colonnes en retraite sur Meaux on en signale d'autres se repliant de la direction Nanteuil-Dammartin. Le IIe C. A. et le corps de cavalerie Marwitz ont rejeté l'ennemi à Senlis. On ne possède pas d'autres renseignements concernant l'adversaire au sud de la Marne, sur la ligne Meaux-La Ferté-sous-Jouarre.
2. La IIe armée a atteint aujourd'hui la ligne sud de Soissons-Reims : son aile droite avancera demain de Soissons sur Château-Thierry.
3. Le IXe C. A. continuera l'attaque contre le flanc des Français, qui devant la IIe armée se retirent sur Château-Thierry par Fère-en-Tardenois. Le IIIe C. A. se portera au sud du IXe C. A. sur Château-Thierry. De la cavalerie, avec de l'artillerie, des mitrailleurs et de l'infanterie sur voitures seront envoyés en avant pour assaillir l'ennemi au passage de la Marne.
4. Les IIIe et IXe C. A. se concerteront pour l'exécution de l'attaque. Si le contact avec l'ennemi n'est pas pris, ils évacueront sans tarder vers l'ouest la route de marche de l'aile droite de la IIe armée : Soissons-Château-Thierry (VIIe C. A.). Le IIIe C. A. assurera l'exploration dans sa direction de marche, dans celle de La Ferté-sous-Jouarre-Château-Thierry et fera reconnaître les points de passage.
5. Demain, le IVe C. A. avancera, en couvrant son flanc droit vers Paris-Meaux, dans la direction de Crouy, au sud de la route Betz-Mareuil-Brumetz. - Couverture et exploration vers, Meaux-La Ferté-sous-Jouarre. - Q. G. : Crouy.
6. Le IIe C. A. chassera l'ennemi des forêts au sud de Senlis et se portera dans. la région de Nanteuil et à l'est de la route Crépy en Valois-Nanteuil. - Q. G. : Nanteuil. - Couverture et exploration vers Dammartin-Meaux.
7. Le IVe C. A. R., après entente avec le IIe C. A., l'aidera à chasser l'ennemi des forêts au sud de Senlis et se portera dans la région à l'est et au nord-est de Senlis, à l'ouest des cantonnements du corps de cavalerie. Il se couvrira par un détachement à Creil et des postes à la lisière sud des forêts, au sud de Chantilly et de Senlis - Q. G. : Rully - Exploration sur le flanc droit au delà de l'Oise et vers le front nord de Paris.
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8. Le corps de cavalerie Marwitz cantonne à l'ouest de la route Crépy-en-Valois-Nanteuil et y restera demain.
9. Exploration aérienne des IIIe, IVe, IIe C. A au delà de la Marne dans les directions assignées aux C. A.
Les ponts de fortune pour poids lourds à Noyon et Compiègne sont achevés.
Le 18e régiment du génie suivra le IIIe C. A.
Q. G. A. à La Ferté-Milon, demain matin à partir do 10 heures.
Des instructions spéciales règlent les liaisons avec l'arrière et les mouvements des trains et convois.
INTENTION DU G. Q. G. DE REFOULER LES FRANÇAIS VERS LE SUD-EST EN LES ÉLOIGNANT DE PARIS. - Le 3 septembre.
Dans la nuit du 2 au 3, arriva un radiogramme du G. Q. G. :
L'intention de la Direction supérieure de l'Armée est de refouler les Français dans la direction du sud-est en les éloignant de Paris. La Ire armée suit la IIe en échelon et continue à assurer la protection du flanc des armées.
On avait donc laissé tomber les instructions générales du 28 août qui prescrivaient à la Ire armée ses mouvements à l'ouest de l'Oise vers la Seine inférieure. Le changement de direction de la Ire armée vers l'Oise et le passage de cette rivière dans le secteur Compiègne-Noyon, le 31 août pour exploiter les succès de la IIe armée avaient eu l'approbation du commandement suprême.
La Ire armée, ayant achevé ses mouvements, se trouvait le, 2 septembre soir avec quatre C.A. et le corps de cavalerie dans la région comprise entre Creil et La Ferté-Milon, au nord-est de Paris ; elle était ainsi prête à toute opération à l'ouest du camp retranché de Paris, contre ce camp ou à l'est, pendant que, conformément aux ordres reçus et de façon des plus judicieuses, le IXe C. A., constituant l'aile gauche, avancée. de l'armée, s'efforçait d'envelopper à Château-Thierry le flanc gauche des Français en retraite.
Le commandant en chef de la Ire armée considérait comme difficile et hasardé le refoulement de l'ennemi de Paris vers le sud-est, opération qui entraînait le passage de la Marne et de Seine. Il était probable qu'au début on obtiendrait quelques succès, mais on ne pouvait guère espérer poursuivre l'offensive jusqu'à affaiblir l'ennemi d'une manière décisive, ou l'anéantir partiellement. Il manquait aux armées de l'aile droite allemande un échelon de quatre ou cinq divisions pour couvrir efficacement le flanc droit contre Paris, pendant qu'on continuerait les opérations au cœur de la France, et pour protéger les communications de plus en plus étendues des Ire et IIe armées. Cependant, le G. Q. G. était absolument convaincu qu'il n'y avait pas à se préoccuper d'une intervention de la garnison de Paris en dehors de la ceinture des forts."
Le 3 septembre la progression vers le sud-est ce poursuit. La IIème Armée est en retard d'une journée sur la Ière, si cette dernière, s'échelonne en arrière de la IIème, il est tout à fait impossible d'obtenir le "Refoulement de l'ennemi vers le sud-est" souhaité par G.Q.G.. Von Kluck tente de remplir les deux objectifs : la couverture vers l'ouest des armées allemandes et la poursuite car seule la Ière Armée, qui par ses C.A. de gauche est au contact des Anglais et de la 5ème Armée Française, peut essayer de les tourner.
Von Kluck souffre du manque d'information sur les combats menés par les autres armées. Les transmissions sont difficiles et il ignore les difficultés des armées de gauche.
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Le 3 septembre : le général Kluck dîne à La Ferté-sous-Jouarre
"Von Kluck s'était fait conduire à l'hôtel de l'Épée, où on avait apporté pour lui du champagne de grande marque, réquisitionné dans les caves les mieux garnies. Pour ce repas, il se contenta d'un potage, d'un poulet sauté, de petits pois, d'une salade et de dessert. Une ordonnance avait surveillé de près la cuisinière, comme si on eût craint une tentative d'empoisonnement. Le général réclama instamment une omelette aux confitures, mais il fut impossible de trouver des œufs. Il paya, d'ailleurs, son dîner, mais après avoir demandé quel était le tarif habituel. Pour le prix de la chambre qu'il occupa, il dit de s'adresser à la mairie".
Dans la matinée du 4 septembre, ces considérations trouvèrent leur expression dans le radio suivant adressé a au G. Q. G. :
"La Ire armée désire être renseignée sur la situation des autres armées dont les communications relatives à leurs victoires décisives sont souvent suivies e demandes de soutien.
A la suite de combats continuels et de marches épuisantes, la Ire armée est arrivée à la limite de ses forces. C'est à ce prix seulement qu'elle a réussi à ouvrir le passage de la Marne aux autres armées et obligé l'ennemi à prolonger sa retraite. Par la hardiesse de ses opérations, la IXe C. A. mérite les plus grands éloges. Nous espérons maintenant pouvoir exploiter le succès.
L'instruction 2220 du commandement suprême, qui prescrit à la Ire armée de s'échelonner derrière la IIe, ne peut être suivie dans l'occurrence. Le refoulement projeté de l'ennemi, de Paris vers le sud-est, ne peut réussir que si la Ire armée se porte en avant. La nécessité de couvrir le flanc diminue la force offensive. De prompts renforts sont instamment désirés. Dans une situation qui varie constamment, la Ire armée, n'est en état de prendre des décisions importantes que si elle est renseignée d'une façon permanente sur la situation des autres armées, lesquelles paraissent être plus en arrière.
Nous sommes en liaison constante avec la IIe armée."
Dans la soirée du 3 septembre, les instructions suivantes furent adressées de La Ferté-Milon aux corps d'armée :
"Sur les hauteurs au sud-est de Château-Thierry, la division de tête du IXe C. A. a engagé la lutte avec l'ennemi qui recule de Chézy sur Montmirail. Vers le soir, l'adversaire a .étendu sa position par Courboin-Viffort sur Vieil-Maison. D'après tous les indices les colonnes en retraite sont en grand désordre. L'adversaire, - probablement anglais, - qui est en marche de Meaux sur Coulommiers, stationne ce soir au nord de Coulommiers. Cet après-midi, le terrain entre Coulommiers et près de Vieil-Maison a été reconnu par avions libre d'ennemis.
On a identifié de la cavalerie anglaise au nord do La Ferté-sous-Jouarre.
La IIe armée atteint la Marne; son aile droite à l'est et tout près de Château-Thrierry; cette aile avancera demain de Brasles par Coufremaux Corrobert ; le Ier corps de cavalerie se portera de Château-Thierry sur Montmirail.
La Ire armée continuera demain sa marche en passant la. Marne pour refouler les Français vers l'est. Les Anglais qui s'opposeraient au mouvement seront rejetés.
Dispositif :
Le IXe C. A., après entente avec le VIIe C. A., se portera par Chézy-sur-Marne, Rozoy, Belleville et par la route ChâteauThierry-Montmirail, dans la direction de Montmirail;
le IIIe C. A. par Bois-Martin-Sablonnières sur Saint-Barthélémy et par Vieil-Maison-Montolivet.
Le IVe C. A. passera la Marne à La Ferté-sous-Jouarre et à Saacy et avancera dans la direction générale de Rebais.
Le IIe C. A., en se couvrant du côté de Paris, atteindra la Marne à l'ouest de La Ferté-sous-Jouarre et poussera ses avant-gardes jusqu'à la chaussée de Meaux-La-Ferté-sous-Jouarre.
Le IVe C. A. R., d'accord avec le IIe C. A., avancera dans la: région de Nanteuil-le-Haudouin et à l'est. Il assurera vers Paris la couverture du flanc et des communications et sera prêt à se joindre, le 5 septembre, sur l'aile droite, au mouvement de l'armée. La brigade laissée à Bruxelles arrivera probablement le 5 septembre à Compiègne.
Le corps de cavalerie se portera avec deux de ses divisions sur La Ferté-sous-Jouarre. Pour le passage ultérieur de la Marne, il opérera en liaison avec le IVe C. A. et, au besoin, avec le IIIe. Il s'entendra avec le IIe C. A. pour traverser la zone de cantonnements de ce corps. Le corps de cavalerie laissera une division en face du front nord-est de Paris. Demain, elle restera dans ses cantonnements et dépendra du général commandant le IVe C. A. R.
