LES COMBATS DES THOMASSETS ET SA COMMÉMORATION DE 1916

RAPPEL - En 1914, les 24ème et 28ème R.I. forment la 11ème Brigade de la 6ème D.I., du 3ème C.A., de la 5ème Armée. La 6ème D.I. est commandée depuis le 31 août (après la bataille de Guise) par le Général Pétain et possède les trois groupes de 75 du 22ème R.A.C.

 

Ce texte est tiré de l'ouvrage "LES ARMEES FRANCAISES DANS LA GRANDE GUERRE" TOME 1, VOLUME 2, CHAPITRE XI, de la page 668 à la page 669 , ce document est reproduit avec l'autorisation du Service Historique de l'Armée de Terre N° 24/03/2000*004130. Merci au SHAT.

"Cependant le 4, dès 2 heures du matin, la Ve armée s'est remise en marche vers le sud. ..........

Le 3e corps atteint tout d'abord sans grandes difficultés la rive gauche du Surmelin.

Là, vers 8 h 30, inquiété par le bruit de la canonnade qu'il entend sur sa gauche, vers l'arrière-garde du 18e corps, il se forme, la 6e division à droite au sud de Ville-sur-Orbais, la 37e division à gauche vers Margny et Corrobert, en mesure de faire face à une attaque venant de l'ouest ou du nord-ouest. La 5e division en échelon en arrière à gauche dans la région Janvillers, Fromentiéres, Vauchamps se tient prête à faire face à une attaque ennemie débouchant de Montmirail vers Vauchamps sur le flanc gauche des divisions de première ligne.

Dans l'après-midi, la canonnade se ralentissant vers l'ouest, l'ordre est donné de poursuivre le mouvement vers le sud. Mais la 6e division, assez fortement attaquée au sud-ouest de Ville-sous-Orbais, doit contre-attaquer l'ennemi pour se dégager. A la nuit, néanmoins, elle se replie en bon ordre vers Janvillers et Vauchamps. La 5e division, à sa droite, a atteint la région de Fromentières. A sa gauche, la 37e division après avoir été harcelée légèrement vers Margny se retire au sud-est de la forêt de Beaumont, dans la région la Haute-Vaucelle, Bergères-sous-Montmirail.

Le corps d'armée, dont les troupes sont très fatiguées, stationne couvert par des avant; postes établis sur la ligne sud d'Orbais, Fontaine-Chacun, Corrobert, l'Echelle-le-Franc, où s'établit la liaison avec le groupe de divisions de réserve. "

 

Merci à Monsieur Jean Vedovati qui nous a transmis ces documents, extraits de l'Almanach Matot Branie 1915 - 1917.

Voici la narration que nous a faite M. Favret, fermier des Thomassets, du combat dont il fut témoin : " A Château-Thierry, les Allemands ayant passé la Marne, dont le pont n'avait pu être détruit, tentèrent de surprendre l'arrière d'un convoi français qui se trouvait arrêté par l'encombrement de la route, au lieudit " La Petite-Forêt ", entre Le Breuil et Verdon. Un premier combat eut lieu près de Verdon, à 8 heures du matin, entre ces Allemands et des tirailleurs algériens qui défendirent le convoi, lequel put être sauvé, moins quelques voitures qui furent incendiées. L'ennemi, traversant rapidement les bois de Genlis, attaqua vers midi les 24e et 28e de ligne (les pertes du 24e sont les plus élevées) avec leurs réserves, et le 22e d'artillerie qui l'attendaient depuis le matin sur les hauteurs dominant La Ville-sous-Orbais. Nos soldats portés sur une éminence proche de la Ferme de la Bufferie, soutinrent vaillamment le choc, malgré leur grande fatigue (ils avaient dormi cinq heures en cinq jours) et firent subir à l'ennemi des pertes sévères. Mais l'arrivée, vers 2 heures, de mitrailleuses dont les nôtres étaient dépourvus et de renforts allemands venant de Dormans, força nos soldats à se replier, échelon par échelon, jusqu'à la ferme des Thomassets et les petits bois voisins qui furent défendus avec acharnement. La ferme fut prise et reprise à la baïonnette. Furieux, les Allemands achevèrent des blessés dans la cour. Le combat se termina vers 7 h 1/2 du soir par la retraite des nôtres vers Fromentières où l'ennemi s'empara d'une ambulance avec 40 Français blessés, installée à la Ferme de Bièvre. Beaucoup de braves sont tombés dans la plaine et dans la ferme et reposent sur les lieux. Le nombre en est supérieur à 200, mais je ne peux préciser, les Allemands en ayant inhumé une partie. Le lieutenant Schiffer, blessé vers 2 heures d'un éclat d'obus au front, continua à diriger ses hommes et tomba frappé d'une balle dans la tête à la fin du combat. L'adjudant Durieux, commandant une compagnie, ayant été blessé également non loin de là, est allé mourir dans un bois, à 500 mètres plus loin. En ces lieux, un certain nombre de sous-officiers reposent avec leurs hommes. L'un d'eux, le sergent Hauduc, a pu être reconduit au cimetière de La Ville. 80 blessés français, abandonnés sans secours, furent soignés pendant trois jours par ma femme et ma fille aidées d'une dame émigrée. Emmenés par les Allemands à Le Breuil, ils furent délivrés le 10 septembre suivant, par nos troupes victorieuses sur la Marne. Les pertes des ennemis paraissaient plus élevées que les nôtres. Un calcul fait par eux à la porte de l'église de La Ville porte le chiffre de 240 hommes, plus une trentaine enterrés à Le Breuil. 1 capitaine, 5 lieutenants et 5 sous-officiers de race noble furent inhumés dans le cimetière de la Ville. Plusieurs officiers tués par l'artillerie française, reposent également à Le Breuil. Le reste est enfoui près de la ferme de la Bufferie. Mais, on prétend qu'une partie des cadavres fut enlevée pour être incinérée. - Favret Louis, cultivateur, Maire de la Ville-sous-Orbais (Marne). "

