LE POINT DE VUE DU GENERAL VON BÜLOW
Le commandant de la IIème Armée : le général von Bülow donne son point de vue, dès décembre 1914, sur les combats d'août et septembre 1914 dans son livre "Mon Rapport sur la Bataille de la Marne", la traduction en a été faite par le Capitaine Netter en 1920 et elle a été publiée chez Payot.
Comme pour von Klück (Ière Armée), von Bülow dépend beaucoup des informations qu'il reçoit, dès le début le renseignement est précieux, on peut noter l'espoir d'une prise plus rapide de Liège et de ses forts. Par la suite il s'inquiète de voir que les trois armées de l'aile droite ont des difficultés à avoir une orientation commune et une coordination de leurs actions.
La polémique avec von Klück est perceptible tout le long du texte : qui est responsable de l'échec de cette immense opération ? Von Bülow semble désigner von Klück. Les combats au sud de la Marne sont l'objet de commentaires acerbes et d'explications, qui, implicitement, responsabilisent von Klück. On peut noter également la référence au G.Q.G. qui semble toujours approuver et préférer von Bülow.
Son évocation des combats avec la 9ème armée est très courte, il décrit beaucoup plus en détail les combats sur l'Aisne et de la stabilisation du front. Sont mis en italiques les éléments les plus déterminants. Une partie des erreurs de toponymie a été rectifiée mais il en reste .... MERCI DE LES SIGNALER DANS NOTRE E-MAIL
ABRÉVIATIONS USITÉES
G. Q. G. : grand quartier général.
Q. G. A. 2 : quartier général de la 2e armée.
C. A. : corps d'armée actif.
C. R. ou C. A. R. : corps d'armée de réserve.
G. : corps d'armée actif de la garde,
G. R. corps d'armée de réserve de la garde.
C. C. corps de cavalerie.
D. I. division d'infanterie (active).
D. I. R. : division d'infanterie de réserve.
D. C. : division de cavalerie.
D. I. G. : division d'infanterie de la garde.
D. I. R. G. - division d'infanterie de réserve de la garde.
Les numéros des corps d'armée sont indiqués en chiffres romains ; les numéros des autres unités sont toujours indiqués en chiffres arabes. Lorsqu'il parle de lui-même le général utilise l'expression A.O.K.2 (commandement supérieur de la 2ème Armée).
La marche de la 2e armée était étroitement liée à l'opération montée par le G. Q. G. contre la forteresse de Liège. De sa réussite en temps utile dépendait la manière dont s'effectuerait la marche en avant de la 2e armée après sa concentration. Sur le projet, d'exécution de l'opération, le Q. G. A2 était renseigné par un mémoire annexé aux travaux préparatoires à la mobilisation. Le quartier-maître général de la 2e armée, général major Ludendorff, était attaché au général d'infanterie von Emmich, commandant devant Liège, avec l'ordre de tenir le Q. G. A2 constamment au courant de tous les événements.
Le 5 août au matin, le général major Ludendorff annonçait que, dans les brigades renforcées affectées à l'attaque de la forteresse, tout se passait jusqu'alors conformément au plan. L'ouverture du feu était projetée pour le 5 août, l'attaque de Liège pour la nuit du 5 au 6 août. Le Q.G. A. 2 resta d'abord dans une complète ignorance au sujet de la marche des opérations. C'est seulement dans l'après-midi du 6 août qu'un message téléphoné du capitaine baron de la Motte-Fouqué, officier de liaison du Q.G.A.2 envoyé en avant, annonça que jusqu'au 6 au matin l'assaut n'avait pas réussi. Les colonnes d'attaque trouvaient partout les approches et solidement défendues par des habitants fanatisés; par suite, les troupes auraient subi d'assez fortes pertes. Bien que le capitaine von Fouqué annonçât en même temps que l'attaque serait vraisemblablement renouvelée dans la nuit du 6 au 7 août, je n'hésitai pas à prendre aussitôt toutes mesures pour mettre à4 la disposition du général von Emmich les moyens nécessaires pour une deuxième attaque de vive force avec des effectifs renforcés. Les ordres correspondants furent expédiés de Hanovre le 6 août dès midi.
L'incertitude presque complète qui régnait sur les événements devant Liège m'impressionna de manière très troublante. En conséquence le 7 août, à 9 heures du matin, je donnai l'ordre à mon officier de liaison de demander au général von Emmich d'orienter d'une manière permanente le Q. G. A. 2
Le capitaine von Fouqué annonça là-dessus, le 7 août à 10 heures 45 minutes du matin, par téléphone, que les 14e, 27e et 34e brigades d'infanterie se trouvaient encore à ce moment à l'extérieur de la ligne des forts. On ne savait rien au sujet de l'endroit où se trouvait le général von Emmich; on présumait qu'il poursuivait encore le combat avec les autres brigades.
La Kommandantur d'Aix-la-Chapelle aurait demandé au chef du 2e corps de cavalerie d'assumer le commandement des 14e, 17e et 34e brigades d'infanterie; d'autre part, le grand état-major de Berlin, interrogé, déclarait ne posséder aucun renseignement. A midi 30, le capitaine von Fouqué annonçait qu'aux dernières nouvelles Liège n'était pas encore tombée.
Les mêmes renseignements parvenaient d'Aix-la-Chapelle par l'officier de liaison du Xe C. A. Celui-ci ajoutait que, suivant l'ordre du G. Q. G., deux régiments du VIIe C. A., le 39e et le 56e, seraient transportés à Herbesthal aussitôt leur mobilisation assurée; il demandait sur quel point ces régiments devaient être ultérieurement dirigés. Il fut stipulé qu'ils devraient rejoindre la 27e brigade en direction Julémont-Battice.
A 6 heures 2 minutes du soir, le capitaine von Fouqué télégraphie :
" D'après communication de l'officier de renseignements à Coblence, la général commandant Xe C. A. n'existe plus. "
Mais aussitôt après, les nouvelles deviennent de nouveau meilleures.
A 6 heures 5 minutes du soir, un officier des troupes automobiles (Tischbein) annonce d'Aix-la-Chapelle que le général von Emmich avec une brigade aurait pénétré de vive force dans Liège. Cette nouvelle était confirmée peu après par l'officier de liaison du Ier C. A. qui ajoutait que le général von Emmich négociait en ce moment avec le bourgmestre de la ville.
A 6 heures 15 minutes du soir on eut connaissance d'un télégramme privé du général von Emmich à sa femme :
" Hurrah, à Liège ! "
En dernier lieu, vers 8 heures du soir, peu avant le départ du G. Q. A. 2 pour la zone de concentration, arriva la communication télégraphique suivante du capitaine von Fouqué :
" Général von Emmich entré à Liège le 7 août à 7 heures 45 minutes du matin. Gouverneur en fuite. Evêque prisonnier. Liège évacuée par les troupes belges, citadelle de Liège occupée par nos troupes; pas de renseignements sur forts pris. "
Bien que ce dernier paragraphe permit encore un doute, le ton rassurant de toutes les nouvelles conduisait à la conviction que la forteresse de Liège serait finalement tombée en notre pouvoir
C'est sous cette impression que le Q. G. A. 2 quitta Hanovre le 7 août au soir.
Au cours du voyage on réussit, dans la matinée du 8 août, à se mettre de nouveau en communication téléphonique avec le capitaine von Fouqué.
Celui-ci avait dans l'intervalle, reçu des nouvelles du général major Ludendorff revenu de Liège à Aix-la-Chapelle. Il en résultait que le général von Emmich avait bien pénétré dans Liège, avec là 14e brigade d'infanterie renforcée, dont le général major Lundendorff avait pris le commandement à la place de son chef tombé; mais tous les forts, sauf Fléron, étaient encore entre les mains de l'ennemi (ce nom de fort fut même plus tard reconnu inexact). Les forts devaient être attaqués de nouveau le 8 août en partant de l'intérieur de la ville. Le général major Ludendorff serait déjà en route pour retourner à Liège. La situation devant Liège apparaissait donc comme moins favorable; mais elle sembla encore plus critique lorsque je reçus, à mon arrivée à Aix-la-Chapelle, une communication du général major Ludendorff, aux termes de laquelle ce général n'avait pu réussir, le 8 au matin, à pénétrer dans Liège; toute liaison avec le général von Emmich serait coupée et Ludendorff devait admettre que la garnison belge soutenue par des forces françaises serait rentrée dans Liège et aurait enlevé les troupes allemandes.
Le Q.G.A.2 se demanda aussitôt si, dans ces circonstances et pour la direction ultérieure de l'opération contre Liège., il ne vaudrait pas mieux débarquer immédiatement à Aix-la-Chapelle. On n'en fit rien néanmoins parce qu'il parut plus facile de réaliser à Montjoie qu'à Aix-la-Chapelle la liaison avec les détachements de troupe déjà engagés. Après mon arrivée à Monjoie, vers 10 heures du soir, l'officier de liaison envoyé en avant annonça que, le 7 août au soir, était parvenu un ordre du G. Q. G., d'après lequel les premiers corps d'armée se présentant au débarquement devaient immédiatement mettre des détachements mixtes en marche sur Liège pour servir de soutien aux troupes devant cette place.
Le capitaine von Fouqué avait dès lors donné les ordres suivants :
Les IXe, VIIe et Xe C. A. porteront en avant autant que possible chacun une brigade mixte d'infanterie et tout au moins un régiment d'infanterie avec artillerie.
Le IIe C. A. par Homburg sur Warsage (est de Visé).
VIIe C. A. sur Pepinster (ouest de Verviers).
Xe C. A. sur Poulseur (sud de Liège).
D'autre part, le 8 août à 9 heures du matin était arrivé l'ordre suivant du G. Q. G. : " Les troupes sous le commandement du général von Emmich, même provenant d'autres armées, resteront jusqu'à nouvel ordre sous le commandement du général von Emmich. "
Cet ordre se trouva confirmé par les événements. Restait cependant là question de savoir si le Q.G.A.2 lui-même garderait en main la direction dès opérations devant Liège ou s'il la confierait au plus ancien des généraux commandant les trois corps d'armée de tête. Avant de prendre une décision le plus ancien officie d'état-major du Q. G. A. 2 fut, encore le même soir envoyé au commandant du VIIe C. A. vers Eupen en vue de recueillir de plus amples renseignements sur la situation. Là aussi régnait encore de l'obscurité sur les événements devant Liège ; on savait seulement que toute liaison avec le général von Emmich était perdue. Le reste de là 14e D. I. devait atteindre Verviers le 10 août au soir, la 8e D. I., le 11 août, devait arriver échelonnée sur la route Eupen-Limbourg-Verviers. De son côté le général commandant le VIIe C. A. avait réussi, dans une certaine mesure à se relier aux troupes du général von Emmich qui se trouvaient à l'extérieur de la forteresse de Liège. Le fort Fléron dont la prise avait été annoncée était encore entre les mains de l'ennemi. Dans ces conditions, je crus faire pour le mieux en chargeant le général commandant le VIIe C. A. de la suite des opérations pour la prise de la forteresse de Liège, et à cet effet de mettre sous ses ordres les troupes des IXe et Xe C. A. arrivant devant Liège. Le Q. G. A. 2 devait garder les mains libres pour être à même d'employer suivant les circonstances la masse de la 2e armée au fur et à mesure des débarquements, c'est-à-dire : les VIIe C. R., Xe C. R., garde et C. R. de la garde. Les ordres correspondants furent donnés le 8 août aux VIIIe, IXe et Xe C. A.; en outre des instructions spéciales furent adressées au général de cavalerie von Einem.
Dans ces instructions se trouvaient déjà d déterminés les itinéraires ultérieurs des 9e, 7e et 10e C. A. jusqu'à hauteur de Julémont, Fraipont et Esneux. Le VIIe C. R. devait d'abord serrer jusqu'à Eupen, le Xe C. R. par Spa jusqu'à La Reid et plus tard emprunter les routes déjà suivies par les VIIe et Xe C.A. Il fut ordonné au général de cavalerie von Einem d'établir à tout prix une liaison avec le général von Emmich. En conséquence le général von Einem envoya, dès le 9 août au matin, un officier d'état-major vers Liège et prescrivit en outre au IXe C. A. d'établir une ligne téléphonique; de son côté le général von Emmich établit la liaison, le 10 août à midi, par un officier d'état-major envoyé au général von Einem, après que le premier fort de Liège, celui de Barchon, fut tombé en son pouvoir à la suite, d'un combat corps à corps.
A la garde fut donné l'ordre d'avancer jusqu'à Hamoir, au corps de réserve de la garde de suivre l'itinéraire du corps de la garde en direction de Basse-Bodeux. Le 2e corps de cavalerie (moins la 9e D. C.) qui, dans la nuit du 8 au 9 août, était à l'ouest de Visé, s'avança le 9 août vers Bruxelles. La 9e D. C. atteignit le 9 août Ouffet. Pendant que ces mouvements s accomplissaient, les jours suivants (10 au 14), commença la véritable attaque de la forteresse de Liège sous les ordres du général de cavalerie von Einem. Cependant au G. Q. G. on était apparemment encore dans la croyance que la forteresse de Liège était déjà incontestablement en notre pouvoir.
Un télégramme du G. Q. G. du 10 août au soir stipulait :
" Les unités d'autres armées employées devant Liège devront rejoindre leurs armées aussitôt que possible, conformément aux instructions sur le déploiement stratégique. Les Q.G.A. 1, 3 et 4 devront être avisés.
Le IXe C. A. restera encore, à la 2e armée.
Le 1er C. C. a l'ordre d'avancer dans la direction de Dinant.
La position d'attente de la 2e armée, à hauteur de Liège, le long des routes assignées par les instructions sur le déploiement stratégique devra être prise le 12e jour de la mobilisation. Les routes de marche de la 1re armée devront être rendues libres dès l'arrivée de cette armée. "
La réponse suivante fut adressée au G. Q. G. : " Têtes 2e armée d'abord en position d'attente à hauteur de Julémont, Fraipont, Esneux, Hamoir; là - comme déjà plusieurs fois annoncé tous les forts, sauf Barchon, encore aux mains de l'ennemi. Aussi longtemps que les forts ne seront pas tombés, traversée de Liège impossible. Au cas où l'ordre de marche arriverait pour le 13 août et où les forts ne seraient pas tombés, je tournerai Liège par le sud et laisserai le IXe C. A. avec artillerie d'attaque devant Liège. Pour ce même motif les routes de marche pour la 1re armée ne pourront pas d'abord être évacuées, car elles devront être utilisées pour l'attaque " - Cette communication fut adressée en même temps au G. Q. G. et à la 1re armée.
Jusqu'au 11 août on ne réussit qu'à prendre le fort d'Evegnée ; mais, lorsque le 12 août l'artillerie lourde entra complètement en action - y compris depuis six heures du soir les 420 - l'attaque fit bientôt de plus grands progrès.
Le 13 août les forts de Pontisse et de Chaudfontaine, le 14 août les forts de Liers, de Fléron et d'Embourg tombèrent entre nos mains. La rive droite de la Meuse était par suite complètement en notre pouvoir; la chute prochaine des autres forts pouvait être sûrement envisagée. La 9e D. C. traversa la Meuse le 14 août à midi sur un pont jeté près de Hermalle par le Xe C. A. et gagna, par une marche en avant sur Waremme, la liaison avec le 2e C. C. qui avait atteint Engelmannshoven avec la 4e D. C. et Wimmertingen avec une autre division.
Le général de cavalerie von Einem reçut dès lors, le 14 août au soir, l'ordre d'emporter Huy tout en continuant le 15 août l'attaque contre les forts de Liège encore tenus par l'ennemi avec le Xe C. A. dont le commandement fut repris par le général von Emmich; aux corps de 2e ligne j'ordonnai de serrer étroitement :
VIIe C. R. jusqu'à Limbourg, 10e C. R. jusqu'à Hauregard.
Réserve de la garde jusqu'à Belvaux (sud de Malmédy).
Au 2e C. C. fut ordonné : " 1re armée s'avancera demain jusqu'à hauteur de Tongres; le 2e C. C. masquera avec la 2e D. C. la marche de la Ire armée et portera les 4e et 9e D. C. par Hannut-sur-Perwez. "
Le 15 août les forts de Lantin, de Loncin et de Boncelles furent pris, la chute des deux derniers forts de Hollogne et de Flémalle fut envisagée avec certitude; la 2e armée put ainsi, le 16 août, en liaison avec la Ire armée à laquelle fut passé le IXe C.A. être tenue prête pour une nouvelle avance.