Dès demain, on commencera à détruire les voies ferrées menant à Paris des directions du nord, du nord-ouest et de l'ouest. Les postes du IVe C. A. R. à Creil et à la lisière sud de la forêt de Senlis seront remplacés par de la cavalerie.
Les ponts de la Marne, de Saacy jusqu'à Château-Thierry, sont en état"
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Le 3 septembre : Gallieni observe Kluck près de Dammartin
"La grande plaine débouchant de Crépy-en-Valois et de Nanteuil le-Haudoin, est recouverte d'un nuage de poussière se déplaçant vers le Sud-Est, indice d'un vaste mouvement de troupes dans cette direction. Il apparaissait nettement que, cette fois, l'aile droite allemande délaissait visiblement Paris... Je contemplais le spectacle qui se déroulait devant mes yeux quand arrivèrent des autos d'où sortirent quelques généraux. Je reconnus l'un d'eux, c'était Gallieni, gouverneur militaire de Paris. Je le vis discuter longuement, puis, silencieusement, examiner l'horizon, cartes en main, toujours froid et concentré derrière son binocle. J'eus l'impression qu'une grave décision s'élaborait".
Le 4 septembre, les IVe, IIIe et IXe C.A. atteignent une ligne à mi-chemin entre le Petit et le Grand Morin, le Corps de Cavalerie la Ferté-sous-Jouarre, le IIe C.A. Trilport, la IIe Armée Pargny-la-Dhuis et la IIIe Armée Reims. A 21 heures 30, von Kluck donne ses ordres pour le lendemain :
"Les 2 et 3 septembre, le IXe C. A. en progressant par Château-Thierry a saisi l'ennemi en flanc et l'a forcé à s'arrêter. Aujourd'hui, il l'a rejeté sur Montmirail. Ce soir de fortes colonnes françaises se retirent de Montmirail par Esternay. L'aile droite de la IIe armée avance de Pargny la Dhuis sur Montmirail. Reims est pris.
Demain, la Ire armée continuera sa marche vers la Seine, en se couvrant du côté de Paris. Si loin que les Anglais battant en retraite peuvent être atteints on les attaquera.
Après qu'il aura rejeté l'ennemi de Montmirail, le IXe C. A. progressera, son aile droite par Montenil-le Vezier-Neuvy jusqu'aux environs d'Esternay. La route de Montmirail-Mailaunay-Sézanne est réservée à la IIe armée.
Le IIIe C. A. marchera, l'aile droite par Saint-Barthélemy-La Chapelle Veronge, jusqu'à Sancy.
Le IVe C. A. poussera jusqu'aux environs de Choisy; couverture et exploration sur le front et en direction de Coulommiers-Rozoy.
Le IIe C. A. avancera de la Marne jusqu'au Grand-Morin inférieur, en aval de Coulommiers. Il protégera le flanc de l'armée vers le front est de Paris.
Le IVe C. A. R. avancera demain de la région de Nanteuil-le-Haudouin vers celle de Marcilly-Chambryau nord de Meaux. Il assurera la couverture au nord de la Marne du côté du front nord-est de Paris.
" La 4e division de cavalerie sur l'aile droite restera demain subordonnée au IVe C. A. R. Le IIe corps de cavalerie avancera à l'ouest du IVe C. A. et ultérieurement dans la direction de Provins. Sa mission consistera probablement à attaquer l'aile française au moment du passage de la Seine.
Demain matin, dès 10 heures, Q. G. à Rebais. ""
Les mouvements s'accomplirent sans difficulté le 5 septembre. Un message radio parti du G.Q.G. le 4 à 19 heures fut reçu le 5 à 7 heures 15 du matin à La Ferté-Milon qui ne semblait pas être en rapport avec celui envoyé la veille par la Ire Armée :
" Les Ire et IIe armées resteront face au front est de Paris.
La Ire, armée, entre l'Oise et la Marne, en occupant les passages de la Marne à l'ouest de Château-Thierry.
La IIe armée, entre la Marne et la Seine, en occupant les passages de la Seine entre Nogent et Méry, inclus. La IIIe armée marchera sur Troyes et à l'est. "
Faut-il abandonner la poursuite vers le sud-est, revenir à deux ou trois jours de marche en arrière ? Mais c'est perdre l'initiative et permettre à l'ennemi de se ressaisir, alors que les rares informations laissent à penser que tout se passe bien pour l'ensemble des armées allemandes et qu'il n'y a à l'ouest que la garnison de Paris, bien que le message du G.Q.G. laisse supposer le contraire. Il était trop tard pour arrêter les C.A. tous en mouvement à l'exception du IVe C.A.R. et du Corps de Cavalerie.
Dans la soirée, von Kluck apprit que les Ve, VIe et VIIe Armées étaient arrêtées devant les forteresses françaises et qu'ainsi les Français avait dû pouvoir prélever des troupes en Lorraine pour les transporter par chemin de fer vers l'ouest. Toute sa conception stratégique était remise en cause.
ATTAQUE DU IVe C. A. R. EN DIRECTION DE DAMMARTIN
Le 4 septembre déjà, le IVe corps de réserve, chargé de la couverture au nord de la Marne, avait repéré des forces ennemies à Dammartin et au sud. Le 5, lorsque de petits détachements s'avancèrent dans la direction de Saint-Soupplets et au sud, en vue de soutenir les reconnaissances de la 4e division de cavalerie dans la direction de Paris, ils constatèrent que des colonnes ennemies s'avançaient de Saint-Mard et du sud. Pour se rendre compte exactement de ce qui se passait à Dammartin, le général von Gronau ordonna une attaque qui, après un rude combat, obligea l'ennemi à reculer sur tout le front du corps d'armée, de Saint-Soupplets jusqu'à la hauteur à 2 kilomètres à l'ouest de Penchard.
La 4e division de cavalerie qui s'avançait au nord du IVe C. A. R. rencontra aussi d'importantes forces ennemies, dont elle réussit à briser l'attaque dans la région d'Ognes-Brégy. Les Français comptaient au moins deux divisions et demie avec une puissante artillerie lourde. Pour ne pas être exposé au feu des positions avancées du camp retranché de Paris et afin d'éviter un enveloppement de l'aile droite par l'ennemi qui faisait face à la 4e division de cavalerie, le général von Gronau arrêta la poursuite sur la ligne Cuisy-Iverny, et, à la tombée de la nuit, il fit retirer ses troupes derrière la Thérouane, sur la ligne La Ramée-Gué à Tresmes.
Ces mouvements s'opérèrent sans être gênés en rien par l'ennemi. Le premier coup dans le flanc exposé de la Ière armée fut paré grâce aux excellentes mesures du général von Gronau, à la ténacité de son corps d'armée et à la valeur de la 4e division' de cavalerie.
PREPARATIFS DU CHANGEMENT DE DIRECTION A DROITE DE LA PREMIÈRE ARMÉE
L'ordre ci-dessous, donné le 5 septembre à 11 heures du soir au Q. G. de Rebais, derrière ce qui avait été jusqu'ici l'aile marchante et d'attaque de la Ire armée, était basé sur cette idée qu'il n'existait encore aucun danger sérieux pour le flanc droit et que le mouvement de retraite vers la droite pouvait s'exécuter tranquillement. Néanmoins, un grand pas devait être fait sans tarder dans le sens réclamé par la situation :
"1. - Après que la Ire armée, en liaison avec la IIe, aura rejeté les Anglais et les Français sur la Seine, la mission assignée par le commandement suprême aux deux armées consistera à faire face au front est de Paris et à s'opposer offensivement à toute attaque venant de cette direction : la Ire armée entre l'Oise et la Marne, la IIe armée entre la Marne et la Seine. Les aviateurs signalent que des forces ennemies assez importantes se retirent sur Tournan et Rozoy, ainsi que de Courtacon sur Provins et d'Esternay sur Nogent-sur-Seine.
2. - Le mouvement en retraite par la droite, nécessité parla nouvelle mission de l'armée, commencera comme suit : Le IIe C. A. marchera en deux colonnes par Trilport jusqu'à Germigny et par Pierre -Levée-Monteaux jusqu'à Isles-les-Meldeuses; il repliera ses échelons par la Ferté-sous-Jouarre sur la route de Vendrest-Crouy.
Le IVe C. A. atteindra demain la région de Doué; ses échelons ne feront pas mouvement.
Le IIIe C. A. se portera demain dans la région de La Ferté-Gaucher; 1er échelon à Charly-sur-Marne, rive nord de la Marne ; 2e échelon, région de Lizy-Clignon.
Le IXe C. A. restera demain dans sa zone de stationnement et reportera ses échelons, par Nogent, sur la rive nord de la Marne. Stationnement des échelons à l'est de la route de Coupru-Domptin-Charly sur Marne.
Les IIe et IVe C. A. laisseront de faibles arrière-gardes sur le Grand-Morin.
3. - Jusqu'à nouvel ordre, les mouvements des trains et des convois seront réglés par le Q. G. A.
Dès que le déplacement de l'armée sera terminé, les relations avec la station-tête d'étapes de Chauny seront soumises à une nouvelle réglementation.
4. - Des officiers d'état-major désignés par les corps d'armée assureront le passage en ordre de la Marne par les trains et convois.
5. - Les ponts de la Marne seront immédiatement et fortement occupés à Lizy et Germiny par le IIe C. A. ; à La Ferté-sous-Jouarre, Lamy et Nanteuil, y compris les ponts du chemin de fer, par le IVe C. A. ; à Charly-sur-Marne et Nogent, par le IIIe C. A.; à Chézy-sur-Marne et Château-Thierry, par le IXe C. A. y compris le pont da chemin de fer.
6. - Le 2e corps de cavalerie masquera contre le front sud-est de Paris et la Basse-Seine le repli de l'armée en se portant en avant dans la région de Lumigny-Rozoy.
7. - Le 18e régiment du génie marchera sur La Ferté; il se ravitaillera auprès du IVe C. A.
8. - A partir de 10 heures du matin, Q. G. A. à Charly-sur-Marne. Les ordres seront pris à 6 heures du soir.
Le bataillon Il/24 avec une section de mitrailleuses et deux canons, sera mis en route sur Charly par le commandant du Q. G. pour en assurer la garde."
Dans la nuit du 6 septembre, apparut la nécessité d'un changement plus radical à apporter dans la conduite de la Ire armée afin de la soustraire à temps au danger d'être encerclée. Sur la base des renseignements fournis par le IVe C. A. R. sur ses combats du 5, un ordre particulier prescrivit au IIe C. A. de se mettre en mouvement dans les premières heures de la matinée afin d'être en mesure le même jour - 6 septembre - de soutenir éventuellement le IVe C. A. R. Le général von Linsingen amena la 4e division d'infanterie par Lizy vers Trocy, la 3e par Vareddes pour dégager le IVe C. A. R. qui était attaqué par un corps d'armée venant de Brégy-Saint-Soupplets-Penchard.
