TOME I, 2e VOL. 1 ère Partie. Chapitre II

LA MANŒUVRE EN RETRAITE DES ARMÉES DE GAUCHE

(24 août – 1er septembre)

Ce texte est tiré de l'ouvrage "LES ARMEES FRANCAISES DANS LA GRANDE GUERRE" TOME 1, VOLUME 2, CHAPITRE II, de la page 51 à la page 114, ce document est reproduit avec l'autorisation du Service Historique de l'Armée de Terre N° 24/03/2000*004130. Merci au SHAT.

II - LA Ve ARMEE ET l'ARMEE ANGLAISE SUR L'OISE. BATAILLE DE GUISE. 27-29 Août

 

Le 27 août au matin, le commandant en chef adresse au général Lanrezac le message suivant :

" Vous m'avez exprimé votre intention, dès que vous serez sorti de la zone boisée où l'emploi de votre artillerie est difficile, de bousculer par une contre-offensive bien appuyée par l'artillerie les troupes qui vous suivent. Non seulement je vous y autorise, mais j'estime cette attaque indispensable. L'état de vos troupes est bon, leur moral est excellent. Il faut en profiter. Agir autrement serait diminuer le moral et compromettre peut-être le résultat de la campagne. La zone de Vervins dans laquelle vous arrivez se prête bien à cette opération. Il n'y a pas lieu de tenir compte de ce que font les Anglais à votre gauche. "

Au reçu de cette communication, le général Lanrezac fait aussitôt préciser par le grand quartier général qu'il s'agit bien pour la Ve armée de contre-attaquer l'ennemi sur la rive sud de l'Oise, les terrains de la rive nord ne se prêtant pas à l'emploi de l'artillerie. Ainsi orienté, il rend compte qu'en exécution des instructions qu'il vient de recevoir il arrête à hauteur de Vervins le mouvement de repli de ses troupes et qu'il va se tenir prêt à attaquer avec toutes ses forces les colonnes ennemies qui déboucheraient au sud de l'0ise. Mais, pour cette opération, il est essentiel que l'armée procède au resserrement de son front et elle va s'y employer.

Le général Lanrezac avise de sa décision le commandant de la IVe armée, tout en lui demandant ses intentions et la situation de sa gauche. Celle-ci a pour mission de tenir le 27 août à Signy-l'Abbaye , continuant à assurer la liaison avec la Ve armée. Le général de Langle de Cary va d'ailleurs engager dans l'après-midi une bataille sur la Meuse pour empêcher l'ennemi de déboucher sur le front Donchery, Remilly.

Les mouvements prévus pour la journée s'exécutent sans incident à la Ve armée.

A l'extrême droite, la 4e division de cavalerie, après avoir couvert le repli du Ier corps et assuré la liaison avec la IVe armée, vient stationner dans la région Blanchefosse, les Autels, la Férée.

Le 3e corps atteint la zone Coingt, Iviers, Morgny-en-Thiérache, Rozoy-sur-Serre, le 10e celle de Nampcelle, Jeantes-la-Ville, Plomion et Dagny. Le 3e corps est autour de Vervins, dans la zone Fontaine-lès-Vervins, Thenailles, Gercy, Hary; le 18e corps cantonne dans la région Haution, Marfontaine, Saint-Gobert et Sains-Richaumont.

Au 4e groupe de divisions de réserve, la 69e division, en assez mauvais état matériel et moral, stationne autour de Colonfay, entre Sains-Richaumont et l'0ise. La 53e, retardée dans sa marche par les colonnes anglaises qui ont traversé Guise pour se replier vers Mont d'Origny, stationne en fin de journée entre Audigny et Macquigny.

Le 27 août au soir en définitive, la Ve armée se trouve au sud de l'Oise et du Thon, ses gros sur la ligne générale Blanchefosse, Coingt, Vervins, Sains-Richaumont, ses avant-postes échelonnés sur ces rivières entre Aubenton et Guise.

Le général Lanrezac décide alors de resserrer le lendemain son front vers la gauche sur la ligne Surfontaine, Villers-le-Sec, Landifay, Richaumont, Laigny, l'armée prête à attaquer en direction du nord-ouest, le Ier corps en échelon en arrière à droite, sur la Serre.

Il fait part de cette intention au commandant en chef et donne en conséquence pour le 28 août les ordres suivants :

La Ve armée resserrera demain son front sur sa gauche et s'établira face au nord-ouest, prête à attaquer toute colonne ennemie qui franchirait l'Oise.

La 4e division de cavalerie, tout en restant à la disposition du Ier corps, éclairera l'armée dans la direction d'Hirson, Eteignières. La cavalerie des corps surveillera les directions de Mont d'Origny (18e corps) . Macquigny, Guise, Monceau-sur-0ise (3e corps) ; Chigny et la route de la Capelle, (10e corps.)

Les mouvements s'opéreront sous la protection des arrière-gardes établies le 27 août au sud de l'0ise et du Thon. Ces éléments ne se replieront que lorsque les nouveaux avant-postes seront en place sur le front général Brissy, Ribemont, Viermont ferme, Audigny, Colonfay, Haution, Vervins.

Sous cette protection, le 4e groupe de divisions de réserve viendra stationner dans la zone Renansart, Surfontaine, Chevresis-les-Dames, Nouvion-le-Comte, Nouvion-Catillon (Q. G.); le 18e corps dans celle de Villers-le-Sec, Pleine-Selve, Monceau-le-Neuf, la Ferté-Chevresis, Chevresis-Monceau (Q. G.) ; le 3e corps viendra dans la région Landifay, le Hérie-la-Viéville, Sains, la Neuville-Housset. Châtillon-lès-Sons, Sons (Q. G.) ; le 10e dans celle de Voulpaix, Gercy, Houry. Rogny, Marfontaine, Lugny (Q. G.); plus en arrière, sur la Serre, le 1er corps stationnera dans la région Cilly, la Neuville-Bosmont, Montigny-le-Franc, Agnicourt, Tavaux (Q. G.).

Ces instructions à peine données, le général Lanrezac reçoit du commandant en chef l'ordre suivant :

De certains renseignements reçus il apparaît que des éléments des 7e et 9e corps faisant partie de la IIe armée allemande qui vous est opposée sont laissés devant Maubeuge. Il est donc possible de venir en aide à l'armée anglaise en agissant contre les forces adverses qui se porteraient contre elle à l'ouest de l'0ise.

" En conséquence, vous porterez votre gauche demain matin entre l'Oise et Saint Quentin pour attaquer toute force ennemie marchant contre l'armée anglaise. "

Sur ces entrefaites, le commandant en chef reçoit la communication lui annonçant les intentions du général Lanrezac. Il insiste aussitôt sur l'importance particulière qu'il attache à l'attaque de la Ve armée, non plus face au nord-ouest, mais en direction de Saint-Quentin.

Le général Lanrezac sera donc amené, comme on le verra, à modifier ses dispositions, tout en laissant poursuivre les mouvements préparatoires qu'il vient de prescrire.

D'autre part, dès le matin du 27 août; le général Joffre a adressé au colonel Huguet le message suivant :

" Je donne l'ordre à la Ve armée d'exécuter à hauteur de Guise, Vervins une vigoureuse attaque sur les forces ennemies qui le suivent. A la gauche de l'armée anglaise, le corps de cavalerie la protégera contre toute action débordante de l'ennemi. D'autre part, devant votre front, l'ennemi semble à bout de forces et hors d'état de poursuivre. Dans ces conditions, il me paraît déjà que l'armée anglaise ne court pas de dangers et que son repli peut être méthodique et réglé sur le mouvement de la Ve armée de manière à ne pas découvrir le flanc gauche de cette armée.

Au moment on cet avis parvient à la mission française près de l'armée britannique, les renseignements sur la situation de ceux-ci ne sont pas encore précisés. On espère que le 2e corps pourra être réuni le soir à Saint-Quentin, le Ier à Origny-Sainte-Benoite. On n'a pas de nouvelles de la division de cavalerie qui a beaucoup souffert. Les 4e et 9e divisions de cavalerie allemande ont peu donné, et, si elles se montrent audacieuses, elles peuvent transformer la retraite en déroute. On escompte donc une coopération très effective du général Sordet, non seulement pour protéger les mouvements de l'armée anglaise, mais pour attaquer.

En outre, le maréchal French s'inquiète de savoir quand les divisions de réserve du général d'Amade seront à Péronne et en état d'agir.

A 14 heures, le général Joffre, sur la nouvelle que l'armée anglaise évacuerait complètement Saint-Quentin, demande confirmation de ce fait au colonel Huguet et il ajoute que " découvrir complètement la gauche du général Lanrezac au moment on il va contre-attaquer le mettrait dans une situation critique. D'autre part, nous avons deux divisions de réserve à Bertincourt et à Bapaume et tout le corps de cavalerie en avant. Sur la gauche même de l'armée anglaise, des forces nouvelles débarquent dans la région de Chaulnes. La situation n'est donc nullement critique pour elle." Effectivement, le commandant en chef transmet au corps Sordet par l'intermédiaire du général d'Amade, qui est à Bray-sur-Somme, l'ordre d'arrêter par tous les moyens la poursuite de l'armée anglaise par la cavalerie allemande.

En même temps, le lieutenant-colonel Brécart arrive au grand quartier général anglais à Noyon comme agent de liaison. Il fait confirmer au général Sordet par l'intermédiaire du colonel Huguet les intention du général Joffre, à savoir que le corps de cavalerie continue à assurer principalement sur ses derrières et vers l'ouest la sécurité de l'armée anglaise jusqu'à ce qu'elle soit en sûreté derrière la Somme, puis qu'il se maintienne dans la région de Saint-Quentin jusqu'à nouvel avis.

Mais vers 18 heures le colonel Huguet rend compte qu'une division de cavalerie allemande vient d'entrer à Péronne, risquant de transformer en déroute la retraite de l'armée anglaise dont la 4e division atteint Matigny, les 3e et 5e arrivant à Ham. Il estime de ce fait la situation excessivement grave.

Le général Joffre répond que l'ordre a été donné au corps Sordet d'intervenir à tout prix et que, depuis le matin, un corps d'armée actif débarque à Chaulnes et à l'ouest.

Comme ce dernier forme le noyau du nouveau groupement qui va constituer la VIe armée à la gauche de l'armée britannique, le commandant en chef assigne à celle-ci pour limite de sa zone d'action à l'ouest la route de Vermand, Douilly, Hombleux, Ercheu, Roiglise, Beuvraignes, Tilloloy, Tricot, la limite est demeurant fixée à l'Oise.

Dans la journée, en dépit des appels pressants du généralissime français, l'armée anglaise a continué son repli en deux colonnes, à l'est et à l'ouest de Saint-Quentin.

A droite, le 1er corps par Guise atteint la région Hauteville, Mont d'Origny sans être inquiété, mais non sans venir gêner la 53e division de réserve dont il a emprunté la zone de marche sur la rive sud de l'Oise. A gauche, le 2e corps et la 4e division, après quelques actions sans importance vers Monchy-Lagache, arrivent sur la Somme à Ham et Matigny sans être trop vivement pressés, grâce à l'intervention du corps Sordet et des divisions d'Amade, comme on va le voir. Le grand quartier général se transporte à Noyon. La division de cavalerie anglaise a eu de son côté quelques engagements avec des patrouilles ennemies au nord de Vermand.

En fin de journée, le 27 août, le colonel Huguet fait connaître au général Joffre, d'après des renseignements nouveaux, la situation très critique de l'armée anglaise. Le 1er corps présente encore une certaine cohésion, mais le 2e corps, soumis pendant trente-six heures de combat à un feu d'artillerie violent est extrêmement éprouvé. Il a perdu des effectifs considérables, une partie de son artillerie et de ses équipages et n'offre plus la moindre résistance. L'armée anglaise ne sera donc en état de reprendre la campagne qu'après un long repos et une reconstitution complète qui nécessiteront, pour 3 divisions au moins sur 5 , un délai de plusieurs jours ou même de quelques semaines, et dans des conditions qu'il n'est pas encore possible de préciser. Mais le gouvernement anglais exigera peut-être qu'elle soit tout entière reportée sur sa base du Havre, pour lui permettre de se refaire. Cet arrêt ne sera d'ailleurs que momentané, la volonté demeurant toujours également ferme d'entrer de nouveau en action aussitôt que possible. Dans ces conditions, la tactique d'enveloppement, qui s'est réalisée depuis huit jours et a amené sur l'aile gauche de notre ligne une masse ennemie suffisante pour l'accabler, va se poursuivre et s'exécuter dans des conditions d'autant plus faciles que cette ligne sera moins étendue. La gauche du général Lanrezac parait donc devoir être dans quelques jours très sérieusement menacée.

Ainsi informé de la situation de nos alliés, et reconnaissant l'effort qu'ils viennent de fournir au prix de grandes pertes, le général Joffre adresse au commandant en chef britannique le message suivant :

" L'armée anglaise en n'hésitant pas à s'engager tout entière contre des forces très supérieures en nombre a puissamment contribué à assurer la sécurité du flanc gauche de l'armée française. Elle l'a fait avec un dévouement, une énergie, une persévérance auxquels je tiens dés maintenant à rendre hommage et qui se retrouveront demain pour assurer le triomphe final de la cause commune. L'armée française n'oubliera pas le service rendu. Animée du même esprit de sacrifice et de la même volonté de vaincre que l'armée anglaise, elle lui affirmera sa reconnaissance dans les prochains combats." Dans la soirée , le général Lanrezac est avisé que le lendemain 28 août l'armée anglaise doit se porter en arrière de la ligne de l'Oise, entre la Fére et Noyon.

Ce mouvement va découvrir à la fois la gauche de la Ve armée et la droite du nouveau groupement débarqué à Chaulnes, creusant ainsi un trou dans le dispositif général des armées de gauche.

Au corps de cavalerie, on signale dans la matinée au général Sordet deux colonnes ennemies : l'une en marche de Banteux vers Honnecourt, s'avance contre la gauche d'une division anglaise qui rétrograde de Vendhuile sur Villers-Faucon, l'autre, venant de Cantaing par Flesquiéres, se porte sur Havrincourt.

Les 5e et 1re divisions reçoivent l'ordre d'agir respectivement contre le flanc ouest de ces deux colonnes, en évitant l'accrochage et en agissant par le canon et les mitrailleuses, cependant que la 3e division agira suivant les circonstances en liaison avec les 1re ou 5e. La 5e division se porte aussitôt par le nord d'Epéhy contre le flanc ennemi à hauteur de Villers-Guislain, tandis que la 1re division attaque par le feu de son artillerie la colonne qui débouche des bois d'Havrincourt vers le sud.

On a vu que dans l'après-midi le général Sordet a été avisé des intentions du commandant en chef en ce qui concerne le corps de cavalerie. Celui-ci continua donc à retarder la marche de l'ennemi qui poursuit l'armée anglaise. En particulier, la 1re division canonne vers Bouchavesnes des colonnes de toutes armes et la 3e division s'engage vers Aizecourt contre des forces qui se portent vers le sud.

A la nuit, le corps de cavalerie se replie dans la région comprise entre Péronne et Foucaucourt. Sur la rive gauche de la Somme, ses avant-postes tiennent solidement le cours de la rivière de Saint-Christ à Bray.

A la gauche du corps de cavalerie, les deux divisions de réserve, qui ont terminé leurs débarquements le 26 août à Arras, après avoir stationné l'une au sud-est d'Arras, et l'autre au sud de Douai, entament le 27 le mouvement qui, en deux étapes, les amènera sur la Somme à l'ouest de Péronne. La 61e doit atteindre en fin de journée la région de Bapaume, le Transloy, la 62e celle de Bertincourt. Inquiétée d'abord à hauteur de Bapaume vers Beugny, la 61e division continue néanmoins sa marche. Mais, dans l'après-midi, son avant-garde en arrivant vers Combles est prise violemment à partie par des forces ennemies et la division tout entière se trouve bientôt engagée autour de Sailly-Saillisel et de Combles. A la suite de ce combat, elle est rejetée vers Ginchy où elle se reforme à la nuit. La 62e division, moins sérieusement inquiétée dans son mouvement, atteint au la région Bapaume, Bertincourt.