Il fut ordonné :
VIIe C. A. cantonnera sur la route Liège-Vottem-Liers
XIe C. A. sur la route de Esneux, Neuville-en-Condroz, Hermalle;
Garde sur la route Hamoir-Modave...
Le VIIe C. R. serrera jusqu'à l'Ourthe, le corps de réserve de la garde jusqu'à Basse-Bodeux.
Ces dispositions ménageaient à la 1ère armée un large espace libre pour le passage de la Meuse afin de faciliter autant que possible son avance rapides. Les mouvements de la 2e armée s'accomplirent sans être contrariés. Le 2e C. C. atteignit avec la 4e D. C. Jauche, avec la 9e D. C. Hannut, avec la 2e D. C. Wimmertingen. Dès le 13 à midi les deux derniers forts de Liège étaient tombés; Huy fut également occupé sans combat, le même jour, par une partie du Xe C. A.; le Q. G. A. fut porté le 16 à Spa. En liaison au Sud avec la 2e armée, la 3e armée, resta encore le 16 août en position sur la frontière belge suivant la ligne Bra-Malempré-Houffalize-Novilée. Sa cavalerie (1er C. C.) annonçait que la ligne Namur, Dinant, Housset était fortement occupée par l'ennemi. Elle avait la mission d'occuper, le 16 août, les hauteurs à l'est de Dinant.
Quant à l'ennemi on savait seulement jusqu'alors que l'armée belge paraissait se déployer sur la ligne Anvers-Louvain-Namur. D'après des nouvelles arrivées ultérieurement, il y avait cependant apparence que l'armée belge accepterait la bataille plus en avant sur la coupure de la Gette à peu près en ligne Diest-Tirlemont. Les nouvelles arrivées jusqu'au 16 au soir confirmaient que le groupe de l'armée belge allongeait son aile droite de Tirlemont en direction de Wawre.
La 2e armée serra par suite le 17 sur l'ouest de Liège et porta en 1ère ligne le Xe C. R. entre les VIIe et Xe C. A. Le corps de réserve de la garde atteignait Bomal avec ses têtes.
Le Q. G. A. 2 fut porté le 17 à Liège.
Dès le 16 août, j'en informai la 3e armée, en ajoutant qu'une avance de l'aile droite de cette armée jusqu'à hauteur de Erezée-Laroche serait très désirable.
La 3e armée resta cependant immobile le 17 août.
La 1re armée atteignit, le 17 août, avec ses ,têtes, Kermpt-Saint-Trond. Le 17 au soir arriva du G. Q. G. l'ordre, d'ailleurs attendu, de commencer le 18 août la marche en avant. La 1re et la 2e armées et le 2e C. C. me furent subordonnées pour l'avance au nord de la Meuse. L'ordre portait encore :
" Il importe de couper d'Anvers les forces ennemies annoncées en position entre Diest-Tirlemont-Wawre en couvrant son propre flanc gauche contre Namur ".
" La destination ultérieure des deux armées est envisagée en prenant pour point de départ la ligne Bruxelles-Namur et en se couvrant contre Anvers. Pour la prise de Namur par l'aile gauche de la 2e armée et l'aile droite de la 3e interviendront des ordres ultérieurs. L'artillerie affectée à la 2e armée sera portée en avant pour cette attaque, la 3e armée, en liaison par son aile droite avec, l'aile gauche de la 2e armée, se portera par Durbuy sur le front sud-est de Namur. Ligne de séparation entre les 2e et 3e armées Malempré-Tohogne-Havelange (localités à la 3e armée).
" Les troupes de sûreté et les moyens nécessaires pour assurer l'organisation de Liège seront demandés au G. Q. G. par la 2e armée.
" On fera connaître chaque jour les objectifs de marche assignés aux C. A. subordonnés. "
En conséquence, la 1re armée reçut l'ordre d'attaquer l'ennemi la 18 août avec 4 corps.
La 1re armée devait pour cela porter, d'assez bonne heure, une forte partie. du corps de, son aile droite par, Beeringen sur Pael afin qu'à huit heures du matin, en partant de la ligne Paal-Saint-Trond, elle pût diriger une attaque enveloppante sur l'aile gauche ennemie Diest-Tirlemont.
La 2e D. C. fut rattachée à la 1re armée. En liaison avec la 1re armée, la 2e armée, avec les têtes des VIIe C. A., Xe C. R. et Xe C. A. devait atteindre Warnont-Hannut-Ambresin, le VIIe C. R. (moins la 13e D. R.) devait suivre le VIIe C.A.
Le corps de la garde traversa la Meuse près de Huy et en amont et se chargea d'assurer la protection de l'armée contre le front nord-est de Namur, tandis que le C. R.. G., qui suivait la garde, assurait la protection contre le front sud-est de cette place. La 3e armée fut invitée à couvrir de son côté le flanc gauche du C. R. G. Elle atteignait le 18, avec, ses têtes de colonne, la ligne Barvaux-La-Roche-Erneuville.
Je m'étais porté le 18 août au matin vers la croisée des routes de Saint-Trond. Les nouvelles arrivées là jusqu'à midi indiquaient que l'ennemi avait abandonné sans combat la coupure de la Jette. Il n'avait offert une courte résistance qu'aux IIIe et IXe C. A., au nord de Tirlemont. Le 2e C. C., en s'avançant avec les 9e et 4e D. C. au-delà de Perwez, avait occasionné par son feu des pertes sensibles à la 5e D. C. française qui se retirait. A l'est du chemin de fer Wavre-Namur on n'avait pas observé d'infanterie française; par contre, il y avait apparence qu'une force française, avec aile droite au-delà de Charleroi, fût en marche sur Gembloux.
La 1re armée atteignit ce jour-là, avec ses têtes, la ligne Westmeerbeek-Aarschot-Tirlemont.
Dans la 2e armée, atteignaient, avec leurs têtes :
Le VIIe C. A. Ophey, avec en arrière le 7e C. R. (moins la 13e D. R.).
Le Xe C. R. Wansin.
Le Xe C. A. Branchon.
Le C. G. s'échelonnait sur la route Huy-Huccorgne - Ville-en-Hesbaye-Moxhe-Ambresin-Wasseiges.
Le C. G., dès qu'il serait libéré de sa mission de protection contre Namur, au sud de la Meuse, par des fractions de la 3e armée, devait gagner la rive nord de la Meuse et assurer la protection contre Namur de ce côté. Ce mouvement n'eut cependant pas lieu, car la 3e armée était encore trop loin en arrière.
Les formations d'artillerie et de pionniers de siège qui avaient été retenues devant Liège furent mises en marche sur Namur par le nord et le sud de la Meuse.
Le Q. G. A.2 fut porté à Marlinne. Le 19 août la marche en avant des deux armées fut continuée. La 1re armée avec la 2e D. C., se couvrant du côté d'Anvers, se porta sur la ligne Perck (est de Vilvorde)-Bossut (N.-E. de Wavre); elle avait pour instructions de faire avancer ses corps de 2e ligne aussi près que possible et en arrière du flanc droit de l'armée. La mission ultérieure de ces corps devait être l'investissement d'Anvers des deux côtés de la Dyle.
En vue de l'exécution de cet ordre, le IIIe C. R. arriva le 10 août à Kermpt par Hasselt, le IVe C. R. à Saint-Trond par Looz.
Dans la 2e armée furent portés en avant :
Le VIIe C. R. (moins la 13e D. I.)
Le Xe C. R. jusqu'à Sart-Risbart;
Le Xe C. A. jusqu'à Perwèz.
La garde, observant Namur, jusqu'à Méhaigne.
Les forces françaises disposées devant le Xe C. A. reculèrent partie sur Fleurus, partie sur Gembloux. Des fractions des 1e, 3e et 5e D. C. françaises furent repérées au nord de Charleroi.
Le général d'artillerie von Gallwitz fut chargé de la direction de l'attaque de Namur et reçut à cet effet de la 2e armée le C. R. G. et toutes les formations de siège disponibles, de la 3e armée le XIe C. A. avec le bataillon de mortiers lourds de campagne, le 3e bataillon du régiment d'artillerie à pied n° 1 (mortiers de 210) et 4 batteries autrichiennes de 305. Le quartier général se porta le 19 août à Jodoigne. Le 20 août, la 1re et la 2e armées poursuivirent le débordement de Namur par la gauche jusqu'à la ligne Ninove-Gembloux, le 2e C. C. atteignit la région de Marbas; Bruxelles fut occupé par le IVe C. A. La ville se tint tranquille; dès le 19 août je l'avais menacée des sanctions les plus sévères en cas de résistance. La 3e armée atteignait le même jour la ligne Spontin-Celles-Ciergnon. Le quartier général resta le 20 août à Jodoigne. Je profitai de, l'occasion pour inspecter les troupes en marche et m'entretenir personnellement avec le commandant des troupes de siège devant Namur, le général d'artillerie von Gallwitz.
J'avisai ce général d'avoir, après rétablissement du pont d'Andenne, à porter, dès le 20 août, la D. R. G. tout entière sur la rive nord de la Meuse, et d'une manière générale de charger l'aile nord de l'effort principal pour l'attaque.
Le soir du 20 août arriva du G. Q. G. l'avis téléphonique suivant :
" S. M. ordonne : les 1re et 2e armées serreront sur la ligne atteinte le 20 août en se protégeant contre Anvers. L'attaque contre Namur commencera le plus tôt possible. La combinaison d'une attaque immédiate contre les forces ennemies se trouvant à l'ouest de Namur avec l'attaque, par la 3e armée, de la ligne de la Meuse Namur-Givet doit être réglée d'un commun accord entre les deux Q. G. A.. Pour les opérations ultérieures de l'aile droite, il conviendra d'employer une forte cavalerie à l'ouest de la Meuse.
Le 1er C. C. devra, par suite, après avis à la 3e et à la 4e armées, dégager le front de ces armées et commencer son mouvement en contournant Namur par le nord. En passant sur la rive gauche de la Meuse le 1er C. C. relèvera du commandant en chef de la 2e armée. Le 1er C. C. sera avisé par la 3e armée. "
Signé : V. MOLTKE.
Pour répondre aux instructions ci-dessus, les 1re et 2e armées serrèrent, le 21 août, sur la ligne Ninove-Frasnes-les-Gosselies. Le Xe C. A. et la garde avaient déjà été disposés face au sud; une offensive au-delà de la Sambre n'était cependant pas envisagée pour le 21 août. Bien plus, les 1re et 2e armées devaient d'abord poursuivre leur conversion vers le sud afin de porter leur coup, en liaison aussi étroite que possible avec la 3e armée, contre les forces ennemies dont la présence était annoncée au sud de la Sambre et à l'ouest de la Meuse. Le chef du 2e C. C. reçut l'ordre de réunir ses 3 divisions sous son commandement devant l'aile gauche de la 1re armée en direction générale Ath. Il atteignait le 24 la région au nord de Braine-le-Comte.
Le 1er C. C. fut mis en marche par l'est et le nord de Namur. Il devait s'efforcer d'atteindre aussitôt que possible la région au sud de Nivelles et d'éclairer, devant l'aile droite de la 2e armée, en direction Condé-Maubeuge-Philippeville, tandis qu'après l'arrivée du 1er C. C. l'exploration vers Thourout-Lille-Condé serait dévolue au 2e C. C.
Le Général von Gallwitz reçut l'ordre de couvrir contre Namur le flanc du corps de la garde et à cet effet d'étendre l'aile droite de ses forces jusque dans la région de Meux.
La 3e armée franchit, le 21 août, la ligne Spontin-Celles et, au sud, atteignit la Meuse. Elle fit part que l'ouverture systématique du feu contre l'ennemi sur la Meuse pourrait commencer, au plus tôt, le 21 août au soir.
Dans la 2e armée, les têtes du VIIe C. R. (moins la 13e D. R.) atteignirent Nivelles, celles du Xe C. R. Frasnes-les-Gosselies, du Xe C. A. Pont-de-Loup et Tamines, de la garde Auvelais et Jemeppe.
L'ennemi, chassé le 19 de Fleurus, fut repoussé derrière les passages de la Sambre, de Tamines et de Jemeppe, tombés en notre pouvoir. Le Q. G. A.2 fut porté à Vieux Sart.
Pour le 22 août j'ordonnai que la 2e armée serrerait jusqu'à la ligne Binche-Fontaine-l'Evêque, rive nord de la Sambre, de manière, qu'en traversant la Sambre le 23, elle pût faciliter à la 3e armée le passage de la Meuse.
La Ire armée reçut l'ordre, tout en se couvrant contre Anvers et maintenant l'occupation de Bruxelles, de se conformer à ce mouvement de manière à être à même, au besoin en investissant les fronts nord-est et nord de Maubeuge, d'attaquer à l'ouest de cette forteresse pour soutenir la 2e armée.
D'après un avis du G. Q. G., les forces françaises, au 20 août, étaient évaluées comme il suit :
" Sur la Meuse, entre Namur et Givet, les Ier, IIe et peut-être le Xe corps d'armée français.
Au sud de la Sambre, entre Namur et Maubeuge, des forces ennemies étaient en mouvement, dont un ou, au plus, deux corps d'armée déjà le 22 près de la Sambre, entre Namur et Charleroi. A l'ouest de la ligne Charleroi-Fumay environ 3 corps d'armée, comptant vraisemblablement des divisions de réserve, étaient en marche vers le Nord. Ils n'auraient probablement pas encore atteint le 20 août la ligne Philippeville-Avesnes.
Il faut compter sur un débarquement des Anglais à Boulogne et sur leur envoi en direction de Lille.
On a cependant l'impression ici que des débarquements de grande importance n'ont pas encore eu lieu. "
Le Q. G. A.2 resta le 22 août A Vieux Sart.
Je me rendis moi-même, le 22 août, à 10 heures du, matin, à Fleurus. D'après les nouvelles arrivées là jusqu'à midi, on eut l'impression que l'ennemi n'avait encore, au sud de la Sambre, en dehors des 3 divisions de cavalerie déjà repérées, qu'une faible infanterie. Dans ces conditions, il parut indiqué de saisir le moment favorable et de traverser la coupure particulièrement difficile de la Sambre, avec l'aile gauche, avant l'arrivée d'importants renforts ennemis.
A cet effet, j'ordonnai à midi quarante-cinq :
" La 2e armée gagnera encore aujourd'hui la ligne Binche-Mettet.
Le C. G. (moins la 1re D. I. G.), tout en se couvrant contre Namur avancera au sud de la Sambre Jusqu'à Mettet; prompte prise de liaison avec l'aile droite de la 3e armée (XIIe C. A.) en direction d'Yvoir où celle-ci est déjà parvenue depuis le 24 au soir. Le VIIe C. R. (moins la 13e D. I. R.), auquel sera rattachée la 1re D. I. G. à l'ouest de Onoz-Bossière, se portera en avant sur Gembloux et couvrira le flanc gauche de l'armée contre Namur au nord de la Sambre. "
A la 3e armée il fut demandé, par sans fil, d'avancer de son côté le plus vite possible. La 3e armée fit cependant seulement savoir qu'elle serait le 22 sur la Meuse et serait prête à ouvrir le feu le 23 de bonne heure.
Conformément à ces instructions du Q. G. A. 2, l'aile gauche de la 2e armée réussit dès le 22 à prendre solidement pied sur la rive sud de la Sambre après en avoir chassé l'ennemi. En même temps la 1re armée était entrée en contact avec le groupe de l'armée anglaise qui, le 22 août, devait tenir à peu près la ligne Ath-Mons-Binche.
Pour le 23 août, il fut prescrit de continuer l'attaque, avec les fronts d'attaque suivants :
VIIe C. A. gauche de Thuin-Boussu-les-Walcourt-Cerfontaine.
Xe C. R. gauche de Charleroi-Philippeville.
Xe C. A. gauches de Tamines-Mettet-Rosée.
G. attaque à gauche du 10e C. A.
La ligne Fontaine-Valmont-Mettet devait être dépassée à 8 heures du matin.
Le VIIe C. R. (moins la 13e D. I. G.) reçut l'ordre de relever à 9 heures du matin la 1re D. I. G. dans la position qu'elle tiendrait jusque-là vers Spy. La 1re D. I. G. devait alors traverser la Sambre et être de nouveau placée sous les ordres du général commandant le corps de la garde.