La 3e division d'infanterie se heurta à l'ouest et au nord de Vareddes à de nombreuses troupes anglaises.
Ainsi étaient prises les premières dispositions importantes en vue d'opérer offensivement contre le nouvel ennemi. Sur un ordre émis à 5 h. 30 de l'après-midi, le IVe C. A. fut porté de l'autre côté de la Marne jusque dans la région de La Ferté-sous-Jouarre, afin de participer en cas de besoin au combat livré par l'ennemi dont les forces, entre temps, étaient devenues supérieures aux nôtres. A 10 h 30 du soir, ordre fut donné au IVe C.A. de continuer son mouvement dans la nuit, pour être à même d'attaquer dès l'aube sur la ligne Rosoy-en-Multien-Trocy. Le matin du 7 septembre, le IIe C. A., le IVe C. A. R. (moins la brigade restée à Bruxelles), le IVe C. A. avec, ses unités mélangées étaient disposés depuis la Thérouane inférieure jusqu'à la Gergogne, affluent de l'Ourcq, avec la 4e division de cavalerie prolongeant le front au nord, pour arrêter l'armée Maunoury, dont l'effectif et la composition étaient encore inconnus du commandement. On sentait néanmoins la pression de forces supérieures.
Dans la soirée du 6, la situation des IIIe et IXe C. A. était la suivante :
L'ennemi avait attaqué le matin à l'ouest de la forêt de Traconne dans la direction d'Escardes-Seu, où le IXe C. A. était en position dans la région d'Esternay. Bien qu'il eût déjà commencé son mouvement en retraite, le IXe C. A. s'était décidé à contre-attaquer, afin de faciliter les progrès de la IIe armée luttant sur le Petit-Morin. Le IIIe C. A. avait déjà entrepris le repli prescrit ; mais, une puissante artillerie ennemie entrant en action, il prit position sur le désir exprimé par le IXe C. A. à Sancy-Montceau afin de soutenir son voisin. Un ordre d'armée du 6 septembre, à 5 h. 25 de l'après-midi, prescrivit au IIIe C. A. d'assurer la couverture du flanc droit du IXe C. A.
La IIe armée avait l'intention d'opérer une conversion autour de son aile droite à Montmirail ; en faisant continuer son centre et son aile gauche jusqu'à la Seine, l'aile gauche devant atteindre Marigny-le-Grand. Ainsi, les IIIe et IXe C. A. se trouvèrent devant l'aile droite de cette armée. A 10 heures du soir, l'ordre fut donné à ces deux corps de revenir sur la rive nord du Petit Morin, sur la ligne Sablonnières-Montmirail. Ils se soudèrent à Montmirail à l'aile droite de la IIe armée et furent subordonnés à celle-ci en vue d'une action commune. La cavalerie Marwitz progressa jusqu'à Lumigny-Rozoy et couvrit le flanc droit du IIIe C. A. contre les forces ennemies venant de la région de Tournan en direction de Coulommiers. Marwitz céda la 2e division de cavalerie au Ier corps de cavalerie que le commandement de la IIe armée poussa dans la région de Montmirail.
OFFENSIVE GÉNÉRALE DE L'ARMÉE FRANÇAISE
Suivant un communiqué de la Direction supérieure de l'armée allemande, le généralissime Joffre avait ordonné l'offensive pour le 7 septembre, afin de provoquer la bataille décisive. Si cela est vrai, le succès de l'offensive française - à notre avis - dépendait de la force du coup porté de Paris dans le flanc de l'armée allemande et de la réussite de cette opération.
En vue, non seulement d'arrêter l'ennemi, mais encore de le battre au moyen d'une contre-offensive enveloppante menée par le nord, les IXe et IIIe C. A. furent portés le 7 au matin dans la direction de La Ferté-Milon-Crouy; l'affectation provisoire de ces deux corps à la IIe armée fut supprimée, mesure dictée par la situation critique ! Le Q. G. A. pensait en effet que la IIe armée, en exécutant la conversion prévue à l'ordre du 4 septembre, 7 heures du soir, progressait au sud de la Marne en direction de l'ouest. En fait elle rencontra une forte résistance et ne put dépasser le Petit-Morin.
Afin de renforcer l'aile d'attaque de la Ire armée, l'inspection d'étapes reçut l'ordre d'envoyer toutes les troupes disponibles de la station-tête-d'étapes de Chauny à Villers-Cotterets.
Pour en revenir à l'ordre du 6 septembre donné à 10 heures du soir et parti de Rebais à 10 h. 30, les C.A. devaient prévoir de reporter les trains régimentaires vers le nord-ouest afin de laisser des itinéraires dégagés par la suite
Sur l'Ourcq, le 7 septembre vers midi les IIe C.A. et IVe C.A.R. ont des unités mélangées mais la réorganisation attendra jusqu'à l'arrivée sur l'Aisne, afin d'éviter ta cours de cette retraite difficile les croisements de colonnes et les encombrements. A midi 15, le général von Linsingen ordonna l'attaque de la ligne Antilly-Acy-Trory. Son idée de manœuvre consistait en une conversion ayant pour pivot l'aile gauche, contre laquelle était dirigée tout le poids de l'offensive ennemie, et qui souffrait beaucoup du feu de l'artillerie la prenant en écharpe. L'attaque de Linsingen fit des progrès satisfaisants; son aile droite rejeta l'ennemi an delà de Villers-Saint-Genest, le Bas-Boullancy, la 22e division prit Etrépilly et s'y maintint. Une bonne partie de la conversion projetée était effectuée sans amener toutefois de décision.
Afin de soutenir efficacement l'aile gauche battue avec violence par l'artillerie ennemie qui tirait de la direction de Meaux, l'ordre suivant fut donné à Vendrest à 1 h. 15 de l'après-midi :
"Les IVe C. A. R. et IIe C. A. soutiennent une lutte opiniâtre sur la ligne Betz-Vareddes, au nord de Meaux. L'ennemi se renforce au nord de Meaux et presse notre aile gauche, en la prenant en écharpe avec son artillerie lourde.
Les IIIe et IXe C. A. se porteront immédiatement en avant, aussi loin que possible, en soutien des C. A. engagés. Demain matin, au plus tard, l'aile est de l'armée attaquera, à savoir :
La division du IIIe C. A. qui se trouve le plus à l'ouest par le chemin le plus court jusqu'à Lizy. Une brigade d'infanterie de cette division, avec l'artillerie lourde du IIIe C. A. et de la cavalerie, se portera, par la route de La Ferté-sous-Jouarre, vers Trilport. (Les ponts d'Ussy et de Saint-Jean, à l'ouest de La Ferté-sous-Jouarre, sont détruits.) Avec l'artillerie lourde qui l'accompagne, cette brigade réduira au silence l'artillerie anglaise, qu'elle prendra en écharpe.
Couverture et exploration dans la direction de Coulommiers où l'ennemi est signalé, et vers le Grand-Morin inférieur.
Liaison avec le IIe C. de cavalerie qui, de la région de Trilport, doit aujourd'hui intervenir avec de l'artillerie. Les trois autres divisions avanceront suivant les instructions du général von Lochow par le chemin le plus court dans la direction de La Ferté-Milon-Crouy.
A 2 h. 30 de l'après-midi, suivit un autre ordre, renseignant l'armée. Sa reproduction ci-dessous, rapprochée de la situation connue par l'ordre de 1 h. 15, jette une lumière éclatante sur la crise :
" Le général d'infanterie von Linsingen continuera a exercer le commandement des IIe, IVe C. A. et IVe C. A. R. groupés comme précédemment. Pour le soutenir, sont mis en marche :
1. De Charly à Lizy, le bataillon II/24 (moins une compagnie), une section de mitrailleuses et deux canons, - jusqu'ici garde du Q. G. Ils atteindront ce soir Lizy et y attendront des ordres.
2. - Au nord de Meaux, le IIe corps de cavalerie avec l'artillerie venant de Trilport attaquera l'artillerie ennemie en la prenant en écharpe.
3. - Les IIIe et IXe C. A. venant du sud-est sont en marche dans la direction de La Ferté-Milon-Crouy. Une division du IIIe C. A. porte une brigade d'infanterie et l'artillerie lourde du corps d'armée sur Trilport pour prendre en écharpe l'artillerie anglaise au nord de Meaux. Le gros de la division marche sur Lizy.
J'exprime aux commandants de corps d'armée et à leurs troupes ma profonde reconnaissance pour les hauts faits qu'ils ont accomplis.
Von KLUCK."
Le commandant en chef et son chef d'état-major, qui examinaient la situation sous toutes ses faces, avaient encore de graves soucis quant à son dénouement victorieux. On avait déjà obtenu beaucoup grâce à la volte-face de la Ire armée et à la bataille de l'Ourcq.
La 6e division d'infanterie atteignit le 7 Charly-sur-Marne; le IXe C. A., la Marne près de Chézy. Le Q. G. de l'armée resta à Vendrest, très bien relié à tous les postes de commandement. La contrée au nord de Crépy-en-Valois jusqu'à La Ferté-Milon, de même que Senlis, Creil, Verberie étaient signalés libres d'ennemis; par contre, de grandes masses se trouvaient, le soir du 7, dans la région de Nanteuil-le-Haudouin.
Pour permettre de suivre dans ses lignes essentielles le cours rapide des événements, du point de vue du commandant en chef, ainsi que les mesures complémentaires prises pour répondre aux exigences croissantes de la situation, il paraît utile de continuer à donner intégralement ou par extraits les principaux ordres d'armée. En parlant d'événements importants, on ne peut échapper aux répétitions. A Vendrest, le 7 septembre, à 9 heures 15 du soir, la situation se présentait de la façon suivante
Ordre d'armée pour le 8 :
"Les IIe, IVe C. A. et IVe C. A. R. se sont maintenus aujourd'hui sur la ligne Antilly-Puisieux-Vareddes. De grands bivouacs ont été signalés le soir à Monteuil, Silly-le-Long, Saint-Soupplets, et à l'ouest. De nouvelles forces ennemies sont intervenues dans l'après-midi à Betz. Au sud du Grand-Morin inférieur, se trouvent des éléments moins importants, environ une division ennemie au sud de Coulommiers. La IIe armée lutte sur la ligne Montmirail-Fère-Champenoise.
Les IIe, IVe C. A. et IVe C. A. R. restent dans leur répartition actuelle en groupements, sous les ordres du général von Linsingen.
Sur son aile droite, au sud et au centre, l'ennemi a surtout mené le combat avec une puissante artillerie lourde.