A partir de ce moment, ces deux unités se trouvent rattachées à la VIe armés, constituée le 27 août sous les ordres du général Maunoury. En voie de rassemblement au sud de la Somme, ce nouveau groupement doit se disposer de manière à pouvoir, dès que la réunion de ses forces sera accomplie, agir offensivement sur l'aile droite ennemie.

Dans l'esprit du commandant en chef, la VIe armée, couverte sur son front et sur sa gauche par le corps de cavalerie, aura en arrière et à gauche les quatre divisions territoriales d'Amade, et à sa droite l'armée anglaise présumée installée sur le front Ham, Tergnier. Mais celle-ci en abandonnant le lendemain la ligne de la Somme, ainsi qu'on le verra, obligera le général Joffre à renoncer à cette combinaison.

De son côté, le général d'Amade, après avoir passé la matinée à Bray-sur-Somme, reporte son quartier général à Amiens dans la soirée. De là, il organise le repli des divisions territoriales sur la Somme et le barrage qu'elles doivent tendre sur la rivière entre Corbie et la mer. Ce mouvement d'ailleurs est déjà commencé en direction générale d'Abbeville. Les 81e et 82e divisions d'infanterie territoriale s'embarquent dans la soirée en chemin de fer, tandis que les 84e et 88e divisions effectuent leur repli par voie de terre et arriveront le 29 sur la Somme.

Dans la journée du 27 août, les renseignements sur la composition de l'aile droite allemande se précisent.

Le grand quartier général croit que la Ire armée ennemie comprendrait les 2e, 3e, 4e corps, le 4e corps de réserve et un corps de cavalerie composé des 2e et 9e divisions, et la IIe armée les 9e, 7e, 10e corps et un corps de cavalerie dont les divisions ne sont pas encore sûrement identifiées.

Maubeuge est complètement investi par les 7e et 9e corps et il semble que la Ire armée allemande doive agir isolément pendant que la IIe demeure chargée de l'investissement de la place. Par un radio allemand surpris on apprend en effet que la subordination de la Ire armée à la IIe armée prend fin.

Des renseignements de différentes sources semblent indiquer que les forces ennemies qui suivent la Ve armée s'infléchissent en partie vers l'ouest au lieu de poursuivre leur avance directement vers le sud. C'est ainsi que, depuis la veille, des mouvements ont eu lieu de l'ouest de la forêt de Trélon vers celle du Nouvion où, dans l'après-midi, se trouvent de grosses colonnes, tandis que des groupements importants sont reconnus vers Chimay, Hirson et Rocroi.

Au nord de la Somme, des éléments ont atteint Combles; ils appartiennent probablement à la 2e division de cavalerie allemande; qui a été signalée dans l'après-midi vers Rocqnigny.

On apprend d'autre part que l'armée belge, en prononçant une offensive les 25, et 26 août dans la région de Malines, a attiré sur elle deux divisions allemandes, qui l'ont contrainte à se replier de nouveau sur Anvers.

Le 28 août à 7 heures, le général Lanrezac prescrit que le dispositif de l'armée sera modifié au cours des mouvements de la journée, en vue de prononcer le lendemain une attaque vers Saint-Quentin contre les forces ennemies qui sont sur la rive droite de l'Oise.

Le 3e corps poussera son avant-garde jusqu'à Courjumelles et s'éclairera dans les directions de Guise et Saint-Quentin; le 18e corps occupera Ribemont par son avant-garde et prendra des dispositions pour franchir l'Oise à Ribemont et à Séry-lès-Mézières; des reconnaissances de cavalerie seront poussées sur la rive droite au nord et au sud de Saint-Quentin, afin de rechercher on se trouve la gauche allemande dans cette région. Le groupe de divisions de réserve se flanc-gardera le long de l'Oise et portera aux ponts d Origny, de Ribemont et de Séry-les-Mézières des détachements qui en assureront la garde, jusqu'à ce qu'ils soient relevés par les 3e et 18e corps. Les ponts en aval de Séry-lès-Mézières seront tenus pareillement. Rien n'est modifié aux mouvements des 10e et 1er corps. Toutefois, le 3e corps qui doit attaquer en direction de Saint-Quentin est renforcé de la 37e division enlevée au 10e corps et qui va cantonner dans la région de Lugny.

Un peu avant 9 heures, le commandant en chef arrive à Marle auprès du général Lanrezac et lui donne l'ordre écrit suivant :

" La Ve armée attaquera dés que possible les forces allemandes qui se sont portées hier contre l'armée anglaise. Elle se couvrira sur sa droite avec le minimum de forces en s'éclairant de ce côté à grande distance z. "

Le général Lanrezac décide donc que son armée attaquera le lendemain matin en direction de Saint-Quentin. Il en avise à 10 heures le commandant en chef et lui demande d'en informer les généraux Maunoury et d'Amade ainsi que le maréchal French.

Préalablement, il a fait part lui-même de ses intentions au général de Langle, en ajoutant que sa division de cavalerie maintiendra la liaison avec le 9e corps.

Au cours de la journée, le quartier général de la Ve armée se transporte à Laon, tandis que les corps réalisent en fin de marche le dispositif suivant :

Le 1er corps ( Q. G. à Tavaux ) sur la Serre entre Agnicourt et Saint-Pierremont (2e division et au nord de la Serre entre Bosmont et Hary ( 1re division ), la 8e brigade à droite vers Montcornet, la 51e division de réserve dans la région la Neuville-Bosmont, Goudelancourt. La 4e division de cavalerie sur le Thon dans la zone la Bouteille, Bucillv-l'Abbaye couvre le flanc droit de l'armée et assure la liaison avec le 9e corps.

A l'ouest de Vervins, le 10e corps ( Q. G. Lugny ) a sa 19e division vers Gercy, Voulpaix. Saint-Pierre; sa 20e à Rougeries, les Bouleaux, Marfontaine. En arrière, la 37e division stationne à Saint-Gobert, Lugny et Rogny. Elle a reçu l'ordre de se mettre en marche le 29 août à 1 heure pour se porter vers le Hérie-la-Viéville à la disposition du général Hache.

Le 3e corps à la tête duquel le général Hache a remplacé le général Sauret (Q. G. Sons) est installé à cheval sur la route Marle, Guise, la 5e division à Puisieux, Sains-Richaumont, la Neuville-Housset, la 6e à Courjumelles, le Hérie-la Viéville et Sons.

Le 18e corps (Q. G. Chevresis-Monceau) a sa 35e division dans la région Parpeville, Pleine-Selve, tenant les ponts de Lucy; la 36e à Villers-le-Sec occupant ceux de Ribemont et Séry-lès-Mézières. La 38e division stationne entre Monceau-le-Neuf' et la Ferté-Chevrésis.

La 35e division n'est arrivée que très tard et assez éprouvée à Pleine-Selve. En effet, deux bataillons de la 53e division de réserve qui tenaient les ponts de Guise et de Flavigny ont été attaqués vers midi par une colonne allemande de toutes armes et refoulés sur la rive sud de l'Oise. Tandis que la 5e division, pour leur prêter appui, venait occuper le front Audigny, Claulieu, la 35e division portait son artillerie, avec une brigade, de le Hérie-la-Viéville sur Guise et arrêtant la progression ennemie, puis, rompant le combat à la chute du jour, elle se repliait vers sa zone de cantonnement Pleine-Selve et Parpeville.

D'autre part, la 53e division de réserve, après avoir recueilli ses éléments de Guise, venait tenir avec la 105e brigade une position entre l'ouest d'Audigny et Macquigny, tandis que la 106e brigade occupait les ponts de Ribemont et de Séry-lès-Mézières , en attendant d'y être relevée par le 18e corps. Dans la nuit, la division est rassemblée vers Surfontaine. Quant à la 69e division de réserve, elle a marqué un temps d'arrêt dans l'après-midi entre Landifay et Courjumelles, prête à s'engager au sud de Guise. Puis, sans avoir eu à intervenir, elle reprend son mouvement et atteint la zone Renansart, Nouvion-et-Catillon. Le 4e groupe stationne ainsi face à l'ouest en cantonnement d'alerte , prêt à se porter rapidement vers l'Oise , ses avant-postes échelonnés sur la rive est de l'Oise et sur le canai entre Séry-lès-Mézières et Achery.

A 17 heures, le général Lanrezac donne pour le 29 août les ordres suivants :

La Ière armée allemande est engagée de front contre l'armée anglaise et attaquée sur son flanc droit par l'armée française du Nord. La Ve armée l'attaquera le 29 au matin dans son flanc gauche, en s'efforçant de la déborder par le nord. L'attaque sera menée en direction générale de Saint-Quentin et au nord, par les 18e et 3e corps, appuyés à gauche par le 1er corps anglais et couverts à droite par le 10e corps et la 4e division de cavalerie. Laissant une division en réserve d'armée, le 1er corps viendra en deuxième ligne, en arrière et à droite du 3e corps. Le groupe de divisions de réserve formera réserve, à gauche, sur la rive gauche de l'Oise. Les mouvements s'exécuteront ainsi qu'il suit :

Le 18e corps, franchissant l'Oise à 6 heures à Ribemont et Séry-les-Mézières, progressera vers Homblières et Marcy de manière à contourner Saint-Quentin par le nord. Il aura à sa gauche un détachement pour le relier au 1er corps anglais, dont la droite marchera sur Saint-Quentin en longeant la grande route la Fère, Saint-Quentin.

Le 3e corps, franchissant l'Oise à Origny-Sainte-Benoite et Bernot après que le 18e corps aura débouché sur la rive droite, progressera en échelon à la droite et en arrière de celui-ci, de manière à le flanquer contre toute attaque descendant du nord par la rive droite de l'Oise.

On attaquera l'ennemi partout où on le rencontrera.

Le 10e corps a pour mission de couvrir du côté du nord le franchissement de l'Oise par le gros de l'armée et se portera dans la région Puisieux, Sains, le Sourd, Colonfay, Audigny. Il aura, avant le jour, vers Audigny, un fort détachement avec artillerie, tenant Guise et Flavigny. La 4e division de cavalerie, à laquelle est rattachée la 51e division de réserve et qui est renforcée d'une brigade du 1er corps, occupera la région de Vervins et surveillera particulièrement les directions Avesnes, Fourmies, Hirson et Rocroi. Elle cesse d'être aux ordres du 1er corps.

Le 1er corps se portera à 4 heures, en une colonne, par Marle, le Hérie-la-Viéville, son avant-garde à Jonqueuse, la tête des gros vers la ferme Bertaignemont. Sa division de queue formera réserve d'armée dans la région Housset, Faucouzy, Sons, Châtillon-lès-Sons.

Le 4e groupe de divisions de réserve restera jusqu'à nouvel ordre en réserve de gauche sur ses positions de Renansart à l'est de l'Oise, l'infanterie à l'abri des vues et au repos, l'artillerie prête à entrer en action pour appuyer le débouché du 18e corps. Il occupera solidement les passages de l'Oise en aval de Séry-lès-Mézières et se maintiendra en liaison avec le 1ercorps anglais, qui doit déboucher vers 5h 30 de la ligne Vendeuil, Liez.

Au moment on le général Lanrezac établit ces instructions, il n'est pas encore informé que les ponts de Guise sont tombés aux mains de l'ennemi. D'autre part, dans la journée, il s'est mis en relations directes avec le général sir Douglas Haig, commandant le 1er corps anglais, et celui-ci lui a promis son concours pour l'attaque du lendemain. Cette assurance est d'autant plus précieuse que, dans la matinée, le. colonel Huguet, insistant auprès de lui sur la situation critique de l'armée anglaise, l'a averti que " le flanc gauche de la Ve armée n'est plus couvert " et qu'elle pourra " bientôt avoir à subir de ce côté une attaque des plus sérieuses de toute la masse allemande opérant sur cette partie du théâtre d'opérations ". Aussi, le général Lanrezac fait-il savoir à 21h 45 au commandant en chef que " l'attaque de la Ve armée sera menée en direction de Saint-Quentin et au nord par les 18e et 3e corps, appuyés à gauche par les forces anglaises et les divisions de réserve, couverts à droite par le 10e corps et la 4e division de cavalerie, le 1er corps en échelon et à droite du 3e ". La coopération ainsi escomptée ne se produira malheureusement pas, comme on le verra..

Le 28 au matin, le maréchal French informe le général Lanrezac que l'armée britannique continuera à battre en retraite et que son quartier général sera à midi à Compiègne Il fait transmettre au général Sordet des remerciements pour l'aide efficace et des plus utiles que, le 26 dans l'après-midi, le corps de cavalerie a apportée à la gauche anglaise. Puis il fait connaître au général Joffre que la retraite s'est poursuivie le 27 août dans de meilleures conditions et sans être sérieusement inquiétée, grâce à l'appui que lui ont apporté d'une part le corps de cavalerie du général Sordet au nord de Péronne, d'autre part les divisions de réserve du groupe d'Amade dans la région Combles , Bertincourt.

Les 3e, 4e et 5e divisions britanniques arriveront le 28 à Noyon. Les 1re et 2e divisions, en meilleur état, ont conservé leur cohésion et seront le soir à Chauny.

Dans ces conditions, l'armée anglaise va pouvoir commencer à se reconstituer, mais elle reste toutefois hors d'état de reprendre la campagne pour une période assez longue. En attendant, le sous-chef d'état-major de l'armée britannique, le général Wilson, considère comme indispensable qu'une armée forte de 6 à 7 corps soit rassemblée en arrière et à gauche de l'aile gauche française actuelle, pour empêcher la ligne alliée de succomber par morceaux sous des attaques aussi puissantes que celle qui a amené la défaite anglaise.

En fait, le 1er corps britannique retraite d'Orignv-Sainte-Benoite sur la Fère par la rive droite de l'Oise, et dans la soirée il s'établit sur la rive sud entre Andelain et Bichancourt, son quartier général vers Fresnes au sud de Saint-Gobain. Le 2e corps atteint en fin de marche la région de Noyon.

Les mouvements ont été couverts par la cavalerie. L'ennemi n a été rencontré nulle part. Il semble d'ailleurs, à l'estimation de l'état-major anglais, qu'aucune force allemande importante ne se trouve au sud de la région de Vermand.

Dans l'après-midi, le général Joffre a fait savoir au colonel Huguet que nos avant-postes couvriront les passages de la Somme entre Péronne et Ham, ceux de l'Oise à a Fère et en amont. Il pense donc que les Anglais ont de leur côté des arrière-gardes à Ham; Saint-Simon et Jussy. Le maréchal French répond tout d'abord que ses arrière-gardes sont plus au sud et peu après il fait connaître que , vers 20 h 30 , la 3e brigade de cavalerie et la 3e brigade d'infanterie sont à Vendeuil et à Choigny, le reste de la division de cavalerie à Jussy sur le canal Crozat et à Cressy au sud de Nesle.

La ligne de 1a Somme entre Ham et Saint Simon est donc abandonnée. Dans la soirée, le commandant en chef anglais exprime en général Joffre ses regrets de ne pouvoir coopérer à l'action prévue à la Ve Armée pour le lendemain. La fatigue des troupes exige au moins un jour de repos sur les emplacements occupés le soir. Le 30 , elles seront capables d'occuper la ligne du canal Crozat en cas de nécessité. Ultérieurement, si l'armée française est victorieuse, les forces britanniques seraient mises à sa disposition comme réserve. En même temps, le général Lanrezac est avisé directement par le maréchal French que le 1er corps anglais doit avoir un repos complet le 29 août et, en conséquence, ne pourra pas prendre part à l'attaque du lendemain.

A la gauche de l'armée anglaise, la VIe armée tient, en fin de journée du 28 août, la ligne Bray-sur-Somme, Chaulnes, Nesle. Ses éléments débarqués comprennent la 14e division, la brigade Ditte et la 55e division de réserve. Le corps de cavalerie a été assez violemment attaqué dans la région de Péronne.