 

Le deuxième anniversaire du combat des Thomassets.

Le dimanche 3 septembre 1916 a eu lieu, sous le patronage du " Souvenir Français ", à Orbais-l'Abbaye et la Ville-sous-Orbais, une manifestation patriotique pour commémorer le deuxième anniversaire du combat qui se déroula sur le plateau des Thomassets, autour de la ferme du même nom, le 4 septembre 1914. Matin et soir, la cérémonie fut suivie par une foule considérable et respectueuse.

Le matin, à dix heures, un service solennel fut célébré par M. le Curé-Doyen, dans l'église abbatiale d'Orbais qui était tendue de draps mortuaires et pavoisée aux drapeaux des alliés. L'assistance se pressait dans les nefs, autour de la délégation du " Souvenir Français ", des familles en deuil et des personnalités civiles de la région: Les jeunes filles de la paroisse accompagnèrent les rites de la cérémonie de chants funèbres appropriés. M. le Doyen monta en chaire et rappela avec émotion le combat dont on célébrait la mémoire en remerciant le " Souvenir Français " de sa présence. Il nomma les enfants de la commune qui, à l'exemple de ceux des Thomassets, ont donné leur sang pour la défense de la patrie. Ensuite, un De Profundis fut récité pour le repos de l'âme des vaillants soldats. L'office prit fin au milieu de l'émotion patriotique la plus intense.

L'après-midi, à trois heures; la délégation du " Souvenir Français ", MM. les Maires de La Ville et d'Orbais, les autorités civiles de la région, les autorités militaires occupant les lieux, les familles des soldats des Thomassets et un grand concours de population se trouvèrent réunis autour des tombes militaires. Dans une tribune dressée face à la ferme où se déroula le combat, les autorités prirent place. Là encore, les jeunes filles d'Orbais entonnèrent des chants pour glorifier les noms des morts, tandis que les dames du " Souvenir Français " déposaient des roses sur leurs tombes. Ensuite, M. Léo Corvisier, délégué du " Souvenir Français ", prit la parole et prononça le discours qui suit :

Mesdames, Messieurs,

C'eût été le rôle de M. Golly-Flosse, président du " Souvenir Français ", plutôt que le mien, de prendre la parole au cours de notre première visite au champ de bataille des Thomassets. Mais M. Golly-Flosse est trop frappé de douleur par la mort de son fils pour qu'il puisse exprimer autre chose que des larmes. Le lieutenant Léon Golly, du 61e bataillon de chasseurs à pied, a été tué le 10 septembre 1914, dans les Vosges, près de Rambervillers, en menant ses hommes à la charge. Il avait vingt-cinq ans, de l'intelligence et du cœur. Il est tombé en criant : " Vive la France ! " On comprend l'émotion insurmontable de M. Golly-Flosse s'il devait prononcer tout haut ces mots maintenant deux fois sacrés pour lui et sa famille et qui résonnent déjà si cruellement dans le fond de son cœur.

Mesdames, Messieurs,

Voici revenus, pour la seconde fois, les temps anniversaires des temps affreux et magnifiques de 1914. Le " Souvenir Français ", qui se recueille toute l'année pour penser aux soldats morts, aime à se rappeler, dans ces premiers jours de septembre, la façon dont sont tombés ceux de la Marne. A genoux dans sa tristesse muette, il entend tout à coup des voix ; et c'est le souvenir qui parle, le souvenir des choses françaises qu'il a juré de conserver en lui et d'exalter autour de lui. Alors, sa tristesse devient de l'enthousiasme, ses larmes des sanglots. Il se lève et à travers les plaines et les coteaux champenois, il s'en va, guidé par les milliers de voix montant de la terre. Appelé de tous côtés, il va, il va, selon les croix dont nos routes sont jalonnées et plantés nos champs. Il les rencontre de plus en plus nombreuses à mesure qu'il avance. Demain, il sera à Fère-Champenoise, à Sézanne, à Esternay, à Montmirail. Puis il trouvera le but de son pèlerinage : Meaux, avec ses plaines sacrées. C'est là qu'il s'inclinera dans l'admiration de ces soldats qui, de concert avec Dieu, ou peut-être dieux eux-mêmes ont accompli le miracle de la Marne.

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