L'essentiel est de se maintenir sur les positions conquises et de s'y retrancher, en ramenant de nuit, au besoin, l'aile gauche de Vareddes sur une position plus favorable. Dès l'arrivée des renforts, l'offensive sera entreprise sur l'aile droite de l'armée.
Demain à 2 heures du matin le IIIe C. A. partira de Montreuil par Mareuil et de La Ferté-sous-Jouarre par Crouy, pour attaquer à l'aile droite du groupe Sixt von Armin, au nord d'Antilly. Il est recommandé d'envoyer en avant de l'artillerie avec de la cavalerie.
Le IXe C. A. partira a 2 heures du matin du sud de ChâteauThierry et se portera au nord du IIIe C. A. sur La Ferté-Milon
Le IIe corps de cavalerie, sans sa 4e division, couvrira le flanc gauche de l'armée, vers le Grand-Morin inférieur et Coulommiers; au nord de Trilport, il opérera contre l'artillerie ennemie signalée au nord de Meaux.
Le Q. G. restera à Vendrest.
Un bataillon de la brigade d'infanterie du IVe C. A. R. venant de Bruxelles et un bataillon du régiment de grenadiers N° 2 sont arrivés ce soir à Villers-Cotterêts et passent au groupe Sixt von Armin. ""
Le 8 septembre, à 9 h. 15 du matin, une autre modification aux ordres parut nécessaire : on fit avancer la 5e division d'infanterie par Cocherel sur Trocy afin de s'opposer a un essai de rupture ; en outre, la colonne de gauche du IXe C. A. fut dirigée sur Mareuil, et celle de droite sur La Ferté-Milon. L'ennemi nous était signalé, en marche de Coulommiers et au sud sur La Ferté-Gaucher et Rebais. La division de cavalerie de la garde avait à couvrir le Petit-Morin vers Sablonnières, la 2e division de cavalerie La Ferté-sous-Jouarre. La colonne de gauche du IXe C. A. devait tenir en réserve, à la disposition du commandant en chef, un régiment d'infanterie et un groupe d'artillerie à Montreuil-aux-Lions, à 12 km. au nord de La Ferté-sous-Jouarre. Communications à l'arrière pour les trains et convois Château-Thierry-Epieds-Fère-en-Tardenois-Fismes. Le sort de la journée dépendait de l'intervention du IXe C. A. vers La Ferté-Milon-Mareuil. " Le corps ne devait sous aucun prétexte se laisser détourner de cette intervention par l'ennemi qui avançait sur Coulommiers."
En anticipant sur les événement, nous mentionnerons que la 6e division d'infanterie participa efficacement le soir du 8 à Cuvergnon, au nord d'Antilly, au combat sur l'aile droite de l'armée. Le soir, le IXe C. A. était prêt à exécuter, le 9, à droite et au nord de la 6e division d'infanterie, par la ligne La Ferté-Milon-Mareuil, l'enveloppement de l'aile nord de l'ennemi. Quoique celui-ci eût fait avancer des réserves de Nanteuil-le-Haudouin au bois du Roi, un encerclement de son aile nord semblait d'autant plus assuré que la 43e brigade de réserve (von Lepel) du IVe C. A. R., venant de Bruxelles, avait atteint le 8 Verberie par Compiègne; le 9, elle tomberait, dans le dos de l'ennemi en passant par Baron. Derrière elle, le 8, la 10e brigade de landwehr (colonel von Lenthe) atteignait Ribécourt. Le général von Lochow prenait ce jour-là le commandement du groupe du centre (IVe C. A. R. et 8e division d'infanterie). Le flanc appuyé à la Marne, le front à l'ouest de l'Ourcq, l'encerclement de l'aile nord ennemie paraissait assuré.
LA PROGRESSION DES ANGLAIS VERS LA MARNE
Dans la matinée du 8 septembre, on constata que des forces ennemies importantes marchaient au nord du Grand-Morin sur La Ferté-sous-Jouarre-Saint-Cyr, et par Rebais, sur Orly. La couverture du flanc et des arrières de l'armée ne paraissait pas suffisamment assurée par le IIe corps de cavalerie le long de la Marne, à l'ouest de La Ferté-sous-Jouarre, et par le Ier corps de cavalerie sur le Petit-Morin entre La Ferté et Villeneuve. A 11 h. 20 du matin un ordre prescrivit au IXe C. A. d'assurer la protection contre un mouvement de flanc des Anglais en occupant la ligne de la Marne, de La Ferté-sous-Jouarre à Nogent-l'Artaud, occupation finalement réduite à une brigade d'infanterie et deux régiments d'artillerie de campagne. La réserve d'armée à Montreuil-aux-Lions fut mise à la disposition du IXe C. A. On devait préparer et éventuellement exécuter la destruction des ponts de la Marne, puis rendre compte.
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Entre temps, la percée tentée par les Français le matin du 8 à Trocy avait échoué sans que la 5e division, destinée à y faire face, ait eu à intervenir. Tard dans l'après-midi, le Q. G. A. se transporta à La Ferté-Milon pour se rapprocher du point où la bataille faisait rage. Au crépuscule, de hardis détachements de cavalerie française avaient attaqué un parc d'avions au sud de La Ferté-Milon. Les autos du commandant en chef arrivèrent justement près de cet endroit. Tout l'état-major s'arma de fusils, de carabines, de revolvers, pour se défendre contre une attaque éventuelle des cavaliers ennemis et prit la formation en ligne de tirailleurs couchés à grands intervalles comme le réclamaient les circonstances. Un ciel nuageux d'un rouge sombre éclairait d'une façon fantastique les personnages de ce groupe de combattants, unique en son genre. La tonnerre de l'artillerie des IXe et IVe C. A. faisait entendre ses grondements, les formidables éclairs de l'artillerie lourde sillonnaient les ombres de la nuit tombante.
Sur ces entrefaites, les escadrons français furent décimés, capturés on dispersés par les troupes du IXe corps ou autres. Une belle proie avait échappé à ces braves cavaliers !
L'ordre pour le 9, donné à La Ferté-Milon tard dans la soirée du 8, indiquait que la Ire armée s'était maintenue sur toute la ligne de Cuvergnon au nord de Betz-Antilly jusqu'au coude de la Marne à Congis ; il ajoutait encore que des réserves ennemies étaient signalées au sud et à l'ouest de Crépy-en-Valois. La décision devait être produite le lendemain par une offensive enveloppante du général von Quast avec le IXe C. A., la 6e division d'infanterie et la 4e division de cavalerie partant du terrain boisé, au nord de Cuvergnon. La brigade Lepel devait attaquer de Verberie sur Baron à l'ouest de Nanteuil-le-Haudouin. Ou comptait que le groupe Sixt von Armin - 16e brigade d'infanterie, 7e et 4e divisions - participerait à cette offensive. La force de l'aile de choc était donc de 4 divisions d'infanterie et demie, la 4e division de cavalerie, plus la brigade Lepel.
Le même ordre prescrivait à l'aile gauche von Linsingen de maintenir sa position, au général von der Marwitz de couvrir le flanc gauche de l'armée sur la Marne avec la 29e division de cavalerie et la brigade mixte von Kraemel du IXe C. A., arrivée à Montreuil-aux-Lions. Transfert du Q. G. A. le 9, à 9 heures du matin, et liaisons téléphoniques à Mareuil.
De Vendrest, le IXe C. A. avait déjà été informé de la situation et de l'intention du commandant en chef d'intervenir, si possible, le jour même, 8 septembre, avec toutes les troupes disponibles des éléments de tête du corps d'armée, dans le combat de la 6e division d'infanterie, sur l'aile de laquelle le colonel von der Schulenburg était parvenu avec deux bataillons. Le reste du IXe C. A. devait être porté en avant de telle façon qu'il pût être engagé, le 9 dès la première heure, comme nous l'avons déjà dit plus haut.
BRECHE DANS LE FRONT DE L'ARMEE ALLEMANDE DE L'OUEST
Le 9 septembre, le Q. G. A,. arriva à 9 heures 30 à Mareuil. Le général von Quast s'était mis en mouvement de bonne heure avec son IXe C. A., la 7e division d'infanterie, quelques bataillons de landwehr Schulenburg et la 4e division de cavalerie, pour tenter une attaque enveloppante dans la direction de Nanteuil-le-Haudouin. Son aile droite avança au sud de Crépy-en-Valois par le bois du Roi. L'attaque marcha bien jusqu'à 2 heures de l'après-midi. L'ennemi ne paraissait plus avoir de fortes réserves à sa disposition. Ce ne fut qu'à Baron, sur la route de Senlis, Nanteuil-le-Haudouin, que la brigade Lepel rencontra de la résistance. Suivant les renseignements des aviateurs - véritablement infatigables - les routes de la région de Senlis-Chantilly-Creil-Compiègne étaient libres d'ennemis.
Tandis qu'à l'aile de choc tout semblait marcher à souhait, des événements importants exigèrent de nouveau l'intervention du commandant en chef à l'aile gauche fortement menacée, et sur son flanc. Le 8, la IIe armée avait déjà dû replier son aile droite sur Fontenelle dans la région des sources de la Dollau, et le 9, à 7 heures 35 du matin, elle nous fit savoir qu'il lui fallait ramener cette aile jusqu'à la ligne Margny-Le Thoult. Pressé par l'ennemi, le Ier corps de cavalerie avait reculé partie sur Condé-en-Brie, partie au delà de la Marne. Un rapport du général von der Marwitz, expédié à 10 heures 20 du matin et arrivé à 11 heures, annonçait que des masses d'infanterie anglaise avaient franchi la Marne à Nanteuil et à Charly.
En conséquence, à 1l heures 30 du matin, le repli de l'aile gauche de l'armée von Linsingen sur la ligne Crouy-Coulombs, à gauche de l'Ourcq inférieure, fut ordonné ; la 5e division d'infanterie, qui n'était pas encore entrée en action, fut portée de Trocy à l'attaque en direction de Dhuisy contre les Anglais qui franchissaient la Marne. Un ordre donné à midi 35 plaçait cette division sous les ordres du général von der Marwitz qui protégeait, avec la brigade Kraewel, le flanc gauche de l'armée à La Ferté-sous-Jouarre et au nord-est. Un compte rendu, parti à 10 heures 30 du matin et arrivé à midi 42, annonçait que Marwitz avait attaqué les Anglais qui avaient passé la Marne, prévenant ainsi les désirs du commandant en chef. L'aile de choc entre La Ferté-Milon et Crépy-en-Valois continuait l'attaque enveloppante. D'un entretien téléphonique avec le chef d'état-major du IIe C. A., il résultait que la situation sur l'Ourcq ne nécessitait pas encore le repli de l'aile gauche. D'accord avec le Q. G. A, le groupe Linsingen garda provisoirement ses positions. Peu après une heure de l'après-midi, la IIe armée communiquait par radio:
" Aviateur signale marche de quatre longues colonnes ennemies sur Marne, avant-gardes 9 heures du matin Nanteuil-Citry-Pavant-Nogent-l'Artaud. IIe armée commence retraite, aile droite Damery. "
Par ce recul, la fissure entre les deux armées, masquée jusqu'alors, devint une brèche sérieuse; on devait s'attendre à ce qu'elle s'élargît de plus en plus, du nord de ChâteauThierry jusque vers Epernay, pour atteindre les dimensions du front d'une armée. Vingt heures plus tard, la IIe armée rectifiait sa communication en disant que son aile droite se repliait non pas sur Damery, mais sur Dormans.
