LA 7e D.I. DANS LES COMBATS D'ETHE,

CONSEQUENCES DE "L'ATTAQUE A OUTRANCE"

La 7e D.I. est commandée de la mobilisation jusqu'au 24 septembre par le général de Trentinian.

 

Elle se compose de la 13e Brigade (101e et 102e R.I.) et de la 14e Brigade (103e et 103e R.I.), d'un escadron du 14e Hussards et de 3 groupes de 75 du 26e R.A.C..

Dates

Rattachement

Situations

Août 2.

4e C.A.(IIIe A.)

Mobilisée dans la 4e région.

5-10 août. - Transport par V.F. à Verdun.

10-21 août. - Couverture sur l'Othain dans la région de Maugiennes.

21-24 août. - Offensive vers le nord, en direction de Latour.

Engagée, le 22 août, dans 1a BATAILLE DES ARDENNES :

combats vers Ethe et vers Ruette.

24 août-3 septembre. - Repli sur la Meuse, vers Brieulles-sur-Meuse :

Le 25 août, combat de Marville.

Août 28.

2e C.A. (IVe A.)

A partir du 26 août, arrêt derrière la Meuse, dans la région de Romagne-sous-Montfaucon, puis vers Beauclair :

Août 29.

4e C.A. (IIIe A.)

Les 30 et 31 août, combats vers Beauclair et Tailly.

Sept 2.

4e C.A. (G.M.P.)

1er septembre, reprise du mouvement de repli, par Saint-Juvin et Vienne-le-Château, vers Sainte-Menehould.

3-7 septembre.- Transport par V.F., de Sainte-Menehould, vers Villemomble

Sept 7.

4e C.A. (VIe A.)

7-13 septembre. - Transport par taxi-autos et par V.F. dans la région de Nanteuil-le-Haudouin.

A partir du 8 septembre, engagée dans la 1re BATAILLE DE LA MARNE.

Du 8 au 10, BATAILLE DE L'OURCQ :

Combat, vers Bouillancy et vers Silly-le-Long.

A partir du 10, poursuite, par Retheuil et Attichy, jusque dans

la région Tracy-le-Val, Carlepont.

13-19 septembre. - Engagée dans la 1re RATAILLE DE L'AISNE :

Violents combats vers Puisaleine et vers le bois Saint Mard.

19 septembre-27 décembre. - Retrait du front; mouvement, par Compiégne et Moyenneville, vers Lassigny.

 

L'Etat-Major français depuis 1913 était convaincu que l'Infanterie devait attaquer "à outrance" remettant en cause toutes les idées antérieures de manœuvre. Cette doctrine s'avéra erronée, inefficace et très coûteuse en vie humaine. Elle ne fut définitivement abandonnée qu'après la catastrophique offensive Nivelle de 1917 !!

 

Les documents ci-après nous ont été transmis par Jacques de Trentinian, petit-fils du général de Trentinian. Merci pour son aide !

 

 

 

 

 

Le Général de division de Trentinian

 

Lettre du Général Audibert, le 22 août 1937, au Général de Trentinian

 

LOIZELINIÈRE 22 Août 1937

PAR CLISSON (23 ans après Ethe.)

LOIRE INFÉRIEURE

Mon Général,

Je vous suis reconnaissant de m'avoir envoyé votre livre sur la poignante affaire d'Ethe.

En l'écrivant, vous avez défendu victorieusement l'honneur non seulement de la 7e Division, mais encore de toutes ces magnifiques troupes qui, en Alsace, Sarrebourg, Morhange, Maissin, Charleroi, ont été à l'attaque d'enthousiasme, pour obéir à la nouvelle doctrine, sans s'occuper de la vieille notion de sûreté abolie par Grandmaison, sans se douter que depuis 1905 la mitrailleuse, celle terrible faucheuse, était la maîtresse du champ de bataille.

Notre doctrine de l'offensive et de l'attaque générales, qui ne tenait pas compte de la puissance des armes modernes, a abouti finalement à une dispersion des forces et, partout, notre élan s'est brisé sur des feux infranchissables.

Ce n'est pas l'exécution qui lui discutable, mais bien la conception. D'ailleurs, partout le résultat fut le même, alors que, on est obligé de le reconnaître, nous avions une Armée splendide, des Cadres instruits, et, toujours, le meilleur soldat du monde.

