LE POINT DE VUE DU GENERAL BAUMGARTEN-CRUSIUS

II - LA BATAILLE DU BASSIN DE LA MARNE

4ème Partie

L'ennemi.

 

Par son ordre d'opérations du 1er septembre, ordre déjà cité, Joffre avait prescrit de regrouper les Anglais et les 3e, 4e, 5e, 6e et 9e armées françaises, sur la ligne Paris - Verdun, fortement infléchie en arrière, en constituant une puissante masse d'attaque à l'aile gauche, en face des 1re et 2e armées allemandes. L'armée Maunoury demeura, en conséquence, à l'intérieur du front nord-est de Paris. L'armée anglaise et la 5e armée française, ayant entre elles le corps de cavalerie Conneau, s'établirent au sud du Grand-Morin.

Plus à droite, Foch (9e armée) s'arrêta sur l'Aube, la 4e armée sur l'Ornain ; la 3e armée, enfin, à l'est de cette dernière. Le groupement de choc que l'on projetait de former dans cette région ne fut pas constitué. Avant le début de la bataille, les forces anglo-françaises étaient rassemblées comme suit :

La 3e armée, aux ordres du général Sarrail (4e, 5e, 6e C. A., ce dernier moins la 42e division ; une brigade de la 54e D. R. ; 65e, 67e et 75e D. R. ; 2e et 7e D. C.) s'étendait de Verdun à Revigny, face à la 5e armée allemande.

La 4e armée, aux ordres du général Langle de Cary (17e, 12e C. A., Corps colonial, 2e C. A.), était en liaison avec la précédente et s'étendait au sud de l'Ornain, jusqu'à Sompuis, face à la 4e armée allemande.

La 9e armée, constituée le 29 août aux ordres du général Foch comprenait le 9e C. A. (17e D., division marocaine et 52e division), le 11e C. A. (21e et 22e divisions renforcées à partir du 7 septembre par la 18e D. venue de Lorraine), la 42e division, la 60e D. R. et la 9e D. C. et tenait le front camp de Mailly - Sézanne. Elle devait, avec le 11e corps et la 9e D. C., faire face à la 3e armée allemande ; avec le 9e C. A. et la 42e division, faire face à l'aile gauche de la 2e armée allemande. La 60e D. R. devait tout d'abord demeurer en réserve au nord de l'Aube.

La 5e armée, aux ordres du général Franchet d'Espérey (18e; 3e, 1er et 10e C. A. ; groupe des 51e, 53e et 69e D. R. ; 2e corps de cavalerie - général Conneau - comprenant les 4e, 8e, 10e D. C. et une brigade de la 2e D. C.), était en liaison avec la 4e (non 9e !) armée et s'étendait jusqu'au plateau situé au nord de Provins. Elle constituait le groupe de choc principal et faisait face à la 2e armée allemande ainsi qu'à l'aile gauche de la 1re.

En liaison avec la 9e (non 5e !) armée, l'armée anglaise, fortement affaiblie et comprenant les 1er, 2e et 3e C. A. (ce dernier nouvellement constitué depuis le 30 août), ainsi qu'une division de cavalerie à cinq brigades et cinq batteries à cheval, était établie au sud-ouest de Coulommiers, en face du centre de la 1re armée allemande. Chaque division anglaise comprenait trois brigades d'infanterie, un escadron de hussards, deux compagnies du génie, une compagnie de transmissions, neuf batteries de canons et trois batteries d'obusiers de campagne. Il faut encore ajouter à ces unités la 19e brigade d'infanterie et un corps d'aviation de quatre escadrilles.

Enfin, la 6e armée française (général Maunoury), placée sous les ordres du gouverneur de Paris, dont toutes les forces lui servaient de soutien, était tenue prête, sur le front nord-est de Paris, à exécuter une contre-offensive dans le flanc de la 1re armée allemande.

Elle comprenait : le groupe Lamaze (55e et 56e D. R., une brigade marocaine) dans la forte position avancée de Dammartin, où il se trouvait depuis le 2 septembre ; le groupe Vautier : 7e C. A. (14e D. et 63e D. R.), en arrière prés de Louvres ; le groupe Ebener (61e et 62e D. R.) venant de Pontoise et encore en marche vers le champ de bataille ou il arrivera le 6 ; la 45e division algérienne, en réserve générale (poussée le 5 sur Dammartin). Le 4e C. A., enfin, commença à arriver, à partir du 4, par voie ferrée, immédiatement derrière le champ de bataille (au Raincy et Gagny). Le corps de cavalerie Sordet couvrait la gauche de l'armée ; la brigade de cavalerie Gillet était à Clayes. Le 9, arrivèrent encore dix compagnies de zouaves.

La garnison de Paris (83e, 85e, 89e et 92e divisions territoriales, brigade de fusiliers marins Ronarch) servait de soutien. Le gouverneur de Paris, le général Gallieni, prit le 4 septembre, la décision d'exécuter une contre-offensive dans le flanc de la 1re armée allemande, quand des aviateurs eurent établi que celle-ci se portait vers le sud-est en défilant devant le front nord-est de Paris.

Joffre approuva cette décision et envoya, le 4 septembre au soir, l'ordre suivant de son quartier-général de Bar-sur-Aube : 1° Il convient de profiter de la situation aventurée de la 1re armée allemande pour concentrer sur elle les efforts des armées alliées d'extrême gauche. Toutes dispositions seront prises, dans la journée du 5 septembre, en vue de partir à l'attaque le 6.

2° Le dispositif à réaliser pour le 5 septembre au soir sera :

a) Toutes les forces disponibles de la 6e armée, au nord-est de Meaux, prêtes à franchir l'Ourcq, entre Lizy-sur-Ourcq et May-en-Multien, en direction générale de Château-Thierry. Les éléments disponibles du 1er corps de cavalerie (général Sordet), qui sont à proximité, seront remis aux ordres du général Maunoury pour cette opération ;

b) L'armée anglaise, établie sur le front Changis-Coulommiers, face à l'est, prête à attaquer en direction générale de Montmirail ;

c) La 5e armée, resserrant légèrement sur sa gauche, s'établira sur le front général Courtacon - Esternay - Sézanne, prête à attaquer en direction générale sud-nord ; le 2e corps de cavalerie (général Conneau) assurant la liaison entre l'armée anglaise et la 5e armée ;

d) La 9e armée couvrira la droite de la 5e armée en tenant les débouchés sud des marais de Saint-Gond et en portant une partie de ses forces sur le plateau au nord de Sézanne.

3° L'offensive sera prise par ces différentes armées le 6 septembre dès le matin.

Les 4e et 3e armées reçurent leurs instructions spéciales à la fin de la journée du 5 :

La 4e armée, arrêtant son mouvement vers le sud, fera tête à l'ennemi, en liant son mouvement à celui de la 3e armée qui, débouchant au nord de Revigny, prend l'offensive en se portant vers l'ouest ;

La 3e armée, se couvrant vers le nord-est, débouchera vers l'ouest pour attaquer le flancs gauche des forces ennemies qui marchent à l'ouest de l'Argonne.

Le général Joffre adressa, en outre, la proclamation suivante à l'armée (datée du 6 septembre ) .

Au moment où s'engage une bataille dont dépend le salut du pays, il importe du rappeler à tous que le moment n'est plus de regarder en arrière ; tous les efforts doivent être employés à attaquer et à refouler l'ennemi ; une troupe qui ne peut plus avancer devra, coûte que coûte, garder le terrain conquis et se faire tuer sur place plutôt que de reculer. Dans les circonstances actuelles, aucune défaillance ne peut être tolérée.

Cette proclamation tomba aux mains des Allemands. Le G. Q. G. allemand put encore en donner connaissance à ses armées le 6 septembre ; mais cela n'eut aucune influence sur les événements.