L'offensive de Marwitz réussit contre les Anglais. Des détachements ennemis qui avaient passé la Marne furent rejetés avant la nuit dans la région de Montbertoin.
Vers midi, la situation de la Ire armée était tout à fait favorable, même en tenant compte du repli de la IIe armée vers le nord-est. Car, à l'aile de choc, de laquelle dépendait la décision, le succès paraissait certain : l'aile gauche résistait bien, le flanc semblait être suffisamment protégé par le groupe Marwitz avec deux divisions de cavalerie, la 5e division d'infanterie et la brigade Kraewel.
A ce moment, arriva à Mareuil le lieutenant-colonel Hentsch, du grand état-major, venant du quartier général de la IIe armée ; mais le commandant en chef ne fut avisé de sa visite qu'après son départ précipité : ce contretemps fâcheux eût été évité si le lieutenant-colonel s'était présenté en personne au commandant de l'armée. Celui-ci d'ailleurs se trouvait à proximité.
Le lieutenant-colonel Hentsch fit la communication suivante, confirmée par procès-verbal noté dans les archives du Q. G. A 1 :
" La situation n'est pas favorable. La Ve armée est arrêtée devant Verdun, les VIe et VIIe devant Nancy-Epinal. La retraite de la IIe armée derrière la Marne est inévitable ; le VIIe C. A., aile droite de la IIe armée, ne s'est pas replié, mais a été refoulé. Par conséquent, toutes les armées doivent reculer : la IIIe, au nord-est de Châlons ; les IVe et VI, par Clermont-en-Argonne, sur Verdun. La Ire armée également devra se replier vers Soissons-Fère-en-Tardenois et, en cas de nécessité, sur Laon-La-Fère. "
Le lieutenant-colonel Hentsch dessina au fusain sur la carte du chef d'état-major von Kuhl la ligne approximative qui devait être atteinte par la Ire armée. " On forme une nouvelle armée à Saint-Quentin. Ainsi pourra commencer une nouvelle manœuvre " Le général von Kuhl fit observer que la Ire armée était en pleine attaque et qu'une retraite serait périlleuse, que d'ailleurs l'armée était épuisée au dernier degré, par suite du mélange des unités. Le lieutenant-colonel Hentsch répondit qu'il n'y avait pas autre chose à faire. Il admit qu'il était difficile de rompre le combat brusquement et de battre en retraite dans la direction indiquée, et qu'il vaudrait mieux se retirer en ligne droite derrière l'Aisne, sans pousser l'aile gauche au delà de Soissons. Il insista sur le caractère impératif de ces directives qui devaient être suivies, même s'il parvenait ultérieurement d'autres instructions, et il affirma avoir pleins pouvoirs. Une telle communication, qui faisait apparaître la situation sous un jour entièrement nouveau, aurait dû, nous le répétons encore une fois, être faite directement par le lieutenant-colonel Hentsch au commandant en chef de la Ire armée.
RETRAITE SUR L'AISNE
Ainsi qu'il résulte des documents français dont nous disposons aujourd'hui, le général Maunoury avait pensé, dès le soir du 8 septembre, à se retirer sur une position défensive jalonnée par Monthyon-Saint-Soupplets-Le Plessis-Belleville. La victoire tactique de la Ire armée allemande sur l'armée Maunoury à l'extrême aile gauche française paraissait certaine; il semblait qu'un grand succès allait être obtenu en continuant la poussée le 9.
De son côté, l'armée anglaise n'avancerait peut-être plus aussi rapidement après le combat de Montbertoin. Cependant, d'après les instructions du commandement suprême, il ne fallait plus douter de la nécessité de battre en retraite. D'importants succès ultérieurs de la Ire armée auraient-ils une influence sur la suite des opérations des armées allemandes opérant plus à l'est, et dans quelle mesure ? Cela, le général commandant la Ire armée ne, se trouvait pas en situation de l'apprécier.
Suivant l'opinion de l'officier du grand état-major, muni de pleins pouvoirs, cette influence serait nulle. La brèche entre les deux armées de droite menaçait de devenir béante. Le flanc et l'arrière de la Ire armée seraient alors complètement découverts, tandis que la IIe armée, en continuant à battre en retraite vers le nord-est, améliorerait tout naturellement sa situation. Au cours des jours suivants, on pouvait certes espérer exploiter les succès obtenus sur Maunoury ; mais il deviendrait bientôt nécessaire de rompre le combat, de rétablir les liens tactiques, d'assurer le ravitaillement en munitions et en vivres, de faire déplacer les convois, de protéger les communications, toutes mesures qui réclameraient beaucoup de temps.
Pendant ce temps, les Anglais, qui n'avaient été que retardés à Montbertoin, d'autres colonnes anglaises qui se soudaient à eux plus à l'est, ainsi que l'aile gauche de l'armée plus manœuvrière de Franchet d'Esperey, parviendraient dans le flanc et les derrières de la Ire armée arrivée à la limite de ses moyens. Sauf lourdes et incroyables fautes de la part de l'ennemi, il faudrait alors se retirer au nord-ouest, vers Dieppe, ou, dans le cas le plus favorable, vers Amiens - lointain objectif qu'on n'atteindrait qu'au prix d'étapes épuisantes.
Tout autre eût été la situation si l'on avait disposé de l'échelon, depuis longtemps désiré, de deux ou trois corps d'armée tirés de Lorraine ou d'Alsace pour étoffer en profondeur l'offensive de l'aile gauche allemande ou pour boucher les brèches : après avoir exploité d'une façon limitée le succès remporté sur Maunoury, la Ire armée aurait pu se retirer sur Clermont-Compiègne par petites étapes en se couvrant par des arrière-gardes renforcées par de l'artillerie lourde. S'étant groupée à nouveau sur un terrain favorable, elle aurait fait front et repris l'offensive en liaison avec la nouvelle armée, attaquant en amont et en aval de Soissons.
La situation étant radicalement changée, le commandant en chef - conscient de la portée qu'avait la grave décision à prendre - ordonna la retraite immédiate en direction du nord vers l'Aisne inférieure-Soissons-Compiègne. La décision prise, il fallait agir sur-le-champ, sans perdre une heure.
Ordres donnés au Q. G. de Mareuil, à 2 heures de l'après-midi et à 8 heures 15 du soir :
La situation de la IIe armée exige qu'elle se retire derrière la Marne de part et d'autre d'Épernay. Sur ordre du commandement suprême, la Ire armée se repliera dans la direction générale de Soissons, afin de couvrir le flanc des armées allemandes. Une nouvelle armée allemande se forme à Saint-Quentin.
La Ire armée commencera aujourd'hui même son mouvement. L'aile gauche sous les ordres du général von Linsingen, y compris le groupe du général von Lochow, se retirera d'abord derrière la ligne Montigny l'Allier-Brumetz. En tenant compte de la tournure de la bataille, le groupe du général Sixt von Armin liera son mouvement à celui du groupe précédent jusque derrière la ligne Antilly-Mareuil. L'offensive du groupe du général von Quast sera poussée juste ce qu'il faudra pour permettre de se décrocher de l'ennemi afin qu'il soit possible de se lier au mouvement des autres armées.
von KLUCK.
En outre, le même soir, pour le 10 septembre :
Aujourd'hui, l'aile droite de l'armée a poussé victorieusement dans la direction de Nanteuil-le-Haudouin. A l'aile gauche, la 5e division d'infanterie avec le 2e corps de cavalerie ont attaqué l'ennemi qui marchait vers Nanteuil-sur-Marne-Nogent-l'Artaud. - Par ordre du commandement suprême la Ire armée se retirera vers Soissons et à l'ouest derrière l'Aisne afin de protéger le flanc des armées. La IIe armée se replie derrière la Marne, de part et d'autre d'Épernay.
J'exprime aux troupes de la Ire armée toute ma reconnaissance pour leur abnégation et leurs efforts extraordinaires dans l'offensive menée jusqu'à ce jour.
Le gros de l'armée continuera le mouvement prescrit pour atteindre dès aujourd'hui, en la dépassant vers le nord, la ligne de Gondreville sud-est de Crépy-en-Valois, La Ferté-Milon et la ligne de l'Ourcq en amont. L'aile gauche de l'armée, sous les ordres du, général von Linsingen, y compris le groupe du général von Lochow, marchera à l'est de l'Ourcq, en aval de La Ferté-Milon, ensuite avec son aile droite sur la route La Ferté-Milon-Villers-Cotterets-croisement, à 7 kilomètres au nord-est de Villers-Cotterets-Ambleny. Le groupe du général Sixt von Armin dirigera son aile droite par la route Antilly-Vauciennes-Taillefontaine-Attichy. Groupe du général von Quast à l'ouest de cette route.
Le 2e corps de cavalerie et la brigade Kraewel couvriront le flanc gauche. La 4e division de cavalerie a reçu l'ordre de précéder sur l'Aisne et d'occuper les ponts de Compiègne à Soissons. La brigade de réserve von Lepel et la 11e brigade mixte de landwehr von der Schulenburg se porteront sur Vic par Compiègne, même mission.
L'adversaire sera retardé en détruisant les routes et les passages de l'Ourcq supérieure et par des combats d'arrière-garde.
La colonne à laquelle est attaché le 18e régiment du génie expédiera ce régiment sur l'Aisne, si possible au moyen de voitures.
Les mesures nécessaires pour reconstituer les unités seront prises dès demain.
Le Q. G. aujourd'hui à La Ferté-Milon. Les agents de liaison, en ce point, à 7 heures du matin.
von KLUCK.