Seulement, l'instruction des Cadres était faussée, depuis qu'un nouveau règlement avait bouleversé les vieilles règles de sûreté :

- manœuvre sur le renseignement,

- gain de temps par les avant-gardes,

- dispositif en profondeur, afin de s'engager d'après les circonstances.

J'ai, en 1913, dans la revue militaire générale, dirigée par le Général Langlois, dénoncé le danger et l'erreur de la nouvelle doctrine, en un article intitulé, : " Offensive générale, attaque parallèle"

Mais je n'étais qu'un Capitaine de Cavalerie, et l'Infanterie s'était emballée à fond derrière Grandmaison.

La surprise d'Ethe, comme les autres surprises du front, a été préparée par le haut commandement qui, croyant surprendre lui-même, n'a pas permis de pousser en avant la cavalerie de corps, n'a pas détaché les avant-gardes et qui, faute de renseignements, a prescrit une marche alors qu'il fallait ordonner une attaque ou une résistance.

Qu'ainsi engagée dans Ethe, la 7e Division ait pu tenir toute la journée et repousser l'ennemi car, le 22 Août an soir, devant vous l'ennemi s'est replié, cela est tout à l'honneur des exécutants depuis le simple soldat jusqu'au Commandant de Division. Et il est profondément regrettable que ce soit sur eux que l'on ait voulu faire retomber la responsabilité de l'échec - échec qui ne fut d'ailleurs tel que pour ceux qui croyaient tout enlever par l'élan et la simultanéité des efforts : "attaquer l'ennemi partout où on le rencontrera" !

J'ai, ici, Mon Général, à me faire pardonner une erreur de rédaction. Le Général Aubert qui, dites-vous, (page 72) a critiqué les opérations de la 7e Division, n'est autre que moi-même.

J'ai écrit en effet : "Sur le front de la 7e Division, le 14e Hussard n'a pu, le 21 Août, franchir la ligne d'eau Basse-Vire-Ton, que l'ennemi tient par le feu. Cependant, l'ordre de la 7e Division ne donne pas ce renseignement ... Comment le 22, n'y aurait-il pas eu surprise "

J'aurais dû dire évidemment : "Cependant, l'ordre du 4e Corps ne donne pas ce renseignement" ... car, l'ordre de la Division, lui, ne fut et ne pouvait être faute de temps, qu'un simple ordre préparatoire; et d'ailleurs, ne pouvait reproduire des renseignements que l'échelon supérieur n'avait pas donnés.

Ce qui est regrettable, c'est que le 14e Hussard n'ait pas été mis à vos ordres auquel cas, il n'eut pas manqué de vous communiquer ses renseignements, ce qu'il eut dû faire, quand même, puisqu'il stationnait dans votre zone.

L'engagement défectueux dans Ethe, est sorti inévitablement - en dehors des doctrines que vous avez signalées : suppression du renseignement, le chef à l'avant-garde - du retard mis dans l'envoi des ordres.

L'ordre du Corps d'Armée ne sort qu'à minuit. Il n'arrive à la division qu'à 2 heures ! et le 14e Hussard et l'avant-garde doivent passer à Ethe à 5 h, donc partir de leur cantonnement avant 4 h.

C'est un record qu'en deux heures les ordres aient pu passer par les Brigades, les Régiments, les Bataillons, les Compagnies, pour arriver jusqu'à l'exécutant. Mais, ce record établi, il n'en reste pas moins que la mise en route précipitée est forcément défectueuse. L'Infanterie et la Cavalerie s'entremêlent pour passer à la même heure au Point Initial d'Ethe.

Cela seul écarte toute faille imputable au Général Commandant la 7e Division : la Cavalerie de sûreté du Corps d'Armée, n'avait aucune avance sur l'avant-garde de la Division. Donc : ni sûreté du chef, ni sûreté de la troupe, d'après l'ordre même du Corps d'Armée.

Les dispositions prises à 5h 30, à Gomery, par le commandant de la Division, sont un retour heureux aux anciens principes : 1 Bataillon à droite, 1 Bataillon à gauche de l'Avant-garde, c'est la tombée en garde qui a sauvé la Division.

Quant à la présence du Commandant de la Division dans Ethe, elle a été injustement critiquée. Le Commandant de la colonne, d'après le Règlement, devait marcher à l'avant-garde. Du moment que la cavalerie n'avait pas renseigné à temps et que l'avant-garde avait dû s'engager inopinément, le général de Division se trouvait, par la force des choses, sur la ligne de feu au lieu d'être sur la crête en arrière, à l'observatoire.

