LA BATAILLE DE GUISE

(Vue Les Armées Françaises dans la Grande Guerre)

Le 27 août au matin, le commandant en chef adresse au général Lanrezac le message suivant :

" Vous m'avez exprimé votre intention, dès que vous serez sorti de la zone boisée où l'emploi de votre artillerie est difficile, de bousculer par une contre-offensive bien appuyée par l'artillerie les troupes qui vous suivent. Non seulement je vous y autorise, mais j'estime cette attaque indispensable. L'état de vos troupes est bon, leur moral est excellent. Il faut en profiter. Agir autrement serait diminuer le moral et compromettre peut-être le résultat de la campagne. La zone de Vervins dans laquelle vous arrivez se prête bien à cette opération. Il n'y a pas lieu de tenir compte de ce que font les Anglais à votre gauche. "

Au reçu de cette communication, le général Lanrezac fait aussitôt préciser par le grand quartier général qu'il s'agit bien pour la Ve armée de contre-attaquer l'ennemi sur la rive sud de l'Oise, les terrains de la rive nord ne se prêtant pas à l'emploi de l'artillerie. Ainsi orienté, il rend compte qu'en exécution des instructions qu'il vient de recevoir il arrête à hauteur de Vervins le mouvement de repli de ses troupes et qu'il va se tenir prêt à attaquer avec toutes ses forces les colonnes ennemies qui déboucheraient au sud de l'0ise. Mais, pour cette opération, il est essentiel que l'armée procède au resserrement de son front et elle va s'y employer.

Le général Lanrezac avise de sa décision le commandant de la IVe armée, tout en lui demandant ses intentions et la situation de sa gauche. Celle-ci a pour mission de tenir le 27 août à Signy-l'Abbaye , continuant à assurer la liaison avec la Ve armée. Le général de Langle de Cary va d'ailleurs engager dans l'après-midi une bataille sur la Meuse pour empêcher l'ennemi de déboucher sur le front Donchery, Remilly.

Les mouvements prévus pour la journée s'exécutent sans incident à la Ve armée.

A l'extrême droite, la 4e division de cavalerie, après avoir couvert le repli du Ier corps et assuré la liaison avec la IVe armée, vient stationner dans la région Blanchefosse, les Autels, la Férée.

Le 3e corps atteint la zone Coingt, Iviers, Morgny-en-Thiérache, Rozoy-sur-Serre, le 10e celle de Nampcelle, Jeantes-la-Ville, Plomion et Dagny. Le 3e corps est autour de Vervins, dans la zone Fontaine-lès-Vervins, Thenailles, Gercy, Hary; le 18e corps cantonne dans la région Haution, Marfontaine, Saint-Gobert et Sains-Richaumont.

Au 4e groupe de divisions de réserve, la 69e division, en assez mauvais état matériel et moral, stationne autour de Colonfay, entre Sains-Richaumont et l'0ise. La 53e, retardée dans sa marche par les colonnes anglaises qui ont traversé Guise pour se replier vers Mont d'Origny, stationne en fin de journée entre Audigny et Macquigny.

Le 27 août au soir en définitive, la Ve armée se trouve au sud de l'Oise et du Thon, ses gros sur la ligne générale Blanchefosse, Coingt, Vervins, Sains-Richaumont, ses avant-postes échelonnés sur ces rivières entre Aubenton et Guise.

Le général Lanrezac décide alors de resserrer le lendemain son front vers la gauche sur la ligne Surfontaine, Villers-le-Sec, Landifay, Richaumont, Laigny, l'armée prête à attaquer en direction du nord-ouest, le Ier corps en échelon en arrière à droite, sur la Serre.

Il fait part de cette intention au commandant en chef et donne en conséquence pour le 28 août les ordres suivants :

La Ve armée resserrera demain son front sur sa gauche et s'établira face au nord-ouest, prête à attaquer toute colonne ennemie qui franchirait l'Oise.

La 4e division de cavalerie, tout en restant à la disposition du Ier corps, éclairera l'armée dans la direction d'Hirson, Eteignières. La cavalerie des corps surveillera les directions de Mont d'Origny (18e corps) . Macquigny, Guise, Monceau-sur-0ise (3e corps) ; Chigny et la route de la Capelle, (10e corps.)

Les mouvements s'opéreront sous la protection des arrière-gardes établies le 27 août au sud de l'0ise et du Thon. Ces éléments ne se replieront que lorsque les nouveaux avant-postes seront en place sur le front général Brissy, Ribemont, Viermont ferme, Audigny, Colonfay, Haution, Vervins.

Sous cette protection, le 4e groupe de divisions de réserve viendra stationner dans la zone Renansart, Surfontaine, Chevresis-les-Dames, Nouvion-le-Comte, Nouvion-Catillon (Q. G.); le 18e corps dans celle de Villers-le-Sec, Pleine-Selve, Monceau-le-Neuf, la Ferté-Chevresis, Chevresis-Monceau (Q. G.) ; le 3e corps viendra dans la région Landifay, le Hérie-la-Viéville, Sains, la Neuville-Housset. Châtillon-lès-Sons, Sons (Q. G.) ; le 10e dans celle de Voulpaix, Gercy, Houry. Rogny, Marfontaine, Lugny (Q. G.); plus en arrière, sur la Serre, le 1er corps stationnera dans la région Cilly, la Neuville-Bosmont, Montigny-le-Franc, Agnicourt, Tavaux (Q. G.).

Ces instructions à peine données, le général Lanrezac reçoit du commandant en chef l'ordre suivant :

De certains renseignements reçus il apparaît que des éléments des 7e et 9e corps faisant partie de la IIe armée allemande qui vous est opposée sont laissés devant Maubeuge. Il est donc possible de venir en aide à l'armée anglaise en agissant contre les forces adverses qui se porteraient contre elle à l'ouest de l'0ise.

" En conséquence, vous porterez votre gauche demain matin entre l'Oise et Saint Quentin pour attaquer toute force ennemie marchant contre l'armée anglaise. "

Sur ces entrefaites, le commandant en chef reçoit la communication lui annonçant les intentions du général Lanrezac. Il insiste aussitôt sur l'importance particulière qu'il attache à l'attaque de la Ve armée, non plus face au nord-ouest, mais en direction de Saint-Quentin.

Le général Lanrezac sera donc amené, comme on le verra, à modifier ses dispositions, tout en laissant poursuivre les mouvements préparatoires qu'il vient de prescrire.

D'autre part, dès le matin du 27 août; le général Joffre a adressé au colonel Huguet le message suivant :

" Je donne l'ordre à la Ve armée d'exécuter à hauteur de Guise, Vervins une vigoureuse attaque sur les forces ennemies qui le suivent. A la gauche de l'armée anglaise, le corps de cavalerie la protégera contre toute action débordante de l'ennemi. D'autre part, devant votre front, l'ennemi semble à bout de forces et hors d'état de poursuivre. Dans ces conditions, il me paraît déjà que l'armée anglaise ne court pas de dangers et que son repli peut être méthodique et réglé sur le mouvement de la Ve armée de manière à ne pas découvrir le flanc gauche de cette armée.

Au moment on cet avis parvient à la mission française près de l'armée britannique, les renseignements sur la situation de ceux-ci ne sont pas encore précisés. On espère que le 2e corps pourra être réuni le soir à Saint-Quentin, le Ier à Origny-Sainte-Benoite. On n'a pas de nouvelles de la division de cavalerie qui a beaucoup souffert. Les 4e et 9e divisions de cavalerie allemande ont peu donné, et, si elles se montrent audacieuses, elles peuvent transformer la retraite en déroute. On escompte donc une coopération très effective du général Sordet, non seulement pour protéger les mouvements de l'armée anglaise, mais pour attaquer.

En outre, le maréchal French s'inquiète de savoir quand les divisions de réserve du général d'Amade seront à Péronne et en état d'agir.

A 14 heures, le général Joffre, sur la nouvelle que l'armée anglaise évacuerait complètement Saint-Quentin, demande confirmation de ce fait au colonel Huguet et il ajoute que " découvrir complètement la gauche du général Lanrezac au moment on il va contre-attaquer le mettrait dans une situation critique. D'autre part, nous avons deux divisions de réserve à Bertincourt et à Bapaume et tout le corps de cavalerie en avant. Sur la gauche même de l'armée anglaise, des forces nouvelles débarquent dans la région de Chaulnes. La situation n'est donc nullement critique pour elle." Effectivement, le commandant en chef transmet au corps Sordet par l'intermédiaire du général d'Amade, qui est à Bray-sur-Somme, l'ordre d'arrêter par tous les moyens la poursuite de l'armée anglaise par la cavalerie allemande.

En même temps, le lieutenant-colonel Brécart arrive au grand quartier général anglais à Noyon comme agent de liaison. Il fait confirmer au général Sordet par l'intermédiaire du colonel Huguet les intention du général Joffre, à savoir que le corps de cavalerie continue à assurer principalement sur ses derrières et vers l'ouest la sécurité de l'armée anglaise jusqu'à ce qu'elle soit en sûreté derrière la Somme, puis qu'il se maintienne dans la région de Saint-Quentin jusqu'à nouvel avis.