Le C. G. avait d'autre part à se couvrir au sud de la Sambre contre Namur.
Le VIIe C. A., dans sa marche en avant, devait se couvrir contre Maubeuge et s'éclairer en direction d'Avesnes. La 1re armée reçut l'ordre de se joindre au mouvement d'attaque. Le 2e C. C. qui, le 23 août, avait atteint Ath, devait continuer à éclairer le front et le flanc droit de la 1re armée. Le 1er C. C. devait assurer l'exploration devant le flanc de la 2e armée.
Je me rendis, le 23 août à 7 heures 30 minutes du matin, au Q. G. A. par Auvelais en direction de Fosse.
De son côté l'ennemi - la 5e armée française - (4 corps d'armée, 3 D. I. de réserve et 3 D. C.) attaqua ce jour-là avec toutes ses forces. D'après l'ordre de l'armée française qui fut trouvé (Cet ordre fut expédié aussitôt au G. Q. G. à Coblence avec d'autres pièces importantes, dont le code secret de la T. S. F. française), l'intention de l'adversaire était de laisser traverser la Sambre aux têtes de colonne de la 2e armée pour se jeter ensuite sur elles de tout son poids.
Un combat de front s'ensuivit au sud de la Sambre.
Dans cette première journée de la bataille do Namur la 2e armée, au prix de combats sévères, arriva jusqu'à la ligne Merbes-le-Château-Thuin-Saint-Gérard.
Le Q. G. A. fut porté, le 23 août, à Fleurus où il resta aussi le 24 août. Les corps de l'aile gauche de- la 1re armée avaient soutenu le 23 août de durs combats contre l'armée anglaise vers Mons. La 3e armée envoya, dans la nuit du 23 au 24 août, le message sans fil suivant : " Attaque sur Dinant le 23. Le soir faibles forces seulement réussi ouest Meuse. Le 24 reprise de l'attaque 5 heures du matin. Ensuite avance de la colonne ouest route Rosée-Villiers-le-Cambon-Marienbourg. " Cette communication me fortifia dans l'impression qu'avec son aile droite la 3e armée n'avait pas traversé la Meuse à Yvoir, comme on l'admettait jusque-là, mais bien à Dinant. Pour éclaircir ce point et pour assurer une coopération plus efficace avec la 3e armée, un officier d'état-major avait déjà été envoyé le 23 au soir à la 3e armée en contournant Namur. Après qu'il y fut arrivé, le radio suivant fut expédié à 6 heures 18 minutes du matin et reçu à 9 heures 30 minutes du matin : " Nous attaquons en direction Mettet et au sud. "
Pour le 24 août, j'avais prescrit la reprise de l'attaque dès la pointe du jour.
La 1re armée, qui le 24 devait poursuivre l'attaque contre les Anglais par Strepy-Mons-Saint-Gislain et à l'ouest, reçut l'ordre de porter le IXe C. A. dès la première heure vers l'ouest, en contournant Maubeuge pour amorcer l'attaque enveloppante du flanc gauche de la 5e armée française.
Le IIe C. A. devait se joindre par échelon à cette avance. Cette assistance ne fut pas fournie par la 1re armée, car, en se repliant, les Anglais lui opposèrent de nouveau une courte résistance le 24 août entre Maubeuge et Valenciennes.
Par son avance impétueuse, le 2e armée avait réussi cependant, avec ses seules forces, à battre complètement l'ennemi dans de durs combats malgré une résistance opiniâtre et plusieurs contre-offensives de sa part. Lorsque le 24 août, à 3 heures du soir, on apprit que la 3e armée avait traversé la Meuse et s'avançait par Brieul, l'armée française avait déjà commencé sa retraite par son aile droite.
L'issue victorieuse de la bataille livrée pendant ces deux jours près de Namur fut d'une importance décisive pour tout le reste de la campagne. La victoire de la 2e armée obligea les Anglais à renoncer de bonne heure à toute résistance à Mons et à l'ouest de Maubeuge et permit à la 3e armée de franchir la Meuse au sud de Namur.
La 2e armée entama dès le 24 la poursuite jusqu'à hauteur de Beaumont-Hemptinne.
La 2e armée perdit pendant les deux jours de la bataille, en chiffre rond, 11.000 tués ou blessés, parmi lesquels beaucoup d'officiers. Les pertes des Français peuvent être évaluées au double de ce chiffre. En outre les trois corps de l'aile gauche firent, à eux seuls, 4 000 prisonniers et s'emparèrent de 5 drapeaux, 35 canons, 57 mitrailleuses, 6.600 fusils et 50 voitures.
La 1re armée, par son centre et son aile gauche, avait de nouveau, le 24, attaqué avec plein succès les Anglais à l'ouest de Maubeuge.
Suivant l'ordre du G. Q. G. le 2e C. C. avait été remis, 4 partir du 24, à la disposition de la 1re armée . Il s'avança, dans l'après-midi même, en direction Tournai-Denain pour accrocher le flanc gauche anglais.
Le IIe C. A. se trouvait en marche sur Condé, la IVe C. R. sur Ath.
Le 25, l'attaque contre les Anglais, en vue de l'enveloppement de leur flanc gauche, devait être poursuivie par la 1re armée, Toutefois l'ennemi échappa à cette armée par des mouvements de retraite habilement exécutés de telle sorte que, malgré de brillantes marches fournies par les corps de la 1re armée, il ne fut plus possible d'obtenir un succès décisif sur les Anglais. Leur retraite s'effectua, l'aile droite sur Ribemont par Landrecies, l'aile gauche sur Vermand par Cambrai, couverte par la cavalerie anglaise et aussi par trois D. C. françaises sous les ordres du général Sordet. Une partie des Anglais passa d'ailleurs devant le front de la 2e armée, ce qui fournit à celle-ci l'occasion d'intervenir dans la poursuite et de porter de son côté plusieurs coups vigoureux à l'ennemi en fuite.
Le 25 août, le général von Gallwitz pouvait annoncer de son côté que la forteresse de Namur, sauf quelques forts du front sud-ouest, était en son pouvoir.
Plus de 5.000 prisonniers et 14 pièces de campagne étaient tombés entre ses mains. Dès le 24 août, la plus grande partie de la réserve générale, avec son commandant, avait évacué la place et s'était retirée en direction sud-ouest. Le commandant du corps de la garde engagé à l'aile gauche avait eu connaissance, dès le 24 août, de la marche de cette colonne. Mais le commandant de ce C. A. l'avait négligée, vraisemblablement parce qu'il pensait que c'était affaire à la colonne de l'aile droite de la 3e armée d'intervenir de ce côté. C'est seulement sur mon intervention personnelle que cette omission fut réparée et qu'une surprise désagréable put être ainsi évitée. La 1re D. I. G. réussit à attaquer les Belges encore le 24 août et à les rejeter sur la 3e armée qui en fit prisonniers une grande partie.
A la réception du message du général von Gallwitz, J'ordonnai : " Charger une brigade du C. R. G. de l'occupation de Namur. Cette brigade aura aussi à s'emparer des derniers forts encore occupés par l'ennemi. Le IXe C. A. sera mis en marche par Saint-Gérard-Florennes sur Philippeville à la disposition de la 3e armée
Le C. R. G. (moins une brigade) marchera, le 25 août par Fosse-Gerpinnes sur Thy-le-Bauduin, le VIIe C. R. (moins le 13e D. R.) par la vallée de la Sambre, le 25 août, jusqu'à Charleroi. Maubeuge sera attaquée par une division de chacun des VIIe C. A., VIIe R. et IXe C. A. renforcée par les bataillons correspondants d'obusiers lourds de campagne, sous le commandement du général de cavalerie von Einem. Pour le soutenir on fera partir le plus tôt possible le général de division Stein et le colonel Friemel avec toutes les troupes du siège déjà disponibles.
Dès le 24 août à 4 heures 50 minutes du soir, de mon poste de commandement au sud d'Acoz, j'avais ordonné, pour le 25, la continuation, en direction sud-ouest, de la poursuite de l'adversaire battu. Cette poursuite ne devait laisser aucun répit à l'ennemi, mais bien s'effectuer dans tous les corps avec la plus grande énergie et, par l'exécution brillante des marches, conduire d'une seule traite les troupes jusqu'au champ de bataille de Saint-Quentin.
J'ordonnai que le 25 août, à 8 heures du matin , les têtes de la 2e armée traverseraient la ligne Hantes-Wihéries-Clermont-Fontenelle-Jamagne. Le VIIe C. A. qui, avec la 13e D. I., devait masquer le front sud-est de Maubeuge, recevait en même temps l'ordre de porter, si possible dès le 25, d'aussi fortes portions que possible de la 14e D. I. dans le dos des Anglais en retraite, en contournant Maubeuge par le sud, en direction d'Aulnoye.
Le 1er C. C. reçut également l'ordre d'avancer par Aulnoye vers l'Ouest pour couper la retraite des Anglais. La 3e armée annonçait qu'elle franchirait, le 25 août au matin, la ligne Philippeville-Vireux-Wallerand, son aile droite marchant de Philippeville sur Mariembourg.
Je me rendis le 25 vers 7 heures du matin de Fleurus par Chatelet-Gerpinnes à Somzée et réglai de là les itinéraires ultérieurs des C. A.
Xe C. R. Barbençon-Solre-le-Château-Felleries.
Xe C. A. Boussu-les-Walcourt-Erpion-Vergnies-Eppe-Sauvage.
C. G. Villiers-deux-Églises-Cerfontaine-Rance
Le Q. G. A.2 fut porté le 25 août à Walcourt où il resta le 26.
Malgré la fatigue des troupes, la poursuite de l'adversaire battu fut continuée le 26 août avec pleine, vigueur droit en direction sud-ouest. Comme objectifs de marche furent donnés: 1er C. C. le Château, 14e D. I. Aulnoye, Xe C. R. Marbaix, Xe C. A. Boulogne; garde Féron-Ohain.
Ainsi on ne perdit jamais de vue la pensée directrice de laisser une liberté de mouvement suffisante aux 3e, 4e et 5e armées pour la grande conversion de l'armée autour de Verdun. En même temps on espérait écraser dans la poursuite et déborder le flanc gauche de l'ennemi.
Le- C. R. G. (moins une brigade d'infanterie) devait atteindre la région au nord-est de Beaumont; mais, ce mouvement du C. R. G. ne devait pas être mis à exécution.
Le 26 août à 3 heures 10 minutes du matin arriva l'ordre suivant du G. Q. G. :
" En vue de leur envoi aussi rapide que possible vers l'Est, mettre en marche le 26 août : Portions disponibles du corps de réserve de la garde, en deux colonnes, scindées en divisions d'infanterie, sur Aix-la-Chapelle; portions disponibles des D. I. du XIe C. A. sur Malmédy et Saint-Vith. Faire connaître, au plus tôt, jour de l'arrivée dès premières troupes à Malmédy, Saint-Vith et Aix-la-Chapelle, ainsi que les objectifs de marche prévus pour chaque jour. Signé G. Q. G. "
Cet ordre fut aussitôt transmis au corps de réserve de la garde. Le Q. G. A. 2 en informa aussi sur le champ le XIe C. A., bien que ce corps fût déjà passé à la 3e armée. On procéda ainsi pour éviter au XIe C. A. une marche inutile en direction ouest et parce que le grand éloignement du Q. G. A.3 faisait craindre que l'ordre du G. Q. G. ne parviendrait pas en temps utile au XIe C. A. par le Q. G. A. 3 Le G. Q. G. put être informé que le corps de réserve de la garde atteindrait Aix-la-Chapelle dès le 29, son quartier général devant être le 27 à Huy et le 28 à Liège. Pour relever la brigade renforcée du C. R. G. qui se trouvait à Namur et pour libérer rapidement les portions du 7e corps devant Maubeuge, la Kommandantur de Liège reçut l'ordre de mettre immédiatement la 13e D. I. R. en marche sur Namur. L'état-major du VIIe C. A. rejoignait à ce moment déjà l'armée; le général d'infanterie von Zwehl, commandant le VIIe C. R., fut chargé de la direction de l'attaque de Maubeuge avec le VIIe C. R. et la 13e D. I.; dès l'arrivée de la 13e D. I. R. devant Maubeuge, une brigade avec un groupe d'artillerie de la 13e D. I. devait être expédiée au VIIe C. A.
Les objectifs de marche assignés à la 2e armée pour le 26 août furent atteints au prix de constants combats livrés au cours de la poursuite.
L'ennemi se trouvait également en pleine retraite devant le front de- la 1re armée.
Celle-ci atteignait dès le 26 août la ligne Cambrai-Landrecies.
La 3e armée avança le même jour son flanc droit par Mariembourg-Gonrieux-Regniowez sur Auvillers.
Elle ne se conforma donc pas à la marche de la 2e armée dans la direction droit au sud-ouest qu'il était nécessaire de prendre pour la grande conversion des armées; il en résulta un trou regrettable sur lequel le Q. G. A. 2 appela dès le 26 au soir l'attention du G. Q. G. Bien en avant du front de la 2e armée, nos aviateurs avaient déjà repéré, dans l'espace compris entre Oisy, Fourmies, Hirson et Guise, de forts rassemblements de troupes qui paraissaient en retraite, vers le sud-ouest.
Malgré cela, le 27 août, la poursuite de l'ennemi, en vue de le déborder par la droite, fut continuée par la 1re armée venant de Cambrai-le-Cateau, par la 2e armée débouchant de Landrecies-Ohain.
Dans la 2e armée, le VIIe C. A. (moins la 13e D. I.) atteignit Saint-Souplet et la Vallée-Mulâtre;
Le Xe C. R. Wassigny et Étreux;
Le Xe C. A. Neuville-les-Dor et Leschelle;
La garde, Buironfosse (S.) et la Capelle (S).
Le Q. G. A. 2 fut porté le 27 août à Avesnes.
Le 27 août l'ordre subordonnant la 1re armée au commandant de la 2e fut soudainement annulé par le G. Q. G. Cette décision eut pour effet de mettre encore plus en question la convergence des efforts des trois armées de l'aile droite que l'abandon, par la 3e armée, de la direction de marche jusque-là suivie avait déjà sérieusement compromise (la 3e armée voulait avancer le 27 son aile droite d'Auvillers jusqu'à Signy-l'Abbaye, au sud de Mézières).
J'étais par suite résolu, le 27 au soir, pour le cas où la situation de la 1e armée le permettrait, à maintenir, le 28, tous mes corps sur place afin de permettre à la 3e armée, sollicitée à cet effet, de rétablir sa liaison avec la 2e armée.
Le G. Q. G. fut informé de cette résolution ainsi que la 3e armée. Mais vers la fin de la soirée arrivèrent les nouvelles qui conduisirent le commandement de la 2e armée à modifier sur certains points sa résolution.
La 1re armée annonçait qu'elle entendait continuer la poursuite le 28 pour attaquer si possible encore une fois les Anglais (Son aile gauche devait avancer sur Nesle par Prémont-Monbrehain, Belléglise-Vermand.). La 3e armée annonçait par sans fil que l'aile droite de la 4e armée soutenait au sud de Sedan un rude combat et réclamait instamment l'intervention de la 3e armée.
Pour donner satisfaction à cette demande, la 3e armée voulait opérer une conversion vers le sud-est; il appartiendrait à la 2e armée de couvrir son flanc droit. La liaison avec les deux armées risquait ainsi d'être perdue. Les nouvelles concernant l'ennemi devant le front de l'armée étaient tout à fait contradictoires. Les avant-postes de la garde avaient été soumis à un feu d'infanterie et d'artillerie parti de la rive sud de l'Oise ; suivant un renseignement du capitaine von Kemnitz, du 2e régiment des hulans de la garde, d'importantes forces françaises de toutes armes occupaient encore, d'après les gens du pays, les hauteurs au sud de l'Oise entre Entre-deux-Bois et Etréapont.
Par contre, un message de l'aviateur comte Oriola affirmait que, derrière la coupures de l'Oise, ne se tenaient que de faibles arrière-gardes de l'ennemi.
Je me décidai donc pour le 28 août à maintenir d'abord sur place le Xe C. A. et la garde, mais à pousser mon aile droite formée du VIIe C. A. et du Xe C. R. assez en avant pour ne pas perdre complètement la liaison avec la 1re armée. En conséquence l'ordre suivant fut donné le 27 à 11 heures du soir :
" La 2e armée soutiendra avec le VIIe C. A. (moins la 13e D. I.), le Xe C. R. et le 1er C. C. l'avance de la 1re armée tout en restant prête à faire face à l'ennemi sur l'Oise avec le 10e C. A. et la garde.