Qu'il soit resté jusqu'à midi dans Ethe, au lieu de se retirer précipitamment, ne saurait être blâmé. Si l'avant-garde s'est accrochée à Ethe et a pu y tenir jusqu'au soir, c'est, sans doute, la présence du Commandant de la Division qui a obtenu ce magnifique résultat.

Il semble que la Bataille d'Ethe gagnée sur le terrain ait été perdue dans l'esprit du Colonel Lacotte, qui n'a pas jugé possible d'exécuter les ordres de son chef et, surtout dans celui de l'officier de liaison du 4e Corps qui, ayant vu l'engagement décousu de l'avant-garde et l'ayant laissée dans Ethe en situation difficile, n'a pas cru qu'elle y pourrait tenir.

La magnifique résistance de la 7e Division à Ethe, peut être qualifiée de victoire. Le 22 au soir, en effet, le bataillon Le Merdy, laissé sur le terrain pour couvrir le repli de la Division, voyait devant lui se retirer l'ennemi et restait maître du champ de bataille.

Un commandement supérieur qui eût su conduire sa bataille eût pu profiter de la résistance tenace de l'avant-garde, qui fixait l'ennemi de front, pour ordonner une attaque vers l'est, dans le flanc des forces qui repoussaient le 5e Corps.

A l'échelon de la Division, la Bataille était gagnée.

A l'échelon Corps d'Armée, l'inertie du commandement n'a pas permis d'utiliser ce succès

A l'échelon Armée, il ne pouvait y avoir conduite de la bataille, puisque les Corps et Divisions s'engageaient chacun pour son compte, et qu'il n'y avait derrière aucune réserve.

Je voudrais, Mon Général,

le jour où je paraîtrai devant le Dieu des Armées,

avoir été le Commandement de la 7e Division à la bataille d'Ethe.

Et je vous prie de trouver ici, l'expression très respectueuse de mes sentiments tout dévoués

Le Général AUDIBERT,

ancien Commandant de la 3e Division de Cavalerie,

ancien chef de Bataillon aux 293e & 401e RI

Ancien professeur de tactique

à l'Ecole Supérieure de guerre (1).

(1) Le Général Audibert m'a autorisé à publier cette lettre qui fait si grand honneur au caractère de son auteur.

Général de TRENTINIAN

Préface du livre Général de TRENTINIAN :

"ETHE", La 7e Division du 4e Corps dans la bataille des Frontières. (10 Août au 22 Septembre 1914)

Publié en 1937 par Imprimerie-Librairie Militaire Universelle L. Fournier

 

PRÉFACE

Depuis 1870, la France, sans cesse menacée d'une nouvelle invasion, avait fait les plus grands sacrifices pour mettre sur pied des forces militaires capables de barrer la route aux armées allemandes.

Les effectifs des troupes du temps de paix égalaient presque ceux de l'armée allemande, le service de trois ans et même celui de deux ans, permettait de créer d'excellents cadres de sous-officiers et de faire du soldat un homme instruit, discipliné, confiant dans ses chefs, profondément pénétré de ses devoirs à l'égard de la Patrie.

Des forts et places fortes s'étaient élevés des Vosges à la mer du Nord et même sur les falaises de Champagne. Un réseau de nouveaux forts encercla la capitale.

Dans les années qui précédèrent la guerre, la nation fut moins attentive aux dangers d'une invasion : mais les chefs de l'armée n'avaient cessé d'avoir les yeux fixés sur nos frontières de l'Est.

La confiance de l'armée dans la supériorité de l'offensive, dans cette furia francese qui si souvent nous avait donné la victoire, en exaltant la combativité à tous les rangs de l'armée avait eu, il est vrai, pour conséquence l'adoption par le futur généralissime, de dangereuses doctrines tactiques et stratégiques, l'abandon de divers forts et places fortes; et l'infériorité de notre artillerie lourde. Il ne fut tenu aucun compte des sages objections des écrivains militaires les plus autorisés: Bonnal, Lanrezac, Pétain, Foch, Ruffey ....

Le 21 et le 22 août, depuis Charleroi jusqu'aux Vosges, après des échecs sanglants, toutes nos armées battaient précipitamment en retraite, poursuivies de près par un ennemi enivré de sa victoire; l'aile droite allemande n'était plus, le 2 septembre, qu'à quelques kilomètres de la capitale.