Mais vers 18 heures le colonel Huguet rend compte qu'une division de cavalerie allemande vient d'entrer à Péronne, risquant de transformer en déroute la retraite de l'armée anglaise dont la 4e division atteint Matigny, les 3e et 5e arrivant à Ham. Il estime de ce fait la situation excessivement grave.

Le général Joffre répond que l'ordre a été donné au corps Sordet d'intervenir à tout prix et que, depuis le matin, un corps d'armée actif débarque à Chaulnes et à l'ouest.

Comme ce dernier forme le noyau du nouveau groupement qui va constituer la VIe armée à la gauche de l'armée britannique, le commandant en chef assigne à celle-ci pour limite de sa zone d'action à l'ouest la route de Vermand, Douilly, Hombleux, Ercheu, Roiglise, Beuvraignes, Tilloloy, Tricot, la limite est demeurant fixée à l'Oise.

Dans la journée, en dépit des appels pressants du généralissime français, l'armée anglaise a continué son repli en deux colonnes, à l'est et à l'ouest de Saint-Quentin.

A droite, le 1er corps par Guise atteint la région Hauteville, Mont d'Origny sans être inquiété, mais non sans venir gêner la 53e division de réserve dont il a emprunté la zone de marche sur la rive sud de l'Oise. A gauche, le 2e corps et la 4e division, après quelques actions sans importance vers Monchy-Lagache, arrivent sur la Somme à Ham et Matigny sans être trop vivement pressés, grâce à l'intervention du corps Sordet et des divisions d'Amade, comme on va le voir. Le grand quartier général se transporte à Noyon. La division de cavalerie anglaise a eu de son côté quelques engagements avec des patrouilles ennemies au nord de Vermand.

En fin de journée, le 27 août, le colonel Huguet fait connaître au général Joffre, d'après des renseignements nouveaux, la situation très critique de l'armée anglaise. Le 1er corps présente encore une certaine cohésion, mais le 2e corps, soumis pendant trente-six heures de combat à un feu d'artillerie violent est extrêmement éprouvé. Il a perdu des effectifs considérables, une partie de son artillerie et de ses équipages et n'offre plus la moindre résistance. L'armée anglaise ne sera donc en état de reprendre la campagne qu'après un long repos et une reconstitution complète qui nécessiteront, pour 3 divisions au moins sur 5 , un délai de plusieurs jours ou même de quelques semaines, et dans des conditions qu'il n'est pas encore possible de préciser. Mais le gouvernement anglais exigera peut-être qu'elle soit tout entière reportée sur sa base du Havre, pour lui permettre de se refaire. Cet arrêt ne sera d'ailleurs que momentané, la volonté demeurant toujours également ferme d'entrer de nouveau en action aussitôt que possible. Dans ces conditions, la tactique d'enveloppement, qui s'est réalisée depuis huit jours et a amené sur l'aile gauche de notre ligne une masse ennemie suffisante pour l'accabler, va se poursuivre et s'exécuter dans des conditions d'autant plus faciles que cette ligne sera moins étendue. La gauche du général Lanrezac parait donc devoir être dans quelques jours très sérieusement menacée.

Ainsi informé de la situation de nos alliés, et reconnaissant l'effort qu'ils viennent de fournir au prix de grandes pertes, le général Joffre adresse au commandant en chef britannique le message suivant :

" L'armée anglaise en n'hésitant pas à s'engager tout entière contre des forces très supérieures en nombre a puissamment contribué à assurer la sécurité du flanc gauche de l'armée française. Elle l'a fait avec un dévouement, une énergie, une persévérance auxquels je tiens dés maintenant à rendre hommage et qui se retrouveront demain pour assurer le triomphe final de la cause commune. L'armée française n'oubliera pas le service rendu. Animée du même esprit de sacrifice et de la même volonté de vaincre que l'armée anglaise, elle lui affirmera sa reconnaissance dans les prochains combats." Dans la soirée , le général Lanrezac est avisé que le lendemain 28 août l'armée anglaise doit se porter en arrière de la ligne de l'Oise, entre la Fére et Noyon.

Ce mouvement va découvrir à la fois la gauche de la Ve armée et la droite du nouveau groupement débarqué à Chaulnes, creusant ainsi un trou dans le dispositif général des armées de gauche.

Au corps de cavalerie, on signale dans la matinée au général Sordet deux colonnes ennemies : l'une en marche de Banteux vers Honnecourt, s'avance contre la gauche d'une division anglaise qui rétrograde de Vendhuile sur Villers-Faucon, l'autre, venant de Cantaing par Flesquiéres, se porte sur Havrincourt.

Les 5e et 1re divisions reçoivent l'ordre d'agir respectivement contre le flanc ouest de ces deux colonnes, en évitant l'accrochage et en agissant par le canon et les mitrailleuses, cependant que la 3e division agira suivant les circonstances en liaison avec les 1re ou 5e. La 5e division se porte aussitôt par le nord d'Epéhy contre le flanc ennemi à hauteur de Villers-Guislain, tandis que la 1re division attaque par le feu de son artillerie la colonne qui débouche des bois d'Havrincourt vers le sud.

On a vu que dans l'après-midi le général Sordet a été avisé des intentions du commandant en chef en ce qui concerne le corps de cavalerie. Celui-ci continua donc à retarder la marche de l'ennemi qui poursuit l'armée anglaise. En particulier, la 1re division canonne vers Bouchavesnes des colonnes de toutes armes et la 3e division s'engage vers Aizecourt contre des forces qui se portent vers le sud.

A la nuit, le corps de cavalerie se replie dans la région comprise entre Péronne et Foucaucourt. Sur la rive gauche de la Somme, ses avant-postes tiennent solidement le cours de la rivière de Saint-Christ à Bray.

A la gauche du corps de cavalerie, les deux divisions de réserve, qui ont terminé leurs débarquements le 26 août à Arras, après avoir stationné l'une au sud-est d'Arras, et l'autre au sud de Douai, entament le 27 le mouvement qui, en deux étapes, les amènera sur la Somme à l'ouest de Péronne. La 61e doit atteindre en fin de journée la région de Bapaume, le Transloy, la 62e celle de Bertincourt. Inquiétée d'abord à hauteur de Bapaume vers Beugny, la 61e division continue néanmoins sa marche. Mais, dans l'après-midi, son avant-garde en arrivant vers Combles est prise violemment à partie par des forces ennemies et la division tout entière se trouve bientôt engagée autour de Sailly-Saillisel et de Combles. A la suite de ce combat, elle est rejetée vers Ginchy où elle se reforme à la nuit. La 62e division, moins sérieusement inquiétée dans son mouvement, atteint au la région Bapaume, Bertincourt.

A partir de ce moment, ces deux unités se trouvent rattachées à la VIe armés, constituée le 27 août sous les ordres du général Maunoury. En voie de rassemblement au sud de la Somme, ce nouveau groupement doit se disposer de manière à pouvoir, dès que la réunion de ses forces sera accomplie, agir offensivement sur l'aile droite ennemie.

Dans l'esprit du commandant en chef, la VIe armée, couverte sur son front et sur sa gauche par le corps de cavalerie, aura en arrière et à gauche les quatre divisions territoriales d'Amade, et à sa droite l'armée anglaise présumée installée sur le front Ham, Tergnier. Mais celle-ci en abandonnant le lendemain la ligne de la Somme, ainsi qu'on le verra, obligera le général Joffre à renoncer à cette combinaison.

De son côté, le général d'Amade, après avoir passé la matinée à Bray-sur-Somme, reporte son quartier général à Amiens dans la soirée. De là, il organise le repli des divisions territoriales sur la Somme et le barrage qu'elles doivent tendre sur la rivière entre Corbie et la mer. Ce mouvement d'ailleurs est déjà commencé en direction générale d'Abbeville. Les 81e et 82e divisions d'infanterie territoriale s'embarquent dans la soirée en chemin de fer, tandis que les 84e et 88e divisions effectuent leur repli par voie de terre et arriveront le 29 sur la Somme.

Dans la journée du 27 août, les renseignements sur la composition de l'aile droite allemande se précisent.

Le grand quartier général croit que la Ire armée ennemie comprendrait les 2e, 3e, 4e corps, le 4e corps de réserve et un corps de cavalerie composé des 2e et 9e divisions, et la IIe armée les 9e, 7e, 10e corps et un corps de cavalerie dont les divisions ne sont pas encore sûrement identifiées.

Maubeuge est complètement investi par les 7e et 9e corps et il semble que la Ire armée allemande doive agir isolément pendant que la IIe demeure chargée de l'investissement de la place. Par un radio allemand surpris on apprend en effet que la subordination de la Ire armée à la IIe armée prend fin.

Des renseignements de différentes sources semblent indiquer que les forces ennemies qui suivent la Ve armée s'infléchissent en partie vers l'ouest au lieu de poursuivre leur avance directement vers le sud. C'est ainsi que, depuis la veille, des mouvements ont eu lieu de l'ouest de la forêt de Trélon vers celle du Nouvion où, dans l'après-midi, se trouvent de grosses colonnes, tandis que des groupements importants sont reconnus vers Chimay, Hirson et Rocroi.

Au nord de la Somme, des éléments ont atteint Combles; ils appartiennent probablement à la 2e division de cavalerie allemande; qui a été signalée dans l'après-midi vers Rocqnigny.