Le 28 août au soir, la situation présumée de l'ennemi apparaît la suivante : On n'a pas de renseignements précis sur les mouvements de la Ire armée allemande. Par des radios interceptés, on sait seulement que, commandée par le général von Kluck, elle se glorifie d'avoir battu d'une façon décisive l'armée anglaise à Mons, puis à Solesmes, et de lui avoir fait plusieurs milliers de prisonniers. S'avançant dans la région à l'ouest de Saint-Quentin, elle atteint déjà la Somme, dont le 2e corps se prépare à attaquer les positions. D'après l'état-major anglais il faudrait s'attendre à être attaqué le 29 au matin sur Péronne par au moins deux corps et demi allemands.

Les mouvements de la IIe armée allemande, commandée par le général von Bülow, ne sont pas précisés. On sait seulement dans l'après-midi que des colonnes ennemies avancent de Wassigny sur Bohain et à l'est de Saint-Quentin, de Fontaine-Notre-Dame sur Homblières. Devant la Ve armée, sur l'Oise, des forces allemandes se portent sur Guise, Chigny et Englancourt. Des cavaliers de la Garde ont passé la nuit à Vimy près d'Hirson. La région Hirson, Chimay, Rocroi parait vide.

Vers la Meuse, les corps saxons de la IIIe armée semblent avoir atteint et dépassé la région de Rocroi.

Dans la nuit du 28 au 29 août, le commandant en chef fait connaître au général Lanrezac les événements qui se sont passés à l'extrême gauche française, et il complète ses instructions :

Le 28, l'ennemi a refoulé vers l'ouest les divisions de réserve qui se dirigeaient sur Péronne et a débouché sur la rive sud de la Somme par Péronne et Brie dans la direction de l'ouest, menaçant la zone de débarquement des éléments de la VIe armée. Il est essentiel que l'action de la Ve armée se fasse sentir aussi énergiquement que possible.

Répondant aux intentions du général Joffre et tenant compte, d'autre part, de l'abstention des Anglais, le général Lanrezac modifie ses ordres de la veille par l'Instruction suivante qu'il adresse à 7h 30 :

" La Ire armée allemande a attaqué Péronne hier par sa droite. Il importe que l'attaque que nous lançons dans son flanc gauche soit menée avec la dernière énergie et toute la promptitude dont nous sommes capables.

Le mouvement initial sera orienté sur Saint-Quentin.

En conséquence, lorsque le 18e corps aura franchi l'Oise, il prendra comme direction générale Saint-Quentin, sa droite un peu à l'est de Mesnil-Saint-Laurent.

Le 3e corps infléchira sa direction d'attaque vers l'ouest, tout en s'échelonnant, comme il a été prescrit, par rapport au 18e corps et en restant en liaison avec lui, sa gauche vers Marcy.

Le groupe de divisions de réserve appuiera à gauche le mouvement du 18e corps en prenant comme direction Urvillers."

A 9 heures, le commandant en chef se rend auprès du général Lanrezac à Laon, tandis que se déroulent les premières phases de l'action engagée.

Les grandes lignes de la bataille de Guise peuvent se résumer comme il suit :

A 6 heures, l'attaque en direction de Saint-Quentin débouche sur la rive droite de l'Oise et progresse d'abord sans difficulté. Vers 10 h 30, le 18e corps et le 4e groupe de divisions de réserve tiennent les abords de la ligne Essigny, Urvillers, Neuville-Saint-Amand, Mesnil-Saint-Laurent.

Mais, au début de l'après-midi, une violente attaque allemande se produit sur le flanc droit de l'armée. Dès lors, la mission primordiale pour celle-ci est de rejeter dans l'Oise les troupes ennemies qui ont passé sur la rive gauche. Le 1er corps, au lieu d'attaquer sur Saint-Quentin, est ainsi amené à s'engager face au nord en liaison avec les 3e et 10e corps. A 16 h 30, la situation est la suivante :

Le 18e corps, qui n'a pu être appuyé par le 3e, obligé de s'engager sur Guise, se replie sur l'Oise devant une vive attaque. Il en est de même du 4e groupe de divisions de réserve. Le reste de l'armée fait face à l'offensive qui a débouché de Guise et à l'est et qui parait menée par trois corps allemands, tandis qu'à l'extrême droite la 4e division de cavalerie au nord de Vervins se porte contre le flanc gauche des colonnes ennemies.

En fin de journée, les 1er, 10e corps et la plus grande partie du 3e corps refoulent par une vigoureuse contre-attaque les forces allemandes qui avaient débouché sur le front Guise, Autreppes. Sur le front du 18e et du 3e corps, nos troupes tiennent les ponts de l'Oise et occupent les hauteurs de la rive gauche avec avant-postes sur la rive droites.

On va exposer maintenant les opérations de la journée dans l'ordre suivant : 18e corps et 4e groupe de divisions de réserve, 3e corps, 10e corps, 1er corps, enfin 4e division de cavalerie.

Le général commandant le 18e corps a donné le 28, pour le lendemain, les ordres suivants :

Le 18e corps, franchissant l'Oise à 6 heures à Ribemont et Séry-lès-Mézières; doit progresser sur Homblières et Marcy, ayant à sa gauche le 1er corps anglais qui marchera sur Saint-Quentin et, à sa droite, le 3e corps qui, franchissant l'Oise à Origny-Sainte-Benoîte, progressera en échelon en arrière.

La 36e division, disposant des ponts de Séry, Mézières, de Séry, Châtillon et de Ribémont, Sissy attaquera en direction générale de Homblières et aura comme premiers objectifs les hauteurs de la cote 120 ( 1 kilom. nord de Mézières-sur-0ise ), arbre de Sissy.

La 38e division, disposant du pont de Ribémont, Regny, et de passages créés à Lucy pour l'infanterie, attaquera en direction générale de Marcy. Son premier objectif sera la cote 120 ( 1 kilom. nord de Sissy).

L'attaque débouchera de la ligne Mézières, Sissy, à 6 heures. Une fois maîtresse de ses premiers objectifs, elle pivotera sur le mouvement de terrain de la cote 120, où la 38e division se fortifiera solidement, la 36e division prenant pour objectif la ligne 123, 129, la Râperie.

La 38e division laissera une brigade en réserve à la disposition du commandant du corps d'armée dans la dépression à 200 mètres au nord-est de Villers-le-Sec.

La 35e division se rassemblera dans le vallonnement entre Parpeville et la ferme Torcy.

Un détachement en échelon en arrière, à gauche de la 36e division, se portera de Mézières-sur-Oise sur Itancourt, couvrant le mouvement offensif dans les directions du nord et assurant la liaison avec la droite du corps anglais marchant de la Fère sur Saint-Quentin.

A 6 heures, le mouvement du 18e corps se déclenche. Tout en estimant que son premier objectif sera atteint sans difficulté, le général de Mas Latrie donne l'ordre de stopper et de s'organiser sur la ligne générale ferme de Lorival ( 1.500 mètres nord-est d'Itancourt), cote 120, la Râperie, cote 120 ( 1 kilom. sud de Regny). Il a l'intention de faire passer sur la rive droite de l'Oise toute son artillerie, et de reprendre le mouvement en avant, dès qu'il se sentira appuyé à sa gauche par les Anglais et à sa droite par le 3e corps. On lui signale en effet que la ligne Fontaine, Homblières parait sérieusement tenue par l'ennemi.

Vers 8 heures, la 36e division atteint son second objectif, cotes 123, 129, la Râperie; la 38e division atteint la Râperie, les cotes 120 (entre Regny et Sissy ) et 127.

De son côté, la 35e division s'est rassemblée entre Pleine-Selve et Villancet Fermes.

Cependant, à 7 h 30, le général Lanrezac a prescrit, au 18e corps, ainsi qu'on l'a vu, de prendre comme direction générale Saint-Quentin, sa droite un peu à l'est de Mesnil-Saint-Laurent. Il lui apprend en même temps qu'il sera appuyé à gauche par le 4e groupe de divisions de réserve. Le général de Mas Latrie fait donc appel au général Valabrègue en lui demandant d'appuyer la gauche du 18e corps qui est vers la cote 123. Puis il modifie son dispositif de la manière suivante :

La 36e division attaquera sur Neuville-Saint-Amand jusqu'à la voie ferrée. La 38e division, en échelon légèrement refusé à droite, attaquera sur Mesnil-Saint-Laurent et les croupes au nord-est.

Le détachement flanc-garde de gauche franchira la voie ferrée et cherchera la liaison avec le G. D. R. qui attaque sur Urvillers.

A droite, la gauche du 3e corps attaque, en échelon refusé, sur Marcy. La 35e division sera dirigée sur Ribemont en réserve de corps d'armée. A 11 heures, le 3e corps fait savoir que, vivement pressé sur son flanc droit, où la 5e division a été refoulée du bois de Bertaignemont, il est obligé de suspendre le passage de ses troupes sur la rive droite de l'Oise. Seuls, des éléments de la 6e division d'infanterie y sont en voie d'installation sur les hauteurs à l'ouest d'Origny, de la cote 127 à l'arbre des Saints, et ont reçu l'ordre de s'y retrancher. Le commandant du 3e corps ajoute que tant que cette situation ne sera pas améliorée par l'entrée en action des 1er et 10e corps, il ne sera pas en mesure de progresser à l'ouest de l'Oise. Le général de Mas Latrie décide, en conséquence, d'arrêter le mouvement du 18e corps sur Saint-Quentin , et il en rend compte au commandant de l'armée. Il prévoit, d'autre part, que la 35e division rassemblée à Ribemont pourra éventuellement aider le 3e corps au moins par son artillerie.

A midi, les divisions de première ligne sont toujours sensiblement sur leurs positions du matin; la 38e à droite, vers l'arbre de Sissy et la cote 120 au sud de Regny; la 36e à gauche, vers la cote 129, entre Mesnil-Saint-Laurent et Sissy. La 35e division, qui n'a pas franchi l'Oise, est à l'est de Ribemont, face au nord, et prête à soutenir le 3e corps vers Courjumelles.

Mais, dans l'après-midi, la 36e division, pressée de front et débordée sur sa gauche par des attaques venant de Mesnil-Saint-Laurent et d'Itancourt, ne peut se maintenir sur ses positions, et, n'étant pas renforcée, elle se replie assez éprouvée sur Châtillon et Mézières. Quant à la 38e division, dont la droite est en butte à une violente canonnade, elle se maintient difficilement sur les croupes 127 et 120 au sud et à l'est de Regny.

Jusqu'à la chute du jour le 18e corps reste établi sur la rive droite de l'Oise. A la nuit, en raison de la fatigue extrême des troupes, très éprouvées par les attaques qu'elles ont subies, il est contraint à se retirer sur la rive gauche; la 36e division vers Surfontaine, la 38e autour de Villers-le-Sec, la 35e vers Pleine-Selve et Parpeville. Il tient toutefois, par ses arrière-gardes, les ponts à Sery-lès-Mézières et Ribemont. Il est en liaison à gauche avec le groupe des divisions de réserve vers Renansart et, à droite, vers Courjumelles, avec le 3e corps.

Le quartier général s'installe à Chevrésis-Monceau.

Les ordres du général Valabrègue pour la journée du 29 août sont les suivants :

La 69e division portera sa 138e brigade, avec toute l'artillerie divisionnaire, sur les hauteurs d'Urvillers en vue d'appuyer la marche du 18e corps et d'assurer le débouché du 4e groupe de divisions de réserve au delà de l'Oise, en tenant fortement le front Urvillers, Essigny-le-Grand. La 137e brigade, tout en tenant les débouchés ouest des ponts de Berthenicourt et de Moy, se portera, par Hamégicourt et Alaincourt, vers la ferme Puisieux où elle formera réserve de groupe, prête à renforcer la 69e division dans la région d'Urvillers.

La 53e division de réserve, utilisant les ponts d'Hamégicourt, se portera par le sud de la Guinguette dans la région au sud de la route Benay, Cerizy où elle prendra le dispositif suivant largement articulé : une brigade au sud-est de Benay se couvrant vers le nord et l'ouest par l'occupation de Benay et d'Hinacourt, prête à s'engager par l'est ou par le sud d'Essigny-le-Grand; une brigade au sud de Cerisy, se couvrant par l'occupation de Cerisy.

A 9 heures, la 138e brigade franchit l'Oise, sans incident et se porte sur les hauteurs de la Guinguette. Vers 10 heures, elle attaque Urvillers et Essigny-le-Grand en portant son effort principal sur Urvillers.

A 11 h 30, Urvillers est entre nos mains. Mais une contre-attaque menée par des forces ennemies importantes appuyées par de l'artillerie de gros calibre réoccupe le village. Le commandant de la 69e division s'en empare de nouveau en faisant donner toutes ses réserves. Mais vers 14 heures, attaquée dans Urvillers et débordée sur sa gauche par Essigny, la 138e brigade se replie sur la crête de la Guinguette, puis, vers 15 heures, sur Moy. La plupart des officiers, dont 2 colonels, sont hors de combat.

La 137e brigade s'est ressemblée dans la région de Renansart. A midi 30, elle reçoit l'ordre de se porter vers l'ouest, dans la région de la ferme Puisieux. Elle arrive trop tard pour arrêter le repli de la 138e brigade, et se contente de couvrir le passage de celle-ci sur la rive gauche, en se maintenant jusqu'au soir sur les hauteurs 114 et 105. Elle se reporte elle-même dans la nuit sur Hamégicourt, Renansart, Nouvion-et-Catillon.

D'autre part, la 105e brigade (53e division) a poussé des éléments vers Benay et sur Hinacourt qu'elle a occupé. Mais une attaque allemande reprend le village et en débouche.

Vers 16 heures, l'ordre de repli sur la rive gauche de l'Oise est donné par le général Valabrègues. Sous la protection d'avant-postes qui gardent le passage de la rivière entre Hamégicourt et Achéry, la 69e division se rassemble à la nuit autour de Renansart, et la 105e brigade dans la région Hamégicourt, Brissy.

Quant à la 106e brigade, désorganisée par le combat qu'elle a soutenu la veille entre Guise et Origny, elle n'a pas pris part à l'action du 29. Dans la matinée, elle a seulement tenu les ponts de Mont-d'Origny et d'Origny-Sainte-Benoîte jusqu'à l'arrivée des éléments du 3e corps. De plus, ses éléments qui tenaient encore Jonqueuse en ont été chassés vers 7 heures. Après s'être regroupée vers Renansart, elle vient cantonner le 29 au soir dans la région Nouvion-et-Catillon, où se trouve le quartier général du 4e groupe.

A droite du 18e corps, et en attendant que celui-ci ait débouché sur la rive droite de l'Oise, le général Hache prescrit au 3e corps les dispositions préparatoires suivantes :

La 6e division d'infanterie, sous la protection de son avant-garde de Courjumelles, sera rassemblée à 4 heures à l'est du chemin de Courjumelles, ferme Viermont. Elle aura des éléments, de la cote 120 (1 kilom. sud d'Origny ) à la cote 120 (2 kilom. nord-est de Mont-d'Origny). A la même heure, la 5e division d'infanterie, tout en maintenant face à Guise des éléments de couverture jusqu'à l'arrivée du 10e corps, sera rassemblée au sud de Jonqueuse. Elle tiendra les hauteurs 120 ( en liaison avec la 6e division d'infanterie), 136, 161, face à Macquigny et Guise.

La 37e division, rattachée au 3e corps, rompra de Lugny ( 5 kilom. nord-est de Marle) à 2 heures et viendra par Voharies, Housset, le Hérie-la-Viéville, se rassembler au sud-est de Courjumelles.

Le commandant du 3e corps, averti par le 18e corps que celui-ci a franchi la rivière et s'est installé sur le front cotes 129, 220 ( au nord de Châtillon-sur-Oise ) et que la ligne Fontaine, Homblières est sérieusement occupés par l'ennemi, décide de franchir l'Oise à son tour. La 6e division utilisant tous les passages entre Origny et Bernot se portera sur les hauteurs de l'ouest de Thenelles à l'arbre des Saints; elle s'y retranchera en vue de son débouché ultérieur tout en couvrant la droite du 18e corps.

La 5e division se rapprochera de la rivière et des hauteurs 120, 136 de la rive gauche; elle flanquera le passage de la 6e.

La 37e division se rapprochera de l'Oise, en venant occuper les positions évacuées par la 6e, d'où elle soutiendra ultérieurement le passage de la 5e.