Elle n'incita pas non plus, malheureusement, le G. Q. G. allemand à se rapprocher en toute hâte de son armée de l'Ouest qui s'engageait dans une bataille décisive.

L'ordre d'attaque, simple et clair, de Joffre, avait été précédé de maints frottements. French, pour qui la conservation de l'armée de campagne anglaise et le maintien de sa liaison avec l'Angleterre étaient la loi suprême, s'en tenait à son idée de se replier derrière la Seine. Ce ne furent que Kirchner et Gallieni, et surtout l'habileté diplomatique de Joffre, qui l'arrêtèrent et le mirent peu à peu en mouvement, une fois la bataille de la Marne commencée. Le 4 septembre, alors que Gallieni faisait pression pour que l'on profitât de la marche de flanc de l'armée allemande devant Paris, le chef d'état-major de Joffre approuvait encore le repli derrière la Seine. Joffre prit néanmoins toutes ses responsabilités et s'assura ainsi le mérite d'avoir sauvé la France.

La question de savoir, à qui revient le mérite d'avoir pris, le 4 septembre, la décision d'attaquer est actuellement, en France, une affaire de parti. Joffre ayant tout d'abord projeté de terminer par une percée sa retraite si habilement conduite et exécutée, on est d'autant plus obligé de reconnaître la souplesse avec laquelle il passa brusquement à l'idée du double enveloppement. Naturellement cette improvisation ne fut pas merveilleuse dans l'exécution.

La bataille de Cannes projetée par Joffre ne fut tout d'abord qu'une gigantesque bataille frontale, avec échec du mouvement enveloppant de gauche. Après une lutte de quatre jours, elle se termina sur tout le front par la défaite tactique des Alliés de l'Ouest ; mais le sort fantasque des batailles jeta cependant finalement au vaincu, six fois supérieur en nombre, la palme de la victoire que le vainqueur aveugle avait négligé de ramasser.

 

Début du combat et développement de la bataille jusqu'au 7 septembre au soir. - La lutte de l'aile ouest : 1re et 2e armées.

LA 1re ARMÉE LE 6 SEPTEMBRE.

 

Le IVe C. R., qui ne comprenait que 18 bataillons et 12 batteries et était chargé, avec la 4e D. C., d'assurer, au nord de la Marne, la couverture du flanc droit de la 1re armée face à Paris, reconnut, le 4 septembre, dans la position de la rive ouest de l'Ourcq, la présence de forces ennemies importantes à Dammartin et au sud. Pour éclaircir la situation, le commandant du corps d'armée, le général von Gronau, prescrivit, à 5 heures du soir, de passer à l'attaque, quand on eut constaté qu'au sud de Dammartin des colonnes ennemies se portaient vers l'est. Au cours d'un violent combat, où il identifia au moins deux divisions et demie ennemies et une puissante artillerie lourde, le IVe C. R. refoula les Français jusqu'au delà de la ligne Cuisy-Iverny . Surpris sans doute par l'attaque, le général Maunoury ne fit aucun usage de sa supériorité numérique écrasante. Le 7e C. A. français aurait pu envelopper complètement le IVe C. R. Il n'attaqua même pas. Pour ne pas tomber dans le rayon d'action de la forteresse de Paris, les troupes allemandes victorieuses furent repliées, au cours de la nuit suivante, jusque derrière la coupure de la Thérouanne. La 4e D. C. repoussa, elle aussi, victorieusement de fortes attaques dans la région de Brégy. " La première offensive ennemie contre le flanc menacé de la 1re armée avait été repoussée grâce à l'excellent commandement du général von Gronau, à son corps d'armée opiniâtre et à la 4e D. C. " (Kluck, page 98). Les cartes étaient montrées.

 

Croquis 5 : Champ de bataille de la 1ère Armée

Le colonel-général von Kluck ne croyait pas encore à un danger sérieux pour son flanc droit et comptait que la conversion à droite de la 1re armée vers la rive nord de la Marne s'accomplirait avec calme. Il donna des ordres dans ce but à 11 heures du soir.

Cependant, au cours de la nuit du 5 au 6 septembre, on constata, à la suite de comptes rendus du IVe C. R., qu'il était nécessaire d'intervenir avec plus de rigueur dans la liberté de mouvement des corps d'armée, afin de parer efficacement et en temps voulu au danger d'enveloppement.

En fait, la situation de la 1re armée allemande fut tout d'abord très critique. Le 5 septembre au soir, après une forte étape, quatre de ses corps d'armée, répartis en deux groupements d'aile, à droite les IIe et IVe corps, à gauche les IIe et IXe corps, se trouvaient sur le Grand-Morin, à Coulommiers et Esternay, avec, en avant d'eux, le corps de cavalerie von Marwitz, qui s'étendait de Rozoy à Courtacon, et dont les patrouilles allaient jusqu'à Provins : ces corps occupaient ainsi un front de 45 kilomètres entre Crécy et Esternay. Le IVe C. avait à parcourir 48 kilomètres pour aller de Coulommiers à Acy (7e division) et Trocy (8e division) ; le IIIe corps, 45 kilomètres pour aller de Sancy à Betz, enfin le IXe corps avait plus de 90 kilomètres pour se rendre, par La Ferté-Milon, de la région sud d'Esternay à Nanteuil où s'annonçait la décision d'aile !

Si l'ennemi venant de Paris attaquait avec des forces supérieures, on ne pouvait, du côté allemand, compter disposer, à l'ouest de l'Ourcq et pour la lutte décisive : du IIe corps que le 6 septembre ; du IVe .corps, que dans la nuit du 6 au 7 ; du IIIe corps, que le 8 au matin ; du IXe corps, enfin, que le 8 septembre dans la soirée.

De plus, les vallées profondément encaissées des deux Morin, de la Marne et de l'Ourcq étaient la plupart du temps, ainsi d'ailleurs que le réseau routier qui courait par monts et par vaux, perpendiculaires à la direction de marche nord-ouest que l'on était obligé de suivre.

Sur son front sud, la 1re armée avait repris à nouveau contact le 5 septembre, à droite avec les Anglais, à gauche avec la 5e armée française, ses anciens adversaires de Mons et de Charleroi. Ceux-ci laisseraient-ils les quatre corps allemands se replier sans rien faire : Le IVe C. R. tiendrait-il jusqu'à leur arrivée ? La 1re armée devait-elle se tenir sur la défensive ou bien remplir offensivement la mission de couverture qui lui avait été confiée ? C'étaient là des questions lourdes de destin.

Les ordres de Kluck à ses quatre corps partirent encore dans la nuit même. Il estima que frapper était la meilleure parade. Le IIe corps, appelé à secourir en premier lieu le IVe C. R., devait intervenir sur son front et à son aile gauche, les autres corps aussitôt que possible. De faibles arrière-gardes et le corps de cavalerie, placés sous la direction unique du général von der Marwitz, devaient arrêter du mieux qu'ils pourraient, les Anglais et les Français sur le Petit-Morin et sur la Marne, jusqu'à ce que la décision fût intervenue au nord de cette dernière rivière.

Le 6 septembre, Maunoury attaqua avec deux corps d'armée au nord de la Marne et une division au sud. Son corps de cavalerie chercha à envelopper le flanc nord allemand. Il en fut sans cesse empêché par la 4e D. C., qui avait été sensiblement affaiblie à Néry, le 1er septembre. Le IVe C. R. allemand résista sans se laisser ébranler à l'ouest de l'Ourcq. Dès midi, la 3e D. I. du IIe corps arriva à son aile gauche. Celle-ci, débouchant de la boucle de la Marne au nord de Trilport, poussa directement sur Vareddes. La 4e D. I., ayant avec elle le général von Linsingen, commandant du IIe corps, atteignit dans la soirée le centre et l'aile droite du IVe C. R., à Trocy et Etavigny. La ligne Etavigny - Lizy fut alors tenue d'une façon inébranlable et la contre-offensive allemande amorcée.