Le VIIe C. A. (moins la 13e D. I.) avancera le 28 août, dès la première heure, par Bohain, Fresnoy-le-Grand jusqu'à Saint-Quentin. Le Xe C. R. atteindra avec sa colonne de droite le Petit-Verly.
Le 1er C. C. cherchera, en tournant Saint-Quentin par le sud, à se porter dans le dos des Anglais.
A 8 heures du matin seront disposés au nord de la rivière Iron :
" Xe C. A. entre Iron et Leschelle.
G. entre Leschelle et Buiron-Fosse, cette dernière fortement échelonnée sur la gauche. La rivière l'Iron ne devra être franchie que sur mon ordre formel.
Mon poste de commandement près d'Etreux à partir de 8 heures du matin. "
Dès mon arrivée à ce point, le commandant de la 19e D. R. me rendit compte que la veille au soir un bataillon anglais avait été complètement anéanti près d'Etreux; 300 Anglais avaient été tués ou blessés, 700 faits prisonniers et 2 canons conquis.
Ceci ne permettait pas précisément de conclure que l'ennemi envisageât une plus forte résistance. Les reconnaissances d'aviateurs, ordonnées pour le 28 au matin, signalèrent d'ailleurs toutes que l'ennemi n'avait que de faibles détachements au sud de l'Oise. Il parvint enfin un radiotélégramme de la 3e armée annonçant que, sur l'avis du G. Q. G., son aile droite n'avancerait pas sur Signy, mais plus au sud-ouest et qu'elle atteindrait, le 28, Rumigny avec cette aile droite (moitié du XIIe C. R.).
Sur la base de ces renseignements, je résolus à porter plus loin mes trois corps de gauche et je donnai à 8 heures 45 minutes du matin l'ordre suivant :
Le Xe C. R. avancera par sa colonne de droite jusqu'à Fonsomme, par sa colonne de gauche Jusqu'à Montigny-Carotte.
Le Xe C. A. et la Garde gagneront la coupure de l'Oise.
Le Xe corps marchera par Guise sur Courjumelles et par Flavigny sur Landifay.
La Garde Marchera avec sa colonne d'aile droite par Viège-Faty sur Saint-Richaurnont; sa colonne d'aile gauche assurera la protection du flanc, gauche par les moyens laissés à son initiative.
BATAILLE DE GUISE
La matinée du 28 se passa tranquillement, aucune communication n'arriva qui permît de croire que la Xe C. A. et la garde se fussent heurtés à un ennemi plus fort.
J'admis donc que la coupure de l'Oise avait été franchie par ces deux corps sans qu'ils eussent rencontré une résistance sérieuse de la part de l'ennemi. De la 1re armée arriva la nouvelle que des forces anglaises dispersées paraissaient se retirer au nord du canal Crozat sur La Fère; la 2e armée était instamment invitée à les attaquer.
Ceci me détermina, à 12 heures 25 minutes, à faire avancer également l'aile droite de l'armée ; j'ordonnai :
" Le VIIe C. A, (moins la 13e D. I.) gagnera, dès le 28, Fluquières et mettra la main sur les passages de la Somme près de Ham.
Le Xe C. R. atteindra avec sa colonne de droite Grand-Séraucourt et prendra possession du passage du canal près de Saint-Simon; la colonne de gauche avancera jusqu'à Urvillers. "
Vers 5 heures dit soir, je reçus pour la première fois du Xe C. A. la nouvelle qu'il fallait encore combattre pour la possession du passage de l'Oise; mais il était ajouté que les objectifs de marche prescrits seraient vraisemblablement atteints à 9 heures du soir. Le commandant du C. A. réclamait en même temps le projet d'attaque de La Fère et suggérait de placer cette attaque sous une direction unique. Le 10e C. A. était donc lui aussi visiblement dans la conviction qu'il s'agissait simplement sur l'Oise de combats contre des arrière-gardes. Sous cette impression je donnai, le 28 août à 8 heures du soir, du nouveau Q. G. A. d'Etreux, l'ordre relatif aux dispositions à prendre par l'armée le 29 août pour l'attaque de La Fère.
Tandis que le VIIe C. A. (moins la 13e D. I.) maintiendrait occupé le passage de la Somme près de Ham et que le Xe C. R., avec sa division de droite, occuperait le passage du canal près de Saint-Simon, la division de gauche du Xe C. R., dans la région d'Essigny-le-Grand, la division de droite du Xe C. A. dans la région de Villiers-le-Sec devaient être tenues prêtes pour l'attaque de La Fère ; la colonne de gauche du Xe C. A. devait tout d'abord s'avancer jusqu'à Parpeville, le corps de la garde jusqu'à Jaucouzy et Marfontaine.
A 8 heures 30 minutes du soir, arriva encore une autre communication partie à 5 heures 30 minutes du Xe C. A. et d'après laquelle le Xe C. A. s'était de nouveau heurté à une résistance ennemie sur les hauteurs au sud de Guise et de Flavigny. Mais le C. A. comptait bien encore à ce moment atteindre, vers le soir, la ligne Origny-Sainte-Benoite, Landifay.
Un officier du G. Q. G. apporta le 28 au soir les instructions générales aux armées 1 à 7 pour la suite des opérations. On y lisait :
" Il importe, par une prompte avance de l'armée allemande sur Paris; de ne laisser aucun repos à l'armée française, d'empêcher de nouvelles formations et d'enlever au pays là plus grande partie possible de ses moyens de lutte. "
" Sa Majesté ordonne la marche en avant de l'armée allemande sur Paris. "
" La 1re armée, avec le 2e C. C. qui y est rattaché, marchera à l'ouest de l'Oise contre la basse Seine. Il faut qu'elle soit toujours prête à intervenir dans le combe de la 2e armée. A elle incombe en outre la protection du flanc de l'armée allemande. "
" La 2e armée avec le 1er C. C. qui y est rattaché, par la ligne La Fère-Laon, marchera sur Paris. "
La direction de marche prise par la 2e armée coïncidait ainsi pleinement avec les ues du G. Q. G.. Quand la colonne de gauche du Xe C. R. (19e D. I. R.) s'avança, le 29 au matin, sur Essigny-le-Grand, elle fut attaquée sur son flanc gauche par des forces ennemies. La division entière déboîta aussitôt de la ligne Itancourt-Mesnil-Saint-Laurent pour faite face à l'ennemi. La 2e D. I. G. R., qui s'était déjà avancée plus loin vers la Somme, fut arrêtée et disposée pour l'attaque enveloppante contre l'aile gauche ennemie sur la ligne Benay-Essigny-le-Grand. Saint-Simon resta tout d'abord occupé par 4 bataillons et 3 batteries.
Le matin de ce jour, je voulais nie tendre d du Q. G. A. d'Etreux, par Homblières, à Essigny-le-Grand afin de donner de là, en cas de besoin, des ordres pour l'attaque ultérieure de la Fère. En approchant de Homblières, on pouvait entendre une forte canonnade provenant du sud-ouest. Je me portai en conséquence, pour m'orienter de suite, sur la hauteur au nord-est de cet endroit, Bien que la situation ne fût pas encore complètement éclaircie, il demeurait tout au moins établi que le Xe C. R. était attaqué en direction sud-est par des forces assez importantes.
La canonnade entendue à l'est permit d'ailleurs de se rendre compte que l'on se battait également à l'est de l'Oise, où l'on avait donc affaire à une nouvelle résistance coordonnée de l'ennemi, vraisemblablement dans le but de procurer au groupe de l'armée anglaise la possibilité de se dérober à l'attaque enveloppante de la 1re et de la 2e armée.
D'après un renseignement du commandant d'une colonne de munitions d'artillerie, l'aile gauche du Xe C. R. se trouvait aux environs de Mesnil-Saint-Laurent.
Le Xe C. A. eût-il même poussé dans la soirée jusqu'à Mont-d'Origny, il n'en restait pas moins entre le Xe C. R. et le XIe C. A. un vide qu'il importait de combler au plus tôt. De la direction du sud-est on voyait une faible ligne de tirailleurs ennemis s'avancer en direction générale de Marcy.
Je disposai aussitôt contre elle deux compagnies d'infanterie qui passaient précisément à ce moment et j'arrêtai ainsi bientôt ce mouvement en avant de l'ennemi.
A la 13e D. I. (moins une brigade et un groupe d'artillerie) que je savais en marche pour rejoindre son corps d'armée au nord de Saint-Quentin, j'envoyai ensuite l'ordre de se diriger sur Marcy et de s'y faire précéder par son artillerie appuyée par de la cavalerie. Les nouvelles données par les corps d'armée et celles recueillies par les officiers de renseignements que j'y envoyai, apportèrent bientôt de nouvelles clartés.
L'ennemi, avec au moins 3 corps d'armée, opposait au Xe C. A. et à la garde, qui avaient traversé l'Oise, une opiniâtre résistance. Cependant ces deux corps progressaient lentement. A 1 heure 30 minutes du soir l'aile droite du Xe C. A. avait conquis les hauteurs au nord de Mont-d'Origny.
Par sans fil, la 3e armée fut sollicitée d'intervenir en direction de Vervins dans la lutte de la 2e armée; mais le radio ci-après, adressé par la 3e armée à la 4e et que nous avions intercepté, nous convainquit bientôt qu'il n'était pas possible de compter sur l'aide de la 3e armée :
" Armée en lutte avec l'ennemi près Novion-Porcien et au sud-est de Thin; aide à la 4e armée impossible en ce moment. "
Sur ces entrefaites arriva le commandant de la 13e D. I. avec la cavalerie et l'artillerie que j'avais ordonné de porter en avant; peu après survint également l'infanterie de l'avant-garde de la 13e D. I. de telle sorte que je pus leur donner sur place les premières instructions.
En conséquence, l'infanterie de l'avant-garde se déploya le long et au nord de la route Homblière-Origny-Sainte-Benoite.
Toute l'artillerie de la 13e D. I. se mit successivement en position près de Marcy. Le danger d'une percée ennemie entre le Xe C. A. et le Xe C. R. se trouva ainsi conjuré. Vers le soir arriva un officier de renseignements du IXe C. A. qui désirait s'orienter à la 2e armée sur la situation. J'appris ainsi que, le IXe C. A. se trouvait encore à l'ouest de Saint-Quentin.
Cela me permit de demander à ce corps d'armée de se porter en avant, le 30 août, avec le plus de forces possible par Saint-Quentin-Homblières pour appuyer la 2e armée. J'adressai en même temps un radio à la 1re armée lui demandant d'intervenir le 30 août pour sou tenir la 2e armée. L'ordre de la 2e armée donné à Homblières le 29 à 7 heures 45 minutes du soir stipulait pour le 30 août la continuation de l'attaque.
A 7 heures du matin l'Oise devait être franchie par :
le Xe C. R. entre Sery-les-Mézières. et Ribemont.
la 13e D. I. (moins 1 brigade et 1 groupe d'artillerie) près de Lucy.
La 17e D. I. du IXe C. A. devait avancer de Saint-Quentin par Origny-Sainte-Benoite. Le VIIe C. A. (moins la 13e D. I.) devait, traverser Essigny-le-Grand à 7 heures du matin et se joindre pour l'attaque au Xe C. R. en se couvrant du côté de la Fère. Je me transportais à Saint-Quentin où le Q. G. A.2 demeura du 29 au 30 août. Dans les papiers trouvés sur un officier supérieur d'état-major français et qui furent apportés là, on trouva l'ordre d'attaque de la 5e armée française (Cet ordre fut envoyé ensuite au G. Q. G. avec d'autres pièces écrites françaises); il en résultait que l'attaque principale de l'ennemi devait être dirigée sur Saint-Quentin. En portant la 17e D. I. au-delà de Saint-Quentin on avait donc paré pour le mieux aux projets de l'ennemi.
Pour le commandant de la 2e armée tout allait donc à souhait puisqu'aux termes de l'ordre français l'attaque enveloppante sur le flanc gauche de l'armée que redoutait le commandant du corps de la garde n'était nullement dans les intentions de l'adversaire.
Nous pouvions dès lors envisager le développement du combat avec pleine confiance. Le 30 août une offensive générale des forces françaises à l'est de l'Oise se développa dès les premières heures de la matinée. L'attaque menée avec une grande vigueur et opiniâtrement répétée parvint en plusieurs endroits jusqu'au contact des lignes allemandes, mais fut cependant toujours repoussée avec de lourdes pertes pour l'ennemi. Déjà un peu après 10 heures du matin la puissance de l'attaque devant le Xe C. A. était brisée; celui-ci pouvait à son tour reprendre maintenant l'offensive qui s'étendit au C. G.
Le Xe C. A. s'avança en direction Courjumelles-Landifay et Ferme de Bellevue, à l'est de Hérie-la-Niéville.
La garde, avec une division, à droite par Saint-Richaumont sur Housset, à gauche sur la Neuville-Housset.
La 2e D. I. G. qui était encore arrêtée par l'ennemi devait participer à l'avance aussitôt que possible. J'ordonnai en même temps à la 13e D. I. de se porter immédiatement par Mont-d'Origny sur Courjumelles, mouvement qui fut appuyé par toute l'artillerie de la 17e D. I. établie sur la rive ouest de l'Oise. Il devenait possible de se passer de l'intervention de l'infanterie de cette dernière division en raison de l'heureux changement survenu dans la situation. Peu après une heure du soir, les forces principales de l'ennemi commençaient déjà à entamer leur retraite. A 1 heure 15 minutes, un aviateur (lieutenant Wulf) annonçait qu'il avait observé deux longues colonnes ennemies en retraite sur la route Guise-Marles et au-delà vers Laon. Le Xe C. R. gagnait également, sur ces entrefaites, la rive est de l'Oise et, des hauteurs à l'est de Ribemont et de Lucy, faisait subir par son feu de lourdes pertes à l'ennemi en retraite.
La 14e D. I., dont le mouvement en avant avait été retardé par des feux d'artillerie partant de La Fère, était en marche sur Séry-les-Mézières.
Malgré la grande fatigue des troupes, j'ordonnai dès 4 heures 45 minutes du soir :
" La poursuite devra encore continuer aujourd'hui aussi loin que les forces le permettront; avant tout, l'artillerie avec de petits détachements d'infanterie sans bagages sera poussée aussi loin que possible en avant pour porter le coup de grâce à l'adversaire. "
Les pertes des Français à la bataille de Saint-Quentin doivent avoir été bien supérieures à celles de la 2e armée qui s'élevaient à 240 officiers et 5.800 hommes tués ou blessés. Outre un riche butin, la 2e armée fit 2.000 hommes prisonniers. Dès le soir du 30 août, les corps furent groupés de la manière suivante afin de permettre d'entreprendre aussitôt que possible l'attaque de la Fère :
Le VIIe C. A. (moins la 13e D. I.) à l'ouest de l'Oise à Sissy et Chatillon.
13e D. I. à Mont-d'Origny et Courjumelles.
Xe C. R. à Ribemont et Pleine-Selves.
Xe C. A. à Landifay-Parpeville et Faucouzy.
Garde à Le Hérie-La Niéville et Richaumont.
La 17e D. I. fut échelonnée sur la route Origny-Sainte-Benoite-Saint-Quentin afin de pouvoir le lendemain rejoindre de là son corps d'armée. Le Q. G. A.2 resta à Saint-Quentin.
Il reçut là à 7 heures 5 minutes du soir la communication suivante de la 1re armée :
" L'aile droite de la 1re armée a rejeté l'ennemi au-delà de l'Avre; l'armée marchera demain contre la coupure de l'Oise Compiègne Chauny ".
Ceci répondait entièrement aux désirs de la 2e armée, qui n'avait pas encore connaissance de l'existence de forces importantes de l'ennemi devant le front de, la 1re armée, et qui espérait de cette conversion de la 1re armée une exploitation complète du succès de Saint-Quentin. En tout état de cause on ne vit là qu'un soutien tactique important, tel qu'il avait été déjà envisagé dans les instructions du 27, mais non un complet oubli des bases qui venaient à peine d'être arrêtées dans ces instructions pour la conduite ultérieure des opérations.