On apprend d'autre part que l'armée belge, en prononçant une offensive les 25, et 26 août dans la région de Malines, a attiré sur elle deux divisions allemandes, qui l'ont contrainte à se replier de nouveau sur Anvers.

Le 28 août à 7 heures, le général Lanrezac prescrit que le dispositif de l'armée sera modifié au cours des mouvements de la journée, en vue de prononcer le lendemain une attaque vers Saint-Quentin contre les forces ennemies qui sont sur la rive droite de l'Oise.

Le 3e corps poussera son avant-garde jusqu'à Courjumelles et s'éclairera dans les directions de Guise et Saint-Quentin; le 18e corps occupera Ribemont par son avant-garde et prendra des dispositions pour franchir l'Oise à Ribemont et à Séry-lès-Mézières; des reconnaissances de cavalerie seront poussées sur la rive droite au nord et au sud de Saint-Quentin, afin de rechercher on se trouve la gauche allemande dans cette région. Le groupe de divisions de réserve se flanc-gardera le long de l'Oise et portera aux ponts d Origny, de Ribemont et de Séry-les-Mézières des détachements qui en assureront la garde, jusqu'à ce qu'ils soient relevés par les 3e et 18e corps. Les ponts en aval de Séry-lès-Mézières seront tenus pareillement. Rien n'est modifié aux mouvements des 10e et 1er corps. Toutefois, le 3e corps qui doit attaquer en direction de Saint-Quentin est renforcé de la 37e division enlevée au 10e corps et qui va cantonner dans la région de Lugny.

Un peu avant 9 heures, le commandant en chef arrive à Marle auprès du général Lanrezac et lui donne l'ordre écrit suivant :

" La Ve armée attaquera dés que possible les forces allemandes qui se sont portées hier contre l'armée anglaise. Elle se couvrira sur sa droite avec le minimum de forces en s'éclairant de ce côté à grande distance z. "

Le général Lanrezac décide donc que son armée attaquera le lendemain matin en direction de Saint-Quentin. Il en avise à 10 heures le commandant en chef et lui demande d'en informer les généraux Maunoury et d'Amade ainsi que le maréchal French.

Préalablement, il a fait part lui-même de ses intentions au général de Langle, en ajoutant que sa division de cavalerie maintiendra la liaison avec le 9e corps.

Au cours de la journée, le quartier général de la Ve armée se transporte à Laon, tandis que les corps réalisent en fin de marche le dispositif suivant :

Le 1er corps ( Q. G. à Tavaux ) sur la Serre entre Agnicourt et Saint-Pierremont (2e division et au nord de la Serre entre Bosmont et Hary ( 1re division ), la 8e brigade à droite vers Montcornet, la 51e division de réserve dans la région la Neuville-Bosmont, Goudelancourt. La 4e division de cavalerie sur le Thon dans la zone la Bouteille, Bucillv-l'Abbaye couvre le flanc droit de l'armée et assure la liaison avec le 9e corps.

A l'ouest de Vervins, le 10e corps ( Q. G. Lugny ) a sa 19e division vers Gercy, Voulpaix. Saint-Pierre; sa 20e à Rougeries, les Bouleaux, Marfontaine. En arrière, la 37e division stationne à Saint-Gobert, Lugny et Rogny. Elle a reçu l'ordre de se mettre en marche le 29 août à 1 heure pour se porter vers le Hérie-la-Viéville à la disposition du général Hache.

Le 3e corps à la tête duquel le général Hache a remplacé le général Sauret (Q. G. Sons) est installé à cheval sur la route Marle, Guise, la 5e division à Puisieux, Sains-Richaumont, la Neuville-Housset, la 6e à Courjumelles, le Hérie-la Viéville et Sons.

Le 18e corps (Q. G. Chevresis-Monceau) a sa 35e division dans la région Parpeville, Pleine-Selve, tenant les ponts de Lucy; la 36e à Villers-le-Sec occupant ceux de Ribemont et Séry-lès-Mézières. La 38e division stationne entre Monceau-le-Neuf' et la Ferté-Chevrésis.

La 35e division n'est arrivée que très tard et assez éprouvée à Pleine-Selve. En effet, deux bataillons de la 53e division de réserve qui tenaient les ponts de Guise et de Flavigny ont été attaqués vers midi par une colonne allemande de toutes armes et refoulés sur la rive sud de l'Oise. Tandis que la 5e division, pour leur prêter appui, venait occuper le front Audigny, Claulieu, la 35e division portait son artillerie, avec une brigade, de le Hérie-la-Viéville sur Guise et arrêtant la progression ennemie, puis, rompant le combat à la chute du jour, elle se repliait vers sa zone de cantonnement Pleine-Selve et Parpeville.

D'autre part, la 53e division de réserve, après avoir recueilli ses éléments de Guise, venait tenir avec la 105e brigade une position entre l'ouest d'Audigny et Macquigny, tandis que la 106e brigade occupait les ponts de Ribemont et de Séry-lès-Mézières , en attendant d'y être relevée par le 18e corps. Dans la nuit, la division est rassemblée vers Surfontaine. Quant à la 69e division de réserve, elle a marqué un temps d'arrêt dans l'après-midi entre Landifay et Courjumelles, prête à s'engager au sud de Guise. Puis, sans avoir eu à intervenir, elle reprend son mouvement et atteint la zone Renansart, Nouvion-et-Catillon. Le 4e groupe stationne ainsi face à l'ouest en cantonnement d'alerte , prêt à se porter rapidement vers l'Oise , ses avant-postes échelonnés sur la rive est de l'Oise et sur le canai entre Séry-lès-Mézières et Achery.

A 17 heures, le général Lanrezac donne pour le 29 août les ordres suivants :

La Ière armée allemande est engagée de front contre l'armée anglaise et attaquée sur son flanc droit par l'armée française du Nord. La Ve armée l'attaquera le 29 au matin dans son flanc gauche, en s'efforçant de la déborder par le nord. L'attaque sera menée en direction générale de Saint-Quentin et au nord, par les 18e et 3e corps, appuyés à gauche par le 1er corps anglais et couverts à droite par le 10e corps et la 4e division de cavalerie. Laissant une division en réserve d'armée, le 1er corps viendra en deuxième ligne, en arrière et à droite du 3e corps. Le groupe de divisions de réserve formera réserve, à gauche, sur la rive gauche de l'Oise. Les mouvements s'exécuteront ainsi qu'il suit :

Le 18e corps, franchissant l'Oise à 6 heures à Ribemont et Séry-les-Mézières, progressera vers Homblières et Marcy de manière à contourner Saint-Quentin par le nord. Il aura à sa gauche un détachement pour le relier au 1er corps anglais, dont la droite marchera sur Saint-Quentin en longeant la grande route la Fère, Saint-Quentin.

Le 3e corps, franchissant l'Oise à Origny-Sainte-Benoite et Bernot après que le 18e corps aura débouché sur la rive droite, progressera en échelon à la droite et en arrière de celui-ci, de manière à le flanquer contre toute attaque descendant du nord par la rive droite de l'Oise.

On attaquera l'ennemi partout où on le rencontrera.

Le 10e corps a pour mission de couvrir du côté du nord le franchissement de l'Oise par le gros de l'armée et se portera dans la région Puisieux, Sains, le Sourd, Colonfay, Audigny. Il aura, avant le jour, vers Audigny, un fort détachement avec artillerie, tenant Guise et Flavigny. La 4e division de cavalerie, à laquelle est rattachée la 51e division de réserve et qui est renforcée d'une brigade du 1er corps, occupera la région de Vervins et surveillera particulièrement les directions Avesnes, Fourmies, Hirson et Rocroi. Elle cesse d'être aux ordres du 1er corps.

Le 1er corps se portera à 4 heures, en une colonne, par Marle, le Hérie-la-Viéville, son avant-garde à Jonqueuse, la tête des gros vers la ferme Bertaignemont. Sa division de queue formera réserve d'armée dans la région Housset, Faucouzy, Sons, Châtillon-lès-Sons.

Le 4e groupe de divisions de réserve restera jusqu'à nouvel ordre en réserve de gauche sur ses positions de Renansart à l'est de l'Oise, l'infanterie à l'abri des vues et au repos, l'artillerie prête à entrer en action pour appuyer le débouché du 18e corps. Il occupera solidement les passages de l'Oise en aval de Séry-lès-Mézières et se maintiendra en liaison avec le 1ercorps anglais, qui doit déboucher vers 5h 30 de la ligne Vendeuil, Liez.

Au moment on le général Lanrezac établit ces instructions, il n'est pas encore informé que les ponts de Guise sont tombés aux mains de l'ennemi. D'autre part, dans la journée, il s'est mis en relations directes avec le général sir Douglas Haig, commandant le 1er corps anglais, et celui-ci lui a promis son concours pour l'attaque du lendemain. Cette assurance est d'autant plus précieuse que, dans la matinée, le. colonel Huguet, insistant auprès de lui sur la situation critique de l'armée anglaise, l'a averti que " le flanc gauche de la Ve armée n'est plus couvert " et qu'elle pourra " bientôt avoir à subir de ce côté une attaque des plus sérieuses de toute la masse allemande opérant sur cette partie du théâtre d'opérations ". Aussi, le général Lanrezac fait-il savoir à 21h 45 au commandant en chef que " l'attaque de la Ve armée sera menée en direction de Saint-Quentin et au nord par les 18e et 3e corps, appuyés à gauche par les forces anglaises et les divisions de réserve, couverts à droite par le 10e corps et la 4e division de cavalerie, le 1er corps en échelon et à droite du 3e ". La coopération ainsi escomptée ne se produira malheureusement pas, comme on le verra..