Le 6 septembre au matin, avant d'avoir reçu l'ordre qui le rappelait vers le nord, le IIe corps voulait franchir le Grand-Morin pour attaquer sur un large front les Anglais, qui, au lieu de se porter eux-mêmes en avant, attendaient l'attaque allemande dans la forêt de Crécy et au sud de Vaudoy (entre Coulommiers et Provins), bien en arrière de la ligne indiquée par l'ordre de Joffre.

Lorsque, dans la matinée, les Poméraniens firent demi-tour, les .Anglais ne les suivirent prudemment que jusqu'au Grand-Morin, de part et d'autre de Coulommiers ; bluffés et tenus en échec par la cavalerie et les faibles arrière-gardes du général von der Marwitz, ils laissèrent également le IVe corps se replier.

Le 6 septembre au matin, le corps de cavalerie et le IVe corps avaient continué, eux aussi, comme le IIe corps de Kluck, à s'avancer en direction de Provins avant d'être rappelés. C'était là qu'était la brèche entre les Anglais et la 5e armée française. Les cavaliers allemands poussèrent jusque devant Provins et menacèrent sérieusement le flanc gauche de la 5e armée française, qui marchait, depuis le matin, contre le groupement, de gauche de von Kluck (IIIe et IXe corps).

Rappelé de son attaque victorieuse, le IVe corps se replia sans encombre vers le nouveau champ de bataille de la rive ouest de l'Ourcq, en défilant devant le front anglais et en passant par Rebais et Coulommiers. Il fut tout d'abord poussé, le 6 septembre, jusqu'au delà de la Marne à La Ferté-sous-Jouarre, puis mis en marche, encore au cours de la nuit, vers le centre du front de l'Ourcq. Il devait attaquer au lever du jour.

L'aile gauche de Kluck, IIIe et IXe corps, combattit, le 6 septembre, sur le front Courtacon - Esternay et de concert avec l'aile droite de Bülow (Xe corps), contre les quatre corps (9 divisions) qui constituaient la puissante aile gauche de la 5e armée française ; rappelée le 6 septembre au matin, elle se replia, au cours de la nuit suivante, jusqu'à la ligne La Ferté-Gaucher - Montmirail. Elle était couverte, à sa droite, par Marwitz qui, avec ses 48 escadrons, 4 bataillons de chasseurs et 6 batteries de campagne, et de concert avec de faibles arrière-gardes des IIe et IVe corps, donna à croire avec succès aux Anglais, qu'ils avaient affaire à une armée toute entière.

Au IXe corps, la journée du 6 septembre provoqua une grave crise. Quatre divisions ennemies surprirent son avant-garde et détruisirent son artillerie. Prenant rapidement sa décision, le général von Quast passa alors à la contre-attaque. Le IIIe corps, déjà en marche vers le nord, fit front à nouveau ; l'artillerie de la 13e D. I. (VIIe corps) accourut également. On parvint ainsi à rétablir l'équilibre jusqu'au soir, bien que l'armée Franchet d'Espérey eût engagé, contre les IIIe et IXe corps, ses 18e, 3e et 1er C. A., soutenus en arrière par son groupe de divisions de réserve. Des éléments du 10e C. A. français participèrent également à ce combat inégal, d'où l'ennemi ne sut pas cependant tirer le moindre avantage. Sur l'ordre de Franchet d'Espérey, les Français se retranchèrent, dans la soirée, pour " résister coûte que coûte à toute nouvelle attaque ". En fait, la force offensive de l'aile de choc de la 5e armée française se trouva ainsi épuisée dès le 5 septembre, mais le commandement allemand ne s'en aperçut pas naturellement tout de suite. En tout cas, le 6 septembre au soir, le IXe corps avait recouvré toute sa liberté d'action.

L'aile gauche de la 5e armée française se contenta d'occuper les passages du Grand-Morin.

En fait, dès le 6 septembre au soir, le danger constitué par l'attaque de flanc française contre la 1re armée allemande était déjà conjuré. Le chef de cette armée, parfaitement conscient de la situation, transmit au G. Q. G. le compte rendu de fin de journée suivant : " La 1re armée a eu aujourd'hui deux de ses corps engagés au nord de la Marne et au sud-ouest de Crouy, contre un ennemi puissant venu de Paris, dans un dur combat, où le IVe corps doit intervenir demain. Avec ses deux corps d'aile gauche, elle a couvert aujourd'hui le flanc de la 2e armée ".

Mais il était déjà parfaitement clair que le lendemain une brèche s'ouvrirait sur le Morin et que, pour la boucher, on ne pourrait disposer tout d'abord que des deux corps de cavalerie. Dans l'affolement de la situation, - qui exigeait également que les 1re et 2e armées fussent subordonnées à un organe de direction unique, un groupe d'armées - on négligea de placer ces deux corps sous un commandement commun. " La 1re armée poussait vers l'Ourcq, la 2e vers la Seine. Quant au G. Q. G., il ne dit mot du 5 au 9 septembre " (Kuhl., page 187).

L'état-major de la 1re armée ne savait rien sur les effectifs et la composition des forces ennemies auxquelles il avait affaire sur l'Ourcq et sur son front sud, mais il sentait cependant nettement que, pour le moment, il avait en face de lui des forces supérieures. Kluck allait cependant avoir à sa disposition, le 7 septembre, trois corps d'armée et une division de cavalerie pour résister à l'ennemi à l'ouest de l'Ourcq.

 

LA 2e ARMÉE LE 6 SEPTEMBRE.

 

Le 6 septembre, la 2e armée, franchissant le Petit-Morin et la ligne Montmirail - Morains-le-Petit, porta son attaque jusqu'au Grand-Morin ; son aile droite (Xe corps), qui était en échelon avancé, se replia par ordre de la région d'Esternay dans la direction de Montmirail, lorsque les corps voisins de la 1re armée furent rappelés vers le nord. En arrière et à droite de lui, le VIIe corps fut tenu prêt, par précaution, à intervenir derrière l'aile droite, pour le cas probable où les deux corps voisins de la 1re armée seraient encore rappelés plus au nord.

L'aile droite du Xe corps recueillit, à la lisière de la forêt située au sud du Gault, à 10 kilomètres environ au sud-est de Montmirail, le Xe C. R. qui se repliait et arrêta près du Gault l'avance du groupement de choc de la 5e armée française, qui cherchait, avec son aile droite renforcée et formant échelon avancé, à percer par Esternay en direction de Montmirail. Le gros des forces du Xe corps entra en lutte avec l'aile gauche de Foch (42e D. I. et division marocaine) ; à droite, la 19e D. I. força le passage du Petit-Morin, mais fut entraînée ensuite, au sud de cette rivière, dans des combats de bois indécis ; la 20e D. I. rejeta les forces qui lui étaient opposées au delà de la partie ouest des marais de Saint-Gond, dont elle occupa la rive nord.

Le combat prit la même tournure au Corps de la Garde, qui était engagé à gauche du Xe corps. Sa division de droite (1re D. G.) rejeta l'ennemi au delà des marais de Saint-Gond et occupa Aulniseux et Aulnay. Mais la puissante artillerie française, qui était établie au sud des marais et que les pièces allemandes ne pouvaient atteindre, l'empêcha de progresser au delà de la zone marécageuse.

La 2e D. G. devait exécuter un mouvement enveloppant par l'est des marais de Saint-Gond. Mais elle se heurta, dès Morains-le-Petit, à une forte résistance. La Garde et le 9e corps français s'immobilisèrent donc mutuellement.