Le G. Q. G. qui s'était porté le 30 août à Luxembourg avait de son côté approuvé les mesures prises par les 1re et 2e armées. Un radiotélégramme de Cologne, 30 août à 9 heures 53 minutes du matin, faisait savoir :
" 3e armée convergeant au sud vers l'Aisne attaque au-delà de Rethel-Semuy et prendra ensuite la direction du sud.
Les mouvements des 1re et 2e armées répondent aux vues du G. Q. G. Agir de concert avec la 3e armée; aile gauche de la 2e armée à peu près en direction de Reims. "
L'ordre du G. Q. G. annulait ainsi les instructions du 20 août prescrivant à la 2e armée de marcher en direction sud-ouest et impliquait la marche droit au sud pour les 3e, et 2e armées.
Ces instructions du G. Q. G. furent de la plus grande importance.
Selon toute apparence le G. Q. G. était encore à ce moment dans l'ignorance que, depuis le 29 août, vers Amiens, Moreuil, Montdidier et Roye, s'opéraient partout des débarquements de troupes ennemies et que des forces importantes concentrées à Villers-Bretonneux avaient attaqué le flanc droit de la 1re armée. Il s'agissait déjà là de l'entrée en scène de la 6e armée française sous le commandement du général Maunoury, qui s'était avancée jusqu'à la ligne Roye-Amiens pour recueillir les Anglais. Elle se composait alors déjà du corps de cavalerie Sordet (3e D. C.), du VIIe C. A. et apparemment de 7 autres divisions (la 1re armée avait repéré la 61e et la 62e D. I. R., 4 divisions territoriales, divisions de réserve de chasseurs alpins; en outre de fortes nouvelles formations. C'étaient des fractions de cette armée que la 1re armée avait rejetées le 30 au-delà de l'Avre).
Pendant que la 1re armée opérait son mouvement de conversion, l'aile gauche vers Guiscard, le centre vers Roye, le, IVe C. R. et le 11e C. A. furent laissés vis-à-vis de la 6e armée.
Le 31 août les troupes de la 2e armée furent disposées pour l'attaque de La Fère, savoir :
le VIIe C. A. avec les obusiers lourds du Xe C. R. contre le front nord-ouest, le Xe C. R., avec les obusiers lourds du Xe corps et de la garde contre le front nord-est.
Le VIIe C. A. et le Xe C. R. poussèrent, dans le courant de la journée du 31 août, contre La Fère, des détachements d'infanterie sous la protection desquels des officiers d'artillerie et du génie procédèrent à la reconnaissance des ouvrages de la place. Le 1er C. C. traversa l'Oise le 31, de grand matin, pour empêcher l'ennemi de se dérober dans la direction de Laon. Dans la 1re armée, la même mission fut confiée :
Au IXe C. A. (moins la 17e D. I.) dirigé vers Coucy-le-Château par Chauny.
Au IIIe C. A. dirigé, vers Cuts par Noyon et vers Bailly par Lassigny.
La 3e armée annonçait que Givet avait capitulé le 31 août.
Pour la journée du 1er septembre, je donnai les ordres suivants
La 2e armée gagnera la coupure de la Serre après avoir pris La Fère. Le VIIe C. A. et le Xe C. R. ouvriront le feu d'aussi bonne heure que possible contre les anciens ouvrages de La Fère. Le VIIe C. A. dirigera son feu sur le fort de Vaudeuil, le Xe C. R. sur les ouvrages au nord-ouest de Nouvion-le-Comte.
La 1re armée fut sollicitée de faire bombarder par le IXe C. A. avec ses obusiers lourds de campagne et ceux du IIIe C. A. les ouvrages à l'ouest de Travecy et 1es remparts de la ville.
Avant 11 heures du matin, le Xe. CA. devait atteindre Crécy et Dercy, la garde Erlon et Marle et occuper les passages de la Serre.
Le 1er septembre vers midi, au Q. G. A. 2 qui s'était porté à Neuville-Saint-Amand, on eut de plus en plus l'impression que La Fère était évacuée par l'ennemi.
Je résolus alors de me porter le jour même avec les VIIe C. A. et Xe C. R. contre Laon, dans le cas où cette hypothèse serait vérifiée.
Les avant-gardes devaient atteindre :
VIIe C. A. Brancourt et le Trou Fourcy.
Xe C. R. la région de Crépy.
Xe C. A. avec l'artillerie d'une division de la garde, le nord d'Aulnois-sous-Laon.
Garde: Chivres et Bussy-les-Pierreponts avec mission de protéger le flanc droit de la 3e armée.
Les VIIe C. A., Xe C. R. et la cavalerie devaient donc, dès le 1er Septembre, Ouvrir le feu sur les ouvrages de Laon.
Le 1er C. C. reçut l'ordre de se porter le 1er septembre au-delà de Soissons et d'éclairer vers Château-Thierry-Reims.
Après prise de possession de La Fère, effectuée peu après- et où l'on trouva encore 26 canons, ce mouvement venait d'être mis à exécution, lorsqu'à 2 heures 30 minutes du soir arriva la dépêche suivante du G. Q. G.
" 3e, 4e, et 5e, armées en grave combat contre forces ennemies supérieures. Aile droite de la 3e armée près Château-Porcien sur l'Aisne.
Avancer l'aile gauche de la 2e armée, si possible intervenir aujourd'hui même avec cavalerie impérieusement souhaité. "
Je décidai de voler aussitôt au secours de la 3e armée avec le Xe C. A. et la garde. J'ordonnai à 3 heures du soir :
La garde poursuivra dès aujourd'hui sa marche vers Sissonne et Lappion et enverra aussitôt, pour soulager. l'aile droite de la 3e armée, en direction de Banogne, une brigade de cavalerie renforcée par de l'artillerie, des cyclistes et de l'infanterie sur voitures.
Le Xe C. A. atteindra dès aujourd'hui, avec ses têtes, Gizy et Marchais ; il enverra en avant, par Malmaison sur Villiers-devant-la-Tour, un groupe de cavalerie renforcé par de l'artillerie et de l'infanterie sur voitures.
Le général de cavalerie von Einem couvrira avec le VIIe C. A. et le Xe C. R. le mouvement en avant de l'aile gauche de l'armée sur le flanc gauche et prendra pour cela, le 2 septembre au matin, possession de Laon qui est vraisemblablement évacué par l'ennemi.
Les bataillons d'obusiers de campagne furent respectivement rendus à la garde et au 10e corps.
Le Q. G. A. fut porté le 1er septembre à Marles.
Cependant le secours demandé à la 2e armée allait devenir inutile.
Un radiotélégramme parti à 1 heure 40 minutes de la 3e armée, mais parvenu seulement à la connaissance du commandant de la 2e armée à 6 heures 45 minutes du soir, mentionnait en effet : " Ennemi en retraite devant la 3e armée, nous poursuivons à droite jusqu'à à Aussonce. " Mais une autre fois encore, ce jour-là, la direction des têtes des Xe C. A. et de la garde allait devoir être changée, cette fois vers le sud, en vue de la poursuite de l'ennemi qui se retirait en se défilant à l'ouest de Reims, ainsi que cela résultait d'un radio du G. Q. G. du 30 août 9 heures 50 minutes du soir. Il fut donc ordonné qu'au cours de la nuit du 1er au 2 septembre l'Aisne devrait être atteinte par :
le Xe C. A. près Bourg et Comin et Oueilly;
la garde près Maizy et Pontavert.
Laon fut évacué sans combat par l'ennemi, de telle sorte que la VIIe C. A. et le Xe C. R. purent également avancer plus au sud dès le 1er septembre :
VIIe C. A. en direction Soissons et Vénizel;
Xe C. R. sur Vailly et Chavonnes.
Pour le 2 septembre, la continuation de la poursuite fut ordonnée au-delà de la Vesle jusqu'à la ligne Cuiry-Housse-Chiry-Poilly. La garde fut chargée, après avoir franchi la Vesle, de sommer la forteresse de Reims de se rendre et en cas de besoin de l'y contraindre par le bombardement. La cathédrale devait être épargnée.
Il arriva sur ces entrefaites au quartier général de la 2e armée une note du G. Q. G. aux termes de laquelle la prise de Reims par la 2e armée était indiquée, comme désirable dès le 2 septembre. Le G. Q. G. informait en outre que la 3e armée, avec son aile droite, commencerait la marche sur Châlons, en se couvrant contre Reims, et que la 1re armée avancerait par Verberie-Ambleny (ouest de Soissons).
Malgré d'incessants combats au cours de la poursuite (le Xe C. R. appuyé par le 1er C. C. dispersa une brigade française) la 2e armée atteignit très tard dans la soirée ses lointains objectifs. Le Q. G. A. fut porté à Fismes.
La 1re armée parvint avec son aile gauche jusqu'à Longpont sans se heurter à des forces ennemies appréciables. Le groupe de l'armée anglaise, par Compiègne et Soissons, recula dans la direction du sud, la 6e armée française se rangea sur le front nord-est de Paris.
Seul, le IIe C. A. réussit le 2 septembre à accrocher encore une division française et la division de cavalerie anglaise à l'ouest de Senlis et à les repousser avec pertes.
Le 3 septembre, la poursuite fut vigoureusement continuée; il s'agissait pour la 2e armée de harceler sans répit l'ennemi qui paraissait déjà fortement ébranlé afin d'arriver à le désorganiser plus complètement encore. Comme indices à ce sujet, on pouvait à bon droit tenir compte des grandes quantités d'équipements et de munitions abandonnés le long des routes de retraite et sur les emplacements de batteries évacués. Le C. C. Richthoffen signalait qu'un bataillon de zouaves s'était dispersé au premier coup de canon en jetant bas armes et bagages.
La poursuite devait donc être continuée le 3 septembre jusqu'à la Marne en direction Château-Thierry-Binson.
Le G. Q. G. fut informé de cette résolution et fit cette réponse
" D'accord sur dispositions prises, gagner la rive sud de la Marne. "
Un autre radio du G. Q. G. mentionnait
" Intentions du G. Q. G. sont de couper les Français de Paris en direction sud-est. 1re armée suit en échelons la 2e armée et assure en outre la protection du flanc de l'armée allemande. "
Devant la 1re armée, les Anglais avaient continué leur retraite le 2 septembre sur la ligne de la Marne : Meaux, la Ferté-sous-Jouarre, sans opposer une nouvelle résistance.
Bien qu'au prix d'un effort considérable demandé à toutes les troupes la 2e armée eût continué le 3 septembre la poursuite de l'ennemi jusqu'à la Marne, on ne réussit pas à accrocher encore une fois l'adversaire au nord de cette rivière; il livra même sans combat cette coupure d'une force si exceptionnelle, de telle sorte que l'impression se fortifia de plus en plus que la retraite des Français avait revêtu partout le caractère de la fuite.
Le Q. G. A. fut porté ce jour-là à Fère-en-Tardenois. Le IXe C. A. de la 1re armée avait déjà gagné la rive sud de la Marne près Château-Thierry et se trouvait engagé avec des forces ennemies près de Condé-en-Brie.
Ainsi l'échelonnement en arrière de la 1re armée, prescrit parle G. Q.G. pour la protection du flanc droit des armées allemandes, était devenu un échelonnement en avant.
En outre, le corps de l'aile gauche de la 1re armée, au lieu de se diriger vers le sud, marcha droit au sud-est, de telle sorte que ce corps (le IXe) glissa devant le front du corps de droite (VIIe) de la 2e armée.
Ce mouvement occasionna une très grande gêne à la 2e armée qui fut obligée d'obliquer également dans une direction qu'elle ne tenait pas pour la bonne. En outre, ce fait contribua à agrandir encore le vide que la 1re armée créa plus tard entre les deux armées.
La 23e D. I. qui marchait à l'aile droite de la 3e armée, en direction de Châlons, atteignit le 3 septembre Septsaulx, sud-est de Reims. Pour le 4 septembre, j'ordonnai de reprendre la poursuite de l'ennemi.
Le VIIe C. A. partant de Brasle et de Maisy devait atteindre Pargny-la-Dhuis et Verdon par Condé-en-Brie.
Le Xe C. R. partant de Moulins devait, atteindre Le Breuil avec une division par Connigis, l'autre division restant d'abord dans ses cantonnements prête à marcher.
Le Xe C. A. partant de Verneuil devait atteindre Mareuil-en-Brie et, par Châtillon, Ablois-Saint-Martin.
La garde avec une division partait de Binson pour le sud de la Marne par Épernay.
Les mouvements réussirent à s'effectuer sans combats importants; le Q. G. A.2 fut porté le 4 septembre à Dormans où il demeura le 5 septembre.
La D.I.G. laissée devant Reims ouvrit le feu le 4 septembre sur cette forteresse parce que les parlementaires qui y avaient été envoyés n'étaient pas revenus.
Là-dessus arriva, à 1 heure 45 minutes du soir, la communication suivante de la 3e armée : " Reims occupé par nous. Cessez le feu" L'ordre correspondant fut aussitôt adressé à la garde; en même temps la 2e D.I.G. fut invitée à gagner Damery dès le 4 septembre.
La 1re armée voisine avait également ordonné à tous ses corps d'effectuer, le 5, une marche en avant générale. L'ennemi devait être attaqué partout où on le rencontrerait.
Les objectifs donnés étaient les suivants
IXe C. A. Esternay, IIIe Sancy, IVe Choisy, IIe Coulommiers, IVe de réserve, est de Meaux. Le IVe de réserve avec la 4e D. C. devait couvrir le flanc droit.
Le 2e C. C. devait avancer vers Provins avec les 2e et 9e D. C.
La 1re armée persistait donc encore le 5 septembre dans son échelonnement en avant en direction sud-est.
La 3e armée voulait dépasser Tours avec son aile droite.
En raison de l'éloignement encore assez notable de la 3e armée et de l'obscurité qui régnait sur la situation, je n'avais prescrit pour le 5 septembre qu'une assez courte marche vers la ligne Montmirail- Vertus.
Le 5 septembre, à 8 heures 30 minutes du matin, parviennent au Q. G. A.2 les nouvelles instructions du G. Q. G. ordonnant de disposer contre le front est de Paris et à distance suffisante de cette forteresse la 1re armée entre l'Oise et la Marne, la 2e armée entre la Marne et la Seine. La 2e armée arrêta aussitôt son mouvement; l'aile gauche seulement fut portée un peu au-delà de Morains-le-Petit.
Le 6 septembre, la conversion à droite ainsi commencée devait être continuée jusqu'à la ligne Montmirail-Marigny-le-Grand pour orienter le front complètement face à Paris.
Il était alors admis que, la 1re armée aurait dès le 5 septembre disposé de la même manière au nord de la Marne son front contre Paris. Pour combler provisoirement le vide existant entre Château-Thierry (que la 1re armée devait occuper) et Montmirail, la 2e armée disposait encore du VIIe C. A. Cependant la 1re armée, ainsi que cela résultait d'une communication à la 2e armée, considérait qu'il n'était plus possible d'arrêter le mouvement en avant ordonné le 5 septembre; elle croyait aussi - contrairement aux instructions du G. Q. G. - que la poursuite devrait d'abord être continuée jusqu'à la Seine.
Il en résulta que la 1re armée atteignit le soir du 5 septembre la ligne Coulommiers-Esternay située bien au-delà de la Marne; seuls le IVe C. R. et une division du 2e C. C. demeuraient encore dans la région de Meaux faisant face à Paris. Le IXe C. A. masquait dès ce moment l'aile droite de la 2e armée, de telle sorte que le VIIe C. A. de la 2e armée se trouvait complètement paralysé dans ses mouvements le 6 septembre.
La situation stratégique de l'aile droite des armées allemandes s'était ainsi modifiée d'une manière beaucoup plus défavorable, sans que le G. Q. G. fût intervenu.
Au nord de la Marne, le IVe C. R. avait en face de lui toute la 6e armée française (Maunoury). Au sud de la Marne se tenait l'armée anglaise - à peu près entre Le Corbin et Lagny - menaçant le flanc droit de la 1re armée, tandis qu'à l'aile gauche de la 1re armée, les IIIe et IXe C. A., portés fortement en avant, abordaient le front de la 5e armée française (Franchet d'Esperey) qui avait fait halte à peu près sur la ligne Sézanne-Esternay-Courtacon.
A la 2e armée allemande était opposée, près de Sézanne, l'aile droite de la 5e armée française, et à la droite de celle-ci toute la 9e armée (Foch) de la formation de laquelle ni le G. Q G. ni le Q. G. A. 2 ne savaient encore absolument rien le 5 septembre.