Le 28 au matin, le maréchal French informe le général Lanrezac que l'armée britannique continuera à battre en retraite et que son quartier général sera à midi à Compiègne Il fait transmettre au général Sordet des remerciements pour l'aide efficace et des plus utiles que, le 26 dans l'après-midi, le corps de cavalerie a apportée à la gauche anglaise. Puis il fait connaître au général Joffre que la retraite s'est poursuivie le 27 août dans de meilleures conditions et sans être sérieusement inquiétée, grâce à l'appui que lui ont apporté d'une part le corps de cavalerie du général Sordet au nord de Péronne, d'autre part les divisions de réserve du groupe d'Amade dans la région Combles , Bertincourt.

Les 3e, 4e et 5e divisions britanniques arriveront le 28 à Noyon. Les 1re et 2e divisions, en meilleur état, ont conservé leur cohésion et seront le soir à Chauny.

Dans ces conditions, l'armée anglaise va pouvoir commencer à se reconstituer, mais elle reste toutefois hors d'état de reprendre la campagne pour une période assez longue. En attendant, le sous-chef d'état-major de l'armée britannique, le général Wilson, considère comme indispensable qu'une armée forte de 6 à 7 corps soit rassemblée en arrière et à gauche de l'aile gauche française actuelle, pour empêcher la ligne alliée de succomber par morceaux sous des attaques aussi puissantes que celle qui a amené la défaite anglaise.

En fait, le 1er corps britannique retraite d'Orignv-Sainte-Benoite sur la Fère par la rive droite de l'Oise, et dans la soirée il s'établit sur la rive sud entre Andelain et Bichancourt, son quartier général vers Fresnes au sud de Saint-Gobain. Le 2e corps atteint en fin de marche la région de Noyon.

Les mouvements ont été couverts par la cavalerie. L'ennemi n a été rencontré nulle part. Il semble d'ailleurs, à l'estimation de l'état-major anglais, qu'aucune force allemande importante ne se trouve au sud de la région de Vermand.

Dans l'après-midi, le général Joffre a fait savoir au colonel Huguet que nos avant-postes couvriront les passages de la Somme entre Péronne et Ham, ceux de l'Oise à a Fère et en amont. Il pense donc que les Anglais ont de leur côté des arrière-gardes à Ham; Saint-Simon et Jussy. Le maréchal French répond tout d'abord que ses arrière-gardes sont plus au sud et peu après il fait connaître que , vers 20 h 30 , la 3e brigade de cavalerie et la 3e brigade d'infanterie sont à Vendeuil et à Choigny, le reste de la division de cavalerie à Jussy sur le canal Crozat et à Cressy au sud de Nesle.

La ligne de 1a Somme entre Ham et Saint Simon est donc abandonnée. Dans la soirée, le commandant en chef anglais exprime en général Joffre ses regrets de ne pouvoir coopérer à l'action prévue à la Ve Armée pour le lendemain. La fatigue des troupes exige au moins un jour de repos sur les emplacements occupés le soir. Le 30 , elles seront capables d'occuper la ligne du canal Crozat en cas de nécessité. Ultérieurement, si l'armée française est victorieuse, les forces britanniques seraient mises à sa disposition comme réserve. En même temps, le général Lanrezac est avisé directement par le maréchal French que le 1er corps anglais doit avoir un repos complet le 29 août et, en conséquence, ne pourra pas prendre part à l'attaque du lendemain.

A la gauche de l'armée anglaise, la VIe armée tient, en fin de journée du 28 août, la ligne Bray-sur-Somme, Chaulnes, Nesle. Ses éléments débarqués comprennent la 14e division, la brigade Ditte et la 55e division de réserve. Le corps de cavalerie a été assez violemment attaqué dans la région de Péronne.

Le 28 août au soir, la situation présumée de l'ennemi apparaît la suivante : On n'a pas de renseignements précis sur les mouvements de la Ire armée allemande. Par des radios interceptés, on sait seulement que, commandée par le général von Kluck, elle se glorifie d'avoir battu d'une façon décisive l'armée anglaise à Mons, puis à Solesmes, et de lui avoir fait plusieurs milliers de prisonniers. S'avançant dans la région à l'ouest de Saint-Quentin, elle atteint déjà la Somme, dont le 2e corps se prépare à attaquer les positions. D'après l'état-major anglais il faudrait s'attendre à être attaqué le 29 au matin sur Péronne par au moins deux corps et demi allemands.

Les mouvements de la IIe armée allemande, commandée par le général von Bülow, ne sont pas précisés. On sait seulement dans l'après-midi que des colonnes ennemies avancent de Wassigny sur Bohain et à l'est de Saint-Quentin, de Fontaine-Notre-Dame sur Homblières. Devant la Ve armée, sur l'Oise, des forces allemandes se portent sur Guise, Chigny et Englancourt. Des cavaliers de la Garde ont passé la nuit à Vimy près d'Hirson. La région Hirson, Chimay, Rocroi parait vide.

Vers la Meuse, les corps saxons de la IIIe armée semblent avoir atteint et dépassé la région de Rocroi.

Dans la nuit du 28 au 29 août, le commandant en chef fait connaître au général Lanrezac les événements qui se sont passés à l'extrême gauche française, et il complète ses instructions :

Le 28, l'ennemi a refoulé vers l'ouest les divisions de réserve qui se dirigeaient sur Péronne et a débouché sur la rive sud de la Somme par Péronne et Brie dans la direction de l'ouest, menaçant la zone de débarquement des éléments de la VIe armée. Il est essentiel que l'action de la Ve armée se fasse sentir aussi énergiquement que possible.

Répondant aux intentions du général Joffre et tenant compte, d'autre part, de l'abstention des Anglais, le général Lanrezac modifie ses ordres de la veille par l'Instruction suivante qu'il adresse à 7h 30 :

" La Ire armée allemande a attaqué Péronne hier par sa droite. Il importe que l'attaque que nous lançons dans son flanc gauche soit menée avec la dernière énergie et toute la promptitude dont nous sommes capables.

Le mouvement initial sera orienté sur Saint-Quentin.

En conséquence, lorsque le 18e corps aura franchi l'Oise, il prendra comme direction générale Saint-Quentin, sa droite un peu à l'est de Mesnil-Saint-Laurent.

Le 3e corps infléchira sa direction d'attaque vers l'ouest, tout en s'échelonnant, comme il a été prescrit, par rapport au 18e corps et en restant en liaison avec lui, sa gauche vers Marcy.

Le groupe de divisions de réserve appuiera à gauche le mouvement du 18e corps en prenant comme direction Urvillers."

A 9 heures, le commandant en chef se rend auprès du général Lanrezac à Laon, tandis que se déroulent les premières phases de l'action engagée.

Les grandes lignes de la bataille de Guise peuvent se résumer comme il suit :

A 6 heures, l'attaque en direction de Saint-Quentin débouche sur la rive droite de l'Oise et progresse d'abord sans difficulté. Vers 10 h 30, le 18e corps et le 4e groupe de divisions de réserve tiennent les abords de la ligne Essigny, Urvillers, Neuville-Saint-Amand, Mesnil-Saint-Laurent.

Mais, au début de l'après-midi, une violente attaque allemande se produit sur le flanc droit de l'armée. Dès lors, la mission primordiale pour celle-ci est de rejeter dans l'Oise les troupes ennemies qui ont passé sur la rive gauche. Le 1er corps, au lieu d'attaquer sur Saint-Quentin, est ainsi amené à s'engager face au nord en liaison avec les 3e et 10e corps. A 16 h 30, la situation est la suivante :

Le 18e corps, qui n'a pu être appuyé par le 3e, obligé de s'engager sur Guise, se replie sur l'Oise devant une vive attaque. Il en est de même du 4e groupe de divisions de réserve. Le reste de l'armée fait face à l'offensive qui a débouché de Guise et à l'est et qui parait menée par trois corps allemands, tandis qu'à l'extrême droite la 4e division de cavalerie au nord de Vervins se porte contre le flanc gauche des colonnes ennemies.

En fin de journée, les 1er, 10e corps et la plus grande partie du 3e corps refoulent par une vigoureuse contre-attaque les forces allemandes qui avaient débouché sur le front Guise, Autreppes. Sur le front du 18e et du 3e corps, nos troupes tiennent les ponts de l'Oise et occupent les hauteurs de la rive gauche avec avant-postes sur la rive droites.

On va exposer maintenant les opérations de la journée dans l'ordre suivant : 18e corps et 4e groupe de divisions de réserve, 3e corps, 10e corps, 1er corps, enfin 4e division de cavalerie.