L'attaque générale franco-anglaise d'aile gauche se trouva ainsi contenue dès le premier jour de bataille. Mais les mouvements de repli des II e, IVe, III e, IXe C. A. et Xe C. R. allemands, qui s'étaient avancés jusqu'au delà du Grand-Morin, n'en furent pas moins considérés par nos ennemis de l'ouest comme des succès remportés par leurs troupes.

Le colonel-général von Bülow voulait faire face à Paris, le 6 septembre, en pivotant autour du VIIe corps. L'attaque ennemie dirigée par surprise et avec des forces supérieures contre les corps voisins (IIIe et IXe) de la 1re armée et le rappel de ces corps par le commandant de la 1re armée mirent assurément la 2e armée dans une situation sérieuse. Des comptes rendus inexacts, annonçant que l'ennemi continuait à se replier derrière la Seine, amenèrent le commandement de la 2e armée à donner, le 6 septembre à midi, un ordre de poursuite ; mais, dans la soirée, le rappel des IIIe et IXe corps l'obligèrent à suspendre la continuation de l'attaque projetée pour le 7 septembre et à envisager, pour cette journée, une attitude défensive sur la coupure du Petit-Morin.

 

Croquis 6 : Champs de bataille de la 2ème armée.

Que le colonel-général von Bülow ait été contrarié de voir son flanc droit découvert par suite du départ des IIIe et IXe corps, cela se comprend. Un organe compensateur aurait pu certainement remettre les choses en ordre le 6 septembre ; mais il fit défaut. La tournure prise par l'attaque française à l'aile ouest de la 2e armée avait montré que l'infanterie française souffrait encore des échecs qu'elle avait subis sur la Sambre et sur l'Oise et que l'artillerie française ne pouvait pas tout faire à elle seule. Aussi, malgré la diversité des instructions données successivement par les deux armées voisines, le commandement de la 2e armée pouvait-il envisager avec confiance la deuxième journée de bataille.

 

LA 1re ARMÉE LE 7 SEPTEMBRE.

 

" Le 7 septembre au soir; la 1re armée avait déjà triomphé, à l'aile droite de l'armée allemande de la grave situation où l'avait mise son adversaire. Grâce à l'intervention opportune du IVe corps, le combat de ses corps de droite (IIe C. A. et IVe C. R.) progressait favorablement vers une ligne située approximativement à l'est de Nanteuil - Meaux.

" Les deux corps d'aile gauche de la 1re armée (IIIe et IXe corps) étaient en marche vers le champ de bataille de la rive ouest de l'Ourcq. L'attaque devait être continuée le lendemain avec des chances de succès. "

Tel est l'exposé des événements, d'après le compte rendu de fin de journée de la 1re armée.

La façon dont le commandement de la 1re armée envisageait la situation était caractérisée, depuis le début de la bataille, par la conviction que l'ennemi voulait une bataille décisive et cherchait à obtenir la victoire au moyen d'une manœuvre partant de Paris. " Il s'agissait, en cette occurrence, non seulement de repousser l'ennemi, mais encore de le battre en exécutant une contre-offensive enveloppante par le nord " (Kluck, page 111).

Le colonel-général von Kluck, croyant que la 2e armée avait commencé à exécuter son mouvement d'investissement vers l'ouest, conformément à la directive du G. Q. G. du 4 septembre, ramena, le 7 septembre au matin, ses deux corps de gauche, vers son aile nord, " mesure imposée par la gravité de la situation " (Kluck, page 111). Ils devaient y intervenir d'une façon décisive, le 8 septembre au matin au plus tard.

Depuis le 7 septembre, les troupes suivantes étaient engagées à l'ouest de l'Ourcq, sous la direction unique du général von Linsingen .

Groupement nord : Sixt von Armin (7e D. I., 4e et 16e brigades), d'Antilly à Acy ;

Groupement central : von Gronau (8e D. I., moins la 16e brigade, et 7e D. I.), d'Acy à Trocy ;

Groupement sud : von Trossel (22e D R. et 3e D. I.),de Trocy à Varreddes.

Ce dernier souffrait beaucoup des feux de flanc de l'artillerie anglaise. Le général Maunoury attaqua, à partir de 4 heures du matin, l'aile droite du IVe C. R. avec le 7e C. A., les 55e et 56e D. R., la brigade marocaine et la 45e D. I. L'attaque échoua. La contre-offensive allemande, déclenchée à partir de midi, en exécutant une conversion face au sud, progressa favorablement à droite et au centre, mais ne put encore apporter au groupement sud le soulagement souhaité. C'est pourquoi la brigade de tête du IIIe C. A. fut engagée dans cette région, en direction de Trilport, avec l'artillerie lourde de ce corps d'armée, pour réduire au silence l'artillerie lourde ennemie, supposée anglaise. Le 2e C. C. fut chargé de la couvrir vers le sud.

Pour se protéger contre l'artillerie lourde ennemie, la ligne de combat de la 1re armée s'enterra, décidée à tenir jusqu'au bout. L'aile gauche, dans la région de Varreddes, fut un peu repliée pendant la nuit.

La situation de la 1re armée se trouvait ainsi assurée, le 7 septembre, mais des " soucis pesaient encore, au sujet du succès décisif, sur le commandant en chef et sur son chef d'état-major, le général von Kuhl, qui examinait la situation sur toutes ses faces " (Kluck, page 114).

Le corps de cavalerie Sordet et la division de cavalerie Cornulier, demeurée jusqu'alors dans la vallée de la Marne, arrivèrent eux aussi, le 7 septembre devant le front de la 1re armée allemande, à l'aile gauche française. La tentative qu'ils firent pour envelopper l'aile nord allemande échoua. Au cours de la journée, les Français ne gagnèrent absolument aucun terrain vers l'Ourcq.

Les puissantes masses allemandes que l'aviation française avait signalées en marche vers le nord-ouest, sur la rive est de l'Ourcq, donnèrent à réfléchir à Maunoury. Il était déjà évident que les Anglais, qui, avec leurs trois corps d'armée et leur division de cavalerie, n'avaient guère dépassé le Grand-Morin n'avaient pas réussi à accrocher le centre et l'aile gauche de Kluck au sud de la Marne. Dans la soirée, les Anglais avaient leur 1er C. A. et leur D. C. à Choisy, leur IIe C. A. à l'est de Coulommiers, leur IIIe C. A. au nord-ouest de ce point, au contact immédiat du corps de cavalerie von der Marwitz.

Joffre et Gallieni cherchèrent en vain à pousser French en avant. Il demanda et obtint même la 8e D. I. du 4e C. A. français qui, depuis le 6 septembre, avait été rameuté par voie ferrée. Cette division manqua, le 7 septembre, à Maunoury à l'heure décisive et à l'endroit décisif, son aile gauche. Au cours de la nuit suivante, Gallieni envoya jusqu'à Nanteuil, dans 1.300 taxis de Paris, cinq bataillons de la 7e D. I., deuxième division du IVe C. A. qui venait précisément d'arriver. Le reste de la division continua par voie ferrée. L'artillerie fit mouvement par voie de terre (Kuhl, page 194).

 

LA 2e ARMÉE LE 7 SEPTEMBRE.

 

Le départ des IIIe et IXe corps de la 1re armée pour le champ de bataille de la rive ouest de l'Ourcq n'avait certainement pas échappé à l'aviation ennemie. L'aile gauche de la 5e armée française ne s'avança cependant, au début, qu'avec prudence en direction de Montmirail et de la région située à l'ouest de ce point. Son chef, le général Franchet d'Esperey, dirigea le gros de ses forces contre le corps de droite de la 2e armée (Xe C. R.) ; celui-ci réussit encore à se maintenir en avant de Montmirail, au prix de lourdes pertes. A sa droite, le corps de cavalerie von Richthofen et les avant-gardes du VIIe corps continrent le choc ennemi.