En pleine connaissance de cette situation, le commandant de la 1re armée ordonnait enfin pour le 6 septembre le repli derrière la Marne; devaient atteindre : les IVe C. R. et IIe C. A. la région. du sud-ouest de Crouy, le IVe C. A. La Ferté-sous-Jouarre, le IIIe La Ferté-Gaucher, le IXe devait rester sur place près de Joiselle.
Pour le même jour, du côté de l'armée française, le G. Q. G. avait déjà ordonne l'offensive. Tandis que les 9e et 5e armées françaises attaqueraient de front les 2e et 1re armées allemandes, l'armée anglaise devait se porter au sud de la Marne contre le flanc droit de la 1re armée, tandis que la 6e armée française avançant au nord de la Marne devait menacer la retraite et les lignes de communication de la 1re armée.
En conséquence, dès le 6 septembre, les corps de gauche de la 1re armée : 3e et 9e, furent attaqués sur la ligne Sancy-Esternay par les forces ennemies supérieures en nombre. Le centre et l'aile gauche de la 2e armée, dans leur mouvement de conversion, se heurtèrent également, à une résistance acharnée. Mais tandis que là purent être réalisés lentement quelques progrès, les corps de la 1re armée qui avaient été poussés très en avant, notamment le IXe C. A. se trouvaient placés dans une situation assez périlleuse, étant menacés sur les deux flancs d'un enveloppement par l'ennemi.
Si la situation put être rétablie, c'est seulement parce que la puissance de combat de la 5e armée française se trouvait fort affaiblie par les défaites qu'elle avait subies à Namur et à Saint-Quentin et dans la retraite frisant la fuite qui s'ensuivit et parce qu'il fut ainsi possible à la 2e armée de forcer avec le IXe C. R. le passage du Petit Morin, d'intervenir avec une partie de la 19e D. I. R. pour soutenir l'aile gauche du IXe C. A. et d'appuyer encore ce corps d'armée par une brigade d'artillerie de campagne du VIIe C. A.
La 1re armée fit savoir qu'un ennemi supérieur en nombre venant de la direction Forêt de Crécy-Rozoy marchait vers l'est et indiquait qu'il était absolument urgent de protéger le flanc du IIIe C. R.
On remarqua plus tard l'entrée en ligne au nord de la Marne de forces ennemies importantes venant de Paris.
La 1re armée porte dès lors exclusivement son attention sur cet adversaire; dès le 6 au soir elle adressa à la 2e armée à Montmort, où le Q. G. A.2 avait été porté le 6 septembre, la demande d'assumer le commandement des corps de son aile gauche, savoir : le IIIe et le IXe. Cette proposition fut agréée; il fut décidé que le 7 septembre le IXe C. A. continuerait le combat en liaison avec la 2e armée, que le IIIe C. A. assurerait la protection du flanc droit de la 2e armée ainsi renforcée. Mais déjà le 7 septembre, vers midi, arrivèrent à court intervalle les radiotélégrammes suivants de la 1re armée : A 10 heures 10 minutes matin :
" IIe, IVe C. A. et IVe C. R. en graves combats sur l'Ourcq inférieur. Où sont IIIe et IXe-? Comment là-bas situation ? Sollicite instamment réponse. "
A 11 heures 15 minutes matin : " Entrée en ligne IIIe et IXe C. A. sur l'Ourcq impérieusement désirable. L'ennemi se renforce considérablement; prière de mettre les corps en marche en direction la Ferté-Milon et Crouy. "
De ces renseignements la 2e armée conclut que la 1re armée, avec les IIe IVe C. A. et IVe C. R. avait traversé l'Ourcq pour marcher à l'ennemi et que la trouée entre la 1re et la 2e armée s'était ainsi encore élargie davantage.
En raison du retrait des IIIe et IXe C. A. et de leur envoi au nord de la Marne, la 2e armée se trouvait mise au sud de là Marne dans une situation extrêmement grave.
Le flanc droit de la 2e armée, fortement menacé dès le 6 septembre mais protégé ce jour-là par la 1re armée, fut mis doublement en danger lorsqu'il se vit affaibli des IXe et IIIe C. A. La plus grande partie de la 5e armée française trouvait ainsi le champ libre pour l'attaque enveloppante du flanc droit de la 2e armée. Il ne s'agissait donc plus alors d'une 5e armée battue mais bien d'une 5e armée victorieuse, car l'évacuation du champ de bataille par les IIIe et IXe C. A. - et cela encore en plein jour - devait signifier là victoire pour les Français et élever au plus haut degré la force morale de la 5e armée.
S'il est vrai que, le 7 septembre, là 1re armée rencontra devant elle à l'ouest de l'Ourcq des forces assez importantes pour que les IIe ,IVe C. A. et IVe C. R. ne pussent à eût seuls en venir à bout et qu'il lui fallut réclamer impérieusement le concours des IIIe et IXe C. A., peut-être eût-il mieux valu, dès le 7 septembre, rompre le combat que les trois corps de l'aile droite soutenait à l'ouest de l'Ourcq et rétablir de nouveau, environ vers Château-Thierry, la liaison avec la 2e armée.La 1re armée aurait, il est vrai, renoncé à la possibilité d'obtenir un succès tactique que d'ailleurs la proximité de Paris n'aurait pas permis d'exploiter, mais elle serait restée fidèle à son devoir essentiel : " Protection du flanc droit de l'armée allemande " et l'ennemi aurait trouvé devant lui, le 8 septembre au matin après repli nocturne des IIIe et IXe C. A. derrière la Dollau, du front continu de l'armée allemande qu'il n'aurait été en état ni de percer, ni de déborder.
En s'obstinant à l'ouest de l'Ourcq, la 1re armée créait par contre une large trouée entre elle et le reste de l'aile droite de l'armée, trouée par laquelle toute l'armée anglaise et une partie de la 5e armée pouvaient percer sans rencontrer de résistance et, tournant au nord de la Marne l'aile droite de la 2e armée, prendre complètement à revers la 1re armée.
Il fallait pourtant satisfaire à la demande de la 1re armée et cela malgré la gravité des préoccupations du chef de la 2e.
La IIIe C. A. reçut en conséquence dès 12 heures 40 minutes l'ordre de se porter immédiatement par Nogent-l'Artaud en direction de la Ferté-Milon.
Quant au IXe C. A. engagé dans la bataille près d'Esternay, il parut impossible de le faire encore traverser la Marne le 7 septembre. Il fut donc retiré ce jour-là seulement derrière la coupure de la Dollau, dans la région au sud de Château-Thierry, pour être remis le 8 septembre à la disposition de la 1re armée en cas de besoin.
Déjà le retrait du IXe C. A. avait pour conséquence forcée le repli correspondant de l'aile droite de la 2e armée maintenant complètement découverte. J'ordonnai en conséquence : " le VIIe C. A. (moins la 14e D. I.) occupera en liaison avec le IXe C. A. la coupure la Dollau, de Fontenelle à Montmirail, en réserve d'armée ". Mais à 5 heures 40 minutes du soir arriva encore un nouveau radio de la 1re armée : " 1re armée se tient après très violents combats ouest Ourcq, nord Meaux IIIe et IXe C. A. y seront rattachés. "
Ainsi l'aile droite de la 2e armée perdit encore, le 7 septembre, pour la deuxième fois, son appui. Ceci se faisait d'autant plus ressentir que la réserve d'armée (14e D. I.) avait dû être engagée pour boucher un vide ouvert entre la garde et Xe C. A. au milieu du front de combat Cependant la Xe C. R. formant l'aile droite de la 2e armée maintenait Montmirail en sa possession tandis que la 14e D. I. était disposée en échelon derrière, l'aile droite actuelle.
Le 1er C. C. reçut l'ordre de disputer la coupure du Petit-Morin aux colonnes anglaises dont la marche était annoncée par Coulommiers et Choisy.
Pour le 8 septembre, la continuation de l'attaque par l'aile gauche fut ordonnée. En liaison avec la 3e armée, le général commandant le XIIe C. R. devait dès l'aube marcher à l'assaut avec la 32e D. I. et la 29e D. R., 1a 2e armée se joindrait par son aile gauche à l'attaque commencée.
Bien que le, 8 septembre le combat fit des progrès devant le centre et l'aile gauche, un succès décisif ne fut pas encore obtenu par la 2e armée. L'aile droite non appuyée - 13e D.I. et Xe C.R. - . dut, au contraire, pour éviter l'enveloppement, être ramenée en arrière, vers le soir, jusqu'à la ligne Margny-le-Thoult.
Comptant que la 1re armée réussirait dans la journée du 9 septembre à se dégager et à se souder à la 2e armée, j'ordonnai pour le 9 septembre la continuation de l'attaque par l'aile gauche, qui avait d'ailleurs été renforcée dans la journée du 8 par la 24e D. I. de la 3e armée.
Mais la soir du 8 septembre arriva de la 1re armée la nouvelle qu'elle était toujours aux prises avec un ennemi nombreux sur la ligne Cuvergnon-Cougis. Je no comptais plus sur une intervention du G. Q. G. D'après des rapports d'aviateurs, des colonnes ennemies se seraient infléchies vers le nord par Doué et Rebois; une troisième colonne serait en marche de la Haute-Maison vers le Nord-Est. Plus tard, la 2e armée eut connaissance que la colonne ennemie, signalée près de Choisy, avait continué sa marche en avant sur Thiercelieux.
Dans ces conditions, il fallait compter avec la probabilité d'une percée d'importantes forces ennemies entre la 1re et la 2e armée si, au dernier moment, la 1re armée ne se résolvait pas à reculer en direction est pour regagner le contact avec la 2e armée. Dans toute autre alternative, l'ennemi pouvait passer la Marne et se porter dans le dos de la 1re armée qui courait la risque d'être rejetée vers l'ouest et de se voir ainsi complètement enveloppée.
Quand, le 9 septembre au matin, l'ennemi, en nombreuses colonnes, traversa la Marne entre la Ferté-sous-Jouarre et Château-Thierry, il ne subsista chez moi aucun doute que la retraite de la 1re armée était rendue inévitable par la situation tactique et stratégique et que, de son côté, la 2e armée se trouvait dans l'obligation de se replier pour éviter d'être complètement tournée par son flanc droit. D'accord avec le représentant du G. Q. G. (lieutenant-colonel Hentsch), j'étais dans la conviction que maintenant le devoir primordial de la 2e armée était d'appuyer la 1re armée au nord de la Marne, et de lui offrir là de nouveau la possibilité de faire sa jonction avec, l'aile droite de la 2e armée, en direction de Fismes.
Cette décision, si pénible qu'il fût de la prendre pour le commandement d'une 2e armée jusqu'alors partout victorieuse, permettait seule de déjouer encore à temps le plan évident du commandement français, savoir : l'enveloppement de l'aile droite de l'armée allemande après séparation et anéantissement de la 1re armée et de procurer la possibilité de reconstituer, en peu de jours sur l'Aisne avec l'aide de la 7e armée qui approchait, un nouveau front d'armées continu. Bien que la décision de replier la 2e armée fût prise le 9 septembre au matin, l'offensive du centre et de l'aile gauche de cette armée, qui progressait en plein succès, fut d'abord poursuivie dans l'après-midi avec une grande vigueur, et c'est seulement après que l'ennemi eut été partout repoussé que la 2e armée entama, par l'aile gauche, son mouvement de repli.
Le corps d'armée de la garde et les divisions saxonnes 32e D. I., 23e et 24e D. R., placées sous les ordres du général von Kirchbach, effectuèrent leur mouvement à 1 heure du soir la garde sur la route Fère-Champenoise-Vertus croisée de route à l'est d'Avize-Athis-Tours, le général von Kirchbach, avec ses trois divisions à l'est de cette route. Des arrière-gardes pourvues d'une forte artillerie furent laissées en face de l'ennemi jusqu'à la tombée de la nuit.
Le mouvement du gros de la 14e D. I. et du Xe C. A. ne devait pas commencer avant 2 heures de l'après-midi.
Le 9 septembre, le Q. G. A.2 resta d'abord 4 Montmort et se porta ensuite par Moussy sur Epernay.
Le G. Q. G. fut informé de ces dispositions. La rupture du combat eut lieu sans la moindre difficulté les troupes retirées les premières atteignirent la ligne Mareuil-en-Brie-Vertus ; toutes les colonnes de munitions et les trains traversèrent la Marne dès 9 septembre. Le centre et l'aile gauche ne furent
l'objet d'aucune poursuite. de la part de l'ennemi qui ne put retrouver le contact perdu qu'au cours de la journée du 10 septembre. Seule la 13e D. I. fut pressée par l'ennemi, mais cela sans succès. Les têtes de colonne atteignirent ce jour-là :
Xe C. R. Pourcy par Damery;
Xe C. A. Serrières par l'ouest d'Épernay;
14e D. I. Germaine par l'est d'Épernay.
G. Tourières-Mutry par Mareuil-sur-Ay avec arrière-gardes, au sud de la Marne, sur la ligne Boursault-Moussy, Avize-Flavigny.
Le VIIe C. A. (a oins la 14e D. I.) reçut l'ordre de couvrir l'aile droite de l'armée passant au nord de la Marne. Les ponts de la Marne de Port à Binson inclus à Jaulgonne inclus devaient être gardés. Les bagages, colonnes de munitions et trains furent reportés, dès le 10 septembre, derrière la Vesle. Le Q. G. A. resta le 10 à Épernay. Dans le rapport du 10 septembre sur les opérations du 9 on signalait encore une fois au G. Q. G.
" D'accord avec Hentsch (représentant du G. Q. G.) la situation est jugée comme suit :
Retraite de la 1re armée derrière l'Aisne commandée par situation stratégique et tactique. 2e armée doit appuyer 1re armée au nord de la Marne, faute de quoi aile droite des armées sera enfoncée et enroulée; 2e armée atteindra aujourd'hui la ligne Dormans-Avize avec de fortes arrière-gardes au sud de la Marne. Près d'Avize jonction avec la 3e armée ".
Le 10 septembre, à 1 heure 15 minutes du soir, l'ordre suivant du G. Q. G. arriva au Q. G. A. 2 établi ce jour-là à Reims :
" 1re armée sera subordonnée jusqu'à nouvel ordre au commandant en chef de la 2e armée ! "
A 5 heures 45 minutes arriva le nouvel ordre suivant :
" 2e armée se retirera derrière la Vesle, aile gauche à Thuizy. 1recevra instructions de la 2e armée. 3e armée en liaison avec 2e armée tiendra ligne Mourmelon-le-Petit-Francheville (sud-est de Châlons-sur-Marne).
" 4e armée en liaison avec 3e armée, au nord du Canal de la Marne au Rhin jusqu'aux environs de Revigny.
" 5e armée restera sur positions conquises. Ve C. A. et réserve générale Metz sont affectées à l'attaque des forts de Troyon, Paroche et Camp des Romains.
Les positions atteintes par les armées devront être fortifiées et défendues.
Les premières fractions de la 7e armée, XVe C. A. et VIIe C. R., atteindront vers le 12 septembre à midi là région de Saint-Quentin-Sissy".
En conséquence lé radiotélégramme suivant fut adressé 10 septembre au soir à là 1re armée :
" La 2e armée occupera le 12 la coupure de la Vesle de part et d'autre de Reims.
Là 1re armée se retirera dès le 11 septembre derrière l'Aisne et, à l'abri de la coupure de l'Aisne, s'étendra jusqu'à hauteur de l'aile droite de la 2e armée. Les passages de la Vesle près Braisne et Fismes seront gardés chacun par une brigade mixte de la 2e armée, à partir du 11 au matin ".
Le 10 septembre vers le soir, des aviateurs observèrent une longue colonne ennemie sur la route Champaubert-Bergères, avançant par conséquent vers l'est.
Comme cette observation fut confirmée le 11, la reconnaissance "d'aviateurs du 11 ayant remarqué en outre d'autres colonnes marchant droit à l'est, il en fut rendu compte immédiatement au G. Q. G. avec indication que très probablement les Français cherchaient maintenant à percer en face de la 3e armée.
Au G. Q. G. cette impression parut d'ailleurs s'être fortifiée dans la journée du 11. Dans l'après-midi du même jour, le chef d'état major général de l'armée en campagne arriva au Q. G. A.2 à Reims où il rédigea l'ordre suivant d u G. Q. G. :
" Des renseignements sûrs permettent de prévoir que l'adversaire envisage une attaque avec de très grandes forces contre l'aile gauche de la 2e armée et la 3e armée.
