RÉGION DE CHÂTEAU-THIERRY, VALLÉE DU SURMELIN, 10 SEPTEMBRE 1914

RECONNAISSANCE DE CAVALERIE DANS LA VALLÉE DU SURMELIN, 10 SEPTEMBRE 1914

Ces lignes sont reprises, d'un document partiel extrait du livre : "En Campagne, 1914-1915. Impressions d'un Officier de légère.", de Marcel Dupont, Officier de Cavalerie, paru en 1915 chez Plon. Ce texte parle de Chasseurs à cheval et de Chasseurs d'Afrique : les Chasseurs à cheval peuvent appartenir au 14ème Chasseurs, 8ème brigade légère, 8ème D.C. au 2ème C.C. (Conneau) ?, les Chasseurs d'Afrique peuvent appartenir au 5ème Chasseurs d'Afrique, de la 38ème D.I., du 18ème C.A., Vème Armée ? Ces deux unités se battent dans la région à l'époque.

 

V - L'AFFAIRE DE JAULGONNE

 

10 septembre 1914.

Le 9 septembre, vers huit heures du soir, nos éclaireurs de pointe entraient dans Montigny-les-Condé au moment où les derniers dragons de la garde prussienne le quittaient à grande allure. La nuit très sombre arrêta notre poursuite. Le ciel roulait de gros nuages menaçants; on n'y voyait pas à dix pas devant soi.

Tandis que les capitaines plaçaient en hâte des postes autour du village, tandis que les lieutenants établissaient des barricades à toutes les issues et y installaient des gardes, les fourriers faisaient ouvrir les granges et les écuries. Aidés par les habitants, ils répartissaient de leur mieux le logement insuffisant entres les hommes et les chevaux des escadrons. Dans chaque peloton on allumait les feux des cuisines à l'abri des murailles pour que l'ennemi ne les vit pas.

Quel dîner nous fîmes ce soir-là ! C'était dans une salle au plafond bas garni de poutrelles. Les murs en étaient enfumés et crasseux. Sur un coffre placé près de la porte, je vois encore un gros tas de pains de munition jetés pêle-mêle et, penché sur l'âtre de la grande cheminée, éclairé par le feu de bois, un homme inconnu qui tournait quelque chose dans une marmite.

Nous mangeâmes en commun, le capitaine et moi, dans la même assiette et bûmes dans la même timbale, car la vaisselle était rare. Autour de la table, la pauvre femme qui nous hébergeait, courait affolée par le désir de contenter tout le monde. Et dans le coin le plus reculé, dans l'ombre, un très vieux paysan, hébété, les yeux hagards, contemplait cette scène inattendue. On fit une ovation au capitaine C.., toujours ingénieux, qui rapportait on ne sait d'où une grande cruche de vin aigrelet.

Depuis trois jours, nous poursuivions en combattant l'armée allemande. Nous étions rompus de fatigue. Mais nous ne la sentions que le soir, quand nous nous arrêtions pour donner un peu de repos à nos pauvres chevaux.

Avant que la dernière bouchée fût avalée, plusieurs d'entre nous ronflaient déjà, la tête appuyée dans les bras croisés sur la table. Les autres causaient de la situation. L'ennemi fuyait rapidement vers la Marne. Il devait l'avoir franchie à cette heure, laissant pour protéger sa retraite cette division de cavalerie de la garde avec laquelle notre brigade, depuis la bataille du 6 septembre, était sans cesse aux prises. Auraient-ils le temps de faire sauter tous les ponts derrière eux ? serions-nous obligés d'attendre, pour reprendre la poursuite, que nos sapeurs en aient jeté de nouveaux ?

On parlait avec anxiété de deux reconnaissances que notre colonel venait de lancer dans la nuit : deux braves officiers, F.. des chasseurs d'Afrique et mon bon camarade d'escadron O... On se demandait avec angoisse s'ils pourraient remplir leur mission : gagner à tout prix la Marne et nous faire savoir au petit jour s'il restait un passage sur le fleuve : soit à Mont-Saint-Père, soit à Jaulgonne, soit à Passy-sur-Marne, soit à Dormans. Aucune mission ne pouvait être plus périlleuse que ces reconnaissances faites dans la nuit noire, à travers un pays encore occupé par l'ennemi.

