QUELLE EST L'IMAGE DES AVIATEURS EN 1914

"Le 1er septembre, j'arrive à Creil commander l'aviation de la VIe armée. En guise de bienvenue, le colonel G., chef d'état-major de Maunoury, me déclare que les aviateurs sont des acrobates indisciplinés avec lesquels il ne veut pas perdre son temps ", et, sans rien me dire de ma mission, me met sous la coupe du commandant D., chef du 2e bureau.

"L'aviation de la VIe armée est formée de deux escadrilles, la R. E. P. 15 (capitaine Geibel) venant de la IVe, la M. F. 16 (capitaine Mauger-Devarennes) de la IIIe armée... Quatre lieutenants cavaliers lui sont affectés comme observateurs, mais aucun n'est monté en avion avant ... hier. Le 2 septembre, je m'installe au nord d'Écouen, près du P. C. de l'armée. Mes reconnaissances montrent de façon évidente que le gros des Allemands a franchi l'Oise à Verberie et en amont, en direction du sud-est, mais, en fin de marche, leurs têtes de colonne sont orientées au sud, vers Paris. Le commandant D., qui connaît par le G. Q. G. la directive du 27 août dirigeant Kluck vers la basse Seine, refuse de me croire et m'ordonne d'explorer la zone à l'ouest de l'Oise (Mantes-Beauvais), où il est sûr que se trouvent les Allemands ... Le 3 au matin, en dépit de cette affirmation, renouvelée par le 2e bureau, je persiste à doubler les reconnaissances demandées par d'autres lancées vers l'est. La R. E. P. 15 me rend compte qu'une colonne allemande, venant de Senlis, arrive à Orry-la-Ville, mais la M. F. 16 me confirme que les colonnes de Kluck filent vers le sud-est et que les routes allant de Crépy-en-Valois et de Senlis vers Nanteuil-le-Haudoin et à l'est sont encombrées de troupes et de parcs. Il ne peut plus être question d'une attaque sérieuse sur Paris. Je saute en auto avec mes équipages chez D., qui, une fois de plus, se refuse à accorder foi à leurs témoignages. Même attitude du chef d'état-major ...

" Estimant n'avoir pas le droit de laisser ignorer un changement si important de l'aile droite allemande, je guette en vain l'arrivée de Gallieni et de Maunoury, et offre mon information à qui veut l'entendre : c'est le cas des officiers de liaison de French et de Gallieni, qui avertissent aussitôt leurs chefs ... Morne matinée le 4 septembre : mes équipages, découragés, exécutent sans entrain leur mission et je n'ose plus dépasser les ordres reçus. Vers midi, coup de théâtre : tout change... Maunoury reçoit de Gallieni l'ordre de se tenir prêt à marcher à l'est, et moi celui de " reconnaître en direction de Château-Thierry ". La nouvelle épanouit le visage de mes aviateurs, qui, repartant cette fois pleins de confiance, vérifient que les avant-gardes de Kluck sont au sud de la Marne ... La menace sur Paris est écartée et mon personnel jubile... "

 

Lieutenant-colonel BELLENGER.


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