Vers 8 heures, la 6e division a sa première ligne sur le front Courjumelles, cote 133 ( 1 kilomètre nord de Courjumelles); sa deuxième, à la ferme Saint-Rémy. Elle signale qu'une colonne ennemie de force indéterminée marche de Guise sur Origny et que les éléments du 4e groupe de divisions de réserve qui tenaient Jonqueuse en ont été chassés. Elle porte, en conséquence, deux bataillons dans cette direction. En même temps, elle se dispose à relever une autre fraction du groupe de divisions qui tient encore Mont-d'Origny.

D'autre part, la 5e division, en se portant à sa position initiale de rassemblement vers Jonqueuse, se heurte à une position organisée sur la croupe 161, à l'est de Jonqueuse. En même temps, l'ennemi se livre à une préparation d'artillerie sur la ferme et le bois de Bertaignemont, qui laisse présager une sérieuse attaque par le nord.

A 11 heures, la situation du 3e corps est la suivante :

Une fraction de la 6e division passée sur la rive droite de l'Oise est en voie d'installation sur les hauteurs qui, à l'ouest de Mont-d'Origny, s'étendent de la cote 127 ( 1 kilomètre sud-ouest de Thenelles ) à l'Arbre des Saints. Le gros de la division, se rapprochant de l'Oise, est à l'est d'Origny. La 5e division a été refoulée du bois de Bertaignemont jusqu'à 1.500 mètres au nord du chemin Courjumelles, Landifay.

La 37e division débouchant à l'ouest de Landifay va attaquer sur le bois de Bertaignemont, en laissant une brigade en réserve d'aile droite, seule force qui reste à la disposition du commandant du 3e corps.

Ainsi pressé sur son flanc droit, qui n'est pas encore couvert par le 1er corps, le général Hache décide de suspendre le passage de l'Oise. Tant que la situation ne sera pas améliorée par l'entrée en ligne des 1er et 10e corps, il estime que le 3e corps ne sera pas en mesure de progresser sur la rive droite et il en avise le commandant du 18e corps.

Vers 11 h 3 0 , il rend compte au général Lanrezac que la 6e division interrompt le mouvement commencé à l'ouest de l'Oise, et qu'une de ses brigades va attaquer Jonqueuse tandis que la 37e division attaquera Bertaignemont.

Cette décision répond d'ailleurs aux intentions du commandant de l'armée, qui fait savoir à 13 heures que la mission primordiale est actuellement de rejeter dans l'Oise les forces ennemies qui ont franchi la rivière, et donne en même temps au 1er corps l'ordre de s'engager au mieux des circonstances, en liaison avec les 3e et 10e corps.

Le commandant du 3e corps escompte donc le débouché prochain du 1er corps de le Hérie-la-Viéville en direction de Guise, il donne en conséquence les ordres suivants :

La 5e division se reporte à l'attaque des bois de Bertaignemont. A sa gauche, la 6e division se portera à l'attaque de Jonqueuse avec les éléments disponibles sur la rive gauche. Les fractions qui ont passé sur la rive droite ne seront rappelées que si leur intervention est indispensable pour le mouvement en avant des attaques face au nord, dont les objectifs sont les hauteurs de Jonqueuse et la ferme Louvry.

La 37e division, qui progresse vers le bois de Bertaignemont, ne poursuivra son mouvement que lorsqu'elle sera étayée respectivement à droite et à gauche par les 5e et 6e.

La mission est de rejeter sur la rive droite de l'Oise toutes les forces ennemies qui ont traversé la rivière.

La 6e division a laissé sur la rive droite de l'Oise un régiment et un groupe qui ont pris possession des hauteurs de Neuvillette vers midi. Avec le reste de ses forces, elle entame à 15 heures son mouvement vers le nord en partant des abords du signal d'Origny, et dépasse la route d'Origny à la ferme Viermont. Pour appuyer son attaque ,le générai Hache prescrit de ramener à l'est d'Origny les fractions qui se trouvent sur la rive droite. A peine cet ordre est-il donné qu'une panique se produit à partir de Mont d'Origny et vers l'est, devant une attaque allemande. Le repli précipité des premières lignes de la division entraîne successivement les soutiens jusqu'au signal d'Origny.

En fin de journée, quelques unités qui ont pu se reformer au nord de Pleine-Selve parviennent à reprendre pied sur le signal d'Origny et à réoccuper la ferme Viermont. A la nuit, le reste de la division stationne autour de Courjumelles et de Pleine-Selve.

La 37e division, partant vers midi de la ferme Saint-Rémy (ouest de Landifay), progresse jusqu'au bois de Bertaignemont, mais, assez éprouvée par l'artillerie lourde ennemie, elle se replie vers Landifay. Dans la soirée, elle se reforme vers les fermes Torcy et Villancet.

Quant à la 5e division, ses éléments regroupés dans l'après-midi autour de Landifay ne sont pas tout d'abord en mesure de soutenir la contre- . attaque de la 37e division sur Bertaignemont. Mais vers 17 heures, liant son mouvement à la contre-offensive qu'a déclenchée le 1er corps sur l'axe le Hérie-la-Viéville, Audigny, la division progresse et parvient à reprendre pied dans les fermes et le bois de Bertaignemont, où ses avant-postes s'établissent. Derrière eux, le gros se reforme autour de Landifay.

Le soir du 29 août, le quartier général du 3e corps est à Sons. Le général Hache donne l'ordre de fortifier et d'occuper les positions sur lesquelles on s'est maintenu de façon à enrayer tout retour offensif de l'ennemi.

Au 10e corps, les avant-postes de la 20e division ont été attaqués dans la nuit du 28 au 29 août, entre Colonfay et le Sourd, par des forces allemandes venant du nord. Cette attaque ayant été repoussée, le général Defforges donne pour la journée du 29 les ordres suivants : le 10e corps porté dans la région Puisieux, Sains-Richaumont, le Sourd, Colonfay, Audigny a pour mission de couvrir, vers le nord, l'attaque que les 18e, 3e et 1er corps doivent prononcer dans la direction générale de Saint-Quentin. Dans ce but, il aura, au jour, un fort détachement avec artillerie qui tiendra Guise et Flavigny.

En conséquence, la 20e division sera rassemblée à 4 heures vers Audigny, tenant Guise et Flavigny par un régiment appuyé d'un groupe d'artillerie. Si ces deux dernières localités sont occupées par l'ennemi, elle s'en emparera coûte que coûte.

La 19e division se portera dans la région Puisieux, Colonfay, le Sourd, Sains-Richaumont où elle se tiendra prête à intervenir soit vers le nord, soit vers le nord-ouest. Elle prendra ses dispositions pour interdire à l'ennemi les passages de l'0ise de Monceau-sur-Oise à Proisy. Elle laissera une brigade à la disposition du général commandant le 10e corps entre Sains-Richaumont et Richaumont.

En exécution de cet ordre, la 20e division porte la 40e brigade de Sains par Puisieux sur Audigny. La tête atteint Audigny à 6 h 45 , lorsqu'elle est arrêtée par une violente fusillade de l'ennemi débouchant de Guise et de Flavigny. La brigade s'engage tout entière sans réussir à progresser. D'ailleurs à 9 h 45 , le général Lanrezac prescrit au 10e corps de se borner à contenir à tout prix l'ennemi, sans s'user à vouloir enlever les ponts de l'Oise. L'ennemi progressant vers le sud, en particulier vers la droite de la 40e brigade, celle-ci se replie sur le Hérie-la-Viéville, puis vient se reformer vers midi à hauteur des fermes Harbes, au nord de Housset. De son côté, la 39e brigade a pour mission de se porter sur Colonfay par le Sourd. Vers 8 h 30, au moment où sa tête passe à Colonfay, la colonne est violemment attaquée. La brigade se déploie au nord de Richaumont, sa gauche à Puisieux. Elle résiste d'abord sur cette position, puis sous la pression de forces supérieures elle se replie sur Sains-Richaumont et de là sur Housset.

La 19e division a poussé la 37e brigade de Lemé sur le Sourd. Vers 8 heures, la tête de la colonne s'engage sur le Sourd où l'ennemi est signalé. Le village tombe entre nos mains à 10 heures, mais il est repris par les Allemands qui parviennent à en déboucher malgré une contre-attaque vigoureuse. Nos troupes sont contraintes de se replier, jusqu'à la route Lemé, Sains, puis vers la Neuville Housset. Vers midi, la 38e brigade, jusqu'alors réserve de corps d'armée, prenant position autour de Richaumont, réussit à arrêter quelque temps les progrès de l'ennemi devant ce village. Mais vers 14 heures un violent feu d'artillerie la contraint à se replier au sud de Sains. Au début de l'après-midi, le 10e corps se trouve donc refoulé tout entier au sud de Sains-Richaumont.

Dès 10 h 40, le général Defforges rend compte au commandant de l'armée que, la 20e division étant obligée de battre en retraite, le 10e corps se replie vers le sud, et il ajoute : " Je suis très violemment attaqué sur tout mon front. On me déborde sur mon aile droite. Je tiendrai à tout prix. Faites-moi appuyer le plus tôt possible à droite et à gauche ".

Le général Lanrezac répond aussitôt : " Le 10e corps doit tenir coûte que coûte sur ses positions. La 4e division de cavalerie reçoit l'ordre d'intervenir immédiatement dans le flanc gauche des troupes allemandes qui attaquent ce corps. Le 1er corps doit continuer sa marche vers l'Oise et n'intervenir du côté du 10e corps qu'en cas d'absolue nécessité.

A 11 h 20, le général Defforges signale à nouveau que l'ennemi est entré à Puisieux, Colonfay et le Sourd et que de là il attaque en direction de Sains-Richaumont. Bien que l'action se ralentisse, il semble que les Allemands essaient de manœuvrer par leur gauche. Aussi le commandant de l'armée autorise-t-il le générai Defforges à faire intervenir, en cas de nécessité, les troupes du 1er corps qui sont à proximité, pour dégager le 10e corps. Dans l'après-midi, le 10e corps tient toujours le village de Sains, partie avec la 38e, partie avec la 39e brigade, tandis que la 40e brigade, tout entière en deuxième ligne, organise une position de repli en avant de Housset. L'infanterie allemande n'a fait aucun progrès devant Sains. mais elle s'avance par l'est de ce village dans la direction de Chevennes et du bois de Marfontaine. Au dire du général Defforges, le 10e corps n'a plus un seul homme à engager, les unités au feu manquent d'officiers et de cadres".

En fin d'après-midi, le 10e corps, comme on le verra, encadré à droite et à gauche par le 1er corps , contre-attaque avec la 38e brigade par Sains-Richaumont sur Colonfay. Une première tentative échoue devant la violence du feu de l'artillerie ennemie, mais une nouvelle attaque en liaison avec le 1er corps permet à la brigade d'atteindre les abords est de Colonfay. Elle stationne pendant la nuit à hauteur des avant-postes du 1er corps. Le reste du 10e corps stationne : 19 division à l'est, 20e à l'ouest de Sains-Richaumont; le quartier général du corps à Housset.

Le général Lanrezac a prescrit le 28 au soir au 1er corps de laisser une brigade à la disposition de la 4° division de cavalerie et de porter en une colonne, par Marle, le Hérie-la-Viéville, son avant-garde à Jonqueuse, la tête des gros vers les fermes Bertaignemont. Il fixait le départ à 4 heures.

La division de queue du 1er corps devait rester en réserve d'armée dans la région Housset, Faucouzy, Sons, Châtillon-lès-Sons.

En conséquence, le général Franchet d'Esperey a indiqué le dispositif suivant à réaliser pour son corps d'armée : 1re division, gros vers les fermes Bertaignemont, avant-garde vers Jonqueuse; 2e division, 1re brigade à le Hérie-la-Viéville, le gros vers Housset au nord de la grande route, la 8e brigade vers la Chaussée. Pour l'exécution du mouvement, la 1re division sera formée en une seule colonne sur la grande route de Marle à le Hérie-la-Viéville et précédée d'une avant-garde composée de la 1re brigade. Son mouvement sera réglé de façon que sa queue soit écoulée pour 8 h 30 à la bifurcation 1 kilomètre nord de Marle. La 2e division marchant en une seule colonne à partir de Tavaux ( 8 kilomètres est de Marle ) suivra i'itinéraire Tavaux, Bosmont, Montigny-sous-Marle, Thiernu, Berlancourt, Housset. Son avant-garde passera à Montigny-sous-Marle à 8 h 30. La 8e brigade, ayant pour itinéraire la grande route de Marle à le Hérie-la-Viéville, partira de Montcornet à 4 h 30.

Le quartier général du 1er corps doit fonctionner à le Hérie-la-Viéville à partir de 10 heures.

Dès 9 heures, le général Lanrezac décide que la 2e division, réserve d'armée, s'embarquera à Faucouzy (sud de le Hérie-la-Viéville), pour être transportée en chemin de fer, à partir de midi, sur Versigny ( 5 kilomètres est de la Fère), à l'extrême gauche de l'armée.

Cette mesure correspond à la première conception de la bataille : attaquer à l'ouest de l'Oise en direction de Saint-Quentin les forces allemandes qui pressent l'armée anglaise.

Mais à partir de midi de violentes attaques allemandes venant du nord contre les 10e et 3e corps, amènent le générai Lanrezac à modifier son plan. "La première mission de la Ve armée est dès lors de rejeter dans l'Oise les troupes ennemies qui sont passées sur la rive gauche. Le 1er corps doit s'engager au mieux des circonstances, en liaison avec le 3e et le 10e corps".

Le maintien d'une réserve au centre du champ de bataille est dès lors nécessaire, et la 2e division, au lieu d'être embarquée vers l'ouest, est reprise à partir de 15 heures par le 1er corps.

Seul le 148e régiment d'infanterie de la 8e brigade est transporté dans la région de la Fère. Débarqué à Versigny, il occupe le soir Danizy, Achery et les ponts de la Fère, couvrant la gauche des divisions de réserve qui, comme on l'a vu, se sont reformées vers Renansart, Nouvion-et-Catillon.

Vers 9 h 30 , l'avant-garde de la 1re division, marchant sur le bois de Bertaignemont, atteint Landifay, et pousse deux bataillons sur le Hérie-la-Viéville.

La 2e division d'infanterie a sa tête vers la Chaussée.

Vers 10 heures, le général Franchet d'Esperey apprend que l'ennemi débouchant de Guise marche sur le Hérie-la-Viéville et Landifay. Il prescrit donc à la 1re division, de se porter tout entière sur le Hérie-la-Viéville où le commandant de la 1re brigade aura la mission de rejeter les Allemands sur Guise.

Tandis que la 1re brigade occupe le Hérie-la-Viéville et la ferme Bellevue, la 2e prend position vers la cote 120 ( est de Landifay ).

C'est alors que vers 13 heures le général Franchet d'Esperey reçoit du général Lanrezac l'ordre de poursuivre avec le 1er corps sa marche vers l'Oise et de n'intervenir du côté du 10e corps qu'en cas d'absolue nécessité. Mais en même temps lui parviennent deux messages, coup sur coup : "Il est urgent pour le 1er corps de s'employer dans les meilleures conditions à rejeter dans l'Oise les forces qui en ont débouché et attaquent le 10e corps", puis : " la première mission est de rejeter dans l'Oise les troupes ennemies qui sont passées sur la rive gauche. Le 1er corps s'engagera au mieux des circonstances en liaison avec le 3e et le 10e corps ".

En conséquence, vers 14 heures, la 1re division reçoit l'ordre de se porter à l'attaque en direction générale de la route de Guise, la 1re brigade prenant pour objectif Clanlieu, puis Audigny, la 2e brigade marchant sur les fermes Louvry et la Désolation. La 4e brigade tout entière se portera en avant de manière à venir se former au sud de le Hérie-la-Viéville en soutien de la 1re division. Ultérieurement, il lui est prescrit de lier son offensive à celle de la 2e brigade, et de prendre comme objectif la corne est du bois de Bertaignemont. Quant à la 3e brigade, s'engageant à l'est du 10e corps qui déclare ne plus pouvoir tenir et partant de la région de Housset, elle va attaquer dans la direction de Chevennes et du Sourd. L'attaque générale du 1er corps se déclenche vers 17 heures.