La nuit fut courte. Avant que le jour parût, les chevaux étaient bridés et les hommes prêts à se mettre en selle. Et dès que filtrèrent les premières lueurs de l'aube, mon escadron, désigné pour faire l'avant-garde de la brigade, dévala rapidement les pentes abruptes au pied desquelles est située la petite ville de Condé. Le peloton d'A... était en pointe. Je fus chargé avec le mien de reconnaître la partie est de la ville, tandis que F..., avec le sien, s'occupait des quartiers ouest.

Par escouades, sabre au clair, nos chasseurs se répandirent allègrement dans les rues de la vieille cité. Les fers des chevaux sonnaient joyeusement sur les pavés, entre les maisons anciennes et grises. Partout, sur les pas des portes, malgré l'heure matinale, les habitants se risquaient avec précaution et, tout joyeux de voir nos uniformes clairs, applaudissaient en criant :

- Ils sont partis ! .. Ils sont partis.

Mais quelques vieux, plus calmes, répondaient à mes questions :

- Monsieur l'officier, méfiez-vous. Ils étaient encore là il y a une heure avec beaucoup de chevaux et de canons. Même il y a un général et tout un état-major qui ont couché au château... Nous ne jurerions pas qu'il n'en est pas resté quelques-uns par là.

Le temps de rassembler mon peloton et je me portai rapidement au château, situé à la sortie nord de Condé. C'est une assez jolie construction dont je n'eus pas le loisir de préciser le style. Le temps pressait, car la brigade, derrière moi, devait arriver aux premières maisons du bourg. Ce dont je me souviens, c'est que l'ensemble m'en parut harmonieux et que les bâtiments se détachaient gaiement sur le sombre feuillage du parc, tout reluisant encore des ondées de la nuit. Ils étaient construits en forme de fer à cheval, et au centre se trouvait une sorte de cour d'honneur agrémentée de deux lignes d'orangers en caisse.

Je me hâtai de disposer deux postes, l'un sur la route pour éviter toute surprise, et l'autre à l'entrée du parc, afin de barrer la sortie au cas où quelque fuyard tenterait de la franchir. Puis, avec le reste de mon peloton, je franchis au trot la grande grille dorée. Deux hommes se tenaient immobiles dans l'avenue qui menait au château. L'un, vêtu de noir, le visage rasé, paraissait être quelque vieux serviteur de la maison, l'autre devait être l'un des jardiniers. Leurs visages blêmes, leurs yeux rougis prouvaient qu'ils n'avaient guère dû dormir cette nuit-là.

- Eh bien! l'ami, reste-t-il quelqu'un à cueillir chez vous?

- Monsieur, répondit-il, je ne saurais vous dire, car je n'ai pas remis les pieds au château depuis qu'ils l'ont quitté. Ce que je puis assurer, c'est qu'ils ont fait ripaille toute la nuit et qu'ils se sont enivrés comme il n'est pas permis. Toute la cave y a passé et je ne serais pas étonné qu'il en fût resté quelques-uns sous la table.

Mais comme je lui demandais d'entrer avec nous pour nous guider dans notre visite, il refusa avec épouvante. Il était tout tremblant à la pensée de revoir peut-être l'un de ses hôtes forcés. Comme il n'y avait point de temps à perdre, je fis vivement mettre pied à terre à mes hommes. Je donnai l'ordre à un brigadier de fouiller l'aile droite des bâtiments, à un autre de reconnaître l'aile gauche et, avec ce qui restait de mon peloton, je me chargeai de la partie centrale. Il fallait faire vite, et je prescrivis à mes gradés de passer rapidement dans les différentes pièces, sans s'attarder à les inspecter en détail.