Cependant, telle était la valeur de l'armée française qu'elle allait accomplir une des plus belles actions que puisse nous offrir l'histoire militaire : au signal donné par le Généralissime, les IIIe, IVe, Ve Armées s'étaient arrêtées sur place, avaient fait face à l'ennemi et après quatre jours d'une lutte héroïque, l'adversaire, dont l'aile droite avait été surprise et attaquée par la VIe Armée, dût reculer, puis abandonner hâtivement le champ de bataille.

Ce fut le miracle de la Marne.

" Qu'une armée venant de reculer à marches forcées pendant de longues journées épuisantes de fatigue pût se redresser et reprendre l'offensive cela n'entrait pas dans les calculs " a dit le général Von Klück, commandant la 1ère armée allemande.

Au moment même où le Généralissime remportait la victoire de ta Marne, nos armées des Vosges, battues à Morhange et à Sarrebourg, avaient repris elles aussi l'offensive et rejeté l'aile gauche allemande au delà de la Seille.

Au Nord et à l'Est l'invasion allemande. était arrêtée et l'ennemi reculait, Paris, la France étaient sauvés.

Dans son discours de réception à l'Académie française le maréchal Joffre a prononcé des paroles qu'il importe de ne jamais oublier : " Qu'auraient pu faire ces généraux et ces Etats-Majors, en face d'un ennemi redoutable, disposant de moyens supérieurs, s'ils n'avaient commandé aux plus magnifiques soldats du monde ? "

Tel est le soldat français quand il est bien encadré, instruit, discipliné. prêt à sacrifier sa vie pour la Patrie; mais disons aussi qu'aurait-il pu faire s'il n'avait été bien commandé ? Cependant, soit avant, soit après la Marne, plus de cent généraux, dont bon nombre sortaient de l'Ecole de guerre., se virent privés de leurs commandements. Tous avaient conduit leurs soldats au feu avec une énergie incontestable; après la défaite, ils les avaient ralliés, ils avaient gardé leur confiance. A la Marne n'avaient-ils pas eu leur part dans la victoire ?

Si ces généraux furent inaptes, gravement coupables, il fallait les faire passer devant des conseils d'enquête et même des conseils de guerre.

Pour les juger, l'histoire ne saurait se contenter des documents fournis par le G. Q. G.; Lanrezac, Gallieni, Maunoury, Sarrail, Castelnau, .le maréchal Pétain lui-même n'ont pas échappé aux critiques injustifiées des anciens officiers du G. Q. G. qui rédigèrent les mémoires du maréchal Joffre.

Comment, dès lors, ne pas mettre en doute la valeur des rapports établis par ce G. Q. G. pour justifier le renvoi du front de tant de généraux?

Que des généraux aient commis des fautes, il était inévitable qu'aux premiers contacts avec l'ennemi, quelques-uns se soient révélés inférieurs à la valeur qu'on leur avait attribuée. Leurs fautes n'ont d'ailleurs guère compté dans la défaite de toutes nos armées. Les meilleures troupes commandées par un Foch n'avaient-elles pas subi à Morhange un sanglant échec ? Une seule division laissa plus de 5.000 hommes sur le champ de bataille.

La vraie cause de la défaite fut l'offensive à outrance et cette stratégie dont le général Lanrezac a pu dire : " On reste confondu à la pensée de jouer le sort de la France sur une pareille carte. "

Quant aux Etats-Majors qui ont fait preuve au cours de la guerre de si remarquables qualités, que valaient-ils en l'année 1914 ? Comment, en 1914, les officiers d'Etat-Major s'acquittèrent-ils du rôle que l'Ecole de guerre et les règlements eux-mêmes entendaient donner à ces auxiliaires du commandement ?

" On vous demandera d'être le cerveau de l'Armée " avait dit le colonel Foch à ces élèves de l'Ecole de guerre et il avait ajouté: " Aujourd'hui, le génie lui-même aura besoin d'auxiliaires remplis d'initiative et bien stylés. Combien plus un général ne comptant pas parmi les étoiles de première grandeur devra être complété."

Le rôle attribué à l'Etat-Major fut précisé par le service des armées en campagne (2 décembre 1913) :

1° Préparer pour le Général les éléments de ses décisions;

2° Traduire ses décisions sous forme d'instructions et d'ordres;

3° Compléter les instructions et les ordres par toute mesure de détail nécessaire que le Général n'aurait pas arrêtée lui-même ;

4° Assurer la transmission des instructions et des ordres et, le cas échéant, d'en contrôler l'exécution.