Le général commandant le 18e corps a donné le 28, pour le lendemain, les ordres suivants :

Le 18e corps, franchissant l'Oise à 6 heures à Ribemont et Séry-lès-Mézières; doit progresser sur Homblières et Marcy, ayant à sa gauche le 1er corps anglais qui marchera sur Saint-Quentin et, à sa droite, le 3e corps qui, franchissant l'Oise à Origny-Sainte-Benoîte, progressera en échelon en arrière.

La 36e division, disposant des ponts de Séry, Mézières, de Séry, Châtillon et de Ribémont, Sissy attaquera en direction générale de Homblières et aura comme premiers objectifs les hauteurs de la cote 120 ( 1 kilom. nord de Mézières-sur-0ise ), arbre de Sissy.

La 38e division, disposant du pont de Ribémont, Regny, et de passages créés à Lucy pour l'infanterie, attaquera en direction générale de Marcy. Son premier objectif sera la cote 120 ( 1 kilom. nord de Sissy).

L'attaque débouchera de la ligne Mézières, Sissy, à 6 heures. Une fois maîtresse de ses premiers objectifs, elle pivotera sur le mouvement de terrain de la cote 120, où la 38e division se fortifiera solidement, la 36e division prenant pour objectif la ligne 123, 129, la Râperie.

La 38e division laissera une brigade en réserve à la disposition du commandant du corps d'armée dans la dépression à 200 mètres au nord-est de Villers-le-Sec.

La 35e division se rassemblera dans le vallonnement entre Parpeville et la ferme Torcy.

Un détachement en échelon en arrière, à gauche de la 36e division, se portera de Mézières-sur-Oise sur Itancourt, couvrant le mouvement offensif dans les directions du nord et assurant la liaison avec la droite du corps anglais marchant de la Fère sur Saint-Quentin.

A 6 heures, le mouvement du 18e corps se déclenche. Tout en estimant que son premier objectif sera atteint sans difficulté, le général de Mas Latrie donne l'ordre de stopper et de s'organiser sur la ligne générale ferme de Lorival ( 1.500 mètres nord-est d'Itancourt), cote 120, la Râperie, cote 120 ( 1 kilom. sud de Regny). Il a l'intention de faire passer sur la rive droite de l'Oise toute son artillerie, et de reprendre le mouvement en avant, dès qu'il se sentira appuyé à sa gauche par les Anglais et à sa droite par le 3e corps. On lui signale en effet que la ligne Fontaine, Homblières parait sérieusement tenue par l'ennemi.

Vers 8 heures, la 36e division atteint son second objectif, cotes 123, 129, la Râperie; la 38e division atteint la Râperie, les cotes 120 (entre Regny et Sissy ) et 127.

De son côté, la 35e division s'est rassemblée entre Pleine-Selve et Villancet Fermes.

Cependant, à 7 h 30, le général Lanrezac a prescrit, au 18e corps, ainsi qu'on l'a vu, de prendre comme direction générale Saint-Quentin, sa droite un peu à l'est de Mesnil-Saint-Laurent. Il lui apprend en même temps qu'il sera appuyé à gauche par le 4e groupe de divisions de réserve. Le général de Mas Latrie fait donc appel au général Valabrègue en lui demandant d'appuyer la gauche du 18e corps qui est vers la cote 123. Puis il modifie son dispositif de la manière suivante :

La 36e division attaquera sur Neuville-Saint-Amand jusqu'à la voie ferrée. La 38e division, en échelon légèrement refusé à droite, attaquera sur Mesnil-Saint-Laurent et les croupes au nord-est.

Le détachement flanc-garde de gauche franchira la voie ferrée et cherchera la liaison avec le G. D. R. qui attaque sur Urvillers.

A droite, la gauche du 3e corps attaque, en échelon refusé, sur Marcy. La 35e division sera dirigée sur Ribemont en réserve de corps d'armée. A 11 heures, le 3e corps fait savoir que, vivement pressé sur son flanc droit, où la 5e division a été refoulée du bois de Bertaignemont, il est obligé de suspendre le passage de ses troupes sur la rive droite de l'Oise. Seuls, des éléments de la 6e division d'infanterie y sont en voie d'installation sur les hauteurs à l'ouest d'Origny, de la cote 127 à l'arbre des Saints, et ont reçu l'ordre de s'y retrancher. Le commandant du 3e corps ajoute que tant que cette situation ne sera pas améliorée par l'entrée en action des 1er et 10e corps, il ne sera pas en mesure de progresser à l'ouest de l'Oise. Le général de Mas Latrie décide, en conséquence, d'arrêter le mouvement du 18e corps sur Saint-Quentin , et il en rend compte au commandant de l'armée. Il prévoit, d'autre part, que la 35e division rassemblée à Ribemont pourra éventuellement aider le 3e corps au moins par son artillerie.

A midi, les divisions de première ligne sont toujours sensiblement sur leurs positions du matin; la 38e à droite, vers l'arbre de Sissy et la cote 120 au sud de Regny; la 36e à gauche, vers la cote 129, entre Mesnil-Saint-Laurent et Sissy. La 35e division, qui n'a pas franchi l'Oise, est à l'est de Ribemont, face au nord, et prête à soutenir le 3e corps vers Courjumelles.

Mais, dans l'après-midi, la 36e division, pressée de front et débordée sur sa gauche par des attaques venant de Mesnil-Saint-Laurent et d'Itancourt, ne peut se maintenir sur ses positions, et, n'étant pas renforcée, elle se replie assez éprouvée sur Châtillon et Mézières. Quant à la 38e division, dont la droite est en butte à une violente canonnade, elle se maintient difficilement sur les croupes 127 et 120 au sud et à l'est de Regny.

Jusqu'à la chute du jour le 18e corps reste établi sur la rive droite de l'Oise. A la nuit, en raison de la fatigue extrême des troupes, très éprouvées par les attaques qu'elles ont subies, il est contraint à se retirer sur la rive gauche; la 36e division vers Surfontaine, la 38e autour de Villers-le-Sec, la 35e vers Pleine-Selve et Parpeville. Il tient toutefois, par ses arrière-gardes, les ponts à Sery-lès-Mézières et Ribemont. Il est en liaison à gauche avec le groupe des divisions de réserve vers Renansart et, à droite, vers Courjumelles, avec le 3e corps.

Le quartier général s'installe à Chevrésis-Monceau.

Les ordres du général Valabrègue pour la journée du 29 août sont les suivants :

La 69e division portera sa 138e brigade, avec toute l'artillerie divisionnaire, sur les hauteurs d'Urvillers en vue d'appuyer la marche du 18e corps et d'assurer le débouché du 4e groupe de divisions de réserve au delà de l'Oise, en tenant fortement le front Urvillers, Essigny-le-Grand. La 137e brigade, tout en tenant les débouchés ouest des ponts de Berthenicourt et de Moy, se portera, par Hamégicourt et Alaincourt, vers la ferme Puisieux où elle formera réserve de groupe, prête à renforcer la 69e division dans la région d'Urvillers.

La 53e division de réserve, utilisant les ponts d'Hamégicourt, se portera par le sud de la Guinguette dans la région au sud de la route Benay, Cerizy où elle prendra le dispositif suivant largement articulé : une brigade au sud-est de Benay se couvrant vers le nord et l'ouest par l'occupation de Benay et d'Hinacourt, prête à s'engager par l'est ou par le sud d'Essigny-le-Grand; une brigade au sud de Cerisy, se couvrant par l'occupation de Cerisy.

A 9 heures, la 138e brigade franchit l'Oise, sans incident et se porte sur les hauteurs de la Guinguette. Vers 10 heures, elle attaque Urvillers et Essigny-le-Grand en portant son effort principal sur Urvillers.

A 11 h 30, Urvillers est entre nos mains. Mais une contre-attaque menée par des forces ennemies importantes appuyées par de l'artillerie de gros calibre réoccupe le village. Le commandant de la 69e division s'en empare de nouveau en faisant donner toutes ses réserves. Mais vers 14 heures, attaquée dans Urvillers et débordée sur sa gauche par Essigny, la 138e brigade se replie sur la crête de la Guinguette, puis, vers 15 heures, sur Moy. La plupart des officiers, dont 2 colonels, sont hors de combat.

La 137e brigade s'est ressemblée dans la région de Renansart. A midi 30, elle reçoit l'ordre de se porter vers l'ouest, dans la région de la ferme Puisieux. Elle arrive trop tard pour arrêter le repli de la 138e brigade, et se contente de couvrir le passage de celle-ci sur la rive gauche, en se maintenant jusqu'au soir sur les hauteurs 114 et 105. Elle se reporte elle-même dans la nuit sur Hamégicourt, Renansart, Nouvion-et-Catillon.

D'autre part, la 105e brigade (53e division) a poussé des éléments vers Benay et sur Hinacourt qu'elle a occupé. Mais une attaque allemande reprend le village et en débouche.

Vers 16 heures, l'ordre de repli sur la rive gauche de l'Oise est donné par le général Valabrègues. Sous la protection d'avant-postes qui gardent le passage de la rivière entre Hamégicourt et Achéry, la 69e division se rassemble à la nuit autour de Renansart, et la 105e brigade dans la région Hamégicourt, Brissy.