Dans la soirée du 9, le commandant en chef vit ainsi les colonnes de l'armée en plein mouvement; le 10, commença le regroupement des petites unités, et, le même jour, celui des unités plus importantes. L'ennemi ne poursuivit pas immédiatement, et il ne le fit ensuite qu'avec hésitation, sans doute en raison de l'épuisement de l'armée Maunoury, du désordre qui régnait dans ses unités, et de la crainte de surprise désagréable de la part des Allemands. Cette appréciation de l'état de la 6e armée française était exacte; une communication officielle de l'état-major français aux représentants de la presse le prouve. Dans le numéro de la Gazette de Cologne du 6 décembre 1914 n° 1323 qui reproduit cette communication, il est dit :
"Le soir du 8 septembre, il devint clair que nos mouvements vers l'est avaient échoué. Au lieu d'envelopper l'aile droite allemande, Maunoury devait veiller à ne pas être encerclé lui- même. Afin d'échapper à ce danger, il concentra à son aile gauche, à Nanteuil-le-Haudouin, toutes les troupes encore disponibles du 4e corps. Ces détachements furent amenés par chemin de fer, par camions, par autos-taxis réquisitionnées à Paris, et à pied. La situation allait en empirant. Des troupes allemandes furent signalées à Baron, sur la route de Nanteuil à Senlis, menaçant donc la retraite sur Paris. Tard dans l'après-midi du 9 septembre, notre 4e C. A. dut se retirer dans la région de Nanteuil, et on se demandait déjà quelle serait la situation le lendemain matin. Le généralissime ordonna cependant de résister à tout prix, afin de ne pas perdre le bénéfice de la bataille de la Marne. "
Ce qui précède montre combien graves étaient jugés par le G. Q. G. français les succès de la Ire armée sur l'Ourcq. Il y apparaît nettement qu'une réserve allemande de quatre à six divisions aurait provoqué la défaite de l'aile gauche française et, par cela même, amené un renversement dans la situation générale de l'aile droite allemande.
L'ordre du jour de Maunoury après la bataille de cinq jours sur l'Ourcq est en contradiction partielle avec le tableau de la situation que trace la communication à la presse et l'opinion qu'elle exprime :
"La 6e armée vient de soutenir pendant cinq jours entiers, sans interruption ni accalmie, la lutte contre un adversaire nombreux et dont le succès avait jusqu'à présent exalté le moral. La lutte a été dure; les pertes par le feu, les fatigues dues à la privation de sommeil et parfois de nourriture ont dépassé tout ce que l'on pouvait imaginer; vous avez tout supporté avec une vaillance, une fermeté et une endurance que les mots sont impuissants à glorifier comme elles le méritent.
Camarades, le général en chef vous a demandé au nom de la patrie, de faire plus que votre devoir : vous avez répondu au delà même de ce qui paraissait possible. Grâce à vous, la victoire est venue couronner nos drapeaux. Maintenant que vous en connaissez les glorieuses satisfactions, vous ne la laisserez plus échapper. Quant à moi, si j'ai fait quelque bien, j'en ai été récompensé par le plus grand honneur qui m'ait été décerné dans une longue carrière : celui de commander des hommes tels que vous. C'est avec une vive émotion que je vous remercie de ce que vous avez fait, car je vous dois ce vers quoi étaient tendus depuis 44 ans tous mes efforts et toutes mes énergies : la Revanche de 1870. Merci à vous et honneur à tous les combattants de la 6e armée. "
Barais Deltour termine ses considérations sur la bataille de la Marne en écrivant : " Personne n'osait prononcer le mot victoire; ce n'est que quelques mois après qu'il fut inventé à propos de la bataille de 1a Marne. "
Le 10 septembre, le gros de l'armée s'arrêta au nord des forêts de Villers-Cotterêts, tandis que les arrière-gardes stationnaient au sud de ces forêts à peu près sur la ligne : est de Crépy-en-Valois-Grumilly, ce dernier village au nord de l'Ourcq supérieure. En s'enfonçant dans la zone des forêts, on devait rendre difficiles les reconnaissances ennemies. Le corps de cavalerie Marwitz et la brigade Kraewel protégeaient le flanc gauche et se trouvaient au soir dans la région de la Crise supérieure près de Soissons; la brigade de réserve Lepel et la brigade de landwehr Schulenburg couvraient le flanc droit vers Compiègne ; la 4e division de cavalerie occupait, conformément aux ordres, les ponts de l'Aisne, d'Attichy à Soissons.
Le Q. G. de l'armée se rendit à Coeuvres et à Valsery, où tous les commandants de corps furent mandés. On devait y prendre toutes les mesures pour le retour des unités dans leurs corps, les mouvements transversaux de troupe, le renvoi des trains au delà de l'Aisne, et y régler les questions d'approvisionnement, de munitions et de cantonnements.
En général la retraite se fit sans à-coups. Les convois et les trains surmenés, cela se conçoit, avaient besoin d'être stimulés de temps à autre. L'ennemi ne poursuivit pas dans le vrai sens du mot. Les 9 et 10 septembre, il s'était attendu à la continuation de la bataille ; ce n'est que plus tard qu'il se rendit compte du changement de situation.
Le corps de cavalerie et les troupes qui lui étaient subordonnées virent leurs mouvements ralentis parce que les routes étaient occupées par les trains et convois; ils eurent à livrer de ce fait des combats d'arrière-garde avec, une forte cavalerie ennemie, probablement anglaise, mais purent se dégager sans grands dommages.
11 SEPTEMBRE. - Dans son ordre donné, de Coeuvres et Valsery, le soir du 10 septembre, 10 h. 30, et reproduit ci-dessous, le commandant en chef exposait la situation entre l'Ourcq supérieure-Aisne et Oise-Marne ; il fixait en même temps les missions ultérieures de l'armée. Cet ordre témoigne d'une amélioration générale dans la situation de la Ire armée encore répartie en groupes. Il fait voir comment les divisions commençaient à rentrer dans leurs corps, pendant que les trains et convois escaladaient les hauteurs au nord de l'Aisne tout en se regroupant, pour rendre libres les passages du fleuve devant les troupes combattantes :
l° L'ennemi - d'après renseignements d'aviateurs - a suivi cet après-midi, avec des forces importantes de toutes armes, sur Neuilly-Saint-Front et sur Chézy-en-Orxois. Des colonnes moins fortes ont été observées dans la région de Coulombs, Vendrest, Ocquerre. Des gros de cavalerie ennemie avec une nombreuse artillerie ont livré combat à des fractions de l'aile gauche de l'armée et au corps de cavalerie dans la région de Billy, plus tard au nord-est. Il manque les rapports d'aviateurs sur la contrée à l'ouest de l'Ourcq inférieure. Une brigade de cuirassiers français et de l'artillerie ont fait leur apparition sur notre aile ouest. La brigade de réserve Lepel s'est repliée hier sur Verberie après avoir soutenu un combat victorieux contre des forces supérieures dans la région de Rully. La IIe armée se retire de part et d'autre de Reims, derrière la coupure de la Vesle.
2° Demain, la Ire armée passera l'Aisne à Soissons et à l'ouest en laissant de fortes arrière-gardes sur la rive sud, et commencera à remettre de l'ordre dans ses unités.
3° A l'aile gauche de l'armée (von Linsingen) les 7e et 22e divisions de réserve se mettront en marche à 5 heures du matin et passeront l'Aisne à Fontenoy et à Pommiers. Le IVe C. A. R. se rassemblera au sud de Nouvron.
Les unités ci-dessous occuperont des positions d'arrière-garde fortifiées, après avoir rompu de leurs points de stationnement à 5 heures du matin :
La 5e division d'infanterie, la brigade Kraewel et le bataillon d'obusiers lourds du IIIe C. A. entre Belleu-Billy;
La 3e division d'infanterie, entre Saconin et Breuil et le ruisseau de la Crise ;
La 8e division d'infanterie, du nord-est de Laversine jusqu'à Saconin et Breuil.
4° Au groupe du général Sixte von Armin, la 7e division d'infanterie occupera, en liaison avec la 8e, des positions d'arrière-garde dans la région à l'ouest de Laversine. La 4e division d'infanterie, partant de Vivières à 5 heures du matin, se portera par Ressons-le-Long-Fontenoy dans la région de Pasly et s'y mettra au repos.
5° Au groupe du général von Quast, la 6e division d'infanterie partira à 5 heures du matin et marchera par Attichy-Bitry-Rivières-Tartiers-Chavigny-Cuffies sur Crouy, au nord-est de Soissons. Elle s'arrêtera dans la région de Tartiers, jusqu'à ce que la contrée à l'est de cette localité soit libre de trains et de convois. Une division du IXe C. A. passera l'Aisne à Verneuil et y restera ; l'autre division se tiendra pour le moment dans la région de Guise-Lamotte.
6° Le corps de cavalerie protégera le flanc gauche à Acy-Serches et empêchera une incursion de la cavalerie ennemie sur les derrières et les communications de l'armée. La 4e division de cavalerie couvrira le flanc droit de l'armée en avant du IXe C. A. sur la lisière de la forêt de Compiègne.
7° Demain Q. G. A. à Fontenoy. Les agents de liaison se présenteront à 6 heures du soir.
8° Demain, le colonel von Berendt, du Q. G. A., réglera, suivant des instructions spéciales, les mouvements des trains et convois. Tous les commandants de colonnes de munitions et de trains se présenteront demain matin à 6 heures au colonel von Berendt, à la sortie de Soissons vers Coucy-le-Château.
9° Après l'exécution des mouvements prescrits pour demain, les commandements seront repris par les généraux de corps d'armée.
Grâce à la grande puissance de travail des chefs, ainsi que des états-majors de l'armée et des corps d'armée, le mouvement des troupes et le retour des divisions et autres fractions dans leurs unités respectives se firent sans à-coups.
Avant de quitter La Ferté-Milon, le commandant en chef rendit compte à l'Empereur du succès remporté par la Ire armée dans la bataille de l'Ourcq, ajoutant qu'elle était en train de se décrocher de l'ennemi, de se retirer sur l'Aisne inférieure et couvrir le flanc droit de la IIe armée. Entre temps, on avait reçu, le 10 septembre au matin, le radio suivant du commandement suprême, parti à 2 heures 30 de la nuit :
"La IIe armée s'est retirée derrière la Marne, aile droite à Dormans. La Ire armée s'échelonnera en arrière. Empêcher l'enveloppement de l'aile droite de la IIe armée par une attaque.
Vers 9 heures du matin ces instructions furent complétées :
Lutte favorable sur toute la ligne. Protection du flanc droit de la IIe armée indispensable par intervention de la Ire armée."
A son arrivée la Coeuvres et Valsery, le commandant en chef apprit que la Ire armée était placée provisoirement sous les ordres du chef de la IIe. S'en référant à l'ordre du G. Q. G., le commandant en chef de la IIe armée demanda, à 3 heures 35 de l'après-midi, à quel moment la Ire armée serait prête pour une nouvelle offensive. Ainsi qu'il résulte de l'ordre donné à Coeuvres et Valsery, il ne pouvait être question d'une offensive immédiate. Le commandant en chef se décida donc à ramener tout d'abord l'armée avec toutes ses unités sur la rive nord de l'Aisne, et, là seulement de la préparer pour une nouvelle attaque après que les corps d'armée auraient été reconstitués et que les réapprovisionnements les plus nécessaires auraient été opérés. C'est au plus tôt le 12 que la Ire armée pourrait être prête pour une nouvelle mission.