Vers 21 heures, la 1re brigade atteint Clanlieu et la ferme la Bretagne; la 2e brigade est vers la cote 150 au nord-ouest de cette ferme; la 4e brigade occupe la corne est du bois de Bertaignemont; elle est en liaison avec le 3e corps qui, comme on l'a vu, a réoccupé la ferme de Bertaignemont. A l'est du 1er corps, le 10e corps a atteint Colonfay, tandis que la 3e brigade à sa droite progresse vers le Sourd et l'occupe. Le quartier général du 1er corps se fixe dans la soirée au Hérie-la-Viéville.

A 21 heures, le général Franchet d'Esperey rend compte des résultats de son attaque. D'après les dires d'un prisonnier, celle-ci aurait eu en face d'elle le 10e corps allemand. Le commandant du 1er corps a l'intention de reprendre le 30 au jour l'attaque sur Guise avec la 1re division, tandis que la 4e brigade se tiendra prête à déboucher, dans la direction de Macquigny, sur la rive droite de l'Oise, dès que les progrès de la droite le permettront.

A l'extrême droite, la 4e division de cavalerie est, depuis le matin, en rassemblement articulé dans la région de Vervins, en liaison avec le 10e corps et surveillant les passages du Thon et de l'Oise. Vers 9 heures, une offensive ennemie se prononce par Haution et Voulpaix, cherchant à filtrer entre la 4e division de cavalerie et le 10e corps, dont elle menace le flanc droit.

Bien que réduite à ses propres forces, car 51e division de réserve mise à sa disposition ne l'a pas encore rejointe, la division de cavalerie attaque immédiatement par Laigny et Voulpaix. Elle a déjà engagé l'action de sa propre initiative lorsque le général Lanrezac lui donne l'ordre d'attaquer en flanc dans le plus bref délai les forces ennemies débouchant sur la droite du 10e corps. Cette contre-offensive réussit à arrêter et détourner sur elle des forces adverses importantes appuyées par de nombreuses batteries, mais elle ne peut empêcher l'ennemi de s'emparer de Voulpaix.

Cependant la 51e division n'atteint Burelles (6 km. sud de Vervins) qu'à 14 heures. Elle se dirige de là sur Haution et la Vallée-aux-Bleds. Mais sa progression est très lente, malgré l'appui que lui prête l'artillerie de la 4e division de cavalerie. Elle ne peut dépasser les hauteurs du signal de l'Oberiot (sud de Voulpaix) où s'établissent ses avant-postes; le soir, elle stationne entre Gercy et Saint-Gobert.

A la nuit, la 4e division de cavalerie, se maintenant dans Laigny et Fontaine-lès-Vervins, cantonne autour de Vervins. L'ennemi tient Voulpaix, Haution, Rue du Bois de Laigny, Autreppes.

A 20 h 30, le général Lanrezac mettait, ainsi qu'il suit , le général Joffre au courant des résultats obtenus par la Ve armée à la suite des combats de la journée :

Du côté de Saint-Quentin, le 18e corps et le groupe de divisions de réserve , qui avaient franchi l'Oise et s'étaient portés dans la direction de Saint-Quentin jusque sur la ligne Essigny, Urvillers, Itancourt, Mesnil-Saint-Laurent, ont été attaqués par de nombreuses colonnes ennemies venant de l'ouest.

Le 18e corps, qui n'a pu être appuyé à droite par le 3e obligé de s'engager sur Guise, a été repoussé sur l'Oise et son repli a entraîné celui des divisions de réserve qui ont été d'ailleurs violemment attaquées.

Sur le front nord de l'armée, les 10e et 1er corps et la majeure partie du 3e ont refoulé, par une vigoureuse contre-attaque exécutée en fin de journée, les corps allemands qui avaient débouché sur le front Guise, Autreppes. Ces corps ont dû repasser l'Oise.

En vue d'exploiter les résultats obtenus, le général Lanrezac donne à

23 heures, pour la journée du 30 août l'ordre suivant :

"Le 18e corps et le groupe de divisions de réserve, auquel sera rattaché le 148e régiment d'infanterie, assureront respectivement la garde de l'Oise, de Mont-d'Origny à Hamégicourt et d'Hamégicourt à la Fère.

"Les 3e, 1er et 10e corps rejetteront dans l'Oise l'ennemi qui est encore sur la rive gauche de cette rivière.

"En tout cas, les troupes conserveront sur la rive gauche de l'Oise les emplacements atteints à la suite des combats du 29 août, s'y retrancheront et rejetteront dans l'Oise tout ennemi qui essaierait d'en déboucher, mais jusqu'à nouvel ordre sans franchir cette rivière."

Le quartier général de l'armée reste à Laon.

Dans cette journée du 29 août, la Ve armée estime qu'elle a eu affaire probablement au 10e corps de réserve et peut-être au 7e corps sur la rive droite de l'Oise, tandis que le 10e corps et la Garde, franchissant la rivière dans la région de Guise et d'Autreppes, ont attaqué sur la rive gauche.

Derrière ces corps, on signalait de gros bivouacs entre Saint-Quentin et le Catelet, des rassemblements importants au nord du Cateau et dans la région de Fourmies.

D'autre part, l'avance ennemie s'est fait sentir sur la Somme. A 10 heures, des colonnes ont débouché sur le front Bray, Péronne, Ham. On a évalué ces forces à deux corps au moins, l'un vers Péronne, l'autre sur la ligne Ham, Saint-Christ.

Aussi, le commandant de la VIe armée s'attendant à un choc violent sur son front escompte-t-il un peu l'effet que produira l'attaque de la Ve armée. Mais dans l'après-midi le général Lanrezac, violemment pris a partie lui-même sur son flanc nord, fait savoir qu'on ne doit pas prévoir pour le soir même l'effet produit par l'offensive de la Ve armée vers l'ouest.

On a pu toutefois constater dès le 29 au matin les résultats de l'action engagée sur Saint-Quentin.

Vers 10 heures, l'aviation anglaise a reconnu des colonnes ennemies de toutes armes qui marchaient de Bellicourt sur le Catelet, et d'autres qui progressaient de Méricourt sur Bohain. Il semblait que l'ennemi remontait vers le nord sous la poussée de la Ve armée française.

Dès 10 h 30, un officier de liaison du G. Q. G., à son passage à l'état-major du maréchal French à Compiègne, partageant cette impression, faisait savoir au général Lanrezac qu'à son avis les forces allemandes auraient stoppé entre Péronne et Ham sur la rive droite de la Somme, à la suite des nouvelles parvenues à l'ennemi sur les mouvements de la Ve armée. En effet, devant la VIe armée, qui avait été violemment attaquée dans la matinée sur le front Nesle, Péronne, l'attaque allemande avait cessé brusquement au début de l'après-midi.

L'armée anglaise est restée toute la journée du 29 août sur les emplacements qu'elle a atteints la veille au sud de l'Oise. Seules les arrière- gardes ont eu, dans la matinée, un engagement au nord de Guiscard, sur la route de Noyon, avec un corps allemand débouchant de la Somme par le pont de Ham. A droite, le 1er corps a son quartier général à Saint-Gobain et s'étend entre Charmes et Amigny, couvert par la 5e brigade de cavalerie vers Travecy, au nord de la Fère, et la 3e vers Jussy, sur le canai de Saint-Quentin. A gauche, le 2e corps est dans la région Noyon, Carlepont, Cuts (Q. G.). Au nord de l'Oise la division de cavalerie, vers Moyencourt, comble le vide qui sépare la gauche anglaise de la droite de la VIe armée, dont les premiers éléments sont vers Roye. Dans la matinée, le maréchal French évaluait à 3 ou 4 corps les forces allemandes entre Ham et Péronne et il était d'avis que l'offensive de la Ve armée devait se faire sentir le plus tôt possible. Il estimait par contre, que l'armée anglaise ne pourrait vraisemblablement prononcer de mouvement offensif avant le 31.

Dans l'après-midi le général Joffre se rend auprès du maréchal French à Compiègne. Celui-ci confirme que les forces anglaises ne pourront prendre part à une offensive avant plusieurs jours et il considère comme indispensable qu'elles continuent leur retraite. Il donne d'ailleurs l'assurance qu'aucune brèche sérieuse ne sera faite dans les lignes du dispositif général par un repli prématuré ou hâtif de ses troupes, mais insiste sur le délai qui leur est nécessaire pour se refaire et recevoir des renforts. Effectivement, dans la soirée, il donne à son armée l'ordre de se replier le 30 sur le front Soissons, Rethondes, le quartier général sur Villers-Cotterêts.

D'autre part, jugeant ses communications avec le Havre dangereusement menacées par l'avance allemande, le maréchal French décide d'établir une nouvelle ligne de communications et donne des ordres pour transférer la base d'opérations anglaise du Havre à Saint-Nazaire, avec base avancée au Mans.

 

III. - RETRAITE DE LA Ve ARMÉE DERRIERE L'AISNE ET DE L'ARMEE ANGLAISE ENTRE L'OURCQ ET L'OISE.

30 AOÛT- 1er SEPTEMBRE.

 

Dans la nuit du 29 au 30 août, estimant que l'attaque de la Ve armée a fait suffisamment sentir son effet et qu'elle a dégagé en partie la VIe armée, le commandant en chef prescrit au général Lanrezac de prendre ses dispositions pour rompre le combat et reporter ses forces derrière la Serre en se décrochant avant le jour.

Mais, par suite d'un retard de transmission, cet ordre, daté du 29 août 22 heures, ne parvient pas à destination dans sa forme originale ( télégramme chiffré). La Ve armée n'en a connaissance que le 30 août à 7 heures, par communication téléphonique.

Le général Lanrezac donne aussitôt de nouvelles instructions en conséquence.

Les 3e, 1er et 10e corps, couverts par de fortes arrière-gardes, se porteront vers le sud, dès réception de l'ordre, dans les directions respectives de Montigny-sur-Crécy, Pargny-les-Bois, Toulis.

Les zones de stationnement à occuper en fin de mouvement seront les suivantes :

3e corps. - Chevresis-Monceau, Chevresis-les-Dames, Mesbrecourt, Montigny-sur-Crécy, avec avant-gardes sur la ligne Monceau-le-Vieil, Villers-le-Sec.

1er corps. - Pargny-lès-Bois , Crécy-sur-Serre, Bois-lès-Pargny, avec avant-gardes sur la ligne Monceau-le-Neuf, Sons.

10e corps. - Dercy, Mortiers, Froidmont, Toulis, Voyenne, avec avant-gardes sur la ligne : nord du bois de Berjaumont, Marcy, Marle, Autremencourt.

Le 18e corps retraitera à son tour en direction générale de Renansart, quand le 3e corps arrivera à sa hauteur. Il couvrira le flanc ouest de ce dernier, et viendra stationner dans la région Surfontaine, Renansart, Nouvion-le-Comte, Nouvion-Catillon, Fay-le-Noyer, ses avant-gardes sur la ligne Sery-les-Mézières, Villers-le-Sec. Il tiendra les ponts de l'Oise de Sery-les-Mézières à la Fère.

Le groupe de divisions de réserve se dirigera sur Saint-Gobain lorsque le 18e corps arrivera dans la zone qu'il occupe et il se reliera aux Anglais. Le 148e régiment couvrira le flanc ouest du groupe de divisions de réserve et tiendra les ponts de Chauny et Condren , où il se portera dès que le 18e corps l'aura relevé de ceux de la Fère, Tous ces ponts sauteront le plus vite possible.

La 4e division de cavalerie et la 51e division de réserve couvriront le flanc droit de l'armée, la première dans la région Ebouleau, Gondelancourt, Machecourt, Bucy-lès-Pierrepont; la deuxième vers Grandlup, Missy, Pierrepont.

Mais au moment où le général Lanrezac lance cet ordre, les 1er et 10e corps, la 4e division de cavalerie et la 51e division de réserve faisant face au nord sur la ligne générale Mont-d'Origny, Vervins sont occupés à rejeter dans l'Oise les forces ennemies demeurées sur la rive gauche, ainsi qu'il a été prescrit le 29 au soir.

Dès 4 heures, la 4e division de cavalerie et la 51e division de réserve reprenant l'offensive ont attaqué sur le front Laigny, Voulpaix, Grande-Cailleuse.

Vers 9 heures, Laigny était évacué par l'ennemi; la 51e division de réserve chassait de Voulpaix des éléments de la Garde et la progression continuait sur toute la ligne, quand arrive l'ordre de repli. La rupture du combat s'exécute sans grandes difficultés. Le soir, la 4e division de cavalerie couverte sur la Serre par ses arrière-gardes, arrive au sud de la rivière dans la région Bucy-les-Pierrepont (Q. G.), Montigny-le-Franc, Chivres. A sa gauche, la 51e division de réserve s'établit entre la Neuville-Bosmont et Pierrepont ( Q.G.) .

Le 10e corps avait donné l'ordre à la 19e division d'infanterie d'attaquer au jour sur Colonfay, tandis que la 20e, à droite par Lemé , se porterait sur le Sourd. La 19e division d'infanterie avait progressé au nord de Colonfay vers Wiège-Faty et la 20e, s'emparant de Lemé que les Allemands avaient occupé la nuit, attaquait le Sourd, quand elles furent atteintes par l'ordre de repli.

Sous la protection de la 40e brigade, établie sur la ligne la Neuville-Housset, Housset, le 10e corps bat en retraite sans être inquiété et en fin de marche atteint avec la 19e division d'infanterie la région Voyenne, Froidmont et avec la 20e division d'infanterie celle de Marcy, Erlon, Dercy, tandis que le quartier général s'installe à Froidmont.

Le générai Franchet d'Esperey avait prescrit au 1er corps de prendre, sur le front Macquigny, Guise, Flavigny, une offensive générale qui devait se déclencher au point du jour. Mais dans la nuit l'ennemi s'étant emparé de Clanlieu l'engagement débute par la reprise de ce point. C'est alors que vers 8 heures parvient l'ordre de repli. Tandis que la 4e brigade se porte vers Faucouzy pour y établir une position défensive, la 1ère division, sous la protection d'un régiment laissé vers le Hérie-la-Viéville, entame le mouvement qui l'amène le soir dans la région Bois-lès-Pargny, Pargny-les-Bois, Crécy-sur-Serre. A son tour, la 2e division couverte par la 4e brigade atteint sans incident la région entre Sons et Montceau-le-Neuf. L'ennemi n'a poursuivi que par le canon. Il semble avoir continué son glissement vers le sud-ouest, en laissant des arrière-gardes sur le front du 1er corps. Le quartier générai du 1er corps s'installe à Crécy-sur-Serre.

Le 3e corps devait dès le matin attaquer en direction de Hauleville et Noyales entre Guise et Origny, en liaison avec le 1er corps vers Macquigny et avec le 18e au sud d'Origny, la 5e division d'infanterie à droite, la 6e à gauche, la 37e en réserve entre Courjumelles et la ferme Torcy. Mais les troupes, assez éprouvées la veille, n'avaient pas achevé leurs dispositions

préparatoires d'attaque lorsqu'elles furent atteintes par l'ordre de repli.

Le 29 au soir en effet, la 6e division a abandonné Origny à la suite d'une panique que l'intervention d'éléments du 18e corps a pu enrayer. Une partie de la division avait repris pied au signal d'Origny tandis que le gros se reconstituait pendant la nuit au nord de Pleine-Selve.

Le 30 août, sous la protection de la 37e division maintenue sur une position entre Courjumelles et la ferme Saint-Rémy, les 5e et 6e divisions d'infanterie retraitent sans être sérieusement inquiétées. La 5e, par la ferme Torcy et Montceau-le-Vieil, se replie dans la région Montigny-sur-Crécy, Mesbrecourt, Richecourt; la 6e par Parpeville atteint Chevresis-Monceau et la Ferté-Chevresis. Dans la journée, le général Pétain a pris le commandement de la 6e division et le général Mangin celui de la 5e.