Quant à la 106e brigade, désorganisée par le combat qu'elle a soutenu la veille entre Guise et Origny, elle n'a pas pris part à l'action du 29. Dans la matinée, elle a seulement tenu les ponts de Mont-d'Origny et d'Origny-Sainte-Benoîte jusqu'à l'arrivée des éléments du 3e corps. De plus, ses éléments qui tenaient encore Jonqueuse en ont été chassés vers 7 heures. Après s'être regroupée vers Renansart, elle vient cantonner le 29 au soir dans la région Nouvion-et-Catillon, où se trouve le quartier général du 4e groupe.

A droite du 18e corps, et en attendant que celui-ci ait débouché sur la rive droite de l'Oise, le général Hache prescrit au 3e corps les dispositions préparatoires suivantes :

La 6e division d'infanterie, sous la protection de son avant-garde de Courjumelles, sera rassemblée à 4 heures à l'est du chemin de Courjumelles, ferme Viermont. Elle aura des éléments, de la cote 120 (1 kilom. sud d'Origny ) à la cote 120 (2 kilom. nord-est de Mont-d'Origny). A la même heure, la 5e division d'infanterie, tout en maintenant face à Guise des éléments de couverture jusqu'à l'arrivée du 10e corps, sera rassemblée au sud de Jonqueuse. Elle tiendra les hauteurs 120 ( en liaison avec la 6e division d'infanterie), 136, 161, face à Macquigny et Guise.

La 37e division, rattachée au 3e corps, rompra de Lugny ( 5 kilom. nord-est de Marle) à 2 heures et viendra par Voharies, Housset, le Hérie-la-Viéville, se rassembler au sud-est de Courjumelles.

Le commandant du 3e corps, averti par le 18e corps que celui-ci a franchi la rivière et s'est installé sur le front cotes 129, 220 ( au nord de Châtillon-sur-Oise ) et que la ligne Fontaine, Homblières est sérieusement occupés par l'ennemi, décide de franchir l'Oise à son tour. La 6e division utilisant tous les passages entre Origny et Bernot se portera sur les hauteurs de l'ouest de Thenelles à l'arbre des Saints; elle s'y retranchera en vue de son débouché ultérieur tout en couvrant la droite du 18e corps.

La 5e division se rapprochera de la rivière et des hauteurs 120, 136 de la rive gauche; elle flanquera le passage de la 6e.

La 37e division se rapprochera de l'Oise, en venant occuper les positions évacuées par la 6e, d'où elle soutiendra ultérieurement le passage de la 5e.

Vers 8 heures, la 6e division a sa première ligne sur le front Courjumelles, cote 133 ( 1 kilomètre nord de Courjumelles); sa deuxième, à la ferme Saint-Rémy. Elle signale qu'une colonne ennemie de force indéterminée marche de Guise sur Origny et que les éléments du 4e groupe de divisions de réserve qui tenaient Jonqueuse en ont été chassés. Elle porte, en conséquence, deux bataillons dans cette direction. En même temps, elle se dispose à relever une autre fraction du groupe de divisions qui tient encore Mont-d'Origny.

D'autre part, la 5e division, en se portant à sa position initiale de rassemblement vers Jonqueuse, se heurte à une position organisée sur la croupe 161, à l'est de Jonqueuse. En même temps, l'ennemi se livre à une préparation d'artillerie sur la ferme et le bois de Bertaignemont, qui laisse présager une sérieuse attaque par le nord.

A 11 heures, la situation du 3e corps est la suivante :

Une fraction de la 6e division passée sur la rive droite de l'Oise est en voie d'installation sur les hauteurs qui, à l'ouest de Mont-d'Origny, s'étendent de la cote 127 ( 1 kilomètre sud-ouest de Thenelles ) à l'Arbre des Saints. Le gros de la division, se rapprochant de l'Oise, est à l'est d'Origny. La 5e division a été refoulée du bois de Bertaignemont jusqu'à 1.500 mètres au nord du chemin Courjumelles, Landifay.

La 37e division débouchant à l'ouest de Landifay va attaquer sur le bois de Bertaignemont, en laissant une brigade en réserve d'aile droite, seule force qui reste à la disposition du commandant du 3e corps.

Ainsi pressé sur son flanc droit, qui n'est pas encore couvert par le 1er corps, le général Hache décide de suspendre le passage de l'Oise. Tant que la situation ne sera pas améliorée par l'entrée en ligne des 1er et 10e corps, il estime que le 3e corps ne sera pas en mesure de progresser sur la rive droite et il en avise le commandant du 18e corps.

Vers 11 h 3 0 , il rend compte au général Lanrezac que la 6e division interrompt le mouvement commencé à l'ouest de l'Oise, et qu'une de ses brigades va attaquer Jonqueuse tandis que la 37e division attaquera Bertaignemont.

Cette décision répond d'ailleurs aux intentions du commandant de l'armée, qui fait savoir à 13 heures que la mission primordiale est actuellement de rejeter dans l'Oise les forces ennemies qui ont franchi la rivière, et donne en même temps au 1er corps l'ordre de s'engager au mieux des circonstances, en liaison avec les 3e et 10e corps.

Le commandant du 3e corps escompte donc le débouché prochain du 1er corps de le Hérie-la-Viéville en direction de Guise, il donne en conséquence les ordres suivants :

La 5e division se reporte à l'attaque des bois de Bertaignemont. A sa gauche, la 6e division se portera à l'attaque de Jonqueuse avec les éléments disponibles sur la rive gauche. Les fractions qui ont passé sur la rive droite ne seront rappelées que si leur intervention est indispensable pour le mouvement en avant des attaques face au nord, dont les objectifs sont les hauteurs de Jonqueuse et la ferme Louvry.

La 37e division, qui progresse vers le bois de Bertaignemont, ne poursuivra son mouvement que lorsqu'elle sera étayée respectivement à droite et à gauche par les 5e et 6e.

La mission est de rejeter sur la rive droite de l'Oise toutes les forces ennemies qui ont traversé la rivière.

La 6e division a laissé sur la rive droite de l'Oise un régiment et un groupe qui ont pris possession des hauteurs de Neuvillette vers midi. Avec le reste de ses forces, elle entame à 15 heures son mouvement vers le nord en partant des abords du signal d'Origny, et dépasse la route d'Origny à la ferme Viermont. Pour appuyer son attaque ,le générai Hache prescrit de ramener à l'est d'Origny les fractions qui se trouvent sur la rive droite. A peine cet ordre est-il donné qu'une panique se produit à partir de Mont d'Origny et vers l'est, devant une attaque allemande. Le repli précipité des premières lignes de la division entraîne successivement les soutiens jusqu'au signal d'Origny.

En fin de journée, quelques unités qui ont pu se reformer au nord de Pleine-Selve parviennent à reprendre pied sur le signal d'Origny et à réoccuper la ferme Viermont. A la nuit, le reste de la division stationne autour de Courjumelles et de Pleine-Selve.

La 37e division, partant vers midi de la ferme Saint-Rémy (ouest de Landifay), progresse jusqu'au bois de Bertaignemont, mais, assez éprouvée par l'artillerie lourde ennemie, elle se replie vers Landifay. Dans la soirée, elle se reforme vers les fermes Torcy et Villancet.

Quant à la 5e division, ses éléments regroupés dans l'après-midi autour de Landifay ne sont pas tout d'abord en mesure de soutenir la contre- . attaque de la 37e division sur Bertaignemont. Mais vers 17 heures, liant son mouvement à la contre-offensive qu'a déclenchée le 1er corps sur l'axe le Hérie-la-Viéville, Audigny, la division progresse et parvient à reprendre pied dans les fermes et le bois de Bertaignemont, où ses avant-postes s'établissent. Derrière eux, le gros se reforme autour de Landifay.

Le soir du 29 août, le quartier général du 3e corps est à Sons. Le général Hache donne l'ordre de fortifier et d'occuper les positions sur lesquelles on s'est maintenu de façon à enrayer tout retour offensif de l'ennemi.

Au 10e corps, les avant-postes de la 20e division ont été attaqués dans la nuit du 28 au 29 août, entre Colonfay et le Sourd, par des forces allemandes venant du nord. Cette attaque ayant été repoussée, le général Defforges donne pour la journée du 29 les ordres suivants : le 10e corps porté dans la région Puisieux, Sains-Richaumont, le Sourd, Colonfay, Audigny a pour mission de couvrir, vers le nord, l'attaque que les 18e, 3e et 1er corps doivent prononcer dans la direction générale de Saint-Quentin. Dans ce but, il aura, au jour, un fort détachement avec artillerie qui tiendra Guise et Flavigny.

En conséquence, la 20e division sera rassemblée à 4 heures vers Audigny, tenant Guise et Flavigny par un régiment appuyé d'un groupe d'artillerie. Si ces deux dernières localités sont occupées par l'ennemi, elle s'en emparera coûte que coûte.

La 19e division se portera dans la région Puisieux, Colonfay, le Sourd, Sains-Richaumont où elle se tiendra prête à intervenir soit vers le nord, soit vers le nord-ouest. Elle prendra ses dispositions pour interdire à l'ennemi les passages de l'0ise de Monceau-sur-Oise à Proisy. Elle laissera une brigade à la disposition du général commandant le 10e corps entre Sains-Richaumont et Richaumont.