En évoquant le souvenir des heures d'angoisse qu'il avoue avoir vécues au lendemain de la défaite de ses armées, le maréchal Joffre a rendu un solennel hommage au Corps d'Etat-Major et il a exprimé une admiration sans bornes pour les officiers du G. Q. G.

Dans son discours de réception à l'Académie française, le 19 décembre 1918, le maréchal Joffre s'est exprimé ainsi:

" A notre Corps d'Etat-Major, qui fut notre force au début de la guerre et qui l'est demeuré, malgré les pertes cruelles qui ont éclairci ses rangs, je tiens à rendre ici un hommage solennel à ses mérites, à sa probité, à sa conscience, à son savoir.

" Au cours des premières semaines de la guerre, jamais nous n'aurions pu faire ce que nous avons fait si les grands Etats-Majors d'armée n'étaient demeurés comme des rocs dans la tempête, répandant autour d'eux la clarté et le sang-froid. Ils entouraient leurs chefs, sur qui pesaient les responsabilités les plus lourdes, d'une atmosphère de confiance saine et jeune qui les soutenait et les aidait. Ils gardaient dans le labeur le plus épuisant, au cours d'une épreuve. morale terrible, une lucidité de jugement, une facilité d'adaptation, une habileté d'exécution d'où devait sortir la victoire.

" De tous ces Etats-Majors, le plus cher à mon cœur est le G. Q. G. où j'ai vécu les heures les plus angoissantes de ma vie dans le calme qui donne au chef la certitude d'être entouré d'hommes dévoués et instruits qui placent, au-dessus de tout, le bien de leur pays. Les hommes qui, se dégageant de toute autre considération ont assumé la tâche la plus difficile, ont bien mérité de la France. "

L'histoire des guerres nous montre des situations tragiques comme celle où s'est trouvée l'armée française le 23 août 1914. Alors, la vie même de la nation dépend du sang-froid du chef, de l'exemple qu'il donnera à tous.

Admirons avec le maréchal Joffre le courage, la valeur morale de l'ardente jeunesse qui l'entourait; mais admirons d'abord le chef qui aux yeux de tous resta calme, impassible, décidé même à recommencer la bataille quelques jours plus tard. Il fut " comme un roc dans la tempête " ; dès lors, chacun garda son sang-froid ou se ressaisit.

Dans sa tendresse pour son Etat-Major, le maréchal n'a gardé que le souvenir de son infatigable dévouement, de la rude besogne accomplie par ces hommes d'élite. Il a voulu oublier les circonstances où son Etat-Major n'a malheureusement pas montré une lucidité de jugement dont allait peut-être dépendre le sort de nos armées.

Le 14 août, le général Lanrezac se rend au G. Q. G. pour convaincre le Généralissime du danger auquel était exposée notre aile gauche déjà menacée par des forces considérables. Il ne put convaincre ni le général Belin, ni le général Berthelot et le Généralissime se rangea alors à leur avis.

Le 17 août, tard dans la soirée, arrive au, G. Q. G. un précieux renseignement : " D'après un observateur, en avion allemand, fait prisonnier, le lieutenant Muller, la IIe Armée allemande comprendrait les IXe VIIe et Xe C. A. plus 3 C. R. en seconde ligne; ces 4 mêmes numéros de corps actifs ont été retrouvés sur la carte du lieutenant Muller. Le renseignement recueilli confirmait donc les prévisions faites par le 2e bureau du Ministère de la Guerre.

Cependant, dans ses mémoires, le maréchal Joffre déclare qu'il ne connut que plus tard la présence des C. R. allemands.

Mieux averti par un Etat-Major - qui se mettait un bandeau sur les yeux - le maréchal Joffre eut, sans doute, renoncé à jeter les IIIe et IVe Armées dans les Ardennes. Les succès de ces deux armées, comme l'avait écrit Bernardy, n'auraient rendu que plus critique leur situation Avant qu'elles eussent atteint le Rhin, Paris serait tombé dans les mains de l'ennemi.

A la IIIe Armée, là aussi, l'Etat-Major n'a pas toujours fait preuve des qualités que lui attribue si généreusement le maréchal Joffre. Pour ne citer qu'un exemple, il n'a, sans doute, dépendu que de cet Etat-Major que la IIIe Armée fut victorieuse le 22 août 1914 :

En apprenant que le 5e Corps qui avait échoué dans son offensive battait en retraite, poursuivi par le 13e Corps allemand, le général commandant la IIIe Armée songea aussitôt à jeter tout ou partie du 4e Corps dans le flanc des colonnes ennemies.