Le soir du 10, le Q. G. A. annonça que la IIe armée se retirerait le 12 derrière l'Aisne, son aile gauche sur Thuisy au sud-est de Reims, la IIIe sur la ligne de Mourmelon-le-Petit-Francheville, la IVe derrière le canal de la Marne au Rhin jusqu'à Revigny.
PASSAGE DE L'AISNE
Le 11 septembre, s'accomplirent les mouvements prescrits pour le passage de l'Aisne et le retour des unités dans leurs corps d'armée respectifs; ils ne furent pas sensiblement gênés par l'ennemi. Le soir, une division du IXe C. A. parvint au nord de l'Aisne à Berneuil; le IVe C. A. R., sans sa brigade Lepel, à Nouvron; la 4e division d'infanterie, vers Pasly au nord-ouest de Soissons ; la 6e à Tartiers à l'est de Nouvron.
Au sud de l'Aisne, sur des positions fortifiées, la moitié du IXe C. A., le IVe C. A. ; les 3e et 5e divisions d'infanterie, sur la ligne Cuise-Lamotte-Laversine-Saconin et Breuil-Billy. Au IVe corps, le com mandant en chef remarqua l'échelonnement de combat, judicieux comme toujours ; il assista en outre à Pommiers, dans la vallée de l'Aisne en aval de Soissons, au passage, dans un ordre admirable, de la 22e division de réserve. Aucune inquiétude : partout l'esprit d'entreprise qui s'était constamment affirmé, malgré le besoin de repos. Q. G. Fontenoy. La protection des deux flancs de l'armée était en mains sûres. Le repli des convois s'effectuait régulièrement.
Vers le soir seulement, les avant-gardes de l'ennemi arrivèrent devant notre front consolidé. Coups de canon, sans combats importants.
Le matin du 11 septembre parvint l'ordre suivant du chef de la Ile armée :
Le 12 septembre, la IIe armée gagnera la coupure de la Vesle de part et d'autre de Reims. Le 11, la Ire armée se retirera derrière l'Aisne et s'étendra les 12 et 13 à l'abri de la ligne de l'Aisne jusqu'à hauteur de l'aile droite de la IIe armée. La coupure de la Vesle à Braisne et à Fismes sera barrée, le 11 au matin, par une brigade mixte de la IIe armée à chacun de ces passages.
D'après des communications ultérieures, l'aile droite de la IIe armée se porta sur Chalons-sur-Vesle. La 13e division d'infanterie resta à Braisne et Fismes, le ler corps de cavalerie plus au sud. L'ennemi suivit l'aile droite de la IIe armée jusqu'à Ville-en-Tardenois. D'après une communication du G. Q. G. à la VIIe armée, le XVe C. A. était en route pour Saint-Quentin et on y attendait pour le 13 l'arrivée des dernières troupes combattantes. Si ces troupes s'étaient trouvées dix jours plus tôt à Soissons, la situation aurait changé considérablement en faveur de l'aile droite et en général de l'armée allemande.
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LA Ire ARMÉE PREND POSITION AU NORD DE L'AISNE
L'ordre donné à Fontenoy, le 1l septembre à 8 heures du soir, informait l'armée de l'apparition d'avant-gardes ennemies devant le front, du bombardement de Compiègne par des éléments de l'armée Maunoury, de l'arrivée de la 13e, division d'infanterie à Braisne-Fismes, de l'établissement de la IIe armée de part et d'autre de Reims sur la coupure de la Vesle. Il continuait ainsi :
3° Demain matin, la Ire armée s'établira au nord de l'Aisne.
Les éléments de l'armée qui stationnent encore au sud de l'Aisne, se mettant en marche à 2 heures du matin, passeront sur la rive nord, en se couvrant contre l'ennemi. Les divisions qui s'y trouvent déjà prendront position pour les recueillir; artillerie lourde sur la rive nord. Dès la pointe du jour, le IVe C. A. R. occupera sur les hauteurs de Nouvron et Vaux les positions de repli du IVe C. A. Tous les trains et bagages encore au sud de l'Aisne seront immédiatement mis en route, devançant les colonnes sur les routes qui leur sont assignées au § 5. Aux défilés, dans les lieux habités, sur les ponts, on placera des officiers responsables de l'écoulement régulier des trains et convois.
5° Itinéraires :
La 5e division d'infanterie du IIIe C. A. avec la brigade Kraewel du IXe C. A., par Venizel vers les hauteurs de Condé;
La 6edivision d'infanterie, de Tartiers (par Bieuxy-Bagueux-Juvigny-Terny-Sorny) jusqu'à Nanteuil-la-Fosse
La 3e division d'infanterie du IIe C. A., par Soissons vers les hauteurs de Crouy et de Bucy-le-Long. Soissons restera occupé.
La route par Vaux sera réservée au IVe C. A. La 4e D. I. prendra position sur les hauteurs de Pasly. La 8e division d'infanterie du IVe C. A. marchera par Pernant et par Mercin et Vaux, sur Pommiers, ayant deux ponts à sa disposition, jusqu'au nord de Juvigny. La 7e division d'infanterie se portera par Ambleny-Fontenoy jusqu'au sud de Tartiers. La 17e division d'infanterie, du IXe C. A., occupera les hauteurs d'Attichy-Bitry; la 18e marchera par Attichy et Vic sur Autrêches et au nord. La brigade de réserve Lepel avancera de Compiègne à Nampcel.
6° Le général von der Marwitz avec les 2e et 9e divisions de cavalerie continuera à couvrir l'aile gauche de l'armée; il assurera la liaison avec la brigade du VIIe C. A. à Braisne. La 4e division de cavalerie couvrira l'aile droite de l'armée en liaison avec le IXe C. A.
7° Les corps d'armée prépareront la destruction des passages de l'Aisne ; ils en maintiendront l'occupation après que les troupes les auront traversés et les détruiront en cas de poussée de l'ennemi. Les ponts militaires seront repliés après le passage des troupes.
Q. G. a Juvigny, où la 6e division d'infanterie enverra une compagnie d'escorte. Les agents de liaison s'y présenteront à, 6 heures du soir. A partir de 6 heures 30 du matin, je me trouverai à Nouvron.
von KLUCK.
Ces mouvements achevés, la Ire armée avait ainsi, en 3 grands stades : rupture du combat, regroupement des unités, déplacement vers le nord-est, dans l'espace de trois jours, des 9 au 12 septembre, rétabli la liaison de combat avec la IIe armée. La brèche entre les deux armées était à peu près fermée. Il faut aussi mentionner le mouvement des échelons qui, pendant le repli du Grand-Morin sur l'Ailette, avaient confirmé leur expérience de la guerre. De même que les trains, parcs et convois, ils ont fourni avec la plus grande abnégation des efforts moraux et physiques considérables.
OFFENSIVE DES ARMÉES MAUNOURY ET FRENCH SUR L'AISNE
Suivant des rapports parvenus le 12 septembre au matin, de fortes colonnes venant des environs d'Hartennes et de Fère-en-Tardenois sur l'Ourcq supérieure progressaient vers le nord : probablement des Anglais qui manœuvraient difficilement en masses. Des forces moindres étaient signalées à Mortefontaine-Coeuvres et Valsery; elles appartenaient à l'armée Maunoury et avançaient de la région de Villers-Cotterêts vers le nord. Le flanc droit de l'armée, dans la région de Roye-Montdidier-Noyon, sur la rive ouest de l'Oise, était libre d'ennemis. L'après-midi, l'ennemi s'approcha de l'Aisne et mit en action une puissante artillerie sur tout le front, principalement contre le IXe C. A. Il fallait d'autant plus compter avec une sérieuse offensive que les généraux Maunoury et French avaient tout intérêt à battre la Ire armée avant l'arrivée des renforts allemands. L'ordre suivant fut donné à 1 heure de l'après-midi :
Le 12 septembre marqua le commencement de la guerre de position pour la Ire armée sur l'Aisne. Avant d'achever cette esquisse des opérations stratégiques de l'armée, il paraît utile d'exposer le passage à la guerre de position d'après les décisions et les ordres. Nous prouverons ainsi que, par la bataille de plusieurs jours qu'elle livra sur l'Aisne, la Ire armée fut appelée à ériger l'un des principaux piliers du futur front occidental allemand, de l'Aisne à l'Yser. Nous donnerons également un extrait du mémoire adressé au commandant en chef de la IIe armée.
COUP D'OEIL RÉTROSPECTIF
Du nouveau Q. G. à Juvigny, près du front, derrière l'artillerie du IVe C. A., il fat communiqué, dans l'ordre du 12 au soir, que l'ennemi avait réussi à passer l'Aisne devant l'aile droite du IVe C. A. R. et que le VIIe C. A. de Braisne s'était retiré sur Vailly. La Ire armée avait à tenir ses positions et à les renforcer. Le IVe C. A., après entente avec le IVe C. A. R. devait soutenir celui-ci avec son artillerie lourde placée dans la région au nord-est de Nouvron; le IXe C. A. aurait à intervenir des hauteurs à l'ouest de Morsain par tirs d'écharpe. La mission du IIIe C. A en liaison avec le IIe et le Ier corps de cavalerie consistait à empêcher l'enveloppement de l'aile gauche. La brigade Lepel, partant de Compiègne, attaquerait sur la rive nord de l'Aisne vers Attichy ; la 10e brigade de landwehr, de Ribécourt, dans la même direction; les deux brigades placées sous les ordres du IXe C. A. La rive nord de l'Aisne, coupée par de nombreux ravins, ayant été plus ou moins dégarnie, il était dans les intentions du Q. G. A. d'y remédier de cette manière.
Dans l'état actuel de l'armement de l'infanterie, il aurait été utile, le 11, lors du passage de l'Aisne, de laisser dans les nids des ravins un fort rideau de mitrailleuses légères avec leurs servants. Quelques centaines de ces armes efficaces auraient arrêté dès le début les tentatives de passage de l'ennemi et nous auraient fait gagner du temps, pour renforcer la résistance suivant nos projets. Quelques canons et mortiers de tranchée auraient également bien été à leur place.
