LA COURSE A LA MER
(septembre-novembre 1914)
Article d'Henry Dutailly paru dans la
Voix du Combattant d'octobre 1914
Pour vaincre sur la Marne le
général Joffre a dû engager toutes ses réserves. Il ne dispose d'aucune marge
de manœuvre pour exploiter la victoire acquise le 12 septembre.
Sur le plan stratégique, le
général Joffre est confronté à deux menaces. D'une part, les Allemands ont
aménagé depuis le 6 septembre une position de repli sur la rive droite de
l'Aisne. D'autre part, il existe à l'ouest de l'Oise un vaste espace de manœuvre.
Il permet à l'armée d'entreprendre un vaste mouvement tournant pour
déstabiliser l'adversaire. De la mi-septembre à la mi-novembre, les deux
protagonistes vont tenter cette manœuvre. Les Français appellent ces combats la
course à la mer. Plus justement, les Allemands parlent de "lutte pour les
flancs".
La
bataille de l'Aisne (15-17 septembre)
Les troupes françaises talonnent l'armée allemande dans sa retraite. Le 15 septembre, elles se heurtent aux défenses de l'ennemi au nord de l'Aisne. Insuffisamment appuyée par une artillerie conçue pour une guerre de mouvement et manquant de moyens de franchissement, l'avance française est stoppée. Durant cette marche en avant, Joffre réorganise son dispositif. II constitue une masse de manœuvre forte de deux armées destinée à déborder le flanc ouest des Allemands. Ces armées sont prêtes à intervenir le 18 septembre.
Les
batailles de Picardie et de la Somme (18 26septembre)
À peine déployée face à l'est
pour attaquer les arrières du front allemands, l'armée de Castelnau se trouve
confrontée à l'armée Rupprecht qui doit envelopper les arrières français lors
d'un mouvement tournant partant de Péronne; cette armée a Compiègne pour
objectif. Le 24 septembre, la bataille prend la forme d'un très violent choc
frontal. Les adversaires se neutralisent : leurs manœuvres de débordement ont
échoué.
Réagissant sans tarder à cet échec, Falkenhayn, le commandant en chef allemand, lance une attaque générale de l'Oise à la Meuse le 26 septembre. Les tirs de l'artillerie française s'étant révélés particulièrement meurtriers, elle est déclenchée de nuit ou dans les brumes matinales. Cet assaut allemand est arrêté. L'insuccès de cette offensive convainc les deux adversaires de rechercher la décision en lançant une nouvelle manœuvre à l'aile libre, c'est-à-dire en Artois.
La
bataille d Artois (18 septembre-7 octobre)
Du côté français, l'armée du
général de Maud'huy qui compte dans ses rangs deux corps de cavalerie doit
partir de la région d'Arras pour atteindre Cambrai et Bapaume. Chez l'adversaire,
un groupement comprenant quatre corps d'infanterie et deux corps de cavalerie,
partant de la ligne Bapaume-Cambrai reçoit la mission d'atteindre la Somme en
aval d'Amiens pour menacer les arrières de l'armée de Castelnau. La présence
des corps de cavalerie montre que chaque camp espère reprendre la guerre de
mouvement et exploiter le succès avec ses cavaliers. Cet espoir est rapidement
déçu.
Ces deux manœuvres opposées se
réduisent à une succession d'attaques frontales autour d'Arras. Le 5 octobre,
les Allemands s'emparent de la crête de Vimy au nord et menacent de couper la
route d'Arras à Doullens au sud. Maud'huy envisage la retraite de son armée
pour éviter l'encerclement. Foch qui vient d'être nommé adjoint au commandant
en chef pour coordonner l'action de nos forces dans le Nord intervient. Il
annonce l'arrivée de renforts et ordonne de résister sur place. La lutte
continue avec une extrême violence sur les pentes de Vimy et dans les faubourgs
d'Arras. Le front se stabilise le lendemain. La deuxième tentative
d'enveloppement échoue.
La
bataille des Flandres (8 octobre-13 novembre)
A partir de la deuxième semaine
d'octobre, l'action se transporte dans les Flandres où les adversaires vont
tenter une troisième manœuvre de débordement. Aussitôt la crise d'Arras
surmontée, Foch relance cette manœuvre plus au nord en direction de Tournai.
Pour ce faire, il dispose de l'armée anglaise forte de trois corps d'armée et
de deux divisions de cavalerie, de l'armée belge qui se replie en direction de l'Yser, de la brigade de fusiliers marins et de deux divisions
de l'armée territoriale. Face à lui, les Allemands opposent le corps de siège
d'Anvers et quatre corps d'armée de réserve.
Les
Alliés prennent l'initiative le 13 octobre. Ils développent trop lentement une
attaque que les défenses allemandes arrêtent le 15 au sud de la Lys. Foch
décide alors de modifier son axe d'effort : Roulers remplace Tournai. Cette
décision sur vient trop tard. Les Belges sont réduits à la défensive sur
l'Yser: Nos avant-gardes qui sont parvenues à Roulers sont refoulées sur Ypres.
Chaque adversaire cherche à rompre le front de l'autre sachant bien que la
proximité de la mer rend désormais impossible une manœuvre de débordement.
Attaques et contre-attaques se succèdent jusqu'au 13 novembre. La crise atteint
son sommet le 31 octobre : la ligne anglaise est percée. French, le commandant
en chef anglais, envisage d'abandonner Ypres mais Foch intervient
personnellement pour que la "porte des Flandres" ne soit pas laissée
à l'ennemi. Il obtient satisfaction. Les Anglais défendent Ypres.
Joffre
n'ayant plus les moyens nécessaire pour relancer des offensives ordonne de
s'organiser défensivement dans le Nord ce que font les Belges en inondant la
vallée de l'Yser. Le 10 novembre, les Allemands se résignent à leur tour à
passe sur la défensive après une dernière attaque dans les Flandres, sur la Lys
et à Dixmude Le 13 novembre, le front se stabilise de la mer du Nord à la
frontière suisse.
Vers
quatre ans de guerre
Après la
bataille de la Marne, les partisan de l'offensive qui sont nombreux dans chaque
camp disposent d'un vaste espace de manœuvre. Il leur permet de lancer un large
débordement d'importance stratégique. Or, par trois fois, ils ont fait ce que le
général Juin a appelé en 1944 des "débordements à portée de fusil".
Pourquoi ? Tout simplement parce que ni les uns ni les autres ne possèdent les
moyens nécessaires pour entreprendre des enveloppements de grande ampleur. Il
leur aurait fallu disposer d'une masse importante de cavalerie qu'ils n'ont pu
ou voulu entretenir dès le temps de paix. À défaut, un corps motorisé aurait pu
convenir, mais, l'indus trie d'avant 1914 n'aurait pu satisfaire.
Henry
Dutailly, UNC-52.
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