S. M. ordonne en conséquence :
Devront atteindre :
3e armée la ligne Thuizy (exclu) Suippes (exclu);
4e armée la ligne Suippes (inclus) Sainte-Menehould (exclu);
5e armée : Sainte-Menehould (inclus) et à l'est.
Les lignes atteintes devront être organisées et tenues. Dans la marche en arrière les armées devront assurer la liaison de leurs ailes " (Signé : v. Moltke).
J'avais moi-même l'intention d'accorder le 11 septembre un repos général aux troupes très fatiguées. Toutefois l'ennemi manifestait visiblement l'intention de tourner l'aile droite de l'armée; je fis replier le 11 septembre, dès la pointe du jour, les arrière-gardes derrière la Marne et les gros jusqu'à l'est de la ligne Jonchery, Treslon, Bligny, Pourcy, Saint-Imoges, Avenay, Tours.
Les arrière-gardes, après avoir détruit les ponts de la Marne, devaient encore tenir la rive nord.
Les colonnes de munitions et les trains furent ramenés derrière la Suippe.
Le VIIe C. A. (moins la 14e D. I.) fut désigné pour recueillir la 1re armée; ce corps devait, le 11 septembre, dès la première heure, occuper la coupure de la Vesle près de Fismes et s'opposer là à toute tentative de passage de l'ennemi. La brigade renforcée de la 13e D. I. qui, depuis la chute de Maubeuge, était en marche sur Laon, devait avec la même mission occuper la Vesle à Braisne. Le 1er C. C. fut informé de la situation générale et invité à couvrir de flanc et en arrière le mouvement de la 2e armée. La reconnaissance détaillée de la position à occuper sur la Vesle fut commencée. L'ennemi atteignait le 11 septembre devant le front de l'armée la ligne Fère-en-Tardenois, Verteuil, Épernay, Mareuil.
Les instructions suivantes arrivèrent du G. Q. G. : " S. M. a ordonné que la 7e armée sous le colonel général von Heeringen sera placée d'abord sous les ordres du commandant en chef la 2e armée ".
Pour le 12 septembre j'ordonnai que la position préalablement reconnue serait occupée comme suit :
VIIe C. A. (moins 14e D. I.) occupera avec une brigade renforcée les hauteurs voisines de Châlons-sur-Vesle pour tenir les passages de Muizon inclus à Tinqueux exclu, avec l'autre brigade les hauteurs voisines de Prouilly pour tenir les passages qu'elles commandent jusqu'à Breuil inclusivement.
Ce déplacement de troupes ne devait toutefois s'effectuer qu'autant que la 27e brigade de Landwehr, désignée pour l'occupation des passages de la Vesle à l'ouest de Breuil, serait arrivée près de Fismes et serait passé sous les ordres du commandant du VIIe C. A.
Le Xe C. R. occupera en avant de Reims la rive sud de la Vesle de Thillois inclus à Cormontreuil inclus.
Le Xe C. A. au nord de la Vesle de Cormontreuil exclu à Prunay inclus.
La garde, moins la 1re D. I. G. de Prunay exclu au sud-est de Posnes où elle se soudera à la 3e armée.
Furent maintenues à la disposition du commandant de la 2e armée :
La 14e D. I. à l'est de Cernay-les-Reims;
La 1e D. I. G. au sud-ouest de Beine;
Le P. C. du commandant en chef fut porté à Cernay-les-Reims, le Q. G. A.2 à Warméréville.
La 5e D. C. du ler C. C. fut mise en marche sur la 3e armée.
La 1re armée fut informée de la situation et une fois encore invitée à se relier à l'aile droite de la 2e armée. Cette jonction toutefois ne put plus être réalisée.
Le corps de la 1re armée avait atteint le 11 septembre au soir:
4e D. C. Rethondes;
IXe C. A. sur les deux rives de l'Aisne, Cuise-la-Motte et Berneuil;
IVe C. A. Haute-Fontaine, Saconin et Breuil;
IVe C. R. Nouvron;
IIe C. A. sur les deux rives de l'Aisne Vauxbuin et Pasly;
IIIe C. A. Belleu, Billy et Crouy
2e C. C. (moins la 4e D. C.) Soissons.
Le 12, la 1re armée recula tout à fait derrière l'Aisne sur la ligne Attichy-Soissons; dès les premières heures de l'après-midi de ce jour elle fut attaquée sur tout le front par d'importantes forces françaises et anglaises. En même temps l'adversaire força le passage de la Vesle en repoussant la 13e D. I. et la 25e brigade de Landwehr et menaça d'envelopper par Muizon le flanc droit du 10e C. R.
Dans ces conditions il parut nécessaire de faire évacuer par le Xe C. R. la position à l'ouest de Reims avant contact tactique plus étroit avec l'adversaire. La 14e D. I. maintenue à Cernay-les-Reims fut portée en avant jusqu'aux environs sud-est de Betheny et, sous sa protection, le Xe C. R. traversa Reims et ceci la sans subir de pertes jusqu'à Cernay-les-Reims, où il entra en liaison avec l'aile droite du Xe C. A. La 25e brigade renforcée de la 13e D.I. gagna par une marche de nuit les environs de Brimont, la 26e brigade renforcée, les environs de Berry-au-Bac; de là, elle rétablit, le 13 de bonne heure, la liaison avec la 25e brigade. Le VIIe C. A. se trouva ainsi de nouveau réuni à l'aile droite de la 3e armée. D'après tous les renseignements, il était hors de doute que tout l'effort de l'ennemi tendait à se glisser entre la 1re et la 2e armée, à séparer ainsi définitivement ces deux armées et rejeter ensuite la 1re armée vers l'ouest.
On ne pouvait s'y opposer qu'en bouchant rapidement le trou existant entre la 1re et la 2e armée avec les éléments de la 7e armée qui arrivaient.
Ces éléments furent donc, poussés en avant à l'est de Laon dès la nuit du 12 au 13 septembre; ce fut la 28e brigade du VIIe C. R. renforcée par 2 régiments de réserve d'artillerie de campagne n° 14 et 1 et par le 7e régiment de pionniers qui, le 13 septembre, résista dans un long et dur combat sur les hauteurs de Craonne-Hurtebise à la poussée de forces ennemies supérieures, jusqu'à ce que, à droite de cette brigade, le reste du VIIe C. R., et, à gauche, les premières fractions du XVe C. A. aient pu intervenir.
La 1re armée se tint le 13 septembre sur l'Aisne et étendit son flanc gauche jusqu'à Vailly.
Dans la 2e armée, le Xe C. R., le Xe C. A. et la 2e D. I. G. résistaient sans peine à une attaque ennemie menée sans grande vigueur.
Le VIIe C. A. rejeta au delà du canal de l'Aisne, jusqu'aux hauteurs de Brimont et de Bermericourt, l'ennemi qui s'était avancé.
Une poussée de l'ennemi qui s'était produite, dans la soirée du 13 septembre, entre Brimont et Reims fut encore arrêtée par la 1re D. I. G. Ainsi le trou commençait à se boucher de plus en plus, et l'ennemi qui avait déjà percé avec de l'infanterie jusqu'à Amifontaine et avec une forte cavalerie jusqu'à la Malmaison et Sissonne se vit obligé de ramener ses troupes en arrière pour éviter qu'elles ne fussent coupées.
Le 14 septembre les trois armées devaient se souder plus solidement en se portant en avant pour l'attaque.
La 7e armée reçut de moi l'ordre de poursuivre avec tous les éléments disponibles l'offensive de son aile gauche en direction de Pontavert afin de couper la retraite aux forces ennemies qui se trouvaient encore vers l'est de cette localité sur la rive nord de l'Aisne et de conquérir les hauteurs au sud de l'Aisne.
La 2e armée devait avec son aile droite appuyer l'attaque dès que la 7e armée aurait atteint la rive nord de l'Aisne.
La 1re armée devait appuyer avec son aile gauche la marche de la 7e armée au-delà de l'Aisne.
L'exploration de la cavalerie fut à nouveau réglée comme suit :
7e D. C. droite : Ham, Amiens ; gauche Ham, Beauvais.
2e C. C. qui passe le 4 septembre une D. C. du 1er C. C. droite : Ham, Beauvais; gauche : Soissons, Corbeil.
1er C. C. droite : Soissons, Corbeil; gauche : Epernay, Romilly. Le P. C, du commandant en chef resta fixé à Vitry-les-Reims.
Le 14 septembre au matin, le combat s'engagea avec une nouvelle violence. Tandis que la 1re armée et l'aile droite de la 7e armée (VIIe C. R.) étaient attaquées par des forces importantes, l'ennemi se trouvait plutôt sur la défensive en face du XVe C. A.; il se porta par contre de nouveau avec des forces importantes à l'attaque de la 2e armée, son effort principal tendant à déborder et à enfoncer l'aile droite de la 2e armée au nord de l'Aisne.
Le VIIe C. A. avait reconnu de bonne heure ces intentions et pour s'y opposer avait poussé un détachement mixte par Neufchatel vers la rive nord de l'Aisne, Mais là il se heurta immédiatement à une forte cavalerie ennemie appuyée d'artillerie, de telle sorte qu'il lui fut d'abord impossible de se tourner contre l'ennemi qui déjà, au nord de l'Aisne, près de Berry-au-Bac et de Condé, se trouvait sur la flanc droit de la 14e D. I.
En conséquence, le, commandant en chef dirigea successivement toutes les réserves disponibles sur Neufchatel afin d'y briser la résistance de l'ennemi et de parer ainsi à la menace d'enveloppement.
Les troupes de la valeur d'une division qui se trouvaient réunies à Neufchatel furent placées sous le commandement du lieutenant général Steinmetz. Celui-ci reçut l'ordre aussitôt après conquête de la rive nord de l'Aisne de continuer l'attaque en direction ouest.
Sur ces entrefaites le G. Q. G. mit encore à la disposition du Q. G. A. le XIIe C. A. dont la tête pouvait atteindre Warméréville le 14 à midi. Ce corps reçut l'ordre de poursuivre sa marche en direction de Neufchatel et d'y envoyer en avant à la disposition du lieutenant général Steinmetz le plus de forces de cavalerie et d'artillerie possible. Steinmetz réussit à prendre., dès le 14, fortement pied sur la rive nord de l'Aisne et à occuper les hauteurs de Menneville, portant des éléments avancés jusqu'à l'est de la route Prouvais-Guignicourt. Au nord-ouest de là, le 2e C. C. avec la D. C. G. et la 2e D. C. soutint un combat contre la cavalerie française et anglaise qui s'était frayé un passage vers Soissons (Sissonne ?) et la Malmaison, et la rejeta en arrière. Plus à l'ouest, l'attaque du XVe C. A. progressait aux environs d'Aizelles tandis que, plus à l'ouest encore, le VIIe C. R., qui combattait sur un très large front dans la région de Cerny-en-Laonnais, ne résistait que péniblement avec l'appui de la 2e D. C. à l'assaut de l'ennemi.
La 1re armée parvenait à la vérité à résister sur son front, mais devait au contraire replier son aile droite devant une menace d'enveloppement venant de la direction de Compiègne.
Le G. Q. G. informé de cette situation de la 1re armée envoya encore dans la nuit du 14 au 15 septembre les instructions suivantes :
" Au cas où 1re armée ne pourra tenir la coupure de l'Aisne, elle devra reculer à temps en direction générale de La Fère derrière la coupure. 2e et 7e armées tiendront dans ce cas la ligne Laon-Reims. "
Cette instruction fut transmise à la 1re armée avec l'addition suivante : " Entrée en ligne aile gauche impérieusement désirée, dès le 15 septembre, dans combat 7e armée qui est serrée de près et au secours de laquelle vole de l'est XIIe C. A. ".
La 1re armée annonça là-dessus le 15 septembre à 3 heures du matin au G. Q. G. par radio-télégramme :
" IXe C. A. près Nampcel, Morsain avec, une brigade de réserve et deux de landwehr.
IVe C. R. Nouvron.
IIe C. A. Cuffies Vrégny.
IIIe C. A. avec fractions près de Condé.
IVe C. A. Cuisy-en-Alemont-Pasly.
4e D. C. aile droite, 2e C. C. avec 2e et 9e D. C. aile gauche.
La 6e D. I. renforcée a repoussé l'ennemi près de Vailly et dut ensuite faire face à l'est contre une attaque. "
Le projet d'attaque par le IXe C. R. ne me parut pas exempt de danger parce qu'il allait droit à l'encontre des instructions du G. Q. G. bien qu'une note secrète 11 a 13, adressée le 15 septembre au G. Q. G. par la 1re armée, annonçait également l'intention de reprendre l'attaque par l'aile gauche après l'entrée en ligne du IXe C. R., je me vis obligé, me référant à la mission de la 1re armée - flanc garde de l'armée allemande - d'interdire formellement une offensive de ce genre.
Devant le front de la 2e armée les attaques ennemies se poursuivirent le 14 septembre jusqu'au soir avec une grande vigueur. Le VIIe C. A. notamment se trouvait dans une position grave; le soir toutes les réserves, sauf un seul bataillon, avaient été engagées dans ce corps ; il réussit pourtant à se maintenir avec la 1re D. I. près de Brimont et avec la 14e D. I. au nord de ce point jusqu'à Condé. Mais la 14e D. I. avait lourdement souffert du feu de l'artillerie ennemie ; lorsqu'après cela l'ennemi, vers minuit, entreprit une nouvelle attaque par La Neuville, la division fut obligée de reculer jusqu'au remblai du chemin, de fer Loivre-Aguilcourt.
Pour recueillir les troupes fortement ébranlées sur une position plus solide en arrière, ordre fut donné à minuit cinquante au XIIe C. A. d'alerter immédiatement le régiment d'infanterie le plus proche et de le mettre à la disposition du commandant de la 14e D. I. entre le bois situé à 2 kilomètres à l'ouest d'Orainville et Merlet.
Les ordres suivants furent donnés pour le 15 septembre :
2e armée défendra sa position.
XIIe C. A. traversant l'Aisne avec la tête du gros à 6 heures du matin, marchera par Prouvais sur Juvincourt et Damary.
Appuyé par le XIIe C. A., le lieutenant général Steinmetz rejettera sur la rive sud de l'Aisne l'ennemi qu'il a devant lui et tiendra les passages près de Berry-au-Bac et Pontavert. Aussitôt ce résultat obtenu, le XIIe C. A. passera sous les ordres de la 7e armée. Celle-ci rejettera son ennemi au-delà de l'Aisne et appuiera la 1re armée.
Dans la nuit du 14 au 15 parvint encore du G. Q. G. le radio suivant :
" XVIIIe C. A., en marche par Mont-Saint-Rémy sur Neuflize où il pourra arriver le 15 dans la matinée, est mis à la disposition du G. A. 2. "
Là-dessus le XVIIIIe C. A. reçut avis de poursuivre sa marche de Neuflize sur Neufchâtel par Roizy.
Le matin du 15 septembre, dès 6 heures 40 minutes, le VIIe C. A. pouvait déjà annoncer qu'il avait reconquis ses anciennes positions. Ce corps s'y maintint, renforcé par un régiment du XIIe C. A. pendant la journée du 15 septembre.
Devant le reste du front de la 2e armée, l'ennemi ne réussit pas non plus à gagner du terrain.
Au nord de l'Aisne le détachement Steinmetz poussa jusqu'au nord de Berry-au-Bac. Son chef, le lieutenant général Steinmetz, fut tué à cet endroit.
Vers midi entrèrent également en ligne des fractions de la 23e D. I. du XIIe C. A. Le reste de la 23e D. I. dut se tourner contre l'ennemi qui avançait par Pontavert et occupait les bois à l'est de la Ville-au-Bois.
Le 32e D. I. fut disposée au nord de la 23e D. I. - l'aile gauche s'étendant par le nord de Juvincourt jusqu'à la Ville-au-Bois, localité qui fut encore occupée le même jour. La liaison avec la X.Ve C. A. engagé au nord de Craonne se trouva ainsi réalisée. L'attaque de la 7e armée fit le 15 septembre de lents progrès.
L'ennemi maintenait ses positions sur les hauteurs dominantes de Craonne.