En arrière d'eux, le VIIe C. A., formant flanc défensif, occupa la coupure du Dolloir de Chézy-sur-Marne jusqu'au delà de Fontenelle. Lorsque, dans la soirée, le IXe corps fut retiré définitivement de la rive gauche de la Marne, le Xe C. R. se replia par ordre derrière le Petit-Morin. La journée s'était écoulée, à l'aile ouest de la 2e armée, en grande partie en changements de positions et en duels d'artillerie. La force offensive de l'infanterie française était déjà visiblement paralysée dans cette région.

Au centre de la 2e armée, le combat fut plus sérieux. Le Xe C. A. franchit avec son aile gauche (20e division) le Petit-Morin à Saint-Prix. Mais ses deux divisions durent se replier au cours de la nuit suivante au nord de la rivière par ordre de Bülow. Les objections formulées contre ce repli demeurèrent sans résultat.

Plus à l'est, le Corps de la Garde avait glissé vers la gauche pendant la nuit du 7 septembre, pour éviter de se lancer au delà des marais de Saint-Gond dans un assaut qui n'avait aucune chance de succès. Conversant face à l'ouest, à l'est des marais, il se porta alors à l'attaque, le 7 au matin, de concert avec le groupement de droite de la 3e armée, en dirigeant son aile droite sur Bannes. Malgré l'héroïsme de la Garde, qui fit l'admiration de Foch lui-même, l'attaque ne fut pas couronnée d'un succès décisif. L'ennemi put même faire une contre-attaque sur Aulnay. Celle-ci amena Bülow à rameuter le VIIe C. A. moins la 13e D. I. (6 bataillons seulement !!!) qui resta seule à assurer la couverture du flanc droit - vers la bordure nord des marais de Saint-Gond, par Champaubert. Ce fut là une mesure extrêmement grave ainsi que nous le voyons aujourd'hui.

Elle ne tenait pas du tout compte du fait que la situation de l'ennemi était intenable. Seule, son aile gauche avait légèrement progressé. Plus à gauche, devant la cavalerie française, les forces allemandes avaient disparu. Les Anglais ne voulaient guère se porter en avant. Le centre de Franchet d'Espérey était bloqué devant le Petit-Morin. Quant à son corps de droite (10e C. A.), Franchet avait été obligé de le pousser vers la droite pour soutenir le front de l'armée Foch, qui vacillait d'une façon inquiétante. Que devait faire Franchet d'Esperey ? S'il continuait à pousser vers le nord, il perdait toute liaison avec Foch ; s'il aidait ce dernier, il abandonnait Maunoury à ses seules forces sur l'Ourcq. S'il divisait ses forces, c'était encore pire (KUHL, page 195). Malheureusement, Bülow ne tira aucun avantage de cette situation.

Ce fut surtout la journée du 7 septembre qui ne fut pas une journée heureuse pour Bülow, ce directeur de bataille éprouvé. Il ne fit aucun usage de la recette indiquée par Schlieffen pour conduire les batailles : " Assis dans un fauteuil confortable devant une large table, le moderne Alexandre a sous les yeux, sur une carte, l'ensemble du champ de bataille. C'est de là qu'il téléphone en termes enflammants ; c'est là qu'il reçoit les comptes rendus, etc... " Au lieu de cela, le colonel-général von Bülow, demeuré fidèle à la manière de conduire la bataille qu'il employait durant les manœuvres impériales, se mettait en route de grand matin pour aller sur le terrain. C'est pour cette raison que le journal de marche de la 2e armée ne contient en général, pour les journées de bataille, que des remarques sur le départ et le retour du commandant de l'armée et de son chef d'état-major. Mais sur le terrain, derrière le front de combat, Bülow éprouvait aussi des impressions beaucoup moins agréables, qu'en chef décidé, prompt à agir, sûr de soi, il ne traduisait que trop facilement en ordres et décisions. C'est ainsi que, le 23 août, il avait détourné, par ses cris d'appel, les 1re et 3e armées de leur mission ; c'est ainsi qu'il avait agi le 29 août sur l'Oise. C'est ainsi aussi que, le 7 septembre, il rappela sa seule réserve générale, de l'aile droite décisive vers les marais de Saint-Gond. Il ne doit donc avoir eu, quand il donna cet ordre à une heure tardive de la soirée, aucune crainte pour son aile droite. Il n'en parle pas dans son rapport où, d'ailleurs, il s'occupe davantage de la 1re armée que de la sienne propre : c'est ainsi qu'il reproche, à cette occasion, à la 1re armée " d'avoir prêté son attention uniquement aux forces ennemies de la rive ouest de l'Ourcq ".

Le 7 septembre, à 10 heures du matin, la 1re armée télégraphia à la 2e : " Les IIe, IVe C. A. et le IVe C. R. sont engagés dans un dur combat à l'ouest de l'Ourcq ", puis à 11 h. 15 : " L'intervention des IIIe et IXe corps sur l'Ourcq est instamment nécessaire. L'ennemi se renforce sérieusement. Prière de mettre ces deux corps d'armée en marche sur La Ferté-Milon et Crouy ".

Le colonel-général von Bülow en conclut ce qui suit dans son rapport :

" La 2e armée déduisit de ces nouvelles que la 1re armée s'était portée au-devant de l'ennemi, au delà de l'Ourcq, avec ses IIe et IVe C. A. et son IVe C. R. et que de ce fait, la brèche existant entre les 1re et 2e armées s'était encore accrue davantage.

" Le rappel des IIIe et IXe corps et leur marche vers le nord de la Marne mirent la 2e armée dans une situation extrêmement difficile, au sud de la Marne.

" L'aile droite de la 2e armée, dont la 1re armée avait signalé elle-même, dès le 6 septembre, la situation gravement menacée, se trouva, comme cela se conçoit, doublement en danger, quand elle fut encore affaiblie des IIIe et IXe corps. La majeure partie dé la 5e armée française eut ainsi toute liberté d'action pour exécuter une attaque enveloppante contre l'aile droite de la 2e armée. Il faut ajouter également qu'il ne s'agissait plus, à ce moment-là, d'une 5e armée battue, car l'évacuation du champ de bataille par les IIIe et IXe C. A. - évacuation faite en plein jour - avait dû naturellement être interprétée comme une victoire par les Français et élever au plus haut point la force morale de la 5e armée.

" S'il est vrai que, le 7 septembre, la 1 re armée avait en face d'elle, à l'ouest de l'Ourcq, des forces si puissantes que les IIe corps, IVe corps et IVe C. R. ne pouvaient en venir à bout à eux seuls et que l'intervention des IIIe et IXe corps était impérieusement nécessaire, alors il aurait peut-être mieux valu rompre, dès le 7 septembre, le combat en cours sur la rive ouest de l'Ourcq avec les trois corps d'aile droite et reprendre contact avec la 2e armée approximativement vers Château-Thierry. En agissant ainsi, la 1re armée aurait, il est vrai, renoncé tout d'abord à la possibilité de remporter un succès tactique, succès que le voisinage de Paris n'aurait pas permis d'ailleurs d'exploiter, - mais elle serait demeurée fidèle à sa mission principale : " Assurer la protection du flanc droit de l'armée allemande " et l'ennemi se serait trouvé, le 8 septembre au matin, après le repli de nuit des IIIe et IXe corps derrière le 13e D. I. était disposée en échelon derrière cette nouvelle aile droite.