Malgré toutes ces mesures, le 13, à Attichy et à Vic, l'ennemi poussa sur la rive nord de l'infanterie et de l'artillerie; les troupes françaises attaquèrent à différentes reprises le IVe C. A. R. Les IXe C. A. et IVe C. A. R. reçurent l'ordre de rejeter l'ennemi jusqu'aux hauteurs avancées de l'Aisne :
" Le IVe C. A. soutiendra l'attaque dans la mesure de ses forces et enverra au IVe C. A. R. un régiment d'infanterie et un groupe d'artillerie de campagne de Tartiers à Nouvron. Le secteur de combat de ce dernier corps d'armée sera rétréci entre Hors (au nord-ouest de Roche), à droite, et la lisière est de Fontenoy à gauche. "
Le 14 au soir, le Q. G. A. renouvela l'ordre de continuer à renforcer les positions qu'on devait tenir coûte que coûte. Si les conditions étaient très favorables, on tenterait des contre-attaques en liaison avec les corps voisins et en prévenant autant que possible le commandement à Juvigny. A l'aile gauche, le IIIe C. A., partant de l'est de Condé, devait attaquer dans la direction du sud, et, en liaison avec lui, le VIIe C. A. R. et la moitié du XVe C. A. de la VIIe armée. Une batterie de mortiers et une batterie de canons de 10 cm., sous le commandement du colonel von Berendt, devaient se mettre a la disposition du IIe C. A., pour le soutenir, ainsi que le IIIe C. A.
La soir du 15 septembre on pouvait informer la Ire armée, du Q. G. de Vauxaillon situé plus en arrière du front, que toutes les positions avaient été tenues. Le VIIe C. A. R. de la VIIe armée avait pu résister à Brayen-Laonnois à des forces supérieures; à l'est de ce corps, les XVe et XIIe C. A. livraient un combat heureux. Le, 16, le VIIe C. A. R. avait continué son offensive, soutenu par le IIIe C. A. Sous le commandement du général von Zwehl, le VIIe C. A. R. venant de Laon à marches forcées était arrivé à temps. Son intervention énergique à un endroit particulièrement menacé du front de l'Aisne durant cette bataille critique de plusieurs jours sera pleinement mise en lumière par l'histoire.
En outre il y avait lieu de faire connaître l'heureuse nouvelle que les avant-gardes du IXe C. A. R. de la VIIe armée étaient arrivées dans l'après-midi à Pontoise sur l'aile droite de la Ire armée. Le 16, en liaison avec le IXe C. A., il devait rejeter l'aile gauche ennemie. La 4e division de cavalerie couvrait à l'arrière de l'armée les ponts de Chauny, de Condren et de Quierzy.
Qu'on se figure l'arrivée de ces trois corps dix jours plus tôt, sur la Marne ! Ainsi les forces des adversaires finirent par s'égaliser. La bataille de l'Aisne diminuant d'intensité, on passa définitivement à la guerre de position qui prit immédiatement le caractère d'une guerre de siège acharnée, avec ses intermittences continuelles de repos et d'activité et ses luttes d'artillerie ininterrompues. A ce moment, commencèrent les immenses travaux pour l'aménagement des positions dans les multiples secteurs avec points d'appui, et soutiens réciproques pour la défense et la contre-attaque; la désignation permanente de réserves mobiles, surtout après le départ des IVe et IIe C. A.; la construction d'abris à ciel ouvert ou souterrains pour les hommes et les chevaux; la réparation des chemins en mauvais état. Alors s'ouvrit pour le commandement l'ère des lourds soucis au sujet du service de santé, des approvisionnements de l'armée, du renforcement des effectifs, etc .....
Du Rhin et la frontière ouest au nord d'Aix-la-Chapelle jusqu'à l'arrivée sur le Grand-Morin à l'est de Paris, la Ire armée avait franchi en trente jours sans repos, avec ses avant-gardes et ses masses, en formations variables, luttant presque tous les jours, une distance de plus de 500 km., et, en comptant le repli vers l'Aisne, bien au delà de 600 km. Des chefs comme les généraux Gronau, Kuhl, Linsingen, Lochow, Marwitz, Sixt von Armin, Quast, s'étaient illustrés; leur expérience dans la conduite de troupes incomparables leur valut, dans le courant des années suivantes, des commandements d'armées, de groupes d'armées et des situations de chefs d'état-major sur les fronts importants.
Durant les combats de septembre, le succès tactique fut de beaucoup du côté allemand; mais le succès stratégique, quoique limité, revint à l'ennemi, car il put obliger le commandement suprême allemand à regrouper complètement son armée de l'ouest. La valeureuse 6e armée française Maunoury, lancée le 4 septembre par le général Gallieni à l'attaque contre la Ire armée, en liaison avec l'armée French, paraît avoir eu la tâche relativement la plus facile, tandis que les corps de la Ire armée, pour remplir la leur, ont dû faire appel aux plus grandes aptitudes manœuvrières au milieu de complications et de difficultés telles que l'histoire des grandes guerres n'en offre que peu d'exemples.
HASARDS DE LA GUERRE
Par suite de circonstances malheureuses qui ne sont pas encore éclaircies, le commandement suprême avait relâché les rênes en ce qui concerne la conduite de l'aile droite ouest des armées allemandes. Ceci apparaît clairement dans l'histoire des opérations de septembre d'après les archives, ainsi que dans le rapport suivant, adressé le 16 septembre, de Vauxaillon, au commandement de la IIe armée. Dès les premières phrases on distingue le danger auquel la Ire armée, après avoir porté un coup à l'armée Maunoury, réussit à se soustraire, en se retirant à temps sur l'Aisne :
"Il ressort du radio du G. Q. G. adressé de Luxembourg, le 15 septembre à 11 heures, au commandement de la IIe armée, qu'auparavant un autre ordre aurait été donné, d'après lequel " la Ire armée devait protéger son flanc droit contre des surprises, en s'échelonnant comme il en avait été décidé ". Le 14, un ordre doit avoir été donné d'après lequel " la Ire armée avait à se soustraire à une dangereuse menace ennemie contre son flanc en se repliant dans la direction du nord. " Ces deux ordres ne sont pas parvenus, ils n'ont été connus que ce matin, par le radio mentionné plus haut.
La Ire armée a considéré jusqu'à ce jour que sa mission consistait à couvrir le flanc des armées allemandes en se maintenant solidement sur la position de l'Aisne. L'aile droite a été repliée jusqu'à Cuts au sud de Noyon; l'aile gauche se trouve au nord-est de Vailly et à Vailly.
Suivant les dispositions prises par le Q. G. de la IIe armée, l'aile gauche de la Ire armée devait attaquer, avec le maximum de forces, en direction de Fismes, afin d'exploiter le succès de la VIIe armée. En conséquence, le IIIe C. A., pour satisfaire à une demande urgente de la VIIe armée, s'en référant à l'ordre de la IIe, est en voie d'attaquer, partant de la région Condé-Vailly et au nord-est, et appuyant le VIIe C.A. R.
" En face de la Ire armée se trouve un ennemi en forces qui attaque alternativement sur différents points du front. L'aile droite en retrait a été hier menacée par un mouvement enveloppant dirigé de Compiègne sur Cuts. Le IXe C. A. R. rattaché à la VIIe armée, ayant déjà été porté par cette armée sur Noyon, il en résulte la possibilité, en rejetant l'ennemi à l'aide du IXe C. A. R., d'empêcher l'enveloppement menaçant. Aujourd'hui donc, le IXe C. A. et le IXe C. A. R. ont l'ordre de refouler l'ennemi; et seulement ensuite, l'aile droite sera repliée de nouveau et le IXe C. A. R., si toutefois la Ire armée peut en disposer, s'établira en échelon au nord de l'Aisne.
" Si la Ire armée ne fournit pas de renseignements précis sur le danger couru par le flanc droit, c'est qu'une telle précision ne peut, malheureusement, être obtenue. Les reconnaissances de cavalerie et d'aviation n'ont rien donné ces derniers jours. Il semble qu'il n'y ait qu'une forte cavalerie française - 2 à 3 divisions - en progression au nord de l'Oise. La seule colonne importante de toutes armes que l'on connaisse est celle signalée au nord, en mouvement de Compiègne sur Noyon. Le IIe corps de cavalerie est envoyé en direction de Chauny.
" Je sollicite un ordre m'indiquant si le centre de l'armée doit se maintenir ou non sur la ligne de l'Aisne. On ne peut mener une offensive avec l'aile gauche sur Fismes ou même soutenir énergiquement l'aile droite de la VIIe armée qu'à condition de se maintenir sur la ligne de l'Aisne. Un repli de la Ire armée droit vers le nord, en présence de l'ennemi, avec lequel elle est au contact immédiat, compromettrait gravement la situation des VIIe et IIe armées. L'ennemi, retenu jusque-là par la Ire armée, aurait les mains libres.
D'après ce qui précède je juge opportun que la Ire armée se maintienne, en attendant, sur l'Aisne, que l'aile gauche soutienne la VIIe armée, que l'aile droite se replie et que le IXe C. A. R. s'échelonne au nord de l'Oise aussitôt que la menace actuelle d'enveloppement aura été écartée. Si un échelonnement plus étendu devait être ordonné, il ne pourrait être réalisé que par de nouvelles forces ou en abandonnant la ligne de l'Aisne; encore faut-il tenir compte de ce fait que partout la Ire armée est en contact étroit avec un ennemi très fort. Si la direction de repli droit au nord était maintenue, ce mouvement ne pourrait en aucun cas se combiner avec une offensive de l'aile gauche et avec la couverture du flanc des VIIe et IIe armées.
von KLUCK.
En subordonnant temporairement une armée à une armée voisine, on ne remédiera que rarement à des crises stratégiques ou tactiques. Par contre, le commandement suprême y aurait paré, dans le cas ci-dessus envisagé, en plaçant les trois armées d'aile sous les ordres du chef d'une armée ou du plus ancien en grade, et en le déchargeant en même temps du commandement de sa propre armée. Si l'on ne voulait pas de ce procédé que l'on utilisera an cours des années de guerre pour la conduite des grandes armées modernes, il eût du moins été utile qu'au nom de l'Empereur, le chef d'état-major général, prît momentanément la direction de l'aile droite des armées entre Noyon et Reims. Par des mesures énergiques, on jugule la fortune de la guerre.
L'établissement définitif de la Ire armée sur les hauteurs de la rive nord de l'Aisne mettait fin à l'écrasante mission stratégique et tactique confiée aux glorieux corps d'armée et aux chefs de tous grades. En jetant un coup d'œil sur le passé, ces troupes héroïques se souviendront du long chemin plein de gloire, de misère et d'abnégation, parcouru en présence d'ennemis valeureux; elles se rappelleront avec émotion ceux qui, sur d'innombrables champs de bataille, sont tombés pour l'Empereur, la Patrie et l'Honneur, et penseront aux souffrances des camarades blessés. Elles avaient conservé intacts leur grand courage et la volonté d'accomplir leur devoir. Pour elles, l'action signifiait tout, la gloire peu de chose.