La porte principale était grande ouverte. Ayant mis revolver au poing, je pénétrai dans le vestibule, où régnait un désordre indescriptible. Des ordonnances, sans doute, avaient couché et mangé là, car de la paille jonchait les dalles, et des bouteilles vides, ainsi que des boîtes de sardines et des débris de pain, étaient répandus çà et là. Mais quand j'ouvris la porte de la salle à manger, je ne pus m'empêcher de m'arrêter un instant devant l'étrange spectacle que j'aperçus. Par les quatre hautes fenêtres entrait le jour gris de cette matinée de septembre. Il répandait une lumière blafarde sur la longue table. Messieurs les officiers de la garde avaient bien fait les choses.

Toute l'argenterie des dressoirs avait été mise à contribution. Sans nécessité, d'ailleurs, car, arrivés trop tard pour ce faire préparer un repas sérieux, ils avaient dû se contenter de ce qu'ils apportaient avec eux. Et le contraste étai étrange de ces boîtes de conserves vides traînant au milieu de la riche vaisselle, en partie brisée, et des plats d'argent demeurés vides. Mais ils s'étaient rattrapés sur la cave. Un nombre incalculable de bouteilles pleines ou vides étaient entassées sur tous les meubles. Des verres fins de toutes formes et de toutes grandeurs, les uns vides, les autres encore à demi remplis, traînaient de tous côtés. La nappe blanche était, par places, souillée de larges taches violacées. Le plancher était jonché de débris de verre en miettes. Tout autour, les chaises bousculées ou renversées marquaient à peu près les places d'une dizaine de buveurs. Sur cette scène de lendemain d'orgie, flottait une odeur âcre de tabac et de vin.

Une chose surtout m'est restée en mémoire : la vue d'une jolie casquette d'officier à bandeau rouge restée suspendue à l'une des branches du lustre central. Et j'évoquai malgré moi la tête de celui à qui elle devait appartenir, quelque rittmeister à monocle, à joues grasses et roses et à nuque débordante sur le haut col de la tunique. Quel dommage qu'il ait pu s'enfuir ! Ce sont de ces figures que nous aurions tant de plaisir à voir de plus près et en face.

Mais il ne fallait pas s'attarder. Nous repartîmes. Ce fut une galopade vertigineuse à travers des salons bouleversés et des chambres où les lits portaient encore la trace des corps qui s'étaient laissés tomber pesamment l'espace d'une heure. Mais nous n'y trouvâmes aucun ivrogne oublié.

Comme nous redescendions dans la cour, mes deux brigadiers m'y attendaient déjà. Eux non plus n'avaient rien vu. Vite, en selle ! et nous repassâmes rapidement la grande grille dorée. Le vieux serviteur et le jardinier étaient toujours à la même place, silencieux et abattus. Ils ne nous dirent pas un mot, ne firent pas un geste; ils semblaient complètement désemparés et incapables de comprendre ce qui se passait.

A peine revenu à l'escadron, il m'était donné d'avoir une vision inoubliable. A un détour de la route, nous aperçûmes, se dirigeant vers nous, trois cavaliers couverts de sang. C'était F..., l'officier de chasseur d'Afrique, envoyé en reconnaissance la veille au soir. Il avait perdu son taconnet et avait la tête entourée d'un mouchoir ensanglanté. Son bras gauche était également soutenu par un bandage improvisé passé autour du cou. Les deux hommes, également couverts de blessures, le suivaient. Leur regard droit et fier brillait dans leur visage fiévreux. Un d'eux, n'ayant plus de fourreau, tenait encore à la main son sabre tordu et rouge. Instinctivement, nous arrêtâmes nos chevaux et saluâmes.

- Je n'ai pu atteindre la Marne, nous dit F ... d'un ton de regret. Et pourtant, quand leurs avant-postes nous ont tiré dessus dans la nuit, nous avons chargé et passé au travers. Nous avons traversé deux villages occupés en chargeant sous une grêle de balles. Nous avons chargé encore leur avant-postes pour revenir. Et voilà..., je ramène deux hommes sur huit et tous mes chevaux ont été tués ... Ceux-ci ? - et il nous montrait sa monture - les chevaux de trois uhlans que nous avons tués pour ne pas rentrer à pied.