Mais tandis que ce mouvement s'exécute , le général Lanrezac fait savoir à 13 heures que le 18e corps est engagé contre un corps d'armée environ débouchant de Saint-Quentin sur Ribemont et Sery-lès-Mézières. Il prescrit donc au 3e corps de lui prêter son appui contre cette attaque, dans la mesure où le général Hache le trouvera nécessaire. A 18 heures, les forces allemandes débouchant de Sery-lès-Mézières refoulent vers le sud-est le 18e corps, qui n'a plus qu'une arrière-garde à Renansart. Le commandant de la Ve armée donne alors au 3e corps l'ordre de s'engager immédiatement en direction de Surfontaine et Villers-le-Sec pour soutenir le 18e corps et lui permettre de se retirer. Comme les 5e et 6e divisions ont terminé leur mouvement, la 37e est ramenée de sa position Courjumelles, Saint-Rémy vers la ferme de Ferrières (nord-ouest de la Ferté-Chevresis) où elle s'organise face au nord-ouest, prête à intervenir à la droite du 18e corps. Mais à la nuit, celui-ci n'étant plus sérieusement inquiété, la division, sans avoir eu à s'engager, vient stationner dans la zone Chevresis-les-Dames, Richecourt, Catillon.

Au 18e corps, pour permettre à la 36e division très éprouvée de se reconstituer, le général de Mas Latrie avait prescrit pour la journée du 30 d'occuper et d'organiser les positions suivantes : la 38e division de Villers-le-Sec à Pleine-Selve, la 35e en avant de Parpeville, prête à appuyer vers le sud l'action du 3e corps, la 36e dans la région Renansart, Surfontaine. Autant que possible on laissera des arrière-gardes pour tenir les ponts de l'Oise.

L'ordre de repli sur la Serre, arrivé dans la matinée, amène le commandant du 18e corps à prendre de nouvelles dispositions. La 36e division ira stationner dans la zone Nouvion-le-Comte et Nouvion-et-Catillon; la 38e, couverte par un détachement à Sery-lès-Méziéres, portera ses gros à Renansart, tandis que la 35e, laissant une arrière-garde a Villers-le-Sec, viendra entre Surfontaine et Fay-le-Noyer.

Mais vers 13 heures l'ennemi s'empare des ponts de Ribemont que gardait un détachement de la 38e division. Une contre-attaque est parvenue à les reprendre, lorsque la 35e division, commençant son mouvement de repli, découvre la droite de la 38e. Celle-ci reporte alors tous ses éléments sur sa position Pleine-Selve, Villers-le-Sec où elle réussit d'abord à contenir l'avance allemande. A la fin de l'après-midi, après avoir subi un violent bombardement, nos troupes se retirent sur Renansart.

La 35e division, poursuivant son mouvement, arrive le soir dans la région la Ferté-Chevrésis, Catillon-au-Temple. La 36e division est également attaquée vers 13 heures à Sery-lès-Méziéres; sous la pression de l'ennemi, elle se replie sur Nouvion-le-Comte et Nouvion-et-Catillon.

Le 18e corps se couvre sur sa gauche par des avant-postes qui s'étendent sur l'Oise en aval de Sery-lès-Mézières jusqu'à la Fère.

Le 4e groupe de divisions de réserve avait reçu la mission d'assurer la garde de la rive gauche de l'Oise d'Hamégicourt à la Fère. Dès le matin, ses avant-postes sont sur la rivière, d'Hamégicourt, à Achery, en liaison avec le 148e qui tient la Fère. Sous cette protection, les gros organisent des positions sur lesquelles ils se reconstituent, la 53e entre Surfontaine et Renansart, la 69e entre Renansart et la Serre. C'est dans cette situation que le général Valabrègue reçoit l'ordre de se porter sur Saint-Gobain, son flanc droit couvert sur l'Oise par le 148e. Dans l'après-midi, tandis que ce mouvement est en cours d'exécution , le général Lanrezac fait connaître au commandant du 4e groupe que le 18e corps est engagé prés de Sery-lès-Mézières contre un ennemi débouchant de Saint-Quentin. L'interdiction du débouché est du pont de la Fère étant indispensable à la sécurité du flanc gauche de l'armée, le groupe de divisions de réserve laissera au nord de Bertaucourt une forte arrière-garde, renforcée par toute l'artillerie, de manière à pouvoir intervenir éventuellement dans une action qui s'engagerait autour de la Fère.

Le général Valabrègue prescrit donc à la 53e division de réserve de tenir le débouché de la Fère, en se portant dans la région Denizy; Bertaucourt, tandis que plus à l'est la 69e division stationne autour de Fressancourt, le quartier général du groupe s'installant à Saint-Gobain.

Le 30 août au soir, en définitive, la Ve armée est sur la Serre, entre Marie et la Fère, et le général Lanrezac rend compte au commandant en chef que la retraite s'est bien exécutée. Seul le 18e corps, qui couvrait le mouvement vers l'ouest a été assez violemment attaqué vers Ribemont et Sery-lès-Mézières, mais il a pu effectuer son repli sous le couvert de son artillerie. Le 31 dans la matinée, la Ve armée toute entière sera repliée derrière la Serre.

Le général Lanrezac donne dans la nuit l'ordre d'entamer le mouvement à cet effet dans les conditions suivantes :

La 4e division de cavalerie couvrira le flanc est de l'armée en se portant dans la région la Ville-aux-Bois, Dizy-le-Gros. Elle poussera des reconnaissances vers Signy-l'Abbaye, Aubenton, Vervins et se reliera avec la gauche de la IVe armée, qui doit occuper Château-Porcien le 31 août.

Le 10e corps, auquel sera rattachée dès le 30 la 51e division de réserve, se retirera vers Vesles, Goudelancourt, Chivres; le 1er corps, à gauche du 10e, vers Grandlup, Monceau-le-Wast, Missy. Plus à l'ouest, le 3e corps gagnera la région Verneuil-sur-Serre, Barenton-Cel, Chambry; le 18e corps, celle de Crépy, Vivaise, Besny.

Le groupe de divisions de réserve, disposant du 148e régiment d'infanterie qui tient les ponts de la Fère, Condren et Chauny, se maintiendra dans la région de Saint-Gobain.

Ces ordres sont à peine donnés que le commandant en chef prescrit au général Lanrezac de porter dès le lendemain dans la région d'Anizy, Soissons, un corps d'armée à deux divisions, dont les éléments non montés seront embarqués en chemin de fer sur Paris. Les autres éléments, formant une colonne unique, suivront une route aussi rapprochée que possible de la limite ouest de la zone de l'armée, en faisant des étapes de 40 kilomètres environ, et gagneront par la rive gauche de la Marne le polygone de Vincennes.

Le reste de la Ve armée continuera son repli dans la zone marquée à l'est par la ligne générale Saint-Erme, Pontavert, Jonchery-sur-Vesle, Savigny-sur-Ardre, et à l'ouest par celle de Saint-Gobain, Quincy, Terny, Soissons, Hartennes, Neuilly-Saint-Front.

Les forces allemandes qui ont attaqué la Ve armée le 29 août dans la région de Guise paraissaient comprendre 3 corps actifs, 7e, 10e, la Garde et 3 corps de réserve de mêmes numéros. L'ensemble constituerait la IIe armée sous les ordres du général von Bülow. Les contre-attaques vigoureuses exécutées par nos 1er, 10e et 3e corps dans cette bataille ont infligé des pertes sérieuses à la Garde et au 10e corps, en y occasionnant un mélange complet des unités. On apprendra d'ailleurs le 31 août que le commandement allemand s'est préoccupé de cacher à ses troupes l'échec subi sur l'Oise. Toutefois, le 10e corps de réserve a attaqué assez sérieusement notre 10e corps le 30 août, au moment où celui-ci entamait son repli vers la Serre.

Le 30 août vers midi, notre aviation a signalé un corps d'armée au moins entre Saint-Quentin et l'Oise, et un peu plus tard d'assez gros rassemblements vers Homblières, Fieulaine et Origny-Sainte-Benoîte et des forces importantes au sud de Guise et plus au nord entre Guise et Etreux. D'autre part, notre 18e corps a intercepté un radio allemand qui parle d'une attaque d'ensemble pour le lendemain en direction de Vailly.

A l'ouest de Saint-Quentin, les forces qui s'avancent sur la Somme comprendraient les 2e, 3e et 4e corps et peut-être partie d'un autre, avec des corps de réserve correspondants. Il semble que l'ennemi cherche à tenter un mouvement débordant sur les deux ailes de la VIe armée, à gauche sur Amiens, à droite entre Roye et Noyon.

A l'est de la Ve armée, les corps saxons ont attaqué notre 9e corps dès le 29, au nord de Rethel et dans la journée on signale de très gros rassemblements dans la région Aubenton, Rumigny et des mouvements dans celle de Signy-l'Abbaye.

Dans la nuit du 29 au 30 août, le colonel Huguet a insisté en vain auprès du maréchal French pour que l'ordre de repli donné à l'armée anglaise soit modifié. Alléguant que le mouvement est en cours d'exécution et qu'il est trop tard pour modifier ses instructions, le généralissime britannique maintient tout d'abord sa décision. Il consent seulement à ce que les troupes du 1er corps soient arrêtées après une courte marche. Le 30 août, à 0 h. 30, le général Maunoury attire l'attention du maréchal French sur ce que le repli de l'armée anglaise laisserait la VIe armée, encore incomplètement formée, entièrement isolée en face de forces nombreuses. Celui-ci prescrit alors de suspendre le mouvement de retraite de toute son armée. Le 1er corps ne dépassera pas Coucy-le-Château. Il conservera par ses arrière-gardes le contact avec la gauche de la Ve armée à la Fère. Pareillement les 3e, 4e et 5e divisions ne doivent pas pour l'instant s'éloigner à plus de 10 kilomètres de l'Oise. En rendant compte au générai Joffre de ces dispositions, le colonel Huguet fait observer qu'il n'y a pas lieu d'escompter l'intervention des 3e, 4e et 5e divisions dans une action générale. Toutefois il espère que les 1re et 2e divisions pourront recevoir un peu plus tard l'ordre de faire demi-tour et d'attaquer. Il importe, dans ce but, que toute modification heureuse dans la situation soit immédiatement portée à la connaissance du maréchal French.

Le général Joffre remercie aussitôt le maréchal French de l'ordre qu'il vient de donner à ses troupes. Il l'avise que la VIe armée est actuellement autour de Montdidier et que la Ve armée va se mettre derrière la Serre. Le commandant en chef français envisage le repli général de nos forces, en évitant toute action décisive, de manière a durer le plus longtemps possible. Il serait du plus haut intérêt qu'au cours de ces mouvements l'armée anglaise se tînt en liaison constante avec la Ve armée, afin de profiter de toutes les circonstances favorables pour donner à l'ennemi une sévère leçon, comme celle qui vient d'être infligée devant Guise à la Garde et au 10e corps prussien. La zone de marche sera indiquée aussitôt que possible, mais dès ce moment il serait indispensable de faire dégager Soissons par les convois, en reportant ceux de l'armée anglaise à l'ouest de la route Saint-Gobain, Leuilly, Soissons, Longpont. Le maréchal French est enfin prié de faire sauter les ponts sur l'Oise, entre Chauny et Compiègne inclusivement.

Mais à peine informé des intentions du générai Joffre le maréchal French prescrit de reprendre la marche en retraite et mande au commandant en chef français : " Je considère comme absolument nécessaire de vous faire connaître que l'armée anglaise n'est pas en état, quelles que soient les circonstances, de prendre place en première ligne avant dix jours ". Elle a besoin d'hommes et de canons pour combler ses pertes, qui n'ont pu encore être évaluées en raison de la retraite ininterrompue. Dans ces conditions, elle est incapable de remplir la mission qui lui est proposée pour combler le vide entre les Ve et VIe armées sur la ligne Soissons, Compiègne. En vue de poursuivre la reconstitution de ses forces, le maréchal propose de les replier derrière la Seine dans la région de Mantes, Poissy, Saint-Germain-en-Laye, tout en conservant d'ailleurs l'intention de les reporter en avant dès qu'elles seront reformées.

De plus, toujours inquiet de la menace qui pèse sur sa ligne de communication avec le Havre, il envisage l'établissement d'une nouvelle base à la Rochelle, avec le Mans comme gare régulatrice.

Devant cette volonté si nettement affirmée, le générai Joffre ne peut qu'agréer les propositions du maréchal French. Toutefois, à son estimation, comme le repli envisagé dans la zone Mantes, Poissy ne saurait s'exécuter en suivant directement le cours de l'0ise parce qu'il couperait la zone de marche de la VIe armée, il y aurait lieu pour les troupes anglaises de se retirer tout d'abord par l'est de Paris, c'est-à-dire derrière la Marne, entre Meaux et Neuilly-sur-Marne, quitte à gagner ensuite la région de l'ouest en contournant la capitale par le sud. Dans ces conditions, la zone de marche de l'armée anglaise serait comprise entre la route Soissons, Villers-Cotterêts, la Ferté-Milon, Mareuil-sur-Ourcq, Meaux à l'est et celle de Verberie, Rully, Baron, Eve, Dammartin-en-Goële, le Mesnil-Amelot, Villepinte, Livry, Neuilly-sur-Marne à l'ouest. La gare régulatrice s'établirait à Angers qui se prête mieux que le Mans à cette installation, la base maritime étant à la Rochelle, comme le demande le maréchal

Dans l'après-midi, l'armée anglaise a repris son mouvement de retraite. Le 1er corps s'est replié tout entier autour de Coucy-le-Château; le 2e corps et la 4e division se sont retirés dans la zone Attichy, Autrèches, Tracy-le-Mont.

La division de cavalerie, au nord de Compiègne, couvre le quartier général, qui prend ses dispositions pour se transporter le 31 à Dammartin-en-Goële. Elle assure en outre vers Ressons-sur-Matz la liaison avec la droite de l'armée Maunoury disposée sur la ligne générale Ressons-sur-Matz, Maignelay, Breteuil.

Dans la journée, les ponts sur l'Oise de Chauny, Condren, Beautor, Varesnes, les deux ponts de Pontoise et les deux ponts de Pont-l'Evêque ont été détruits. Ceux d'Ourscamp, de Bailly et de Compiègne doivent l'être dans la soirée ou le lendemain.

Le 31 août, dès 6 h 30, le général Lanrezac fait savoir au commandant en chef que le 18e corps désigné pour s'embarquer à destination de Paris ne pourra atteindre Soissons le soir, et ne dépassera pas Anizy-le-Châteaux.

Le général Joffre répond par le message suivant :

" Suspendez provisoirement le mouvement du corps à embarquer en chemin de fer, qui en tout état de cause ne serait enlevé que demain. Recevrez des instructions plus complètes dans la journée. Sur votre front ne cédez que sous la pression de l'ennemi, faites reposer un peu vos troupes. Surveillez ce qui se passe devant vous et rendez compte fréquemment."

A 9 h 15 , le grand quartier général avise le commandant de la V° armée que, d'après un radiotélégramme intercepté, un corps de cavalerie allemand a reçu l'ordre de passer l'Oise vers Bailly (est de Ribecourt) et de se porter sur Vauxaillon.

Le général Lanrezac prend aussitôt ses dispositions pour parer à cette menace. Il prescrit au 3e corps d'embarquer à midi en gare de Laon une brigade renforcée d'un groupe d'artillerie à destination de Vauxaillon, avec mission de s'opposer à toute tentative de la cavalerie ennemie au sud de l'Ailette dans les directions de Leuilly, Terny et Braye.

D'autre part, le groupe de divisions de réserve se portera immédiatement de la région de Saint-Gobain dans celle de Prémontré, Quincy, ses arrière-gardes à Septvaux, avec mission de couvrir le flanc ouest de l'armée, en se reliant à droite au 18e corps par Suzy. En fin de marche et le plus tôt possible, le générai Valabrégue poussera, au minimum, une brigade renforcée en artillerie au sud du canal de l'Oise à i'Aisne dans la région Leuilly, Sorny, Vauxaillon, pour y coopérer avec les éléments du 3e corps à la protection du flanc ouest de l'armée. La liaison avec les avant-postes anglais qui occupent Soissons devra être cherchée vers Terny et Leury. Enfin, la 4e division de cavalerie se portera immédiatement par Craonne dans la région de Vailly, pour couvrir la gauche et les derrières de l'armée contre les incursions possibles de la cavalerie allemande.