La division de cavalerie de la garde du 2e C. C. appuya avec son artillerie l'attaque du XII C. A. à l'ouest de Corbeny.
La 2e C. C. se tenait prête au combat dans les bois au sud de Prouvais. La 1re armée s'était défendue ce jour-là sur la ligne Cuts, Fontenoy, Vailly.
La tête du IXe C. R. était déjà arrivée le 15 septembre jusqu'à Noyon; une forte cavalerie ennemie avec artillerie qui menaçait le flanc du IXe C. R. fut repoussée.
La 1re armée mentionna dans son rapport :
" Liaison en arrière non sans danger; colonnes de toutes armes venant de Clermont atteignaient à midi Compiègne ". Ce rapport provoqua le radio suivant du G. Q. G. parti le 15 septembre à 11 heures 55 minutes du soir.
" Rapport 1re armée sur événements du 15 septembre ne dit pas clairement quel est l'état des choses sur l'extrême aile droite de la 1re armée et si la 1re armée s'est conformée à l'ordre de Votre, Excellence de se garder par un échelonnement prononcé contre surprises sur son flanc droit.
" Le G. Q. G. tient cela pour absolument nécessaire. L'ordre général d'hier, d'après lequel la 1re armée doit se dérober par une retraite droit au nord à une action de flanc dangereuse de la part de l'ennemi, subsiste complètement. "
Copie de cet ordre fut aussitôt transmise au Q. G. A. 1 avec cette addition :
" Il est bien entendu que le IXe C. R. ne sera engagé qu'en cas de nécessité absolue et seulement pour permettre à l'armée de rompre le .contact. " Cependant l'avant-garde du IXe C. R. avait déjà traversé l'Oise près de Noyon et se trouvait engagée dans le combat livré par l'aile droite de la 7e armée. Pour mieux étayer l'aile droite des armées allemandes et conformément aux ordres du G. Q. G., le 2e C. C. avec les 23e et 9e D. C. fut envoyé sur cette aile le 16 à la première heure par Coucy-le-Château et fut, comme la 9e C. R. et la 7e D. C., attaché à la 7e D. C.
L'offensive engagée dés le 15 au soir par la 1re armée fut poursuivie le 16. D'après un rapport de cette armée, la 18e division de réserve prit Carlepont et poursuivit l'ennemi vers Tracy-le-Mont. La 17e D. R. rejeta à l'ouest de l'Oise des fractions du XIIIe C. A. français qui débarquait à Creil.
Le IXe C. A. participa à ce mouvement d'attaque; la 7e D. C. avança en direction de Compiégne.
Le reste de la 1re armée se, maintenait sur ses positions. Cette armée fut dans l'impossibilité de sa conformer à l'ordre de soutenir le VIIe C. R. avec 2 corps de son aile gauche. Seul le IIIe C. A. se porta de Celles et de Vailly dans la direction prescrite.
La 7e armée devait le 16 continuer l'attaque et prendre possession du passage de l'Aisne à Maizy, Pontavert et Berry-au-Bac.
En même temps la 2e armée devait prendre de nouveau l'offensive.
Le XVIIIe C. A. avait rejoint la 2e armée le 16 septembre à 11 heures du matin vers Auménancourt et Bourgogne et fut porté en première ligne entre le VIIe C. A., dont la zone de combat fut rétrécie, et le Xe C. A.
J'ordonnai pour 1 heure de l'après-midi l'attaque générale par l'aile droite de l'armée
VIIe XVIIIe et Xe C. A. Le IXe C. R. et la 2e D. I. G. devaient défendre leurs positions, le Xe C. R. devait s'engager dans le combat par son artillerie, menacer d'une attaque sur Reims.
La 1re D. I. G. resta à Fresne à la disposition du commandant en chef. L'attaque des 7e et 2e armées progressa, bien que lentement.
Pour le 17 septembre, la continuation de cette attaque fut prescrite.
La 1re armée avec le IIIe C. A., encore renforcé selon les possibilités, devait appuyer en direction sud-est l'attaque de la 7e armée et pour le surplus maintenir ses positions. Le IXe C. A. et la IXe C. R. ne devaient pas attaquer à fond pour ménager la possibilité de rompre le combat; ces deux corps devaient ensuite s'échelonner en arrière dans la région Nampcel-Noyon. Dans la 2e armée les VIIe, XIIIe et Xe C. A. devaient encore dans la nuit du 16 au 17 franchir le canal et dès la pointe du jour entreprendre l'attaque dès hauteurs leur faisant face.
Mais de son côté l'ennemi passait à la contre-offensive sur toute la ligne. Alors s'engagea la dernière lutte acharnée entre les deux fronts, lutte dans laquelle l'ennemi fut, il est vrai, partout refoulé et contraint à la défensive jusqu'à l'extrême aile ouest, mais où aussi du côté allemand aucun progrès réel ne put plus être réalisé.
Toutefois, le 17, la prise d'assaut du fort de Brimont amena la capture de 3.500 prisonniers et permit, par l'occupation de Loivre, de prendre solidement pied sur la rive ouest du canal.
Dans la nuit du 18 au 19, la 2e D. I. G. fut relevée de sa position à l'aile gauche de l'armée par la 12e D. I. de la 3e armée qui étendit son front d'autant.
Le corps de la garde fut regroupé entre l'est du fort de Vitry-les-Reims et Berru, à la disposition du commandant en chef.
Cependant Il ne pouvait être question pour le moment d'engager à nouveau la garde. Par suite de la force des positions ennemies il fallait d'abord soumettre la place de Reims à un bombardement systématique.
Tant qu'un résultat sérieux n'aurait pas été obtenu par ce moyen, aucune nouvelle poussée en avant ne paraissait possible.
Au cours des longs combats qu'elle avait soutenus, l'infanterie avait vu fondre ses effectifs jusqu'aux deux cinquièmes de leur valeur normale sans que des renforts appréciables lui fussent parvenus. On représenta donc au G. Q. G. l'impérieuse nécessité de la prompte arrivée de renforts suffisants.
Le 19 au soir les combats, de part et d'autre, furent à peu près arrêtés; le G. Q. G. rappelait à nouveau à la plus grande économie des munitions. Le 20 septembre, le bombardement de Reims fut cependant encore continué. Cette journée fut d'ailleurs consacrée à reconstituer les unités qui avaient été disloquées dans les combats des jours précédents. Pour soulager les autres corps une division de la garde fut de nouveau portée en première ligne entre le Xe C. A. et le Xe C. R.
Un rapport sur la situation fut adressé le 20 septembre au G Q. G. avec cette addition que, selon les vues du Q. G. A. 2, la décision devait être maintenant recherchée à l'aile ouest allemande.
Le commandement retirerait donc le 21 septembre le XVIIIe C. A. de la première ligne et le tiendrait prêt à une marche éventuelle vers l'ouest. Cette conception de la situation fut encore développée le 21 septembre à l'occasion d'une visite du faisant fonctions de chef d'état-major général de l'armée en campagne au poste de commandement de la 2e armée à Vitry-les-Reims.
Mes suggestions, qui furent d'ailleurs consignées par écrit, se résumaient dans les propositions suivantes
La 1re armée tiendra aussi longtemps que possible la ligne conquise et ne cédera qu'à une pression sur son aile droite.
La 6e armée n'enverra aucun renfort de la Ire armée.
La 6e armée se concentrera non vers Saint-Quentin mais bien vers Amiens.
La 6e armée sera renforcée par tous les moyens possibles, la 2e armée mettra pour cela à sa disposition le XVIIIe C. A. et même éventuellement la garde. Dans les autres armées, tout ce qui sera disponible où que cela soit devra être rendu libre.
C'est seulement lorsque toutes les forces seront rassemblées près d'Amiens que l'on portera le coup décisif à l'ennemi qui se sera lui-même rassemblé au nord de Paris contre le flanc droit de l'armée. La destination projetée pour le XVIIIe C. A. ayant reçu l'assentiment du G. Q. G., ce corps se met en marche le 22 septembre par Laon vers la 6e armée; seule une brigade d'infanterie renforcée fut encore placée en soutien de la 7e armée près de Chermizy.
Au cours de la journée du 22 septembre se multiplièrent les indices que l'adversaire retirait d'autres forces du front pour les affecter à l'extrême aile ouest.
J'envoyai en conséquence le 22 septembre au soir le radio suivant au Q. G. G. :
" Ennemi renforce encore aile ouest; il est à craindre que 6e armée engage de nouveau le combat avec fractions arrivant isolément; il faut éviter cela. J'envisage donc la constitution d'un nouveau groupe d'armées sous mon commandement. 18e C. A. déjà le 23 à la Fère. Garde et D. C. G. jusqu'au 25 en cours de transport par chemins de fer sur Ham, VIIe C. A. suivra d'ici au 26, Xe C. A. et Xe C. R. tiennent positions actuelles de l'armée. Je demande votre accord là-dessus ".
Cette proposition renouvelée ne reçut malheureusement pas de réponse, Il parvint d'abord du G. Q. G. un premier avis que des nouvelles instructions étaient en route pour le G. Q - A. 2.
Celles-ci, arrivées peu après, renfermaient les prescriptions pour la constitution de la 6e armée sur l'extrême aile ouest de l'armée allemande.
Pendant ce temps, les 1re, 7e et 2e armées devaient, par une action offensive, fixer l'adversaire qui leur était opposé. Les 1re et 7e armées conformément à mes propositions recouvraient leur indépendance. Par suite de la grande extension qu'avaient pris les fronts des 2e, 7e et 1re armées, il était devenu impossible de conserver, à côté du commandement de sa propre armée placée à l'extrême aile gauche, la direction des opérations des deux autres armées suivant les instructions du G. Q. G. Le 23 septembre à 3 heures 30 minutes, du soir arriva encore du G. Q. G. la décision suivante :
" Propositions 2e armée devancées par l'ordre général du 22 septembre.
Au cas où l'activité, offensive réclamée dans cet ordre pour fixer l'ennemi permettrait le retrait du front de plus grandes forces, il y aura lieu à rapport,
XVIIIe C. A. déjà passé à la 6e armée. Au sujet de l'avance de XVIIIe C. A. le 23 jusqu'à La Fère, tout à fait d'accord.
Q. G. A. 2 informera 6e armée.
D. C. G. gagnera, le 24 la région est de La Fère. Aviser état-major D. G.. Informer 6e et 1re armées ".
Dans ces conditions il me fallut renoncer à renforcer davantage l'aile droite de l'armée, car un plus grand affaiblissement de la première ligne de combat était incompatible avec l'activité offensive réclamée.
Le corps de la garde que, dans l'espoir d'un accord avec le G. Q. G., j'avais déjà retiré de la ligne de combat y fut par suite replacé et, seul, le 1er C. C. avec la D. C. G. fut mis en marche sur Laon.
Une division du C. G. resta à Courcelles-les-Lavannes à ma disposition.
Les attaques partielles de l'adversaire qui se répétèrent les jours suivants furent partout facilement repoussées; l'ennemi éprouva même en certains points des pertes assez sérieuses.
Le 25 septembre, le G. Q. G. fut transféré de Luxembourg à Mézières; le chef d'état-major de la 2e armée y fut convoqué pour 3 heures de l'après-midi. On lui fit savoir là que la persistance du mouvement de tiroir de l'armée française sur la gauche rendait désirable une attaque immédiate des 1re, 7e, 2e,et 3e armées et que l'on comptait que ces armées attaqueraient dès le 26 au matin.
En présence de cette demande pressante, j'ordonnai aussitôt l'attaque pour le 26 au matin, bien qu'il fût à peine possible d'espérer une action combinée de toutes les armées dans le court délai dont on disposait. Le G. Q. G. fut informé que la 2e armée attaquerait le 26 à 3 heures du matin et les ordres nécessaires furent donnés immédiatement. La 1re D. I. G. fut portée en ligne entre la 19e D. I. R. et la 2e D. I. G.
Mais, dans la même nuit, l'ennemi entreprenait avec de grandes forces une attaque, contre le flanc, droit de l'armée. On parvint à la vérité à enrayer cette attaque; mais le VIIe C. A. dont les unités s'étaient disloquées pendant le combat de nuit ne réussit pas à faire progresser son centre et son aile droite; seule l'aile gauche et le Xe C. R. poussèrent jusqu'au delà de la route Courcy-La-Neuvilette.
Quant au C. G. (moins la' 1re D. I. G. ) et à la 19e D. R. qui se trouvaient en face de Reims, je m'étais réservé de fixer ultérieurement le moment de leur entrée en action, leur avance vers Reims ne devant s'effectuer qu'autant que la ville serait suffisamment encerclée au nord et au sud.
Le Xe C. R. (moins la 19e D. R.) renforcé far la 1re D. I. G. devait, à 3 heures du matin, rejeter l'ennemi qui, le 25 au soir, avait avancé au-delà du fort de la Pompelle, et s'emparer ensuite de Taissy et de Sillery ainsi que des hauteurs au sud de ces localités.
Cette attaque traîna d'abord en longueur jusqu'à l'aube. Cependant la 1re D. I. G., avançant avec une grande bravoure sous les ordres du général von Hutier, réussit à pourchasser l'ennemi jusqu'au canal à l'est de Sillery en lui infligeant de grandes pertes; mais là, sa progression fut arrêtée par des feux de flanc, partant de droite et de gauche.
La 2e D. R. G. qui attaquait à sa droite ne réussit pas le 26 à dépasser le fort de la Pompelle; l'aile droite de la 3e armée, à gauche de cette division, ne parvint pas davantage à progresser.
J'ordonnai de reprendre l'attaque le 27 septembre dès 5 heures du matin par l'aile droite de l'armée VIIe C. A., Xe C. A. et C. G. (moins la 1re D. I. G.).
La 1re D. 1. G., après s'être repliée, et le Xe C. R. devaient maintenir leurs anciennes positions et mettre à ma disposition à Caurel-les-Lavannes une brigade d'infanterie renforcée de la 1re D. I. G.
Mais, dès le 27 septembre, arrivèrent du G.Q.G. de nouvelles instructions à la suite desquelles tout mouvement offensif devait être suspendu; elles stipulaient :
" En vue de renforcer l'aile droite des armées, la moitié du corps de la garde et toutes les troupes à pied attachées aux divisions de cavalerie disponibles à la 2e armée seront dirigées par chemin de fer sur la 6e armée en direction Péronne, armes à cheval à Saint-Quentin ".
Les mouvements prescrits furent préparés dès le 27 au soir à la faveur de la nuit.
Sur le C. G. furent prélevés le régiment des hussards de la garde du corps (moins 2 escadrons) et le 2e régiment des uhlans de la garde (moins le 1er escadron), sur le VIIe C. A., le 16e régiment de uhlans (moins le 2e escadron), sur le Xe C. A., le 2e escadron du 17e régiment.
Le 29 septembre on fit suivre sur Saint-Quentin le général commandant de C. G. avec la 2E D. I. G. (moins une brigade d'infanterie renforcée) : en même temps l'état-major et un escadron du 17e régiment de hussards. Le 1er octobre, les dernières troupes du C. G. furent mises en marche sur le même point.
Le 3 octobre, une brigade d'infanterie renforcée du VIIe C. A. et, le 5 octobre, le reste de la 13e D. I. s'avancèrent en direction de Cambrai vers l'aile droite de l'armée allemande.
Dans la nuit du 7 au 8 octobre, le commandement du VIIe C. A. et la 14e D. I. furent relevés de première ligne et suivirent le 8 au matin la 13e D. I. en direction Cambrai.
Le regroupement des armées que l'on avait en vue eut lieu à la suite de l'ordre général du 9 octobre; le Xe C. A. et le Xe C. R. furent réunis à partir du 10 octobre au soir aux XIIe C. A., XVe C. A. et VIIe C. R. sous le commandement du chef de la 7e armée.
En me séparant de ces deux derniers éléments de la 2e armée qui avait compté jusqu'à 7 corps d'armée et 3 divisions de cavalerie, je leur adressai l'ordre du jour suivant " S. M. l'Empereur m'a placé à la tête d'une armée de nouvelle formation. Aux deux derniers corps de l'ancienne 2e armée, dont les noms sont à tout jamais liés à ceux des grandes batailles de Namur et de Saint-Quentin et des glorieux combats du Petit Morin et de Reims, je fais ici mes adieux et je souhaite à leurs vaillantes armes nouveaux succès et victoire. "
von BULOW,
Général Feld-maréchal.
Écrit en décembre 1914.