" Le 1er C. C. reçut l'ordre de tenir la coupure du Petit-Morin contre les colonnes anglaises signalées en marche par Coulommiers et Choisy. "

Tels sont les termes du rapport du colonel-général von Bülow. Le G. Q. G. n'apprit le retrait des IIIe et IXe corps que quand leur mouvement était déjà en cours d'exécution. Il n'intervint pas. Il était trop loin - à Luxembourg. Le développement ultérieur de la bataille nous montrera que, s'il était intervenu en prescrivant de laisser un corps de la 1re armée à droite de la 2e ou de reporter le champ de bataille de la 1re armée sur la rive est de l'Ourcq, il aurait assuré la victoire des armées allemandes dans la bataille de géants du bassin de la Marne.

 

La bataille à la 3e armée.

 

La 3e armée s'avança, le 6 septembre, dans la direction générale de Troyes. Son corps de droite (XIIe C. R.) était demeuré un peu en arrière, après l'heureux coup de main de Reims (nuit du 4 septembre). Il atteignit, le 6, après une très forte marche, la région d'Avize et du Mesnil. Sa 24e D. R., qui s'était emparée entre temps de Givet, parvint le même jour, en doublant l'étape, jusqu'à la région nord-est de Reims ; elle se trouvait donc encore à 30 bons kilomètres en arrière.

Le XIIe corps, centre de la 3e armée, devait atteindre, le 6 septembre, avec ses avant-gardes, la route Fère-Champenoise - Vitry-le-François, à Soudé et à l'est. Mais la colonne de droite (32e D. I.) obliqua à droite sur Clamanges, à la suite d'une demande de secours de la Garde (arrivée à 11 heures du matin) et intervint avec succès dans le combat de la 2e D. C.(2e D.G. ?) Le commandant du XIIe corps laissa sa colonne de gauche (23e D. I.) marcher dans la direction du sud qu'il lui avait assignée et combla, avec de faibles détachements, le vide qui existait entre ses deux divisions. Les Français ne surent ni constater l'existence de ce vide, ni en profiter de quelque façon.

 

Croquis 7 : Champ de bataille de la 3e armée.

 

Après un dur combat, la 32e D. I. passa la nuit devant Normée-Lenharrée, au contact de la 2e D. G. et en avant du XIIe C. R.

La 23e D. I. entra, elle aussi, dans la soirée, en contact avec l'ennemi à Coole, où elle s'arrêta.

Le corps de gauche de la 3e armée (XIXe corps) marcha, le 6 septembre, à hauteur du XIIe corps et se porta sur Coole (objectif de marche de la journée de sa colonne de droite) et sur Maisons-de-Champagne. Ses avant-gardes atteignirent cette région dès midi. Le corps voisin de la 4e armée (VIIIe corps) lui fit savoir, un peu auparavant, qu'il était sérieusement engagé à Vitry-le-François et à l'ouest. Le XIXe continua alors son mouvement, en obliquant à gauche, et intervint, à partir de 4 heures du soir, avec son artillerie lourde, dans le combat du VIIIe corps. D'après un renseignement provenant de ce dernier corps, de fortes réserves ennemies étaient en marche vers le champ de bataille. Il était évident que l'ennemi faisait front. Le XIXe corps ordonna, en conséquence, pour le 7 septembre, une attaque enveloppante contre les forces ennemies opposées au VIII e corps.

Ainsi donc, le 6 septembre, par suite de l'initiative de ses commandants de corps d'armée, la 3e armée se divisa en deux groupements de combat : à droite, la 32e D. I. (du XIIe corps) et le XIIe C. R. ; à gauche, le XIIe corps (moins la 32e D. I.) et le XIXe corps. Le premier de ces groupements combattit avec l'aile gauche de la 2e armée, le second avec l'aile droite de la 4e. Devant le centre de la 3e armée qui, lui, n'était pas menacé, il y avait aussi chez l'ennemi un trou, que la 9e D. C. française masquait avec succès.

Devant ce déploiement qu'il n'avait pas désiré, le commandant de la 3e armée ordonna au XIIe corps (moins la 32e D. I.) de continuer à attaquer le 7 septembre en direction du sud et rameuta le XIIe C. R. (moins la 24e D. R.) vers son centre entre les deux divisions séparées du XIIe corps.

Le 7 septembre au matin la 3e armée eut, par son aviation une image très nette de la situation. A droite, l'ennemi attaquait de Fère-Champenoise sur Normée-Lenharée. Devant le centre de l'armée, il n'y avait qu'une forte cavalerie dans la région de Mailly. De Sompuis jusqu'à Vitry et à l'est, l'ennemi était établi sur une position organisée. De fortes réserves venant du bassin de la Seine supérieure, étaient en cours de transport ou en marche forcée vers cette région.

Le groupement de droite de la 3e armée livra pendant toute la journée du 7 septembre un combat d'attente en liaison avec la 2e D. G. ; à gauche de la 32e D. I., la 23e D. R., du XIIe C. R., intervint avec succès dans la bataille.

La supériorité de feu d'artillerie, que l'on voulait obtenir avant de passer à l'attaque proprement dite, ne put être obtenue jusqu'au soir. Le Corps de la Garde, qui attaqua sans tenir compte d'aucune considération, le sentit d'une façon particulièrement pénible. On s'efforça bien de réaliser la coopération de la Garde et du groupement de droite de la 3e armée, mais sans y parvenir complètement.

Le centre de la 3e armée (23e D. I.) était entré dès le matin dans la bataille, à Sompuis et aux abords de cette localité, au cours de sa marche d'approche. A sa gauche, le XIXe corps ne progressait que pas à pas dans la zone boisée et ondulée qui ne permettait aucun déploiement massif d'artillerie.

Malgré la gravité du combat, l'impression que l'on avait de la situation de la bataille était entièrement favorable, en fin de journée, sur tout le front de la 3e armée.

Au cours de la nuit précédente (à 3 heures du matin), le G. Q. G. avait donné connaissance à la 3e armée de la proclamation de Joffre. Une heure plus tard, la 2e armée avait fait savoir qu'elle repliait son aile droite devant des forces puissantes, mais que son aile gauche avait reçu l'ordre de continuer son offensive. Et elle avait ajouté : " Une intervention rapide de la 3e armée à l'ouest de Fère-Champenoise est instamment nécessaire. " Cette intervention n'avait pas encore été possible le 7 septembre; mais, devant les deux groupements de la 3e armée, l'ennemi avait été contraint d'une façon décisive à la défensive.

Le colonel-général baron von Hausen prit la décision d'exécuter, le 8 septembre, une attaque énergique pour soulager l'aile droite de bataille allemande, qui était manifestement engagée dans une lutte difficile. Ses deux groupements devaient, à cette occasion, envelopper l'ennemi. La seule réserve disponible et encore distante de 30 kilomètres du champ de bataille (la 24e D. R.) fut dirigée par une marche forcée vers le centre du front. La supériorité d'artillerie n'ayant pu être obtenue le 7 septembres une attaque à la baïonnette devait être exécutée le 8, avant le point du jour, pour éviter les effets de l'artillerie ennemie.

Les armées voisines en furent informées et leur appui leur fut demandé.

 

La bataille à la 4e et à la 5e armées.

 

LA 4e ARMÉE.

 

La 4e armée se porta, le 6 septembre, en direction du sud pour attaquer au delà de l'Ornain, la ligne Courdemanges - Revigny. Elle avait en face d'elle, sensiblement sur la voie ferrée Sompuis - Courdemanges - Blesmes - Sermaize, la 4e armée française. Cette armée, inébranlée, et qui ne s'était repliée de la région de Sedan que sur l'ordre de Joffre, comprenait de gauche à droite : le 17e corps (jusqu'à Courdemanges) ; le 12e corps, le plus ébranlé ; le corps colonial (Vauclerc - Blesmes) et le 2e corps (Maurupt - Sermaize).