En exécution de cet ordre, la 20e division porte la 40e brigade de Sains par Puisieux sur Audigny. La tête atteint Audigny à 6 h 45 , lorsqu'elle est arrêtée par une violente fusillade de l'ennemi débouchant de Guise et de Flavigny. La brigade s'engage tout entière sans réussir à progresser. D'ailleurs à 9 h 45 , le général Lanrezac prescrit au 10e corps de se borner à contenir à tout prix l'ennemi, sans s'user à vouloir enlever les ponts de l'Oise. L'ennemi progressant vers le sud, en particulier vers la droite de la 40e brigade, celle-ci se replie sur le Hérie-la-Viéville, puis vient se reformer vers midi à hauteur des fermes Harbes, au nord de Housset. De son côté, la 39e brigade a pour mission de se porter sur Colonfay par le Sourd. Vers 8 h 30, au moment où sa tête passe à Colonfay, la colonne est violemment attaquée. La brigade se déploie au nord de Richaumont, sa gauche à Puisieux. Elle résiste d'abord sur cette position, puis sous la pression de forces supérieures elle se replie sur Sains-Richaumont et de là sur Housset.

La 19e division a poussé la 37e brigade de Lemé sur le Sourd. Vers 8 heures, la tête de la colonne s'engage sur le Sourd où l'ennemi est signalé. Le village tombe entre nos mains à 10 heures, mais il est repris par les Allemands qui parviennent à en déboucher malgré une contre-attaque vigoureuse. Nos troupes sont contraintes de se replier, jusqu'à la route Lemé, Sains, puis vers la Neuville Housset. Vers midi, la 38e brigade, jusqu'alors réserve de corps d'armée, prenant position autour de Richaumont, réussit à arrêter quelque temps les progrès de l'ennemi devant ce village. Mais vers 14 heures un violent feu d'artillerie la contraint à se replier au sud de Sains. Au début de l'après-midi, le 10e corps se trouve donc refoulé tout entier au sud de Sains-Richaumont.

Dès 10 h 40, le général Defforges rend compte au commandant de l'armée que, la 20e division étant obligée de battre en retraite, le 10e corps se replie vers le sud, et il ajoute : " Je suis très violemment attaqué sur tout mon front. On me déborde sur mon aile droite. Je tiendrai à tout prix. Faites-moi appuyer le plus tôt possible à droite et à gauche ".

Le général Lanrezac répond aussitôt : " Le 10e corps doit tenir coûte que coûte sur ses positions. La 4e division de cavalerie reçoit l'ordre d'intervenir immédiatement dans le flanc gauche des troupes allemandes qui attaquent ce corps. Le 1er corps doit continuer sa marche vers l'Oise et n'intervenir du côté du 10e corps qu'en cas d'absolue nécessité.

A 11 h 20, le général Defforges signale à nouveau que l'ennemi est entré à Puisieux, Colonfay et le Sourd et que de là il attaque en direction de Sains-Richaumont. Bien que l'action se ralentisse, il semble que les Allemands essaient de manœuvrer par leur gauche. Aussi le commandant de l'armée autorise-t-il le générai Defforges à faire intervenir, en cas de nécessité, les troupes du 1er corps qui sont à proximité, pour dégager le 10e corps. Dans l'après-midi, le 10e corps tient toujours le village de Sains, partie avec la 38e, partie avec la 39e brigade, tandis que la 40e brigade, tout entière en deuxième ligne, organise une position de repli en avant de Housset. L'infanterie allemande n'a fait aucun progrès devant Sains. mais elle s'avance par l'est de ce village dans la direction de Chevennes et du bois de Marfontaine. Au dire du général Defforges, le 10e corps n'a plus un seul homme à engager, les unités au feu manquent d'officiers et de cadres".

En fin d'après-midi, le 10e corps, comme on le verra, encadré à droite et à gauche par le 1er corps , contre-attaque avec la 38e brigade par Sains-Richaumont sur Colonfay. Une première tentative échoue devant la violence du feu de l'artillerie ennemie, mais une nouvelle attaque en liaison avec le 1er corps permet à la brigade d'atteindre les abords est de Colonfay. Elle stationne pendant la nuit à hauteur des avant-postes du 1er corps. Le reste du 10e corps stationne : 19 division à l'est, 20e à l'ouest de Sains-Richaumont; le quartier général du corps à Housset.

Le général Lanrezac a prescrit le 28 au soir au 1er corps de laisser une brigade à la disposition de la 4° division de cavalerie et de porter en une colonne, par Marle, le Hérie-la-Viéville, son avant-garde à Jonqueuse, la tête des gros vers les fermes Bertaignemont. Il fixait le départ à 4 heures.

La division de queue du 1er corps devait rester en réserve d'armée dans la région Housset, Faucouzy, Sons, Châtillon-lès-Sons.

En conséquence, le général Franchet d'Esperey a indiqué le dispositif suivant à réaliser pour son corps d'armée : 1re division, gros vers les fermes Bertaignemont, avant-garde vers Jonqueuse; 2e division, 1re brigade à le Hérie-la-Viéville, le gros vers Housset au nord de la grande route, la 8e brigade vers la Chaussée. Pour l'exécution du mouvement, la 1re division sera formée en une seule colonne sur la grande route de Marle à le Hérie-la-Viéville et précédée d'une avant-garde composée de la 1re brigade. Son mouvement sera réglé de façon que sa queue soit écoulée pour 8 h 30 à la bifurcation 1 kilomètre nord de Marle. La 2e division marchant en une seule colonne à partir de Tavaux ( 8 kilomètres est de Marle ) suivra i'itinéraire Tavaux, Bosmont, Montigny-sous-Marle, Thiernu, Berlancourt, Housset. Son avant-garde passera à Montigny-sous-Marle à 8 h 30. La 8e brigade, ayant pour itinéraire la grande route de Marle à le Hérie-la-Viéville, partira de Montcornet à 4 h 30.

Le quartier général du 1er corps doit fonctionner à le Hérie-la-Viéville à partir de 10 heures.

Dès 9 heures, le général Lanrezac décide que la 2e division, réserve d'armée, s'embarquera à Faucouzy (sud de le Hérie-la-Viéville), pour être transportée en chemin de fer, à partir de midi, sur Versigny ( 5 kilomètres est de la Fère), à l'extrême gauche de l'armée.

Cette mesure correspond à la première conception de la bataille : attaquer à l'ouest de l'Oise en direction de Saint-Quentin les forces allemandes qui pressent l'armée anglaise.

Mais à partir de midi de violentes attaques allemandes venant du nord contre les 10e et 3e corps, amènent le générai Lanrezac à modifier son plan. "La première mission de la Ve armée est dès lors de rejeter dans l'Oise les troupes ennemies qui sont passées sur la rive gauche. Le 1er corps doit s'engager au mieux des circonstances, en liaison avec le 3e et le 10e corps".

Le maintien d'une réserve au centre du champ de bataille est dès lors nécessaire, et la 2e division, au lieu d'être embarquée vers l'ouest, est reprise à partir de 15 heures par le 1er corps.

Seul le 148e régiment d'infanterie de la 8e brigade est transporté dans la région de la Fère. Débarqué à Versigny, il occupe le soir Danizy, Achery et les ponts de la Fère, couvrant la gauche des divisions de réserve qui, comme on l'a vu, se sont reformées vers Renansart, Nouvion-et-Catillon.

Vers 9 h 30 , l'avant-garde de la 1re division, marchant sur le bois de Bertaignemont, atteint Landifay, et pousse deux bataillons sur le Hérie-la-Viéville.

La 2e division d'infanterie a sa tête vers la Chaussée.

Vers 10 heures, le général Franchet d'Esperey apprend que l'ennemi débouchant de Guise marche sur le Hérie-la-Viéville et Landifay. Il prescrit donc à la 1re division, de se porter tout entière sur le Hérie-la-Viéville où le commandant de la 1re brigade aura la mission de rejeter les Allemands sur Guise.

Tandis que la 1re brigade occupe le Hérie-la-Viéville et la ferme Bellevue, la 2e prend position vers la cote 120 ( est de Landifay ).

C'est alors que vers 13 heures le général Franchet d'Esperey reçoit du général Lanrezac l'ordre de poursuivre avec le 1er corps sa marche vers l'Oise et de n'intervenir du côté du 10e corps qu'en cas d'absolue nécessité. Mais en même temps lui parviennent deux messages, coup sur coup : "Il est urgent pour le 1er corps de s'employer dans les meilleures conditions à rejeter dans l'Oise les forces qui en ont débouché et attaquent le 10e corps", puis : " la première mission est de rejeter dans l'Oise les troupes ennemies qui sont passées sur la rive gauche. Le 1er corps s'engagera au mieux des circonstances en liaison avec le 3e et le 10e corps ".

En conséquence, vers 14 heures, la 1re division reçoit l'ordre de se porter à l'attaque en direction générale de la route de Guise, la 1re brigade prenant pour objectif Clanlieu, puis Audigny, la 2e brigade marchant sur les fermes Louvry et la Désolation. La 4e brigade tout entière se portera en avant de manière à venir se former au sud de le Hérie-la-Viéville en soutien de la 1re division. Ultérieurement, il lui est prescrit de lier son offensive à celle de la 2e brigade, et de prendre comme objectif la corne est du bois de Bertaignemont. Quant à la 3e brigade, s'engageant à l'est du 10e corps qui déclare ne plus pouvoir tenir et partant de la région de Housset, elle va attaquer dans la direction de Chevennes et du Sourd. L'attaque générale du 1er corps se déclenche vers 17 heures.