Après de vaines attaques contre le 4e Corps, le 5e Corps allemand avait dû battre en retraite; couvert par le 2e Corps entièrement libre de ses mouvements dès 17 heures, le général Boëlle aurait pu facilement exécuter l'heureuse attaque conçue par le commandement. Malheureusement, l'Etat-Major de la IIIe Armée, faute d'avoir suivi les différentes phases des combats livrés à Ethe et à Virton affirma au général Ruffey que la 8e division se défendait difficilement et que la 7e division était en déroute, ses généraux tués. Quant au Général commandant le 4e Corps, sans liaison avec sa 7e division il resta immobilisé sur le champ de bataille.

A en juger par les faits exposés par le commandant Grasset, de la section historique, dans son étude sur la bataille Ethe-Virton, non seulement l'Etat-Major de la IIIe, Armée, mais celui du 4e Corps n'avait évidemment pas en août 1914 les qualités que l'Ecole de guerre demandait aux officiers d'Etat-Major.

Ces deux Etats-Majors n'ont ni "complété", ni même toujours aidé le commandement.

Il est vrai que les chefs seuls sont responsables; du moins faut-il leur donner des Etats-Majors sachant leur métier, "remplis d'initiative et bien stylés".

Le G.Q.G. a relevé durement, souvent à tort, les fautes des généraux; mais, à l'inverse de ce qui s'est passé chez l'adversaire, il a voulu ignorer les insuffisances manifestes de divers Etats-Majors.

En temps de paix, les Etats-Majors n'ont-ils pas été trop absorbés par les travaux du bureau ? Comme le souhaitait Bonnal, ont-ils toujours eu dans les exercices extérieurs des instructeurs à hauteur de leur rôle ? Tous les généraux ont-ils été suffisamment préparés au commandement des trois armes ?

L'histoire nous fixera à cet égard.

" L'Ecole de guerre, a dit le maréchal Pétain, fidèle à une méthode éprouvée doit assurément continuer à alimenter aux récits des batailles d'hier ses méditations et ses travaux. Mais, elle doit y trouver non des modèles, mais des leçons. "

Pour que les leçons qu'offre la guerre de 1914 soient profitables, il faut que les historiens disposent de tous les documents qui leur permettront d'écrire une histoire complète, véridique. Alors, il est indispensable qu'aux historiques des Corps, aux ordres, rapports et comptes rendus, aux récits les plus divers et enfin aux mémoires rédigés par l'Etat-Major du maréchal Joffre, s'ajoutent les souvenirs, les mémoires des généraux qui ont pris une part quelconque aux batailles de 1914 à 1919. C'est de ce devoir que je me suis inspiré en relatant et étudiant le combat livré à Ethe par la 7e division le 22 août 1914.

L'histoire de la grande guerre ne donne sur ce combat que ces quelques lignes :

" ..La 7e division du 4e Corps et la 9e division du 5e Corps ont essuyé des surprises et ont fait des pertes sérieuses. "

La bataille d'Ethe-Virton a été l'objet d'une étude complète et remarquable du commandant Grasset, de la Section historique. Ses pages relatives à la 7e division se terminent ainsi :

" Ce fut une victoire taillée dans le bloc de la bataille de frontières, le nom glorieux d'Ethe symbolisera le souvenir des sacrifices sublimes et des actes héroïques qui ont pu être égalés, mais qui n'ont pu être dépassés. "

En complétant cette étude du commandant Grasset par mes souvenirs personnels, en y apportant quelques rectifications sur des points d'ailleurs secondaires, en commentant les ordres tels qu'ils ont été donnés et leur exécution, enfin, en répondant aux critiques auxquelles donnèrent lieu les dispositions prises par le Général commandant la 7e division, j'apporte ma sincère contribution aux historiens.

C'est aussi sous mon commandement que la 7e division a livré du 10 août au 22 septembre les combats de Billy-sous-Mangiennes, de Marville, de Tailly, de Nanteuil-le-Haudouin, de Lassigny. J'ai donc cru utile de consacrer quelques pages à ces combats dans lesquels les troupes de la 7e division ont fait également preuve des plus belles qualités militaires. En plusieurs circonstances, elles ont joué un rôle essentiel dans la bataille.

 

DE TRENTINIAN

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