L'impression tout d'abord ressentie par les troupes de la 4e armée allemande fut que l'ennemi prononçait une contre-attaque désespérée, parce qu'il ne pouvait aller plus loin.

Mais la résistance énergique opposée à l'attaque puissante que la 4e armée allemande déclencha sur tout son front et l'approche d'une division ennemie venant du sud, approche constatée vers midi (tête à 2 heures du soir à 12 kilomètres au sud de Vitry), changèrent l'opinion que l'on avait de l'ennemi.

L'Ornain fut traversé sur tout le front. A l'aile gauche de la 4e armée, le VIe corps, marchant de Nettancourt - Noyers sur Revigny - Villers-aux-Vents, remporta, de concert avec la 5e armée, un succès coûteux. Ces deux localités tombèrent aux mains des Allemands. Le communiqué français qualifie de dur le combat que se livrèrent les deux 4e armées allemande et française.

 

Croquis 8 : Champ de bataille de la 4e armée.

 

La 4e armée poursuivit son attaque le 7 septembre. Pendant toute la journée, la lutte fut difficile sur tout le front. L'aile droite allemande progressa au delà de la voie ferrée située au sud-est de Vitry-le-François et repoussa des contre-attaques du corps colonial. L'aile gauche de la 4e armée franchit le canal à Pargny et Sermaize.

Le 8 septembre, la 4e armée tout entière devait continuer à attaquer dès le point du jour : l'aile droite, de part et d'autre de la chaussée Glannes - Château-Raould ; l'aile gauche, en direction de Vassincourt. Le XVIIIe C. R. devait intervenir dans la région nord-est de Revigny, dans le combat de la 5e armée, à droite du VIe corps, passé à cette armée.

LA 5e ARMÉE

Après avoir traversé l'Argonne et la région à l'ouest, la 5e armée allemande avait atteint, le 5 septembre, la zone Givry - Triaucourt. Elle conversa alors face à l'est, pour attaquer la 3e armée française, en portant son aile droite sur Villers-aux-Vents, en laissant son aile gauche à Saint-André et en masquant légèrement Verdun avec un corps d'armée.

Son adversaire, la 3e armée française, placée sous les ordres d'un nouveau commandant en chef, le général Sarrail, adversaire amoindri par l'envoi du 4e corps sur Paris et de la 42e D. I. à l'armée Foch, mais nullement ébranlé par les semaines de combat antérieures, fit exécuter par le fameux 6e corps et en passant par Beauzée-sur-Aire l'attaque qui lui avait été ordonnée contre le flanc gauche allemand. Après une lutte difficile, poursuivie jusque dans la nuit, le front français fut refoulé vers l'est d'une façon sensible, malgré la contre-offensive heureuse dirigée par Ippécourt contre la ligne de communication de la 5e armée et exécutée par une division de réserve partie de Verdun.

 

Croquis 9 : Champ de bataille de la 5e armée:

 

D'après son compte rendu de fin de journée, la 5e armée devait continuer son attaque le lendemain matin, avec Bar-le-Duc pour objectif. La 4e armée avait consenti, dans ce but, à mettre le XVIIIe C. R. à sa disposition pour renforcer son aile droite en vue de l'attaque de Laimont - Chardogne. C'était là qu'était l'aile gauche de Sarrail. Ce dernier attendait avec anxiété l'arrivée du 15e C. A., qui, venant de Lorraine, était encore en cours de transport.

Le 7 septembre, la 5e armée se rapprocha de la position française établie sur la ligne Laimont - Vaubécourt - Beauzée - Ippécourt et mit tout d'abord son artillerie lourde en action contre la position ennemie qui était fortement organisée.

Son Ve corps commença à attaque, de l'autre côté de la Meuse, les forts d'arrêt de Troyon et des Paroches, près de Saint-Mihiel. Il ne disposait, pour cela, que d'un bataillon d'obusiers lourds et de 4 mortiers de 305 autrichiens qui n'avaient plus que quelques coups à tirer. La protection du flanc gauche face à Verdun et Toul exigea des forces sérieuses. Plus à gauche, la couverture fut assurée par la division mobile de Metz.

La 5e armée projeta d'attendre tout d'abord l'avance de la 4e armée.

 

RÉSUMÉ.

 

Ainsi donc, le 7 septembre au soir, le tableau d'ensemble de la situation était à peu près le suivant :

A l'extrême-droite du front de bataille allemand, Kluck luttait, à l'ouest de l'0urcq, sur un front de 12 kilomètres, avec cinq divisions et demie d'infanterie et une division de cavalerie, contre sept divisions françaises. Son corps de cavalerie (moins la 4e D. C.), renforcé par une demi-division d'infanterie, retenait loin de la décision toute l'armée anglaise (6 divisions d'infanterie et 1 division de cavalerie). Trois divisions et demie allemandes étaient, en outre, en marche vers le champ de bataille, pour assurer la victoire de la 1re armée à l'ouest de l'Ourcq et faire ainsi échouer la manœuvre d'enveloppement par l'ouest tentée contre l'armée d'invasion allemande.

A gauche de von Kluck, Bülow se défendait avec sept divisions et demie d'infanterie et deux divisions de cavalerie contre quatorze divisions d'infanterie et trois divisions et demie de cavalerie françaises (5e armée et 3 divisions de Foch), sur un front de 35 kilomètres (Marchais - Bannes). En fait de réserves, Bülow n'avait plus à en attendre. L'issue de la bataille allait dépendre, sur cette partie du front, de l'opiniâtreté de la résistance allemande.

Au centre, le groupement de droite de von Hausen (3 divisions) attaquait avec succès les cinq divisions d'infanterie et la division de cavalerie de Foch. Son groupement de gauche (3 divisions) était engagé dans un combat offensif contre deux divisions de la 4e armée française. Le front de combat de von Hausen était de 50 kilomètres. Il avait encore une division en marche vers le champ de bataille.

A sa gauche et en liaison avec lui, la 4e armée allemande combattait avec huit divisions contre six divisions de la 4e armée française, sur un front de 40 kilomètres. Le kronprinz impérial luttait avec huit divisions contre sept divisions de Sarrail, sur un front de 25 kilomètres. En fait de réserves, il n'y avait plus lieu d'en attendre du côté allemand.

La mission de bataille des 4e et 5e armées, et en partie aussi de la 3e armée, était, d'après la directive du 5 septembre du G. Q. G., de faire pression vers le sud-est, pour aider les 6e et 7e armées à franchir la haute Moselle. Mais, contrairement à cette attente, le combat avait abouti à la 4e et à la 5e armées à une nouvelle lutte de front. L'idée suggérée par le XIXe corps - idée consistant à envelopper la 4e armée française par la gauche et à faire tomber progressivement son front vers l'est n'avait pas du tout été soutenue par la 4e armée. Celle-ci avait poussé droit devant elle au delà de l'Ornain. En décalant sa pression vers la droite, elle aurait obtenu vraisemblablement un succès décisif avec la coopération du groupement de gauche de la 3e armée. Malheureusement, la 4e armée ne fut pas plus disposée à accéder aux suggestions de la 3e armée pendant la bataille décisive qu'elle ne l'avait été auparavant. Le général Langle de Cary reconnut beaucoup mieux le danger qui menaçait sa 4e armée et, partant, tout le front de bataille depuis Sompuis. Il renforça sans arrêt son aile gauche, surtout en artillerie, et conjura ainsi le danger, que l'infanterie française, dont la résistance combative diminuait déjà visiblement, aurait difficilement pu parer. Elle n'osait plus se montrer nulle part à découvert !

Pour l'attaque d'artillerie des forts d'arrêt du front Toul - Verdun, le G. Q. G. aurait pu et aurait dû mettre de tout autres moyens à la disposition de la 5e armée. Quand il prit enfin cette mesure, il était trop tard.

