LA BATAILLE DE LA MARNE VUE PAR LE GENERAL PALAT

INTRODUCTION

INTRODUCTION

 

La première bataille de la Marne jalonne l'un des principaux tournants de la guerre. Ce n'est pas que, dès ce moment, le triomphe final soit assuré aux Alliés, comme on l'a, trop souvent écrit. A plusieurs reprises, notamment aux printemps de 1917, et de 1918, ils devaient courir les risques les plus sérieux, mais, dès le milieu de septembre 1914, il était devenu certain que la guerre ne serait pas " courte et joyeuse ", comme l'avaient rêvée les Allemands. Il faudrait à ceux-ci, dans tous les cas, de pénibles et longs efforts pour vaincre. Quelle qu'elle dût être, la victoire n'aurait jamais le caractère de soudaineté et d'achèvement total que nos adversaires avaient compté lui donner.

Dans le présent volume, grâce à une précieuse documentation pour laquelle nous ne saurions trop remercier nos anciens chefs et nos vieux camarades, nous avons pu, croyons-nous, rétablir la vérité sur, certains faits que l'ignorance, le parti-pris, l'amour-propre ou d'autres mobiles de même ordre avaient défigurés. Ainsi du rôle de la cavalerie française à l'extrême gauche, qui n'a nullement eu le caractère de passivité et d'inertie qu'on lui impute généralement. De même pour celui de la division Grossetti à la 9e armée les 9 et 10 septembre. Trop souvent on lui prête une influence capitale sur la décision, alors qu'elle y est restée presque absolument étrangère. Il existe des lacunes dans notre récit. Nous n'avons pas rapporté en détail certains épisodes pour diverses raisons. En premier lieu, l'intérêt d'une action de guerre n'est pas toujours en proportion des effectifs engagés. Tel combat, qui a mis aux prises des milliers d'hommes et des centaines de canons, ne possède qu'une importance relative, soit à cause de son caractère traînant, soit parce qu'il ne pouvait conduire à une décision.

D'autres fois, à notre grand regret, les documents nous ont fait défaut. Grâce au silence organisé au sujet de la Grande Guerre, on se demande dans quel but, nous en sommes parfois réduits à des Souvenirs d'ordinaire confus, incertains et presque toujours dépourvus de précision, ou à des ouvrages de seconde main qui, souvent, ne valent pas davantage. Nous faisons donc appel à nos lecteurs pour combler les lacunes du présent récit et, au besoin, le rectifier.

Il est bien des façons d'écrire l'histoire contemporaine. On peut chercher et dire la vérité, au risque de froisser les idées régnantes. On peut aussi respecter les légendes et les consacrer par un semblant de documentation. Le dernier procédé, qui n'est pas le nôtre, est celui le plus goûté du grand public. Ce dernier admet qu'au lieu d'écrire comme jadis des livres expurgés ad usum Delphini, on en rédige l'usage du peuple et pour sa satisfaction personnelle. La démocratie a moins encore le goût de l'histoire vraie que l'aristocratie d'autrefois. Elle en cherche aussi peu que possible les enseignements; elle les dédaigne même quand ils éclatent, fulgurants, parmi la poussière des régimes écroulés. D'où une ignorance générale de l'histoire, du moins chez nous. Elle dépasse tout ce qu'on pourrait imaginer.

Quoi d'étonnant, dès lors, si notre vie nationale n'est qu'un perpétuel recommencement, chaque génération répétant servilement les erreurs, les fautes, les crimes même qu'ont commis les précédentes et qu'elles ont dû expier par des flots de sang ?

Comment ne pas évoquer ces considérations douloureuses, quand on voit déjà chez nous, au sortir de la plus sanglante, de la plus ruineuse des guerres, renaître toutes les folies qui ont contribué à la déclencher, à la prolonger au delà de toute attente ? Non contents de s'être laissés impudemment berner avant la guerre, par leurs camarades de l'Europe centrale, certains de nos compatriotes n'ont pas de plus grande hâte que de leur offrir de nouveau les bons offices qui viennent d'être si mal récompensés. Le sort de l'Allemagne criminelle et parjure les touche davantage que celui de la Belgique et de la France sanglantes et appauvries. L'un de nos plus illustres écrivains, après un instant de remords, revient à ses thèses favorites d'avant la mobilisation. Il supplie les instituteurs de ne plus élever les enfants dans la pensée que la guerre est toujours possible. Il veut qu'on jette au ruisseau " les panoplies de maréchaux; de généraux et autres ", qu'on " brûle tous les livres qui enseignent la haine, même la haine pour l'ennemi d'hier... La guerre est un crime atroce et périmé. L'union des travailleurs fera la paix du monde ! "

Si la démocratie française ne s'affranchit pas du règne des mots, des phrases toutes faites, si elle ne consent pas à plier ses actes à l'étude des faits! à comprendre que le futur est toujours fonction du passé, elle sera nécessairement appelée à disparaître devant nos adversaires d'hier et de toujours. La paix de 1919 n'est, selon toute apparence, qu'une trêve. Grâce à des faiblesses, à des complaisances, à des négligences sur lesquelles il est inutile d'insister; l'Allemagne sera bientôt susceptible d'un violent effort. Elle trouvera peut-être dans la Russie une immensité à coloniser, des ressources sans fin en hommes, en matières premières, en aliments. Qui oserait affirmer qu'un jour ne viendra pas où, de nouveau consciente de sa force, elle se ruera sur l'occident de l'Europe et y renouvellera ses exploits de 1914 ? Est-ce l'aide assurément tardif de la Grande- Bretagne et des Etats-Unis qui pourrait enrayer cette ruée ? Ces deux pays, eux-mêmes, seront-ils à même d'intervenir ? Le voudront-ils, s'ils le peuvent ?

Ces considérations font que nous cherchons, dans les cendres d'un passé encore brûlant; des enseignements et des avertissements pour l'avenir. Nous redoutons surtout, pour notre pays, l'influence néfaste de ceux qui n'ont rien appris et rien oublié dans ces cinq cruelles années, de ceux qui réservent toutes leurs haines pour leurs compatriotes et ne voient dans la guerre étrangère qu'un moyen de préparer sûrement la guerre civile. C'est en complète opposition avec leurs tendances et leurs actes que nous avons écrit ce livre. Nous le dédions à ceux qui, en dépit de tous les sophismes; entendent rester passionnément Français, à ceux qui ont obscurément défendu le sol national, aux combattants de la Marne, de l'Yser, de Verdun, de la Somme, des Balkans, à ceux qui ont à force de souffrances et de sang provoqué l'écroulement du colosse allemand au 11 novembre 1918.

L'Espinose, Clisson, le 18 juillet 1920.

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