Effectivement, ils n'avaient pas les jolis petits chevaux arabes que remontent si excellemment nos chasseurs d'Afrique. Ils étaient juchés sur trois grandes biques au lourd paquetage allemand.

F... répéta sur un ton de dépit : - Mais je n'ai pas pu atteindre la Marne .... Ils étaient trop.

Nous serrâmes avec effusion sa main valide. Pauvre et brave F ...! Quelques jours après, il devait trouver une mort glorieuse en chargeant une fois de plus avec trois chasseurs pour dégager l'un des siens blessé. Jamais on ne vit type plus accompli de cavalier, je pourrais dire de chevalier. Il dort maintenant, le corps criblé de coups de lance, dans les plaines de Champagne.

A peine l'avions-nous dépassé que nous aperçûmes le reconnaissance de mon camarade O... Notre joie fut grande de constater qu'il revenait indemne avec tout son monde. Et pourtant que de dangers il avait affrontés, fusillades d'avant-postes, fusillades de cyclistes, poursuite de cavaliers. A Crézancy, où il arrive à trois heures du matin, le village est occupé et fortement gardé. Et cependant il n'y a qu'un pont au-dessus de la voie ferrée et il est à l'autre bout du village. Par bonheur, il peut s'emparer d'un habitant. Il l'oblige, en lui mettant le revolver sous le nez, à le guider par des sentiers impossibles qui lui permettent de faire le tour du pays sans éveiller l'attention et l'amènent jusqu'au pont. Là, il se lance au galop et peut passer malgré le feu du poste qui le garde. Enfin, il arrive jusqu'à la Marne. Il ne trouve d'intact que le pont de Jaulgonne, un pont suspendu léger, fragile, mais que nous serons bien heureux de trouver s'il est encore temps. Et il rentre en hâte en traversant les bois et en essuyant encore maints coups de feu. Il rapporte le renseignement qui va orienter notre marche.

Dès lors, il ne fallait plus perdre une minute. Le capitaine me détacha aussitôt avec mon peloton pour suivre en flanc-garde la ligne de crêtes boisées qui domine la route à droite, tandis que F..., avec le sien, franchissait le Surmelin et la voie ferrée qui le longe et allait remplir la même mission de l'autre côté de la vallée.

Ma mission était assez pénible. En effet, les hauteurs qui dominent à l'est le cours du Surmelin sont constituées par une série de croupes séparées par d'étroits ravins perpendiculaires à la rivière et qu'il nous fallait franchir pour continuer notre route vers le nord. L'ennemi semblait avoir abandonné complètement cette région et l'on entendait à peine le canon au loin, vers l'est. Enfin, vers sept heures du matin, nous débouchâmes sur la vallée de la Marne.

Tandis que j'envoyais des cavaliers sur la route serpentant le long du Surmelin pour me mettre en liaison avec mon capitaine, j'inspectais soigneusement à la jumelle la rive droite de la Marne. Le spectacle aurait pu tenter un peintre et les travaux de la guerre n'empêchent pas de goûter le charme de tableaux aussi ravissants. Le soleil chassait petit à petit la brume de ce matin morose et commençait à dorer les hauteurs couvertes de bois qui dominent les deux rives de la rivière. Partout régnait le calme d'une journée qui s'annonçait exquise. Nous nous serions crus à un pacifique service en campagne favorisé par une radieuse matinée d'automne. La Marne décrit ici de gracieux méandres. Elle coule limpide et claire dans un étroit vallon tapissé de prairies vertes, bordées à gauche et à droite de collines peu élevées parsemées de bois. A nos pieds, parmi les peupliers et les hêtres de la rive, nous distinguions les blanches maisons de coquets villages: Chartèves, Jaulgonne, Varennes, Barzy.