Vers 21 heures, la 1re brigade atteint Clanlieu et la ferme la Bretagne; la 2e brigade est vers la cote 150 au nord-ouest de cette ferme; la 4e brigade occupe la corne est du bois de Bertaignemont; elle est en liaison avec le 3e corps qui, comme on l'a vu, a réoccupé la ferme de Bertaignemont. A l'est du 1er corps, le 10e corps a atteint Colonfay, tandis que la 3e brigade à sa droite progresse vers le Sourd et l'occupe. Le quartier général du 1er corps se fixe dans la soirée au Hérie-la-Viéville.

A 21 heures, le général Franchet d'Esperey rend compte des résultats de son attaque. D'après les dires d'un prisonnier, celle-ci aurait eu en face d'elle le 10e corps allemand. Le commandant du 1er corps a l'intention de reprendre le 30 au jour l'attaque sur Guise avec la 1re division, tandis que la 4e brigade se tiendra prête à déboucher, dans la direction de Macquigny, sur la rive droite de l'Oise, dès que les progrès de la droite le permettront.

A l'extrême droite, la 4e division de cavalerie est, depuis le matin, en rassemblement articulé dans la région de Vervins, en liaison avec le 10e corps et surveillant les passages du Thon et de l'Oise. Vers 9 heures, une offensive ennemie se prononce par Haution et Voulpaix, cherchant à filtrer entre la 4e division de cavalerie et le 10e corps, dont elle menace le flanc droit.

Bien que réduite à ses propres forces, car 51e division de réserve mise à sa disposition ne l'a pas encore rejointe, la division de cavalerie attaque immédiatement par Laigny et Voulpaix. Elle a déjà engagé l'action de sa propre initiative lorsque le général Lanrezac lui donne l'ordre d'attaquer en flanc dans le plus bref délai les forces ennemies débouchant sur la droite du 10e corps. Cette contre-offensive réussit à arrêter et détourner sur elle des forces adverses importantes appuyées par de nombreuses batteries, mais elle ne peut empêcher l'ennemi de s'emparer de Voulpaix.

Cependant la 51e division n'atteint Burelles (6 km. sud de Vervins) qu'à 14 heures. Elle se dirige de là sur Haution et la Vallée-aux-Bleds. Mais sa progression est très lente, malgré l'appui que lui prête l'artillerie de la 4e division de cavalerie. Elle ne peut dépasser les hauteurs du signal de l'Oberiot (sud de Voulpaix) où s'établissent ses avant-postes; le soir, elle stationne entre Gercy et Saint-Gobert.

A la nuit, la 4e division de cavalerie, se maintenant dans Laigny et Fontaine-lès-Vervins, cantonne autour de Vervins. L'ennemi tient Voulpaix, Haution, Rue du Bois de Laigny, Autreppes.

A 20 h 30, le général Lanrezac mettait, ainsi qu'il suit , le général Joffre au courant des résultats obtenus par la Ve armée à la suite des combats de la journée :

Du côté de Saint-Quentin, le 18e corps et le groupe de divisions de réserve , qui avaient franchi l'Oise et s'étaient portés dans la direction de Saint-Quentin jusque sur la ligne Essigny, Urvillers, Itancourt, Mesnil-Saint-Laurent, ont été attaqués par de nombreuses colonnes ennemies venant de l'ouest.

Le 18e corps, qui n'a pu être appuyé à droite par le 3e obligé de s'engager sur Guise, a été repoussé sur l'Oise et son repli a entraîné celui des divisions de réserve qui ont été d'ailleurs violemment attaquées.

Sur le front nord de l'armée, les 10e et 1er corps et la majeure partie du 3e ont refoulé, par une vigoureuse contre-attaque exécutée en fin de journée, les corps allemands qui avaient débouché sur le front Guise, Autreppes. Ces corps ont dû repasser l'Oise.

En vue d'exploiter les résultats obtenus, le général Lanrezac donne à

23 heures, pour la journée du 30 août l'ordre suivant :

"Le 18e corps et le groupe de divisions de réserve, auquel sera rattaché le 148e régiment d'infanterie, assureront respectivement la garde de l'Oise, de Mont-d'Origny à Hamégicourt et d'Hamégicourt à la Fère.

"Les 3e, 1er et 10e corps rejetteront dans l'Oise l'ennemi qui est encore sur la rive gauche de cette rivière.

"En tout cas, les troupes conserveront sur la rive gauche de l'Oise les emplacements atteints à la suite des combats du 29 août, s'y retrancheront et rejetteront dans l'Oise tout ennemi qui essaierait d'en déboucher, mais jusqu'à nouvel ordre sans franchir cette rivière."

Le quartier général de l'armée reste à Laon.

Dans cette journée du 29 août, la Ve armée estime qu'elle a eu affaire probablement au 10e corps de réserve et peut-être au 7e corps sur la rive droite de l'Oise, tandis que le 10e corps et la Garde, franchissant la rivière dans la région de Guise et d'Autreppes, ont attaqué sur la rive gauche.

Derrière ces corps, on signalait de gros bivouacs entre Saint-Quentin et le Catelet, des rassemblements importants au nord du Cateau et dans la région de Fourmies.

D'autre part, l'avance ennemie s'est fait sentir sur la Somme. A 10 heures, des colonnes ont débouché sur le front Bray, Péronne, Ham. On a évalué ces forces à deux corps au moins, l'un vers Péronne, l'autre sur la ligne Ham, Saint-Christ.

Aussi, le commandant de la VIe armée s'attendant à un choc violent sur son front escompte-t-il un peu l'effet que produira l'attaque de la Ve armée. Mais dans l'après-midi le général Lanrezac, violemment pris a partie lui-même sur son flanc nord, fait savoir qu'on ne doit pas prévoir pour le soir même l'effet produit par l'offensive de la Ve armée vers l'ouest.

On a pu toutefois constater dès le 29 au matin les résultats de l'action engagée sur Saint-Quentin.

Vers 10 heures, l'aviation anglaise a reconnu des colonnes ennemies de toutes armes qui marchaient de Bellicourt sur le Catelet, et d'autres qui progressaient de Méricourt sur Bohain. Il semblait que l'ennemi remontait vers le nord sous la poussée de la Ve armée française.

Dès 10 h 30, un officier de liaison du G. Q. G., à son passage à l'état-major du maréchal French à Compiègne, partageant cette impression, faisait savoir au général Lanrezac qu'à son avis les forces allemandes auraient stoppé entre Péronne et Ham sur la rive droite de la Somme, à la suite des nouvelles parvenues à l'ennemi sur les mouvements de la Ve armée. En effet, devant la VIe armée, qui avait été violemment attaquée dans la matinée sur le front Nesle, Péronne, l'attaque allemande avait cessé brusquement au début de l'après-midi.

L'armée anglaise est restée toute la journée du 29 août sur les emplacements qu'elle a atteints la veille au sud de l'Oise. Seules les arrière- gardes ont eu, dans la matinée, un engagement au nord de Guiscard, sur la route de Noyon, avec un corps allemand débouchant de la Somme par le pont de Ham. A droite, le 1er corps a son quartier général à Saint-Gobain et s'étend entre Charmes et Amigny, couvert par la 5e brigade de cavalerie vers Travecy, au nord de la Fère, et la 3e vers Jussy, sur le canai de Saint-Quentin. A gauche, le 2e corps est dans la région Noyon, Carlepont, Cuts (Q. G.). Au nord de l'Oise la division de cavalerie, vers Moyencourt, comble le vide qui sépare la gauche anglaise de la droite de la VIe armée, dont les premiers éléments sont vers Roye. Dans la matinée, le maréchal French évaluait à 3 ou 4 corps les forces allemandes entre Ham et Péronne et il était d'avis que l'offensive de la Ve armée devait se faire sentir le plus tôt possible. Il estimait par contre, que l'armée anglaise ne pourrait vraisemblablement prononcer de mouvement offensif avant le 31.

Dans l'après-midi le général Joffre se rend auprès du maréchal French à Compiègne. Celui-ci confirme que les forces anglaises ne pourront prendre part à une offensive avant plusieurs jours et il considère comme indispensable qu'elles continuent leur retraite. Il donne d'ailleurs l'assurance qu'aucune brèche sérieuse ne sera faite dans les lignes du dispositif général par un repli prématuré ou hâtif de ses troupes, mais insiste sur le délai qui leur est nécessaire pour se refaire et recevoir des renforts. Effectivement, dans la soirée, il donne à son armée l'ordre de se replier le 30 sur le front Soissons, Rethondes, le quartier général sur Villers-Cotterêts.

D'autre part, jugeant ses communications avec le Havre dangereusement menacées par l'avance allemande, le maréchal French décide d'établir une nouvelle ligne de communications et donne des ordres pour transférer la base d'opérations anglaise du Havre à Saint-Nazaire, avec base avancée au Mans.

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