En attendant que ces mesures puissent recevoir leur exécution, le général Lanrezac estime qu'en raison de la situation de son armée en demi-cercle autour de Laon il lui est très difficile de parer à la menace ennemie. Comme il apprend que les Anglais se replient derrière l'Aisne dans la région de Vauxbuin (sud-ouest de Soissons), il demande directement au commandant de la division britannique qu'il croit encore à Anizy de prendre position vers Juvigny et Leuilly.

De son côté, comme on le verra, le général Joffre fait appel à l'intervention du maréchal French.

Vers midi, tout en rendant compte au commandant en chef des dispositions prises pour parer à la menace de la cavalerie allemande, qui vers 11 heures a atteint Nampcel, le général Lanrezac fait connaître son intention de désaxer la direction de marche de ses troupes, pour les amener à proximité de la voie ferrée Laon, Reims, en assurant ainsi leur ravitaillement. Mais le général Joffre préfère que la Ve armée dans son repli conserve la zone de mouvement qu'il lui a assignée. Les mesures prises pour arrêter la cavalerie allemande lui paraissent suffisantes et il décide d'ajourner au lendemain 1er septembre la question du transport en chemin de fer d'un corps de la Ve armée.

Celle-ci a franchi la Serre le 31 août de bonne heure, et dans la matinée elle a atteint la région nord de Laon, où elle stationne l'après-midi, le 18e corps autour de Vivaise, Crépy, Aulnois, le 3e corps dans la zone Barenton-Cel, Verneuil-sur-Serre, Chambry, le 3e corps, dont l'arrière-garde a été attaquée de nuit à Monceau-le-Neuf, dans la région Grandlup, Missy, Gizy, Monceau-le-Wast, le 10e corps, qui dispose de la 51e division de réserve dans la zone Cuirieux, Gondalancourt, Chivres, Pierrepont.

A 15 heures, le général Lanrezac prescrit que le mouvement de retraite reprendra à 18 heures, la Ve armée gagnant la région nord de l'Ailette par une demi-marche, pour s'y compléter et s'y ravitailler. Les zones à atteindre en fin de journée du 31 août sont les suivantes :

18e corps, Mons-en-Laonnois, Chaillevois, avec un détachement à Faucoucourt, pour se relier au groupe de divisions de réserve, qui est à Brancourt et Prémontré, et un détachement à Vaudesson pour s'opposer aux incursions de la cavalerie allemande; 3e corps, faubourg de Leuilly, Etouvelles, Nouvion, Vorges; 1er corps, Athies, Bruyères, Veslud; 10e corps, Marchais, Mauregny-en-Haye. En cas d'attaque de l'ennemi, on tiendra énergiquement sur la ligne de résistance hauteurs de Montaigu, Veslud, Bruyères, château de Presles, fort de Laniscourt, Cessières. Quant à la 4e division de cavalerie, elle a reçu un ordre particulier pour se porter sur le flanc ouest de l'armée. Le quartier général de l'armée se transportera à Craonne.

Dans l'après-midi, de nouveaux radiotélégrammes interceptés font connaître au grand quartier général que les 2e, 4e, et 9e divisions de cavalerie allemandes ont groupé leurs trains de combat autour de Compiègne que la 9e division de cavalerie se trouve vers 14 heures à Offremont, à l'est de la forêt de Laigle où elle est en liaison avec la 5e division de cavalerie et qu'enfin la division de cavalerie de la Garde dont les ferrures sont hors d'usage en attend de nouvelles à Noyon. Confirmant ces renseignements, l'aviation de la Ve armée signale, en effet, dans l'après-midi que des forces de cavalerie ennemies appuyées par de i'artillerie, après avoir franchi l'Oise à Bailly, se dirigent vers le sud-est. Puis elle observe la progression de ces forces, qui par Nampcel se portent sur Autrèches et Morsain et qui continuant à progresser vers l'est atteignent, vers 17 heures, la région Crécy-au-Mont, Leuilly, au sud de Coucy-le-Château.

De son côté, 'aviation britannique a aperçu vers midi trois colonnes se dirigeant vers le sud-est, leurs têtes respectivement à Thourotte, Ribecourt, Pimprez, sur le canal entre Compiègne et Noyon. Après avoir passé l'Oise, ces éléments constituent une division de cavalerie qui dans l'après-midi atteint Vic-sur-Aisne. A l'ouest de l'Oise, l'état-major anglais signale également une colonne sur la route Roye, Noyon, la tête atteignant l'Oise; enfin deux grosses colonnes, l'une sur la route Roye, Compiègne, la tête arrivant à hauteur de Ressons; l'autre sur la route de Montdidier, Senlis, la tête à Tricot, la queue à Pierrepont. Ces renseignements ne sont d'ailleurs envoyés à la V° armée qu'à 17 heures et au grand quartier général que dans la soirée.

D'autre part, à l'est de la Ve armée, les 12e et 19e corps saxons ont franchi l'Aisne à Rethel et Château-Porcien par leurs avant-gardes, derrière lesquelles sont de gros rassemblements. D'autres colonnes, s'avancent par Novion-Porcien, Wassigny et Chaumont-Porciens. Enfin nos reconnaissances aériennes, tout en signalant le vide dans la région Ham, la Fère, Saint-Quentin, Guise, ont observé vers 16 heures des rassemblements dans la zone Ribemont, Landifay, Monceau-le-Neuf.

Cependant à 17 heures le général Lanrezac prescrit que " par ordre du commandant en chef, malgré l'état de fatigue des troupes, à l'énergie desquelles le commandant de la Ve armée fait appel, l'armée se portera demain derrière l'Aisne, et continuera, à marches forcées, après-demain, son mouvement vers le sud. Ce mouvement est nécessaire pour l'exécution du plan d'opérations du commandant en chef et doit être exécuté coûte que coûte et quelles qu'en soient les conséquences.

L'ordre général de 18 heures fixe les conditions d'exécution :

" Des forces ennemies importantes ont franchi l'Oise au sud de Noyon, en marche vers l'est. D'autre part, des troupes allemandes se dirigent sur Chaumont-Porcien, Wassigny, Novion-Porcien. Sur l'ordre impératif du commandant en chef, la Ve armés se repliera dans la nuit au sud de l'Aisne par une marche forcée. La marche continuera les jours suivants dans la direction de la Marne. Il sera fait appel par les chefs de tous ordres à l'énergie la plus extrême des troupes.

Les mouvements prescrits aux grandes unités et dont la reprise avait été , comme on l'a vu, ordonnée pour 18 heures, se poursuivront sans arrêt de façon que l'armée se trouve le 1er septembre au matin sur la rive sud de l'Aisne. Les zones de mouvement sont déterminées en conséquence, de manière à atteindre en fin de marche, pour les arrière-gardes, les hauteurs bordant immédiatement la rive sud de l'Aisne, de Cormicy à Chassemy, et ensuite vers le sud-ouest : Ciry, Serches, Chacrise, pour les queues des gros Couvrelles, Brenelle, Dhuizel, Barbonval, Meurival, Guyencourt, Hermonville. La 4e division de cavalerie couvrira le flanc ouest de l'armée en se maintenant à l'ouest de la route Terny, Missy-sur-Aisne, Cuiry-Housse, Cramaille. La cavalerie du 10e corps couvrira le flanc est, à l'est de la route Sissonne, Aguilcourt, Hermonville, Châlons-sur-Vesle. Le quartier général de l'armée se portera à Jonchery-sur-Vesle.

Les corps de la Ve armée se remettent donc en mouvement le 31 août à 18 heures et poursuivent leur marche de nuit, sans arrêt.

Dans la soirée, le commandant en chef a mandé au général Lanrezac : Je pense que vous avez pris toutes mesures pour que le corps de cavalerie ennemi soit surpris et bousculé demain au jour. En outre, les ponts de Soissons étant probablement détruits, il convient de diriger le mouvement de la Ve armée à l'est de Soissons, en réquisitionnant toutes les voitures possible pour alléger les hommes.

Sur son flanc est, vers la Ville-aux-Bois et Dizy-le-Gros, la Ve armée a été couverte dans la matinée du 31 par la 4e division de cavalerie, cherchant à se relier vers Château-Porcien, avec le détachement Foch (IV° armée). A 11 h 30 , cette division reçoit, comme on l'a vu, l'ordre de se porter sur Vailly par Craonne et se met aussitôt en mouvement. Après une longue étape, elle n'arrive que tard dans la nuit vers Bourg-et-Comin sur l'Aisne; elle s'y repose quelques heures et reprend, le 1er septembre de grand matin, sa marche sur Vailly.

Le groupe de divisions de réserve, couvrant le flanc ouest de l'armée, a tenu dans la matinée la région Fressancourt; Versigny ( 69e) et Andelain, Danizy, Saint-Gobain ( 53e). Il est couvert lui-même sur l'Oise à la Fère, Condren et Chauny, par le 148e régiment. Dans la matinée, comme on l'a vu, le général Valabrègue a reçu l'ordre de s'établir entre Anizy et Coucy-le-Château. Il porte en conséquence la 69e division vers Wissignicourt et Brancourt, la 53e vers Quincy, Fresnes, et le 148e régiment à Coucy-le-Château et Septvaux. Son intention était de pousser en fin de marche une brigade vers Leuilly et Vauxaillon, pour coopérer, avec la brigade du 3e corps à l'action contre la cavalerie allemande. Mais seule une batterie peut être envoyée en soutien du 3e corps, tandis que quelques éléments d'infanterie venaient occuper, face au sud, la ligne du canal à l'ouest d'Anizy.

De son côté, la brigade du 3e corps (74e), embarquée en chemin de fer à Laon vers 16 heures et débarquée à Anizy, n'atteignait qu'en fin d'après-midi la région de Vauxaillon. Son avant-garde, à peine débouchée du village, était prise à partie par une forte artillerie ennemie, mais se maintenait dans Vauxaillon, tandis que le gros prenait position sur les hauteurs entre Vauxaillon et Laffaux.

Dans la nuit, le général Valabrègue prescrivait à ses troupes de se replier immédiatement au sud de l'Aisne dans la direction de Braine. Sous la protection de la 74e brigade demeurée sous ses ordres, le groupe de divisions de réserve exécute son mouvement sans être inquiété, mais avec lenteur, en raison de l'encombrement des routes.

Le 31 août au matin, le commandant en chef informe le grand quartier général britannique que, d'après l'ensemble des renseignements reçus, les Allemands reportent de nombreuses troupes sur leur frontière orientale, et que l'attaque exécutée le 29 août par la Ve armée française a été pour la IIe armée allemande un véritable échec. D'autre part, nos Ve et VIe armées ont pour mission de ne céder du terrain que sous la pression de l'ennemi, mais elles ne pourront remplir leur tâche qu'à la condition qu'il n'y ait pas de vide entre elles. " Je demande donc instamment au maréchal French", écrit le général Joffre, " de ne replier l'armée anglaise que si nous étions nous-mêmes obligés de céder du terrain et, tout au moins, de maintenir des arrière-gardes, de manière à ne pas donner à l'ennemi la sensation d'un repli accentué et d'un vide entre nos Ve et VIe armées ". Comme il apprend sur ces entrefaites que la cavalerie allemande cherche à franchir l'Oise au pont de Bailly demeuré intact, pour marcher vers l'est, le commandant en chef suggère au maréchal French la possibilité de s'opposer à ce mouvement par une action des arrière-gardes anglaises et de détruire ce point de passage.

Un peu plus tard, le général Joffre demande que le commandant du 1er corps anglais, qui est vers Vauxbuin, soit invité d'urgence à arrêter la progression vers l'est de la cavalerie allemande.

Malheureusement le grand quartier général anglais est en cours de déplacement, et seul le colonel Huguet est touché par les trois précédents messages. Il fait savoir qu'effectivement le pont de Bailly n'a pas sauté, le détachement de la 4e division britannique chargé de l'opération s'étant trouvé aux prises avec l'ennemi. A midi, le maréchal French n'a pas encore reçu les communications du général Joffre.

En attendant, l'armée anglaise toute entière poursuit son mouvement vers la Marne. Le 1er corps et la 5e brigade de cavalerie se replient autour de Villers-Cotterêts, dans une zone comprise entre Montgobert et Vaumoise. Le 2e corps atteint la région Crépy-en-Valois, Morienval, Béthisy-Saint-Pierre, Néry; entre celui-ci et l'Oise, la 4e division et la 19e brigade, la région Saint-Sauveur, Verberie, Pontpoint. La division de cavalerie s'étend de Rivecourt à Sarron avec des éléments sur la rive droite de l'Oise en liaison avec la cavalerie qui couvre la droite de la VIe armée. Celle-ci s'est repliée elle-même le 31 août sur la ligne générale Beauvais, Clermont, Verberie.

Dans la soirée seulement, le maréchal French, par déférence pour le désir exprimé par le général Joffre, décide que le lendemain 1er septembre l'armée anglaise ne se retirera pas plus au sud que la ligne Fontaine-les-Corps Nuds, Nanteuil-le-Haudoin, Betz. Elle y restera aussi longtemps que les Ve et VIe armées françaises continueront à occuper leurs positions actuelles. Si, par contre, celles-ci battaient en retraite, l'armée anglaise suivrait le mouvement. Elle ne pourra se porter en avant que lorsqu'elle aura été reconstituée et réorganisée.

Par ailleurs, en ce qui concerne ses communications, le maréchal French obtient que sa nouvelle base avancée soit transférée de Rouen au Mans, en prévision de l'établissement à la Rochelle d'une nouvelle base maritime.

Dans la matinée et la journée du 1er septembre, la Ve armée poursuit son repli vers le sud sans être inquiétée par l'ennemi mais au prix de grandes fatigues.

Le commandant du 3e corps, en particulier, signale que de nombreux coups de chaleur se sont produits parmi ses troupes très éprouvées par le manque de sommeil. Des mélanges d'unités et la rencontre de formations du 18e corps empruntant la zone de mouvement du 3e ont occasionné des retards considérables. Le général Hache ajoute que, si la marche est reprise, il ne faut compter, en raison de l'extrême fatigue des hommes, que sur une vitesse très réduite au cours d'une étape coupée de nombreuses haltes.

Pareillement, le commandant du 1er corps informe le général Lanrezac que la marche a été rendue très pénible par suite de l'encombrement des routes qu'ont empruntées des unités des 3e et 10e corps et des convois de la 51e division de réserve et de la 4e division de cavalerie.

A 14 heures, le général Lanrezac peut toutefois rendre compte au commandant en chef que ses troupes ont pu franchir l'Aisne sans incident grave, et que la 74e brigade du 3e corps a réussi à empêcher la cavalerie allemande de troubler le débouché des divisions de réserve au sud de Saint-Gobain. D'autre part, le flanc ouest de l'armée a été couvert par la 4e division de cavalerie.

Celle-ci, après un repos de quelques heures pendant la nuit à Bourg-et-Comin sur l'Aisne, a repris sa marche vers l'ouest par la rive droite. Parvenue au nord de Soissons dans la matinée, elle y entre en contact avec la cavalerie allemande vers Cuffies. Mais comme l'aile gauche de la Ve armée est passée sur la rive sud de l'Aisne, la 4e division de cavalerie franchit également la rivière à Soissons et prend position dans l'après-midi sur le plateau de Belleu, d'où elle surveille les débouchés de Soissons vers Braine et vers Hartennes. En fin de journée, elle se replie dans la région de Nampteuil-sous-Muret et recherche la liaison avec les troupes anglaises vers l'ouest.

Le 1er septembre au, soir, la Ve armée stationne entre l'Aisne et la Vesle sous la protection d'arrière-gardes qui tiennent les hauteurs au sud de l'Aisne sur le front Cormicy, Chassemy.

Les gros de la Ve armée s'établissent dans les régions suivantes :

Le 18e corps à Vauxtin, Brenelle, Courcelles, Paars; le 3e à Revillon, Vieil-Arcy, Perles, Fismes, Courlandon; le 1er à Guyencourt, Muscourt, Romain, Bouvancourt; le 10e à Villers-Franqueux, Hermonville, Cauroy, avec la 51e division entre Thil et Merfy.