Je portai surtout mon attention dans la direction de Jaulgonne, puisque c'était par là que l'effort de passage serait tenté. Les hauteurs aux pieds desquelles est situé Jaulgonne s'élèvent à pic sur la rive nord et baignent presque dans la rivière. Au contraire, au sud, de notre côté, la rive gauche de la Marne est bordée de vastes prairies que traversent la voie ferrée et la grande route d'Epernay. La position aurait donc été très forte pour les Allemands s'ils avaient franchi la rivière, car nous serions forcés, avant d'arriver au pont, de traverser un espace découvert qu'ils pourraient tenir sous le feu de leur artillerie. Mes chasseurs, prompts à saisir le pourquoi des choses, fouillaient également de tous leurs yeux la rive opposée. Rien ne bougeait, rien ne décelait la présence d'une troupe quelconque parmi les boqueteaux aux teintes rouillées qui tapissaient les flancs de la colline muette. Auraient-ils déjà fui plus loin ? Auraient-ils abandonné, sans la défendre, cette redoutable position ?

A ce moment, par le sentier abrupt qui, de la route, menait à la croupe boisée où nous étions, un de mes chasseurs parut. Son cheval soufflait bruyamment, car la pente était rude et il avait dû se hâter. Il m'apportait des ordres.

- Mon lieutenant, le capitaine m'envoie vous dire de le rejoindre au plus vite de l'autre côté du pont. Le premier peloton est déjà passé, mais on a vu des cavaliers ennemis de l'autre côté du village.

Comme il disait ces mots, quelques coups de feu retentirent au loin, très nets et très secs dans la paix radieuse de ce beau matin de septembre. Allons, tant mieux ! Nous les avons "accrochés". On va rire. Déjà mes hommes commencent à plaisanter et à montrer plus de vivacité et de brusquerie dans leurs mouvements. C'est une sorte d'énervement joyeux. Il gagne toujours la troupe quand on entend les premières détonations et que l'on escompte quelque jolie galopade où l'on est certain - nous le sommes tous - d'avoir le dessus.

En file indienne, par le sentier rocailleux et glissant, nous dévalons rapidement vers la plaine. Bientôt nous voici sur la grande route, puis nous tournons à gauche et nous nous engageons sur la longue chaussée bordée de peupliers qui mène au pont. Tout près de la rive, j'aperçois un petit groupe de cavaliers pied à terre. Je reconnais notre colonel au milieu de l'état-major de sa brigade. Il donne des ordres au lieutenant-colonel commandant les chasseurs d'Afrique.

Je m'approche pour rendre compte de ma mission. Et j'apprends que déjà le premier escadron a franchi la rivière et occupe le village situé de l'autre côté. On a vu des fractions de cavalerie allemande sur les crêtes voisines.

Je me dispose à rejoindre rapidement mes camarades. Mais il faut être patient pour arriver à passer la Marne. Le pont jeté d'une rive à l'autre paraît un jouet délicat. Il semble voler au-dessus des eaux. Comment songer à faire passer des milliers d'hommes, de chevaux, de canons sur cette chose si mince qu'on dirait à peine soutenue au-dessus des berges par les mailles fragiles d'une toile d'araignée ? Le capitaine D... me transmet les ordres formels du colonel.

- Ordre de ne passer que quatre cavaliers à la fois et au pas.

Prenant la tête du mouvement, je pars avec mes quatre premiers chasseurs. Le pont retentit d'une façon bizarre sous les pieds des chevaux et il me semble qu'il est pris d'une sorte d'oscillation. Heureusement que l'ennemi ne se trouve point de l'autre côté, sans quoi le passage nous aurait coûté cher.

Tandis que je me fais ces réflexions, voilà qu'une fusillade nourrie éclate à la lisière des bois qui dominent Jaulgonne à l'est. On doit tirer sur le village, car aucune balle ne siffle autour de nous. Ce doit être le premier escadron qui est aux prises avec les cavaliers allemands. Arrivé de l'autre côté du pont, mon impatience grandit. Quel supplice de voir tout le temps qu'il faut pour réunir ma trentaine de braves et courir à l'aide des camarades . Je distingue dans les yeux des hommes une hâte semblable. Ceux qui sont sur le pont et qui avancent tout doucement, pas à pas, semblent implorer un geste qui les autorisera à prendre le trot. Mais je fais semblant de ne point comprendre et les pieds des chevaux continuent à marteler lourdement le tabler sonore du pont. Enfin, voici tout mon monde réuni.

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