Les 6e et 7e armées pendant la bataille de la Marne.

 

La 6e armée avait commencé, le 4 septembre, comme elle en avait reçu l'ordre, à attaquer la puissante position ennemie organisée sur les hauteurs nord-est de Nancy. Par suite de l'insuffisance de ses moyens d'attaque, elle ne put progresser sérieusement. Seul son groupement nord parvint à pénétrer dans les positions avancées ennemies. Une contre-attaque française, exécutée le 6 septembre, fut repoussée par le IIIe corps bavarois. Mais, pour continuer cette attaque difficile, les forces des divisions d'extrême-droite, divisions d'ersatz de nouvelle formation équipées d'une façon complètement insuffisante, furent défaillantes. L'attaque s'enlisa également sur le reste du front. L'ennemi eut ainsi la possibilité d'envoyer de nouvelles forces vers l'ouest, pour prendre part à la décision principale. Le 15e C. A. passa à la 3e armée, le 21e C. A. à la 4e. Sept corps d'armée, deux divisions de réserve et trois divisions de cavalerie furent, au total, prélevés sur les 1re et 2e armées, avant et pendant la bataille de la Marne, pour être envoyés sur le champ de bataille de la Marne !

Le commandement de la 6e armée continua cependant à s'en tenir à l'attaque coûteuse de Nancy, bien que l'état-major de la 7e armée, le XVe corps et la 7e D. C. eussent été envoyés dans l'ouest, le 5 septembre. Le G. Q. G. ne s'opposa pas avec la fermeté nécessaire à cette façon de voir du commandement de la 6e armée. Ce ne fut que quand l'aile gauche de cette armée eut échoué, elle aussi, sur la haute Moselle, que le G. Q. G. intervint, le 8 septembre, et ordonna de retirer du front le 1er C. B. pour l'envoyer dans l'Ouest.

Ici aussi, il faut combattre une légende. On raconte que le kronprinz de Bavière a été poussé par le G. Q. G. dans la trouée de Charmes, sans avoir connu l'existence de la puissante position de Nancy et sans avoir eu à sa disposition tous les moyens nécessaires pour s'en emparer. Or, l'inviolabilité de la position de la Moselle, entre Toul et Epinal, était connue de l'état-major allemand depuis la construction du front fortifié français de l'Est. J'ai reconnu moi-même cette position en 1882. De même l'état-major savait que la position de Nancy était déjà admirablement préparée dès le temps de paix. De plus, on y avait travaillé avec là plus grande énergie dès l'approche de la déclaration de guerre, ainsi que les reconnaissances de cavalerie et d'aviation l'avaient établi à plusieurs reprises. La 6e armée disposait de quatre bataillons de mortiers et de deux régiments de pionniers. Après les résultats obtenus contre Liége et Namur, on était certes en droit d'estimer que les moyens d'attaque de la 6e armée étaient suffisants pour venir également à bout de la position de campagne Nancy - Epinal. Une telle erreur était encore explicable à ce moment-là. En tout cas, si le G. Q. G. a ordonné d'attaquer Nancy, le kronprinz de Bavière, lui, a refusé de renoncer à continuer cette attaque après le premier insuccès, parce que ce renoncement aurait équivalu à un aveu de défaite.

Le 7 septembre dans la matinée, au cours d'un voyage en automobile le long du front, Sa Majesté l'empereur arriva à Suippes, au nord de Châlons, avec l'intention de passer la nuit à Châlons, où se trouvait l'état-major de la 3e armée. Le colonel-général von Hausen estima de son devoir de l'en dissuader pour des raisons de sécurité.

Ainsi donc, l'empereur séjournait de sa personne là où la Direction suprême aurait dû se trouver dès le début de la bataille, au moins avec un bureau des opérations renforcé. En 1918, avant le début de l'offensive, Hindenburg se rendit, lui, à Avesnes au sud de Maubeuge, avec son bureau des opérations, tandis que le gros du G. Q. G. demeurait à Spa. Le G. Q. G. français se tint, jusqu'à la bataille de la Marne; à Bar-sur-Aube, à 50 kilomètres à peine en arrière du front de Foch, et à une distance de ses armées d'aile de 65 et 140 kilomètres. Le 5 septembre Joffre se rendit à Châtillon-sur-Seine, pour un motif qui m'est inconnu .

La direction des opérations allemande aurait pu établir son P. C. à Laon, Rethel ou Vouziers, peut-être même au camp de Châlons. En ce dernier point, elle se serait trouvée sensiblement à la même distance de ses trois armées centrales (50 à 60 kilomètres) et à 75-85 kilomètres seulement de ses commandants d'armée d'aile, avec d'excellentes routes dans toutes les directions.

A Luxembourg, où elle s'était enfin transportée le 30 août, elle se trouvait à plus de 200 kilomètres à vol d'oiseau de ses armées d'aile engagées. Elle y remédia en envoyant à ces armées des délégués, comme Verdy, Bronsart et Waldersee avaient été envoyés en 1870-1871.

Le général von Tappen consacre à cette question la courte considération suivante : " La liaison avec l'aile droite de l'armée devenant toujours plus difficile au fur et à mesure que son éloignement augmentait, - le radio du 4 septembre prescrivant de faire face à Paris mit plus de douze heures pour arriver à la 1re armée !! (L'AUTEUR), - on songea à plusieurs reprises à transférer le. G. Q. G. derrière l'aile droite. Mais ce transfert ne fut pas exécuté immédiatement, en raison de maintes difficultés techniques qu'il ne faut pas sous-estimer, en particulier de la transformation du réseau des liaisons téléphoniques, ainsi qu'à cause d'une certaine lourdeur du G. Q. G. "

Le quartier-maître général de l'époque, le général de l'artillerie von Stein, dit, dans la Nation du 9 août 1919 : " Le maintien de la direction suprême derrière l'aile gauche (à Coblence) était justifié jusqu'à la bataille de Lorraine. Puis, le G. Q. G. fut transféré, le 30 août, à Luxembourg. Mais, là encore, il était trop loin de l'aile droite, qui devait désormais assumer le rôle principal dans la décision. La liaison ne pouvait être assurée avec elle que par T. S. F. La liaison par automobile demandait trop de temps. On fit, en conséquence, des préparatifs en vue d'un nouveau déplacement. Mais, dans l'entourage de l'empereur, on fit opposition à ce projet ; je n'en connais pas les raisons ; je crois qu'il faut les chercher dans les craintes que l'on éprouvait pour la sécurité de l'empereur. Personnellement il n'était pas opposé à se rendre en France. Lorsque, après m'être rendu au front, à la place du chef d'état-major général tombé malade, pendant les combats en retraite qui suivirent la bataille de la Marne, j'ai trouvé, à mon retour, ma nomination au commandement d'un corps d'armée, j'ai demandé à l'empereur, en me présentant à lui avant mon départ, de rapprocher le G. Q. G. de l'aile droite. Il m'approuva immédiatement avec chaleur en disant : " C'est là une chose que j'ai toujours dite !"

Mais, à l'arrière-plan, une personnalité influente de son entourage secoua alors énergiquement la tête. Les considérations humaines jouent, en effet, un rôle, elles aussi, à la guerre. Seul, un caractère qui ne tient absolument compte de rien peut s'en libérer entièrement, mais cela n'est pas toujours un bien. Ici, toutes les autres considérations auraient dû céder le pas. "

J'ai cité ces phrases pour détruire la légende que l'on entend malheureusement souvent et qui veut que Sa Majesté l'empereur soit responsable du fait que le G. Q. G. n'était pas assez près du front.

CHAPITRE SUIVANT DU POINT DE VUE DU GENERAL BAUMGARTEN-CRUSIUS

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