La 69e division stationne à Limé et Braine, la 53e à Lesges, Couvrelles, et Cuiry-Housse, couverte dans la direction de Soissons par la 74e brigade qui, à son tour, s'est repliée vers Serches et Mont de Soissons.

Vers l'est, la Ve armée se trouve en liaison par le 10e corps avec la gauche du détachement d'armée Foch, dont les éléments sont encore sur la Suippe, au sud de Neufchâtel-sur-Aisne.

Dans cette journée, les renseignements reçus concernant les mouvements de l'aile droite allemande se sont précisés.

A l'est de la Ve armée, les forces évaluées à deux ou trois corps, qui ont franchi l'Aisne dans la région de Rethel et de Château-Porcien, ne semblent pas avoir progressé beaucoup vers le sud, ni dépassé la Retourne.

A l'est de Laon, l'aviation de la Ve armée a signalé un corps allemand environ, qui, en plusieurs colonnes, se porterait des environs de Marle vers le front Notre-Dame-de-Liesse, Bucy-les-Pierrepont, tandis que, plus en avant, une colonne s'avançait de Laon vers Bruyères et une autre partant de Corbeny atteint l'Aisne à Pontavert.

A l'ouest de la Ve armée, il semble qu'il y ait deux corps de cavalerie allemande. L'un, commandé par le générai von Richtofen, composé de la 5e division et de la division de la Garde, était dans la matinée du 1er septembre au sud de l'Aisne vers Leuilly et paraissait devoir se porter le 2 par Chavignon sur Cerny-en-Laonnois. L'autre, sous les ordres du général von der Marwitz, comprenant les 2e, 4e et 9e divisions, après avoir combattu dans la nuit du 30 au 31 à Verberie, puis dans la matinée à Néry, n'a pu atteindre Nanteuil qui semblait être son objectif et est demeuré au sud-ouest de Verberie.

Cependant la situation de l'aile gauche de notre dispositif général amène le commandant en chef à établir de nouvelles directives qu'il adresse à ses commandants d'armée dans l'après-midi du 1er septembre. Elles font l'objet de l'Instruction générale suivante :

"I. Malgré les succès tactiques obtenus par les IIIe, IVe et Ve armées, dans la région de la Meuse et à Guise, le mouvement débordant effectué par l'ennemi sur l'aile gauche de la Ve armée, insuffisamment arrêté par les troupes anglaises et la VIe armée, oblige l'ensemble de notre dispositif à pivoter autour de notre droite.

Dès que la Ve armée aura échappé à la menace d'enveloppement prononcé sur sa gauche, l'ensemble des IIIe, IVe et Ve armées reprendra l'offensive.

II. Le mouvement de repli peut conduire les armées à se retirer pendant un certain temps dans la direction générale nord sud.

La Ve armée, à l'aile marchante, ne doit en aucun cas laisser l'ennemi saisir sa gauche; les autres armées, moins pressées dans l'exécution de leur mouvement, pourront s'arrêter, faire face à l'ennemi et saisir toute occasion favorable pour lui infliger un échec.

Le mouvement de chaque armée doit toutefois être tel qu'il ne découvre pas les armées voisines et les commandants d'armée devront constamment se communiquer leurs intentions, leurs mouvements et leurs renseignements.

III. Les lignes séparant les zones de marche des différentes armées sont les suivantes : Entre la Ve et la IVe armée ( détachement Foch ) : route Reims, Epernay (à la IVe armée); route Montmort, Sézanne, Romilly (à la Ve armée);

Entre la IVe armée et la IIIe armée : route Grandpré, Sainte-Menehould, Revigny (à la IVe armée).

Dans la zone affectée à la IVe armée, le détachement d'armée du général Foch se tiendra en liaison constante avec la Ve armée, l'intervalle compris entre ce détachement et le gros de la IVe armée étant surveillé par les 7e et 9e divisions de cavalerie relevant de la IVe armée et appuyées par des détachements d'infanterie fournis par cette armée.

La IIIe armée effectuerait son mouvement à l'abri des Hauts-de-Meuse. IV. On peut envisager comme limite du mouvement de recul, et sans que cette indication implique que cette limite devra être forcément atteinte, le moment où les armées seraient dans les situations suivantes :

Un corps de cavalerie de nouvelle formation, en arrière de la Seine, au sud de Bray.

Ve armée, en arrière de la Seine, au sud de Nogent-sur-Seine.

IVe armée (détachement Foch) en arrière de l'Aube, au sud d'Arcis-sur-Aube (gros) en arrière de l'Ornain, à l'est de Vitry.

IIIe armée, au nord-ouest de Bar-le-Duc.

La IIIe armée serait à ce moment renforcée par les divisions de réserve qui abandonneraient les Hauts-de-Meuse pour participer au mouvement offensif.

Si les circonstances le permettent, des fractions des Ire et IIe armées seraient rappelées en temps opportun pour participer à l'offensive.

Enfin, les troupes mobiles du camp retranché de Paris pourraient également prendre part à l'action générale.

D'autre part, pour flanquer la gauche de la Ve armée que le repli des troupes anglaises a découverte, le général Joffre a prescrit la formation d'un nouveau corps de cavalerie qui demeure placé sous ses ordres directs et dont il confie le commandement au général Conneau. La constitution de ce groupement sera achevée le 3 septembre par la réunion des 8e et 10e divisions de cavalerie. La 8e division, qui débarquera le 3e septembre autour d'Epernay, devra se porter le 2 dans la région de Dormans, en arrière du centre de la Ve armée. La 10e division commencera ses débarquements le 1er au soir à Epernay. Le corps de cavalerie sera renforcé par le 45e régiment d'infanterie prélevé sur la Ve armée. Le quartier général du général Conneau fonctionnera le 2 septembre à Dormans.

Ainsi orienté, le général Lanrezac donne, pour la journée du 2 septembre, les instructions suivantes :

La Ve armée, à la gauche du dispositif général français, a, grâce à l'énergie et à l'endurance de tous, atteint la rive sud de l'Aisne sans incident. Elle continuera demain son mouvement dans la direction générale de Dormans.

" Sa mission est de parer à l'enveloppement tenté par les forces allemandes sur notre gauche de façon à permettre un nouveau groupement de nos armées en vue d'une reprise de l'offensive.

Au cours de cette manœuvre, la Ve armée devra se maintenir à l'ouest de la ligne générale Reims, Romilly. Elle sera appuyée à droite par un détachement d'armée placé sous les ordres du général Foch qui a pour mission de se tenir en liaison constante avec elle et qui vient au nord-est de Reims sur la ligne Bétheniville, fort de Witry-lès-Reims.

Le front à atteindre par les arrière-gardes en fin de marche est le suivant :

groupe de divisions de réserve, lisières ouest et nord du bois de la Tournelle, château de la Forêt;

18e corps, hauteurs nord-ouest de Sergy, Nesles, Party fermes, Cohan; 3e corps, Raray ferme, Arcis-le-Ponsart, ferme de Perthes ;

1er corps, hauteur 1.500 mètres sud-est de Crugny, Serzy-et-Prin, ferme Montazin ;

10e corps, ferme de Rosnay, Gueux.

Une forte arrière-garde du 10e corps, comprenant une brigade au moins renforcée en artillerie, tiendra les hauteurs du fort de Saint-Thierry, prête à appuyer à gauche le détachement du général Foch, tout en se couvrant elle-même face au nord, à l'est et à l'ouest. Enfin, une brigade du 3e corps sera placée en réserve d'armée dans la région de Villers-Agron, prête à appuyer éventuellement le 18e corps, sur l'ordre seul du général Lanrezac.

Le mouvement commencera à 2 heures.

L'ordre de l'armée fixe en outre les zones de marche et de stationnement entre les limites suivantes :

A l'ouest route Cuiry-Housse, Cramaille, Trugny, Coincy, Brécy, Bezu-Saint-Germain, Château-Thierry;

à l'est route Châlons-sur-Vesle, Gueux, Ville-Dommange, Sermiers, Pourcy, Nanteuil-la-Fosse, Hautvillers, Mardeuil.

Quant à la 4e division de cavalerie, tout en continuant à assurer la protection du flanc ouest de l'armée, elle se mettra en liaison avec le corps de cavalerie Conneau et combinera ses opérations avec lui.

Cependant le mouvement débordant que l'ennemi semble effectuer à l'ouest de la Ve armée est confirmé dans la soirée.

D'une part, l'aviation du général Lanrezac a signalé deux colonnes qui ont franchi l'Aisne à Vic-sur-Aisne et Fontenoy, tandis que, plus en arrière, des colonnes ayant traversé l'Oise dans la région Noyon, Compiègne s'avançaient vers le sud et le sud-est. Des éléments marchaient en particulier de Quierzy sur Blérancourt, de Carlepont sur Nampcel, de Ribécourt sur Tracy-le-Mont.

D'autre part, l'aviation britannique a observé, dans la région Noyon

Compiègne et à l'est, de multiples colonnes ennemies donnant l'impression de forces considérables en marche vers le sud et vers l'est, des éléments de toutes armes s'avançant de Compiègne sur Verberie, et des formations nombreuses à la lisière ouest de la forêt de Compiègne vers la Croix-Saint-Ouen.

Enfin un renseignement de la plus haute importance recueilli dans la journée du 1er septembre et transmis vers minuit au grand quartier général vient justifier la décision prise par le commandant en chef de soustraire la Ve armée à la masse d'enveloppement ennemi.

Sur un officier allemand capturé dans la région de Coucy-le-Château et semblant appartenir à la division de cavalerie de la Garde, on a saisi une carte dont les indications paraissent se rapporter au mouvement de la Ire armée allemande pour la journée même du 1er septembre. Elles portaient que de l'ouest à l'est le 4e corps de réserve devait atteindre Saint-Just-en-Chaussée, le 2e corps Verberie et la patte d'oie sud-ouest de la Croix-Saint-Ouen , le 4e corps Gillocourt et Retheuil, le 3e corps Taillefontaine et Vivières, la 18e division la région à l'ouest de Longpont. L'ensemble de ces mouvements faisait ressortir que la Ire armée allemande tout entière avait franchi l'Oise et infléchissait vers le sud-est sa direction générale de marche.

Sur l'Oise, des éléments de cavalerie anglaise, en liaison avec la VIe armée à Verberie, sont attaqués dès le matin du 1er septembre, puis la 1re brigade de cavalerie est prise à partie près de Néry par la 4e division de cavalerie allemande. Des fractions du 3e corps britannique qui se trouve vers Béthizy-Saint-Pierre et du 2e corps, qui arrive au nord de Crépy-en-Valois, viennent au secours de la cavalerie et s'emparent de 10 canons ennemis.

Dans cette journée du 1er septembre, le général Gallieni, gouverneur militaire de Paris, est entré en relations avec le maréchal French par une lettre dans laquelle il communique au généralissime britannique les dispositions prises pour couvrir les fronts nord et est de la capitale et pour attirer sur le camp retranché les forces ennemies qui menacent le flanc gauche de la Ve armée française.

D'autre part, des éléments de la division de cavalerie de Cornulier-Lucinière qui couvrent la droite de la VIe armée ont été attaqués le matin à Verberie en même temps que la cavalerie anglaise. Pour garantir sa droite d'un mouvement enveloppant et ne pas la séparer de l'armée anglaise, le général Maunoury fait occuper les lisières est et nord de la forêt d'Halatte, et il demande au maréchal French quelles dispositions celui-ci compte prendre en vue d'une action commune. A 18 h 45 , il pense pouvoir, avec l'aide de la gauche anglaise, empêcher les colonnes ennemies de déboucher de la forêt de Compiègne.

Dans la soirée, le général commandant la VIe armée fait donc connaître au maréchal French sa situation, les ordres qu'il a reçus et son intention de se replier lentement sur Paris, en reportant sa gauche, le 2 septembre au matin, sur la ligne générale Creil, Noailles. Pour l'exécution de ce mouvement, il est indispensable que la VIe armée se maintienne très solidement au nord-est de Senlis. Aussi, le général Maunoury exprime-t-il le ferme espoir que l'armée anglaise pourra coopérer à cette action.

Mais vers 14 heures, à la droite de l'armée, l'arrière-garde de la 2e division anglaise a été attaquée très violemment entre Vivières et Villers-Cotterêts et rejetée avec de graves pertes sur Villers-Cotterêts et plus au sud, derrière le gros qui s'engage lui-même vers Pisseleux et Coyolles contre des forces évaluées à deux corps environ. De son côté, le 2e corps a été attaqué vers Levignen.

Aussi dans la soirée le colonel Huguet fait savoir au général Maunoury que les attaques subies par l'armée anglaise l'ont contrainte à se replier vers la région Baron, Nanteuil, Betz, et qu'elle poursuivra le lendemain sa retraite vers le sud, pour arriver le 2 septembre à hauteur de Dammartin-en-Goële et le 3 septembre sur la Marne.

Pendant la nuit, l'armée anglaise est contrainte de battre en retraite au nord de Nanteuil-le-Haudouin, le Ier corps sur la ligne la Ferté-Milon Betz; le 2e sur le front Betz, Ormoy; le 3e vers Baron: La cavalerie se rassemble autour de Mont-l'Evêque, tandis que le grand quartier général anglais se transporte de Dammartin à Lagny-sur-Marne.

La situation de l'armée- britannique n'a d'ailleurs pas cessé de préoccuper vivement le général Joffre. Le 1er septembre au matin, il a écrit au ministre de la Guerre M. Millerand que le recul accentué des forces anglaises découvrant le flanc gauche de la Ve armée a permis à un corps de cavalerie allemand de s'avancer jusqu' à Soissons, rendant ainsi impossible le transport du 18e corps sur Paris. Et le commandant en chef ajoute :

" Si au cours de leur retraite les armées anglaises acceptaient de coopérer à une bataille sur le front nord de Paris, cela serait avantageux. Mais je ne puis le leur demander, n'ayant encore rien obtenu d'eux. Je ne sais trop d'ailleurs s'ils y consentiront."

Le 1er septembre, à l'ambassade d'Angleterre à Paris; eut lieu une entrevue entre MM. Viviani et Millerand, lord Kitchener et le maréchal French. A l'issue de cette réunion, le maréchal fit parvenir à M. Millerand, ministre de la Guerre, les propositions suivantes :

" Il me semble que la situation actuelle exige que nous fixions un plan qui soit bien compris de tous, afin que nous puissions tous coopérer à sa réalisation. J'aimerais à voir choisir une ligne de défense sur l rivière Marne s'étendant (pour) quelques kilomètres à l'ouest ou au nord-ouest de Paris. La longueur de cette ligne devrait être déterminée d'après les effectifs qui seraient susceptibles de l'occuper, suffisamment dense en profondeur pour permettre des contre-attaques à la fois locales et générales. Je préférerais que les éléments de la contre-attaque générale soient concentrés derrière le flanc gauche et constitués aussi fortement que possible.

Si une position de ce genre est préparée, Je suis prêt à tenir sur ma ligne actuelle, c'est-à-dire à Nanteuil ainsi qu'à l'ouest et à l'est de ce point aussi longtemps que la situation l'exigera pourvu toutefois que je ne courre pas le risque de voir mes flancs exposés à une attaque.

Je suis prêt à faire tout mon possible pour coopérer à ce plan, mais je ne peux, quelles que soient les circonstances, placer l'armée anglaise, étant données les conditions d'infériorité où elle se trouve actuellement, dans une situation où elle soit susceptible d'être attaquée par des forces supérieures, sans avoir la certitude d'être soutenue et secourue.

Si ce plan doit être accepté, il conviendrait de ne pas perdre un moment pour commencer la défense de la position avec tous les moyens dont on pourrait disposer."

On verra plus loin la réponse que le général Joffre fera le 2 septembre à ces propositions. Dans la journée du 1er, il a adressé d'ailleurs au maréchal French un exemplaire spécial de l'Instruction générale n° 4, dans lequel il n'a pas fait figurer les indications qu'il donne à ses armées en vue d'une reprise prochaine de l'offensive.

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